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d'immondices sur tous les points de la voie publique, les émanations d'égoûts découverts, etc. Il faut ajouter à ces causes puissantes de viciation de l'atmosphère l'absence de ventilation, l'humidité constante des rues et des murailles, l'insuffisance d'eau pour les usages domestiques, l'entassement de grand nombre d'individus, souvent malsains ou malades, dans des chambres trois ou quatre fois trop étroites pour leur population. Chaque maison, dans ces vieux quartiers, est un véritable cloaque, dont les émanations délétères, dégagées à toutes les heures du jour et de la nuit, deviennent l'une des parties constituantes de l'atmosphère de la cité. Ce n'est point tout: il faut placer encore au premier rang des poisons atmosphériques les gaz incommodes ou dangereux d'un grand nombre de fabriques.

Tous les médecins, tous les Conseils de salubrité sont d'accord sur ce fait, que l'altération de l'air par des émanations délétères, est la cause principale des maladies si graves qui affligent les classes pauvres dans les grandes villes : il est démontré à chaque page de l'enquête officielle que le gouvernement anglais a fait faire, en 1844, sur l'état sanitaire des principales villes de la Grande-Bretagne. Les plus meurtrières et les plus fréquentes de ces maladies sont les affections tuberculeuses, la phthisie, et le scrofule sous toutes ses formes: elles déciment les classes pauvres, et exercent, surtout, leurs ravages chez les enfants. Les vieux quartiers, les rues sombres, humides et boueuses, les maisons insalubres où s'entassent grand nombre d'ouvriers, sont les pourvoyeurs ordinaires des hôpitaux on peut les considérer comme un choléra en permanence. Ces lieux infects sont habités par une population cacochyme, au teint blafard, aux chairs molles et débiles, aux membres émaciés et sans vigueur; c'est un véritable poison, dans l'acception physique du mot, que l'air qu'on y respire; nous ne saurions le redire assez. Ce poison a une action débilitante; il prédispose surtout aux maladies asthéniques. Après la consomption et le scrofule, apparaissent en grand nombre, dans les quartiers malsains des villes, les douleurs rhumatismales, la leucorrhée, les gastralgies et les gastrites chroniques. Des pères cachectiques donnent le jour à des enfants rachitiques et déformés, de bonne heure, par des vices de confor

mation : une rue insalubre met chaque année une partie de la population en coupe réglée.

Il faut tenir compte de l'influence de la lumière solaire; elle a une action particulière qu'il importe de signaler. C'est un stimulant de l'espèce la plus salutaire; sans lui, l'organisme humain s'affaiblit et s'étiole. Rendre l'intérieur des maisons, dans les grandes villes, largement accessible à la lumière et à la chaleur solaire, c'est prévenir le développement d'un nombre considérable de maladies, et se ménager un moyen de plus pour en guérir beaucoup. Dupuytren donnait ses soins à une femme dont rien ne pouvait rétablir la santé délabrée. Cette malade habitait une chambre étroite et sombre, dans une rue où les rayons du soleil ne pénétraient jamais. Dupuytren reconnut que le mal était causé par l'absence d'action de la lumière solaire; il fit placer cette femme dans une chambre bien ventilée et longtemps visitée par le soleil: la guérison fut très prompte. M. James Wylie a cité un fait bien remarquable de l'influence salutaire de la lumière solaire. Une grande baraque, à St-Pétersbourg, était habitée par un nombre considérable d'individus. Elle avait deux côtés, l'un bien éclairé par le soleil, et l'autre toujours à l'ombre; on remarqua, pendant une série d'années, qu'il y avait constamment trois fois plus de malades dans celui-ci que dans l'autre. M. Edwards a fait des expériences curieuses sur des tétards; il les nourrissait bien, et les tenait constamment en contact avec de l'eau, dans un lieu entièrement privé de lumière. Ces animaux croissaient, mais leur développement entier s'arrêtait, et ils n'éprouvaient pas la transformation qui les rend aptes, en plein air, à respirer l'air atmosphérique.

Il est un puissant modificateur de l'air qu'il convient d'étudier sous le rapport de la salubrité : c'est le vent. On verra bientôt combien d'espèces diverses d'émanations délétères peuvent infecter l'atmosphère; si elles y demeuraient, si elles n'étaient éparpillées et transportées à de grandes distances par les vents et les orages, la respiration ne serait bientôt plus possible. Ce sont les vents qui sont les grands agents de dispersion des gaz incommodes et insalubres; ils importent donc beaucoup aux habitations et aux villes. Il faut étudier ceux qui règnent habituellement dans une contrée dont on désire connaître l'état sanitaire;

leur point de départ, leur direction, et la nature des lieux sur lesquels ils passent avant d'arriver au point qui est le sujet d'observation, sont autant de circonstances dont il est fort essentiel de se rendre compte. Une appréciation générale de l'action d'un vent quelconque, du midi ou du nord, par exemple, enseigne peu de chose, si on l'isole des conditions de localité.

Tous les observateurs sont d'accord sur ce fait, que les contrées les plus salubres sont celles qui, bien abritées contre les vents d'ouest et du midi, sont exposées aux vents d'est et du nord. Humides et chauds, les vents du midi traversent les couches inférieures de l'atmosphère, et ne dispersent pas à de grandes distances les miasmes insalubres. Ceux qui passent sur les sables ardents de l'Asie et de la Lybie, franchissent la Méditerranée, s'imprègnent de ses émanations, et, venant s'amortir dans les terres d'Europe, provoquent et accélèrent la décomposition des matières organiques. Venus par-delà l'océan Atlantique, les vents d'ouest amènent avec eux la neige, la pluie et les orages. Les vents d'est sont des vents de terre, secs d'ordinaire et salubres. Plus salutaires encore, les vents du nord soufflent dans les régions supérieures de l'atmosphère; ils ont passé sur des régions de neige et de glace, et sont secs et froids. Ces vents arrêtent la putréfaction, rétablissent la pureté de l'air, assainissent la voie publique en la desséchant, et stimulent le corps de l'homme, auquel ils donnent un sentiment de force et de vigueur.

Ces considérations sont modifiées par beaucoup de circonstances particulières; il est des contrées pour lesquelles l'action du vent du nord n'est rien moins qu'un bienfait; il en est qui s'accommodent fort bien du vent du midi. Le seul fait général qui demeure, c'est la grande utilité d'un vent quelconque pour l'assainissement de l'atmosphère.

Ce qui importe le plus à une ville après un air salubre, c'est de l'eau de qualité excellente, et en grande quantité.

$ 4. DE L'EAU.-L'eau est demandée, dans les villes, par de nombreux besoins. Il en faut beaucoup et de qualité excellente pour la boisson des habitants; le service des ménages en consomme une quantité très grande; il en faut des masses

considérables pour les bains, les manufactures, l'arrosement des rues, le nettoiement des égoûts, etc.; enfin, on doit en tenir une certaine quantité en réserve, dans chaque quartier, pour le cas d'incendie. Une ville ne saurait avoir trop d'eau, surtout d'eau bien salubre; si elle n'en a point assez, plusieurs conditions sanitaires très essentielles ne sont point remplies. Il n'y a plus de propreté dans les ménages et sur la voie publique ; il est impossible de nettoyer et d'assainir convenablement les rues; enfin, une vase épaisse encombre bientôt les égoûts. Une bonne administration municipale doit ranger au premier rang de ses devoirs, le soin de mettre à la disposition de chaque habitant une quantité d'eau qui ne soit pas mesurée avec trop de parcimonie. Les villes qui sont boueuses, sales, infectes, sont celles qui manquent d'eau; aucune ne peut être propre et salubre si elle n'en possède une très grande quantité. Donner abondamment de l'eau à une ville qui n'en a pas ou qui en a peu, c'est lui rendre le plus signalé des services.

Elle est fournie par les puits, par les bornes-fontaines, par les fontaines, par les pompes ou par des réservoirs, qu'alimentent soit des sources, soit un fleuve. Toutes ces eaux ne sont pas à beaucoup près égales sous le rapport de la qualité, et il y a un choix à faire entre elles. Une bonne eau potable est inodore, sans saveur, limpide, fraîche, et d'une température qui ne dépasse pas en moyenne quinze degrés centigrades: elle dissout parfaitement le savon et cuit bien les légumes. On sait, depuis très longtemps, que l'eau très pure n'est pas la meilleure comme eau potable; ainsi, l'eau distillée est lourde et d'une digestion difficile: une longue observation, qui s'est formulée de diverses manières, a enseigné qu'une bonne eau potable devait contenir des carbonates calcaires, dans de certaines proportions. La nature de cet Essai ne nous permet que quelques indications générales. Il y a, d'ailleurs, beaucoup de diffé rences dans les qualités physiques et chimiques des eaux, selon les localités. En général, on ne devrait pas faire usage pour boisson d'une eau prise directement dans une rivière ou dans un fleuve; elle n'a presque jamais la fraîcheur et la limpidité désirables, alors même que sa composition ne laisse rien à désirer. Il faut donc la filtrer, et la maintenir à la tem

pérature normale de quinze degrés centigrades, par des procédés particuliers dont la pratique n'est pas toujours économique et d'un effet certain. Les eaux d'un fleuve peuvent être fort bonnes, mais les eaux de source sont préférables, toutes les fois qu'elles sont à portée: on sait quels immenses travaux d'architecture les Romains s'imposaient pour les recueillir sur des points très éloignés du lieu de la consommation: leurs aquedues sont demeurés l'un des monuments qui font le plus d'honneur au génie de cette grande nation. La ville de New-Yorck est abondamment pourvue; elle a conduit dans son enceinte une rivière qui fournit à chacun de ses nombreux habitants quatre fois plus d'eau que n'en possèdent les populations de Paris et de Londres. Sous ce rapport, le luxe c'est le nécessaire; cinq litres d'eau par individu et par jour, ce n'est point assez; dix sont un chiffre proportionnel plus convenable; il est des villes dont les habitants en possèdent deux à peine par tête; aussi sont-elles dans des conditions sanitaires déplorables.

CHAPITRE III.

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§ 1. DES MAISONS. Les conditions de salubrité et d'insalubrité des maisons importent beaucoup à connaître; elles tanbrassent des considérations d'ordres divers que nous examivenons successivement. Ce sont d'abord le choix des matériaux comconstruction, la hauteur et la contenance de la maison, morientation, la ventilation; vient ensuite l'examen particulier, sau point de vue sanitaire, des cours, allées, escaliers, magasins et boutiques, caves, rez-de-chaussée, étages inférieurs, étages supérieurs, toiture, et celui des portes et fenêtres. Il y a, de plus, à déterminer dans chaque appartement, les meilleures conditions de salubrité des cuisines, de la salle à manger, de la chambre à coucher et des autres parties de l'habitation. L'étude des latrines, des fosses d'aisances et des procédés de vidange, est l'un des points fondamentaux de l'histoire hygiénique

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