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- des habitations, que complèteront l'examen des cheminées et des moyens de chauffage, et celui des divers procédés d'éclairage pour les appartements. Rien n'est indifférent pour la conservation de la santé dans la disposition de chacune des parties constituantes d'une maison, et il y a, pour chacune, des conditions de salubrité en dehors desquelles l'habitation peut avoir des inconvénients très graves.

Nous passons en effet notre vie dans l'appartement que nous avons choisi, soumis constamment, à toutes les heures du jour et de la nuit, à l'influence bonne ou mauvaise de son aménagement intérieur. Il est pour nous, selon sa disposition, un ami ou un ennemi intime, une chance de maladie ou de santé. Bien aéré, bien salubre, bien tenu, il concourt puissamment à maintenir le jeu libre, régulier et facile de nos organes: obscur, mal ventilé, infect, privé de la lumière solaire, il nous fait vivre dans un air qui est un poison lent. Inévitable et sensible à tous les âges, son influence est particulièrement grande chez les enfants, dont l'organisation est si impressionnable. Quelle santé, quelle force physique peut-on espérer pour des êtres qui vivent dans l'air infect des masures de vieux quartiers? Etiolés, souvent rachitiques et scrofuleux, dévoués en grand nombre à la phthisie pulmonaire, ils portent, sur leur visage pâle et amaigri, l'empreinte ineffaçable du milieu dans lequel ils sont condamnés à traîner leur existence. Ceux des ouvriers qui travaillent au grand air échappent en partie à l'action délétère du domicile; mais beaucoup, les femmes surtout, ont des professions sédentaires, et rien ne les arrache aux conséquences de la respiration incessante d'un air infect et lourd, loin de l'impression vivifiante du soleil. N'est-ce pas un empoisonnement lent que l'usage, pour boisson, d'une eau qu'ont altérée les filtrations des matières fécales en dehors des fosses? Tout est digne de l'attention la plus sérieuse dans la disposition des différentes parties de nos habitations.

§ 2. MATÉRIAUX. CONSTRUCTION. - Les entrepreneurs de maisons jouissent d'une liberté beaucoup trop étendue ; ils disposent, en quelque sorte, de la vie des citoyens. Quand ils ont obtenu de la voirie un permis de construire,

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en se conformant à certaines conditions d'alignement, liberté pleine et entière leur est accordée de bâtir comme ils l'entendent. Un entrepreneur n'a d'autre objet que celui de retirer le plus de bénéfices possible de sa construction; avare de l'espace, il condense le plus de locataires qu'il peut sur un emplacement donné: il n'a pas la faculté de s'étendre à son gré en largeur, mais rien ne le gêne quant à la hauteur de l'édifice, et il profite de cette latitude pour entasser étages sur étages. Peu lui importe que la hauteur démesurée de ces maisons n'ait aucune proportion avec la largeur de la rue, qu'elles transforment en un couloir sombre et étroit. Satisfait s'il a réussi à donner à sa façade un certain aspect architectural, il ne prend aucun souci de la bonne disposition de l'intérieur.: l'escalier est étroit, rude et obscur, les appartements sont des cellules que séparent de minces cloisons; tout est incommode au dedans, mais l'extérieur a quelque apparence, et c'est assez. La même incurie préside au choix des matériaux de construction : le mortier est mal préparé, le plâtre est de mauvaise qualité, les bois ne sont point secs; en peu d'années les planchers faibliront, et il y aura des lézardes aux murailles; mais qu'importe encore? l'entrepreneur a construit sa maison non pour l'habiter, mais pour la vendre ce but atteint, l'acquéreur s'entendra comme il pourra avec ses locataires.

Les Conseils de salubrité de Paris et des départements ont insisté souvent sur la nécessité de soumettre la construction des maisons à des règles sanitaires, en rapport avec les connaissances acquises sur l'influence que la santé reçoit des habitations, et avec les besoins nés de la condensation d'un grand nombre d'individus sur une surface étroite. Ils ont demandé une loi qui réglât les constructions dans les villes, sous le double rapport de la salubrité publique et privée : tant que la législation n'interviendra pas pour commander à tous, la santé des citoyens sera livrée en proie à la cupidité des entrepreneurs. Qu'on examine ce qui se passe dans les grandes villes: on leur a ôté leurs jardins l'un après l'autre, et plus d'une fois leurs places publiques ont été menacées. On abat ces beaux hôtels dont on admirait les larges et doux escaliers, et les appartements vastes et bien aérés. Ces édifices, dont le confortable était si juste

ment cité, sont transformés en véritables ruches entassées les unes sur les autres, sans dégagement et presque sans air atmosphérique. Il n'y a plus de grandiose dans l'aménagement intérieur, et bientôt on n'y trouvera pas même le nécessaire : on pourrait sans doute prendre son parti sur l'absence du luxe, mais on ne saurait avoir la même incurie, lorsque la santé des citoyens est positivement compromise.

Il faut que les matériaux d'une maison bien construite, au point de vue sanitaire, aient une grande solidité et soient d'une qualité excellente. Quelques villes doivent à leur voisinage de carrières estimées un très grand avantage; plusieurs n'ont pas le choix. Les pierres doivent être dans un bon état hygrométrique et être de mauvais conducteurs du calorique ; si les murs sont trop minces, ils n'ont pas une résistance suffisante; s'ils ont une trop grande épaisseur, ils restent longtemps humides. De tous les matériaux avec lesquels on peut les construire, les pierres calcaires sont les meilleurs, du moins quant à la solidité; on ne peut adresser aucun reproche, sous le rapport de la salubrité, à la terre à pisé.

On revêt d'un enduit les murailles soit à l'extérieur, soit à l'intérieur. A l'extérieur, elles sont blanchies tantôt à la chaux, tantôt au plâtre, et quelquefois couvertes d'un enduit à l'huile, le plus cher, mais le plus propre et le plus durable de ces récrépissages. En peu d'années les intempéries atmosphériques et surtout les fumées des cheminées noircissent la surface extérieure des maisons; elle devrait être blanchie au plus tard tous les cinq ans. Ce badigeonnage donne aux villes un aspect toujours désirable de propreté ; il détruit les miasmes dont l'épiderme des murs est imprégné, et donne aux appartements, placés en face, une plus grande clarté. Au temps du choléra, la plupart des maisons dans les villes que menaçait l'épidémie, ont été blanchies à la chaux sur tous les points de leur surface; c'était une très bonne précaution. Quelques villes de la Hollande et de la Belgique sont entièrement peintes à l'huile au dehors; cet enduit résiste beaucoup à l'action de l'air et de la fumée, et les pluies le nettoient au lieu de l'altérer.

On revêt les murailles, dans l'intérieur des appartements soit d'un badigeonnage, soit de papiers peints, quelquefois de

tentures en étoffe, et très souvent de boiseries vernissées. 11 y aurait quelque inconvénient, sous le rapport de la santé, à laisser la paroi intérieure des murs dans son état brut.

Quelques entrepreneurs élèvent des maisons en bois et en briques on voit beaucoup d'habitations de ce genre dans les faubourgs de villes très bien bâties du reste. Ces constructions sont légères, assez solides et peu coûteuses; mais elles ont un inconvénient capital, le danger de l'incendie. Presque toutes finissent par brûler, sort commun aux salles de spectacle: elles prennent feu très facilement, et il n'y a presque aucune possibilité d'arrêter les progrès de la flamme: c'est alors que des quartiers entiers disparaissent. Les maisons qui brûlent si souvent à Constantinople, par centaines et par milliers, sont construites en bois légers. On ne devrait pas permettre, dans les quartiers populeux, des constructions qui mettent en un si grand péril la vie de leurs habitants.

On bâtit très souvent des maisons entièrement avec de la terre à pisé, moins les fondations; une fâcheuse expérience, celle qui a suivi l'inondation de 1840, a fait connaître le vice de ce mode de construction. Battues par les eaux débordées, plusieurs centaines de maisons se sont écroulées sur le littoral de la Saône et du Rhône, depuis Châlons jusqu'aux murs d'Arles: en quelques heures, des maisons qui paraissaient fort solides s'affaissaient sur leur base détrempée. Elles ont été reconstruites, mais les murailles ont été bâties en pierre jusqu'à un niveau supérieur à celui des plus hautes eaux.

§ 3. HABITATION DES MAISONS RÉCEMMENT CONSTRUITES. Tous les médecins ont signalé, d'un commun accord, le danger qui suit l'habitation immédiate des maisons récemment bâties; ils ont observé des maladies très graves et souvent incurables dont elle était la cause, et se sont efforcés de réclamer contre une pratique aussi funeste. Il est des grandes villes pour lesquelles cette imprudence est un fléau non moins redoutable qu'une épidémie; grand nombre de leurs habitants sont affectés de scrofules et de douleurs rhumatismales, provoqués et entretenus par le voisinage de pierres de taille et du plâtre humide. Cependant un seul coup-d'œil jeté dans l'intérieur

des maisons neuves révèle leur insalubrité : la main posée sur la muraille reconnaît la vapeur d'eau, sensible quelquefois à l'odorat; les papiers des tentures se décollent et moisissent sur place; les vêtements et le linge sont constamment humides et se couvrent parfois de taches jaunâtres et tenaces; le sel se liquéfie à l'air. Comment le corps de l'homme ne ressentirait-il pas l'action de cette insalubrité avec laquelle il est nuit et jour en contact?

Jean-Pierre Frank demandait une loi qui défendît l'habitation des maisons récemment construites avant un an, à partir du jour où elles sont achevées ce temps est suffisant à peine pour l'entière dessication des murs qui ont une certaine épaisseur. Une maison qu'on a commencé à bâtir au printemps, est rarement terminée à la fin de l'automne, et l'évaporation de l'eau et du plàtre est très faible pendant l'hiver: il faut donc encore un printemps et un été pour rendre les murs parfaitement secs. Ce délai fait perdre, il est vrai, à l'entrepreneur l'intérêt de son capital pendant une année; il peut contrarier l'impatience d'un locataire ou d'un propriétaire empressé de jouir: mais qu'importe l'ajournement du revenu, en présence d'une considération bien autrement importante, la santé de plusieurs familles, qui serait infailliblement compromise par l'habitation d'appartements dont le plâtre et le mortier ont encore une très grande partie de leur eau ? Les administrations municipales doivent-elles plus d'égards à un intérêt d'argent qu'à la vie des citoyens? Aucune maison neuve ne devrait être habitée sans une permission de l'autorité, délivrée après une enquête faite par des hommes compétents et consciencieux. Malheureusement les choses ne se passent pas ainsi.

Lorsqu'un entrepreneur a construit une maison, et, d'ordinaire, avant qu'elle soit terminée, il se hâte de faire un appel aux locataires : c'est surtout en matière de santé que la population est imprévoyante; pour elle, l'expérience de la veille ne profite jamais au lendemain. Un appartement est à peine quitté par le maçon, qu'il se rencontre des gens assez imprudents pour s'y loger; ils n'attendent pas même toujours que le plâtre soit entièrement sec, et placent leur lit immédiatement auprès d'un mur encore humide. Cependant le plâtre, au moment où il se soli

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