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une longue discussion sur ce sujet, le Conseil de salubrité du Rhône formula, à l'unanimité, cette conclusion: Les écarrisseurs peuvent continuer en toute liberté l'exercice de leur industrie; aucun danger ne saurait accompagner l'usage, comme aliment, de volailles et de porcs nourris de la chair de chevaux atteints de la morve. Mais les porcs, nourris par les écarrisseurs, peuvent être atteints de diverses maladies nées d'autres causes; ils sont livrés à la consommation sans avoir été l'objet d'aucune surveillance; le Conseil est d'avis qu'il y aurait lieu à les faire examiner préalablement par un artiste vétérinaire. Saisi de la même enquête, le Conseil de salubrité de la Seine a été plus explicite encore selon lui, l'Administration doit favoriser de tout son pouvoir, et par des motifs puissants d'éconómie administrative et d'hygiène, les modifications adoptées par certains industriels dans le régime des porcs destinés à l'engrais. Sous le rapport de l'économie administrative, on donnera aux chevaux hors de service une plus grande valeur; une nouvelle branche d'industrie très lucrative sera créée : on livrera à la population une masse plus abondante de nourriture animale, et on trouvera le moyen de tirer un parti avantageux de produits autrefois en partie perdus. Le Conseil établit que la viande des porcs nourris ainsi sera bonne et salubre; qu'elle n'aura ni mauvais goût, ni mauvaise odeur, et que la cuisson et l'action digestive détruiront tous les principes qu'un aliment mal choisi aurait pu introduire dans les chairs destinées à devenir notre propre nourriture; qu'enfin, il n'y a pas de moyen meilleur pour détruire tous les chantiers d'écarrissage, et faire disparaître ces hideux établissements, si nuisibles à la valeur des propriétés voisines.

Les viandes fumées des charcutiers ont causé, assez fréquemment, des accidents graves : nous ferons, à ce sujet, une observation importante. Toute fermentation dans les chairs destinées à nous servir d'aliments devient inoffensive par la cuisson; mais si elle a lieu après que ces substances animales ont été soumises à l'action du feu, des maladies dangereuses peuvent la reconnaître pour cause. Nous avons eu occasion d'observer des irritations violentes des voies digestives, caractérisées par des vomissements et par des coliques aiguës, et qui étaient sur

venues brusquement après l'usage, comme aliment, de jambon et de saucissons avariés. Ces accidents présentent, dans leur ensemble, les phénomènes de l'empoisonnement; la fermentation développe, dans les viandes gâtées des charcutiers, un principe vénéneux dont la nature n'est point encore positivement déterminée, mais qui a été plusieurs fois mortel. On a trouvé des quantités notables d'oxyde de cuivre et un peu d'oxyde de plomb dans des andouilles que des charcutiers négligents avaient fait cuire au moyen de chaudrons de cuivre mal récurés et mal étamés. Si le caractère de cet essai ne nous avait pas interdit des recherches d'érudition, nous eussions cité Ides faits très concluants. Un médecin allemand a recueilli cent trente-cinq observations d'empoisonnements causés par des viandes fumées ou des viandes de charcuterie; dans quatrevingt-quatre de ces cas, les accidents se sont terminés par la mort. Nous exprimons le vœu que l'Administration municipale fasse faire périodiquement des visites générales chez les charcutiers, pour examiner l'état de leurs ustensiles, et détruire ceux de leurs comestibles qui sont gâtés.

La chair des poissons s'altère et se putréfie avec une grande promptitude, surtout pendant l'été. On doit interdire celle d'animaux qui ont été recueillis morts spontanément ou empoisonnés avec des substances narcotiques, et surveiller, avec une attention particulière, les poissons de mer qu'on apporte dans nos marchés; ils sont fréquemment avariés. On sait que les moules ont produit plusieurs fois un véritable empoisonnement, dont on a vainement cherché la cause; faut-il l'attribuer à un commencement de putréfaction, aux substances dont se nourrit l'animal, ou à une disposition particulière de l'estomac? Selon M. Bouchardat, du cuivre se développe quelquefois, par le fait de la nutrition, dans les moules, et en quantité assez considérable pour produire les symptômes de l'empoisonnement. Vieilles ou malades, les huîtres perdent les qualités qui les font rechercher; elles sont sujettes à une véritable épidémie ; on les colore quelquefois avec des sels de cuivre pour leur donner une belle couleur verte.

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$ 4. CÉRÉALES, FARINE, PAIN. Les céréales, les farines et le pain peuvent être avariés et falsifiés de différentes manières.

Des causes diverses peuvent enlever aux premières leurs qualités nutritives; on connaît plusieurs maladies des grains, la carie, la rouille, etc.; elles altèrent profondément la farine. Un champignon microscopique se développe quelquefois sur le grain et lui communique des propriétés vénéneuses : tel est l'ergot, dont l'action, si fâcheuse sur l'économie animale, s'accompagne de convulsions et de gangrène. Mûris trop vite, les grains n'ont pas assez de fécule; on connaît le rachitisme des blés et la mauvaise condition du pain qui a été fabriqué avec des blés germés, moisis ou avariés par les insectes. D'autres fois les céréales sont mélangées à des graines parasites sans vertu nutritive ou de nature malfaisante.

Les farines peuvent être mal moulues et mélangées avec le son; elles peuvent provenir de grains mouillés pour en augmenter le poids. Conservées dans des lieux qui ne sont pas secs, elles s'altèrent, rancissent, prennent une couleur rougeâtre, une saveur àcre et piquante, et exhalent une odeur aigre et fétide. On les falsifie en les mélangeant, tantôt avec des substances nutritives plus pesantes, mais de qualité inférieure, tantôt avec des substances inertes qui en augmentent le poids, telles que la craie, le gypse, et quelquefois avec des matières vénéneuses. Nous avons été chargés, en 1845, de l'examen de farines qui contenaient de l'arsenic en assez grande quantité; plus de soixante-et-quinze cas d'empoisonnements accompagnèrent immédiatement l'usage du pain qu'elles avaient servi à faire; aucun, heureusement, ne fut mortel. On ignore par quel accident le poison s'était mêlé à la substance alimentaire : mais dans d'autres cas, il y a eu intention criminelle, mort des individus qui avaient mangé le pain arséniqué, poursuites judiciaires et condamnation capitale.

Le pain peut être mauvais et de nature indigeste dans plusieurs circonstances; il est quelquefois mal levé, mal cuit, carbonisé d'autres fois il contient plus d'eau que la panification n'en comporte; elle a été retenue dans la mie, pour en augmenter le poids, par une cuisson précipitée. On sait combien

le pain moisi est désagréable au goût. Il y a deux genres de moisissures dans l'un, le pain se couvre de taches d'un gris bleuâtre et d'un long duvet; son odeur a une fétidité particulière; dans l'autre, on remarque sur le pain des taches d'un rouge vif, qui paraissent dues aux sporules de plantes appartenant au genre oidium. Nombre de boulangers, qui n'avaient pas d'intention coupable, mettaient du sulfate de cuivre pendant la panification, pour corriger la mauvaise qualité de farines humides; ce sel a une action énergique sur la fermentation panaire il fait lever vivement la pâte. On a exagéré les conséquences de cette falsification. M. Kuhlmann pense que, même à la dose d'un dix-millième, le sulfate de cuivre ne saurait produire d'accidents graves; il n'en est pas moins convaincu de l'urgente nécessité de sévir, de toute la rigueur des lois, contre l'introduction, dans le pain, des plus minimes quantités d'un sel vénéneux; introduction qu'il considère, avec raison, comme un véritable attentat à la santé publique. Il entre beaucoup d'alun dans le pain que Londres consomme; on mêle quelquefois un kilogramme de ce sel à 127 kilogrammes de farine, qui donnent quatre-vingt pains de 2 kilogrammes, et par conséquent 12,40 grammes d'alun par pain. D'autres fois, on altère le pain en introduisant dans la farine du sulfate de zinc, du sous-carbonate de magnésie ou du carbonate d'ammoniaqué, pour faire lever la pâte. On trouvera beaucoup de renseignements sur ce point dans le beau travail de M. Gaultier de Claubry, qui a pour sujet la fabrication du pain par le pétrissage à bras et par machines. Quelques boulangers de Paris vendent, sous le nom de pain de chiens, un pain destiné, en effet, à ces animaux, mais dont nombre de familles pauvres se nourrissent: il est fabriqué avec des farines avariées ou de qualité inférieure, dans lesquelles le gluten a perdu toutes ses qualités normales.

C'est le gluten qui fait la richesse de la farine; elle est d'autant meilleure qu'elle en contient davantage : c'est lui qui donne à la pâte la faculté de se lever et de se convertir en pain. Il n'y en a point dans les farines de seigle, de féverolles et de haricots; on n'en trouve pas dans la fécule de pomme terre. C'est la falsification avec la fécule qui est la plus

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commune; mais il y a, pour la constater, des procédés fort exacts. Un ancien boulanger fort capable, M. Boland, a imaginé un petit instrument, l'aleucomètre, au moyen duquel il apprécie la quantité et la qualité du gluten; tant qu'il n'y a pas 10 pour 100 de fécule, la fraude offre trop peu de bénéfice pour être bien redoutable. Passé ce chiffre, selon M. Dumas, on peut la reconnaître s'il y a 30 pour 100 de fécule, la panification devient impossible. Le pain préparé avec la farine mêlée d'un septième de farine de riz, est salubre, nourrissant et fort agréable au goût.

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$ 5. FALSIFICATION DES BOISSONS. Le vin et la bière sont après l'eau les boissons les plus usitées; leur qualité est altérée souvent, soit par la fraude, soit par une décomposition spontanée, amenée par des causes locales. Ainsi, les vins qui ont une proportion trop faible d'alcool, passent facilement à l'aigre dans des caves trop chaudes; d'autres prennent un goût de tonneau ou deviennent amers.

De toutes les falsifications des vins, la plus commune est, au point de vue sanitaire, la moins coupable: c'est leur mélange avec une quantité d'eau plus ou moins grande. Dans cet état, ils perdent en grande partie leur action stimulante sur l'organisme, et n'ont ni force ni saveur. Une autre manière de changer leur nature, sans en faire cependant une boisson insalubre, consiste à y introduire, selon le résultat qu'on veut obtenir, une certaine quantité de sucre ou d'alcool; d'autres fois on mélange les vins entre eux pour corriger les défauts de l'un par les qualités de l'autre. Ces falsifications ne sont pas précisément nuisibles, et sont quelquefois une nécessité; mais il est beaucoup de fraudes qui sont moins innocentes : ainsi, on colore des vins factices avec des bains d'yèble ou de troène; les bois d'Inde et de Fernambouc, et le tournesol, servent au même usage. On falsifie aussi le vin avec du poiré; des vins aigres sont frelatés souvent avec du protoxyde de plomb (litharge) ou avec de la céruse (carbonate de plomb); ces vins prennent une saveur sucrée, mais styptique et métallique : leur usage peut donner lieu à des accidents très graves.

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