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du sang par la poudre de charbon de bois, puis on ajoute de la chaux vive, et, pour augmenter la puissance de l'engrais, on mélange, avec le sang ainsi traité, des crottins de mouton, des os pilés, de la suie; puis on fait dessécher au four ces matières, très riches en molécules organiques azotées. Il n'y a rien d'insalubre et même de très incommode dans ces procédés de fabrication de l'engrais cruorique, surtout lorsque les établissements sont situés à grande distance des habitations; les Conseils de salubrité peuvent les autoriser aux conditions suivantes: 1° le sang apporté dans les ateliers n'y pourra pas séjourner plus de vingt-quatre heures avant d'être desséché; 2° tout dépôt de matières organiques autres que le sang, dans ces ateliers, si elles sont à l'état frais, est formellement interdit; 3° nuls débris de l'engrais cruorique ou de matières animales ne seront déposés sur la voie publique.

§ 8. FABRIQUE de bleu de Prusse. C'est encore avec le sang des animaux qu'on a préparé longtemps le bleu de Prusse. Ce précipité, si employé en peinture et dans les arts, résulte de la calcination de matières organiques azotées avec de la potasse; mélange auquel on ajoute un sel de fer péroxidé. On l'obtient de deux procédés très différents sous le rapport de la salubrité. L'ancien est pratiqué ainsi : on mélange du sang desséché, des cornes, des morceaux de cuir et autres substances organiques azotées, avec un huitième environ de potasse, à laquelle on ajoute un peu de limaille de fer, et on fait chauffer le tout dans un creuset, jusqu'à ce que toutes ces matières se soient converties en une pâte, qu'on enlève avec une cuiller en fer et qu'on jette dans une chaudière remplie d'eau chaude. On filtre la liqueur, on lessive de nouveau le résidu, et on obtient le précipité au moyen d'une solution d'un mélange de sulfate de fer et d'alun. Cette fabrication s'accompagne de circonstances graves, qui l'ont fait placer dans la première classe des établissements insalubres. De fortes détonations ont lieu au moment où la pâte est jetée dans l'eau chaude, et, lorsque la solution de sulfate de fer et d'alun est en contact avec la lessive de sang, des

émanations hydrosulfureuses sont dégagées en très grande quantité.

Dans un second procédé, on obtient la précipitation par le ferro-cyanure de potassium cristallisé, corps composé qui ne contient pas de sulfure. C'est par un procédé mixte, mais très innocent, qu'opèrent d'autres fabricants : dans leur atelier, les produits gazeux que dégage la cornue en fonte où se fait la calcination des matières animales, sont ramenés, par un conduit, sous le foyer même qui les brûle et dont ils augmentent l'intensité d'action. Cette combustion transforme les gaz ammoniacaux fétides en acide carbonique, azote et carbure d'hydrogène, qui s'échappent avec la fumée par la gaîne et ne causent aucune incommodité. Ainsi modifiée, la fabrication du bleu de Prusse cesse ainsi d'appartenir à la première classe, et rentre dans la troisième. Les Conseils de salubrité autoriseront ces fabriques, à condition que toutes les cheminées partielles des chaudières viendront aboutir à la cheminée, haute de quinze pieds, du fourneau de calcination, et que les eaux de lessive de la fabrique ne séjourneront ni dans les rigoles ni sur la voie publique.

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L'appareil imaginé par M. D'Arcet ôte au premier procédé de fabrication ses principaux inconvénients; l'opération se fait en une sorte de vaisseau clos, et l'acide hydrosulfurique est brûlé en entier dans le cendrier du fourneau.

$ 9. MATIÈRES ORGANIQUES VÉGÉTALES. FABRICATION DE L'ORSEILLE. L'orseille est une couleur rouge très vive et très belle, que l'on retire de plusieurs variétés de lichen et de parelles, dont les plus ordinaires sont le polypoïdes, le tinctorius, le saxatilis et le lichen parellus. La meilleure espèce vient des Canaries, elle croît sur des rochers battus de la mer; d'autres sont cueillies sur les rochers des îles du cap Vert, des îles Açores, de Madère, et de Corse ou de Sardaigne. La France produit le lichen parellus ou parelle, fort abondant dans les montagnes de l'Auvergne, dans les Alpes et dans les Pyrénées. Cette dernière espèce est la moins estimée. M. Robiquet a donné le nom d'orcine à ce

principe colorant, dont la teinte brillante paraît résulter de l'action de l'air et de l'ammoniaque. On prépare l'orseille par deux procédés, dont l'un range cette fabrication dans la première classe, et l'autre, dans la troisième. Dans l'ancien, on place dans de longs baquets les lichens préalablement bien nettoyés et pulvérisés; puis on les arrose d'une grande quantité d'urine purifiée et clarifiée, et on agite très souvent le mélange le cinquième jour, on ajoute de la chaux éteinte et tamisée, et une certaine quantité d'acide arsénieux et d'alun. On continue de brasser les matières bien à fond; la fermentation s'établit, et, après trois semaines ou un mois, l'opération est terminée : une magnifique couleur rouge s'est produite; elle est dans tout son éclat à la fin de la première année, surtout si on verse de l'urine fraîche dans les baquets.

D'après ces données, on comprend dans quelle classe cette fabrication doit être rangée l'un de ses éléments principaux, l'urine, répand beaucoup d'odeur; c'est une matière première fort dégoûtante. Chaque fois qu'on brasse le mélange, et il faut le faire souvent, une forte odeur ammoniacale se dégage, mais ne s'étend qu'à une petite distance en dehors de l'atelier.

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Un second procédé de fabrication de l'orseille dispense de l'emploi de l'urine, qui est remplacée par l'ammoniaque liquide; conduit ainsi, l'établissement, devenu entièrement inoffensif, passe de la première classe dans la seconde. MM. Martin et Badin sont parvenus à remplacer deux espèces exotiques et fort chères de lichen, par des espèces abondantes et communes mais ce qui caractérise essentiellement leur procédé, c'est la substitution à l'urine, de l'ammoniaque liquide. Ces industriels emploient encore une autre substance qui, jointe à l'ammoniaque, paraît faciliter et accroître l'action de leur orseille dans la teinture: ils ont établi un appel pour les vapeurs ammoniacales, et diminué beaucoup, par là, l'infection de l'atelier, très sensible cependant encore pour les étrangers, surtout lorsqu'on découvre les baquets. Enfin, MM. Martin et Badin ont disposé des moyens d'absorption pour les vapeurs, en plaçant, dans leurs ateliers, des capsules remplies d'acide chlorhy

drique. Leur établissement est vaste; l'atelier de fabrication est assez éloigné des maisons voisines, pour qu'aucune émanation désagréable ne se laisse apercevoir aux alentours.

$ 10. FABRIQUE D'AMIDON.-L'amidon, ou fécule, est une matière blanche, inodore et sans saveur, composée de grains qui sont formés d'une enveloppe tégumentaire, solide, et d'une substance molle intérieure. On la rencontre abondamment dans les pommes de terre et autres végétaux, parmi lesquels le froment doit être placé au premier rang; elle y existe unie au gluten.

On extrait ordinairement l'amidon du froment préalablement moulu; le grain est délayé en une bouillie liquide, au moyen de l'eau ordinaire et d'eau sure. On abandonne ce mélange à lui-même pendant un mois; la décomposition putride s'en empare; une écume huileuse s'élève à la surface, et une odeur très infecte se dégage. Trois couches se forment dans les tonneaux ou bernes : la supérieure est l'eau sure devenue opaque; la moyenne est une matière sédimenteuse à demi liquide; l'inférieure, c'est l'amidon, qui doit être épuré, lavé, passé au tamis, séché et soumis à diverses manipulations avant d'être en état d'être livré au commerce. Ces opérations successives donnent lieu au dégagement abondant d'émanations fétides, qu'explique la décomposition putride des substances azotées : c'est ce grave inconvénient qui a placé les amidonneries dans la première classe des établissements insalubres. Leurs gaz infects n'ont rien qui soit nuisible à la santé de l'homme ou des végétaux, mais ils sont fort incommodes.

Cependant on peut les autoriser aux conditions suivantes : les eaux sures ne seront pas conservées dans les ateliers pour être vendues aux cartonniers et aux corroyeurs; on les fera écouler par un conduit, non au dehors, mais dans le jardin du propriétaire, jusqu'à un puisard qui les absorbera. Tout le sol de l'atelier sera dallé, et un canal souterrain les conduira directement à un puisard ou à une rivière. Une des meilleures précautions, c'est d'imposer aux fabricants comme mesure essentielle, l'obligation de ne pas conserver les eaux sures dans les cuves au-delà du temps nécessaire pour la formation de l'amidon.

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Des procédés très supérieurs à celui-ci, mais dont un brevet d'invention assure l'exploitation à l'inventeur, ont été mis en pratique depuis quelques années; ils ont ôté à cette industrie tout ce qu'elle avait d'incommode pour le voisinage. Il n'y a point de décomposition putride dans la fabrique de Gravelle. Moulu grossièrement et gonflé par son séjour dans l'eau, le blé est introduit dans des sacs de toile et pressé par des cylindres dans une auge circulaire, sur laquelle tombe une certaine quantité d'eau. L'amidon est entraîné avec une partie du gluten dans des réservoirs, et les eaux de l'atelier sont conduites à la rivière voisine avant d'avoir eu le temps de fermenter. Mais, dans ces procédés et surtout dans l'ancien,

on

ne recueille que la fécule et on perd tout le gluten; il est conservé par l'excellent procédé de M. Herpin, de Vervins. Ce pharmacien a eu l'idée fort bonne d'appliquer à la préparation de l'amidon le procédé qui est mis en usage pour extraire le gluten. Transformée en pàte, la farine est divisée en petites masses, qu'on place sur un tamis ovale en toile métallique, et que des femmes pétrissent à l'aide de nombreux filets d'eau tombés d'un tuyau disposé en T; quelques minutes suffisent pour la séparation complète de l'amidon, qu'on soumet à un second lavage. Avec deux ouvriers seulement, M. Martin retire, dans dix heures de travail, l'amidon que contiennent 500 kilogrammes de farine; il en sépare le gluten, et obtient plus d'amidon qu'on ne s'en procurait par l'ancien procédé.

Quand il sera public, ce procédé fera passer les amidonneries, de la première classe des établissements insalubres, dans la troisième.

§ 11. POUDRE FULMINANTE. —Il est une industrie d'origine encore récente, qui a, depuis peu d'années, une très grande extension; elle est l'objet d'un commerce très considérable, soit en France, soit à l'étranger: nous voulons parler des composés divers de fulminate de mercure, auxquels on a donné le nom de poudre, d'amorces et d'allumettes chimiques ou fulminantes. Leur emploi est varié et extrêmement étendu. On sait que les fusils à piston ont pour amorce une capsule, ou petit cylindre de cuivre rempli de poudre fulminante; quant

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