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Il est des bières qui sont frelatées avec de la chaux et même avec de la suie; cependant ces falsifications sont assez rares: elles donnent pour produit un liquide amer et qu'il est difficile de boire. Un autre genre de fraude, beaucoup plus commun, consiste à remplacer le houblon par des plantes amères, d'an prix moins élevé, telles que les feuilles de ménianthe, et à fabriquer la bière avec du sirop de fécule.

Le café en grains ne peut guère être falsifié, mais il s'altère quelquefois, à fond de cale, dans son passage au travers des mers; à l'état pulvérulent, il peut être mélangé d'une quantité plus ou moins grande de poudre de chicorée, de pois chiches, de fèves ou de haricots. Rien n'est plus ordinaire que les fraudes sur le thé on colore l'espèce noire avec le bois de campêche, ou on augmente son poids avec une sorte de sable ferrugineux ; il est rare de trouver des thés de bonne qualité.

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§ 6. FALSIFICATION DES CONDIMENTS ALIMENTAIRES. sels de cuivre ne sont pas employés seulement pour la coloration des bonbons; on s'en sert aussi pour la teinture en beau vert de condiments très usités, par exemple, des cornichons. Il est un moyen fort simple de constater la présence du poison, qui est, d'ordinaire, de l'acétate de cuivre ou un tartrate double de cuivre et de potasse; on plonge une lame de couteau décapée dans l'intérieur du cornichon, et on l'y laisse quelques instants. Si le vinaigre contient du cuivre, la lame métallique se colore en rouge. De tous les modes de préparation, le meilleur c'est de mettre les cornichons dans du bon vinaigre qui n'a pas bouilli; ils deviennent jaunâtres, mais leur goût est excellent.

C'est pour prévenir la formation de sels de cuivre fort dangereux, qu'on impose à tous les vinaigriers l'obligation de substituer aux robinets en cuivre des robinets en bois. D'autres robinets récemment inventés paraissent d'un usage commode et économique; ils sont en fonte, vernissés et garnis de caoutchouc. Aucune action du vinaigre sur un métal n'est à redouter, et l'instrument fonctionne très bien.

On falsifie très fréquemment le sel de cuisine avec des sulfates de soude et de chaux, ou plus souvent encore avec du

nitrate de potasse; le bon marché de ce produit ne le met nullement à l'abri de la fraude; il en est une qui peut être fort nuisible, c'est le mélange de la poudre de Warech au sel.

On frelate les vinaigres en les fabriquant, non avec le vin, mais avec d'autres substances, ou en les mélangeant avec des sels de plomb, de zinc ou de cuivre. Une des falsifications les plus communes consiste à y introduire une certaine proportion d'acide sulfurique; ainsi dénaturé, le vinaigre perd ses bonnes qualités et peut devenir nuisible.

Le sucre n'échappe point à ces manœuvres de la cupidité. Nous n'avons rien à dire du mélange des cassonnades avec du plâtre, de la craie, de la farine, etc.; elle est facile à reconnaître et ne paraît point pratiquée autre part qu'à Paris, du moins dans une certaine étendue. On connaît la falsification du sucre avec la glucose (sucre de fécule de pommes de terre). Le sucre de fécule est beaucoup moins cher que le sucre de canne; mélangé avec lui, il en abaisse le prix et la qualité. On sait que la glucose n'est pas soluble immédiatement, et qu'elle forme un dépôt au fond des vases dans lesquels on la fait fondre. Traité avec une solution de potasse, le sucre de canne fournit un mélange coloré en brun; la liqueur est noire s'il a été falsifié avec une quantité, même très minime, de sucre de fécule. Si on fait chauffer jusqu'à ébullition un tube fermé à l'une de ses extrémités, qu'on a rempli d'un mélange de 5 grammes de sucre, d'eau distillée et d'un gramme de potasse, la liqueur est incolore lorsque le sucre est pur; elle brunit quand le sucre a été mêlé de glucose, et sa coloration est d'autant plus intense, que la quantité ajoutée de sucre de fécule a été plus considérable. D'autres procédés, dont l'extrême sensibilité de la potasse est aussi le principe, ont été conseillés pour constater la fraude; nous n'avons point à nous en occuper.

§ 7. BONBONS COLORIÉS, PASTIllages. Les bonbons coloriés ont fixé, d'une manière spéciale, l'attention de plusieurs membres des Conseils de salubrité de Paris et du Rhône. Des accidents graves leur avaient été dénoncés ; ils s'étaient assurés qu'aux approches du premier jour de l'an, plusieurs enfants

s'étaient trouvés très gravement incommodés par l'usage de pralines et de pastilles préparées avec des couleurs qui sont des poisons très énergiques, et deux de ces petits malades avaient failli succomber à une violente inflammation d'entrailles. Des bonbons d'un très beau vert avaient été peints avec des sels de cuivre, et en contenaient une quantité considérable; d'autres étaient coloriés avec du chromate de plomb, un mélange de gomme-gutte et de bleu d'indigo, du vert de Schéele, du sous-acétate de cuivre, etc. Quelques enfants ont été empoisonnés pour avoir sucé des papiers verts dont les bonbons ont été souvent enveloppés, et qui sont coloriés, tantôt avec le vert de Schweinfurt, tantôt avec un mélange de cuivre et d'arsenic, quelquefois avec le vermillon, le jaune de chrome ou des oxydes de cuivre. Un projet d'ordonnance de police a été présenté à l'Administration municipale de Lyon; ses principales dispositions sont calquées sur le rapport que le Conseil de salubrité de la Seine adressa au préfet de police. D'après un arrêté de ce fonctionnaire, il est expressément défendu aux confiseurs de se servir d'aucune substance minérale pour colorer les liqueurs, bonbons, dragées, pastillages et sucreries ou pàtisseries de toute espèce; ils ne doivent employer que des substances végétales, à l'exception de la gomme-gutte et de l'orseille. Il leur est interdit d'envelopper des bonbons ou sucreries avec des papiers blancs, lissés ou coloriés avec des substances minérales. Les fabricants et marchands sont personnellement responsables des accidents occasionnés par les liqueurs, pastilles et autres sucreries qu'ils auront fabriquées et vendues. Ces précautions sont des garanties suffisantes pour la santé publique; le Conseil de salubrité de la Seine en indique encore une autre, que nous avons également recommandée. Une commission du Conseil visitera les magasins de confiseurs et les ateliers de fabricants de bonbons, un mois avant le premier jour de l'an et une seconde fois avant le premier janvier. Elle saisira et fera détruire toutes les sucreries qui auront été coloriées avec des substances dangereuses, et dressera procèsverbal contre les délinquants; enfin, le lendemain du jour de la saisie, les noms des confiseurs chez lesquels elle aura eu lieu, seront signalés au public par la voie des journaux et des affiches.

§ 8. BOISSONS, ALIMENTS ET COSMÉTIQUES NOUVEAUX. L'Administration a consulté plusieurs fois les Conseils de salubrité sur la valeur de boissons, d'aliments ou de cosmétiques dont elle ne croyait pas devoir permettre l'usage sans autorisation. Elle a reçu plusieurs rapports sur diverses espèces de café indigène, sur l'allathaim des Arabes, sur le gengerbeer, sur le Berg-op-zoom, sur un extrait liquide de plantes amères, sur une pommade cosmogène, sur une eau de cannelle vierge, sur une essence virginale, etc. Ces préparations sont, pour l'ordinaire, fort innocentes; mais des considérations graves invitent les Conseils de salubrité à être très réservés dans leurs conclusions: elles obligent, presque toujours, à refuser un rapport officiel. En effet, les inventeurs de ces cosmétiques, breuvages ou aliments nouveaux, n'ont pas d'autre objet que celui de faire une spéculation lucrative; ils accumulent, dans leurs annonces, les affirmations les plus exagérées, et distribuent à profusion des prospectus qui ont, au plus haut degré, le défaut caractéristique du genre. Lorsqu'on leur accorde un rapport approbatif, que veut-on dire? une seule chose, c'est qu'il n'y a rien dans la préparation nouvelle qui paraisse insalubre ou dangereux; et, en aucun cas, les Conseils de salubrité ne prennent la solidarité des promesses emphatiques de l'affiche. Que fait cependant l'industriel? il exploite son autorisation, et place, très expressément, sous une responsabilité médicale, toutes les assertions mensongères du prospectus. C'est au nom d'une société de médecine, ou d'un Conseil de salubrité qu'il sollicite la confiance du public. Si, pour obtenir notre autorisation, il suffisait à une recette quelconque d'être composée de substances inoffensives, les Conseils de salubrité seraient sollicités chaque jour par tous les charlatans des villes, et le discrédit de leurs assertions s'étendrait, infailliblement et à bon droit, jusqu'à ces corps savants eux-mêmes. Ils doivent donc se borner, dans les cas de ce genre, à déclarer qu'ils ne voient rien d'insalubre dans la recette dont l'examen leur est soumis, mais qu'il n'y a pas lieu à un rapport.

CHAPITRE X.

FALSIFICATION DES MEDICAMENTS.

Rien ne nous parait démontrer davantage la certitude de la médecine et l'utilité de cette science, que sa permanence parmi tant de causes qui tendent à détruire toute confiance en elle; attaqué chaque jour par la fraude, l'ignorance ou le charlatanisme, l'art de guérir n'en subsiste pas moins et conserve toujours un rang honorable parmi les connaissances humaines. S'il pouvait être renversé et réduit au rang de ces vaines sciences dont le nom seul est demeuré, il faudrait en accuser, non le scepticisme très logique de Montaigne, ou les sarcasmes de Molière, mais la blâmable conduite de certains hommes qui lui prêtent leur

concours.

Nous ne dirons pas de la falsification des médicaments tout ce que nous avons vu et tout ce que nous savons; si nous voulions esquisser un aperçu complet d'un tel sujet, ce chapitre, l'un des plus courts de notre Traité de la salubrité, en serait le plus étendu; membres, pendant quinze années, d'un jury médical, nous avons examiné de près les intolérables abus qui ont lieu chaque jour, et surpris quelques-uns des secrets de certains laboratoires de pharmaciens. On ne peut plus avoir qu'une foi conditionnelle aux médicaments, quand on sait de quelles drogues ils sont souvent composés, et de quelle manière on les prépare.

Mettons d'abord hors de cause la science pharmaceutique considérée en elle-même, elle a rendu d'immenses services à la médecine et contribué beaucoup à ses progrès: la chimie lui doit de belles découvertes. Il n'y a rien de commun entre son état présent et ce qu'elle était il y a un demi-siècle. Il

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