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§ 4. CHLORURES ALCALINS. La fabrication des chlorures alcalins (eau de javelle) donne lieu au dégagement d'une odeur désagréable et incommode lorsque les appareils perdent ; ce qui a lieu quelquefois. Elle est rangée dans la première classe, même quand elle a lieu seulement dans la proportion de 300 kilogrammes au plus par jour; ses inconvénients sont peu considérables. Pour les atténuer, on imposera les conditions suivantes : l'eau de javelie sera fabriquée en vases clos dans des appareils bien lutés, et seulement dans la proportion de 300 kilogrammes par jour; l'atelier ne travaillera qu'une fois au plus tous les trente jours; il sera placé dans un hangar bien clos, dont les jours dépasseront de deux mètres le niveau du sol; enfin les eaux de l'atelier ne couleront point sur la voie publique: elles seront reçues dans un puits perdu, profond de dix mètres et enduit de ciment.

§ 5. MATIÈRES ANIMALES COLLE-FORTE, OSTÉOCOLLE. — Il a été question déjà de la fabrication de la colle-forte; nous ne reviendrons pas sur ses procédés mais c'est ici le lieu d'avertir les Conseils de salubrité de se mettre en garde contre un abus trop commun dans les établissements de première classe.

Un industriel demande l'autorisation d'établir une fabrique de gélatine extraite des os; c'est bien de la gélatine, et non de la colle-forte, qu'il déclare avoir l'intention de faire. Il s'engage à ne se servir que d'os, et s'interdit expressément l'emploi de rognures de peaux et des débris de tendons et aponévroses, qui sont la matière première de la colle-forte, sous le nom de carnasse. Il déclare même qu'il entend se servir du procédé, entièrement inoffensif, de fabrication à vases clos, proposé par M. D'Arcet. Ces promesses, il les fait pour désarmer les oppositions chaleureuses que provoque toujours l'annonce d'un établissement de cette nature; une commission désignée par le Conseil de salubrité, d'après l'invitation du préfet, examine les appareils, et les trouve bien confectionnés. Cependant c'est bien de la colle-forte que l'industriel a voulu fabriquer, et il n'a parlé de gélatine que pour abuser les experts : s'il est autorisé pour ce dernier produit, il se joue des oppositions et se livre à son commerce prohibé, jusqu'au moment où, surpris

en flagrant délit de contravention, il voit l'autorité judiciaire sévir contre lui; ce qui, malheureusement, n'arrive pas toujours.

Voici les principales des conditions à imposer aux fabriques de gélatine : l'emploi de toute autre matière animale que les os secs, pour la fabrication de la gélatine, est interdit; tout dépôt d'ossements à l'état frais, dans l'intérieur des ateliers et du clos, est expressément prohibé; les eaux de l'atelier couleront au dehors, non à l'air libre, mais dans un conduit voûté, jusqu'à un puits perdu ou jusqu'à la rivière; enfin, les vapeurs produites par l'évaporation des dissolutions gélatineuses seront ramenées sur le fourneau principal, et auront, pour voie d'émission, une cheminée haute de vingt à trente mètres, selon les localités.

De semblables conditions doivent être prescrites aux fabriques de noir d'os, dont les émanations ont une odeur fort désagréable; placées quelquefois dans le voisinage de maisons de campagne, elles en sont le fléau, surtout à certaines époques de l'année et lorsque le vent du midi vient à souffler; on ne doit les tolérer qu'avec une grande circonspection.

§ 6. FONDERIES DE SUIF EN BRANCHE (à feu nu ). La graisse du mouton et celle du bœuf sont renfermées dans le tissu adipeux et dans des membranes; pour l'en extraire, on la fond en la soumettant, dans des chaudières, à l'action d'une forte chaleur. Telle est l'industrie qu'on nomme fonderie à feu nu du suif en branche, et dont les Conseils de salubrité ont souvent à s'occuper. Voici, sommairement, en quoi consiste l'opération on met la graisse de mouton ou suif dans une grande chaudière placée sur un feu ardent; armé d'une longue cuiller, un ouvrier agite la masse, et en met les différentes parties en contact plus immédiat avec le calorique. Le tissu adipeux s'ouvre, et il se forme un bain de graisse liquéfiée, qu'on enlève facilement avec une autre cuiller en forme de poche. On soumet à une forte pression le résidu, et on en retire encore une quantité notable de graisse liquide. Ce qui reste se nomme créton, et sert à divers usages. Le suif fondu est consommé par les fabricants de chandelles et par d'autres industriels.

Soumise ainsi à l'action d'un feu porté jusqu'à 160 degrés centigrades, et coupée en petits morceaux, la graisse de mouton, à laquelle on réunit, d'ordinaire, une quantité considérable de matières grasses provenant du bœuf, exhale, en s'échauf-. fant et en se liquéfiant, une odeur fétide et nauséabonde, dont il est difficile de se faire une idée exacte quand on ne la connaît point. Les émanations ne se répandent pas à une très grande distance; mais, lorsqu'on se place dans leur sphère d'action, il est difficile de les supporter; elles n'ont rien d'insalubre, mais elles sont incommodes au plus haut degré. Cet inconvénient si grave n'est point le seul qu'on puisse reprocher aux fabrications de ce genre; elles exposent au danger de l'incendie. A ces deux titres, les fonderies de suif en branche et à feu nu sont rangées parmi les établissements de première classe; elles passent dans la seconde si le suif est fondu, non à feu nu, mais au bain-marie ou à la vapeur. Préférable au premier sous le rapport de la salubrité, ce procédé a l'inconvénient de ne point fournir une si grande quantité de suif fondu; il laisse beaucoup de matières graisseuses dans le tissu adipeux.

Toutes les oppositions aux fonderies de suif en branche ne sont pas fondées sur l'extrême incommodité de leur voisinage; on a parlé d'insalubrité positive, c'était un erreur. Les émanations de la graisse en fusion n'ont aucune action nuisible sur la végétation; elles n'altèrent en aucune façon la santé de l'homme au contraire, nous avons remarqué plusieurs fois la belle santé et l'air de gaîté des ouvriers qui passaient leur vie auprès des chaudières infectes, et dans une atmosphère qui révoltait notre odorat à cinquante mètres de distance.

On comprend, maintenant, pourquoi les fonderies de suif à feu nu sont écartées des villes. On ne peut les autoriser que dans des lieux isolés de toute habitation par une distance d'au moins cent cinquante mètres, et encore faut-il les soumettre à des conditions particulières que nous ferons connaître. Au reste, la fonte du suif en branche, à feu nu, est un procédé vieilli et qui devrait être entièrement abandonné. On extrait parfaitement la graisse au moyen de l'action, sur le tissu adipeux, de l'acide sulfurique faible. Proposé par M. D'Arcet,

ce procédé donne un suif au moins aussi beau que celui qu'on obtient de l'action du feu; il en fournit une quantité plus considérable, et cela sans dégagement sensible d'odeur, et sans perte de matière par la formation de crétons. On verse dans la chaudière un mélange d'acide sulfurique étendu d'eau et la graisse brute; on chauffe jusqu'à l'ébullition, et on agite les matières avec une grande spatule. Bientôt décomposé, le tissu adipeux laisse échapper toute la graisse qu'il contient.

Ce procédé si simple et si économique devrait être pratiqué par tous les fondeurs de suif; mais il rencontre un grand obstacle dans la routine. Comme on ne peut y compter, on protégera la santé publique au moyen des conditions suivantes :

Aucun amas de peaux, de chairs, de tissus musculaires ou vasculaires, substances animales éminemment putrescibles, ne doit séjourner plus de trois jours dans l'atelier.

Il faut que la chaudière soit surmontée d'une cheminée à manteau ou en hotte, disposée de telle sorte que les émanations odorantes y soient recueillies. Quant à la hauteur du tuyau d'émission, elle est subordonnée aux conditions de la localité.

Aucune fenêtre ou porte de l'atelier ne peut être établie au dehors, sur la voie publique, si l'établissement n'est pas situé dans un lieu entièrement isolé.

L'autorisation ne saurait être accordée à une fonderie de suif en branche, à feu nu, dans un quartier populeux, ou dans un riant paysage. Une distance de cent mètres doit séparer l'atelier de toute habitation.

A Paris, les suifs ne peuvent être fondus que dans les abattoirs généraux; il est défendu de les mélanger avec des matières étrangères, avec les graisses de porc dites flambarts, avec des graisses vertes, et, en général, avec les graisses qui sont connues dans le commerce sous le nom de petits suifs.

On a imposé plusieurs fois aux fondeurs l'obligation de n'allumer le feu sous leurs chaudières que la nuit, en limitant le nombre de ces opérations. On a exigé souvent la construction d'un mur d'enceinte, et la clôture des jours qui regardaient unc habitation, même à distance. Ces précautions sont bonnes,

et peuvent être impérieusement commandées par des circonstances de localité.

$ 7. FABRICATION D'ENGRAIS CRUORIQUE. Le sang des bœufs et des moutons qui sont mis à mort dans un abattoir, sert à divers usages dans les arts; il est devenu la base d'un engrais excellent; on peut évaluer sa quantité à plus de 24 hectolitres par jour. Enlevé immédiatement et transporté à l'état frais dans les ateliers de fabrication de l'engrais, il est mélangé aussitôt à la poussière de charbon de bois et à de la chaux vive, qui en absorbent la partie séreuse; on le fait sécher dans un fourneau, et on le réduit en poudre : les 24 hectolitres de sang peuvent fournir 40 kilogrammes d'engrais.

Lorsqu'on fait le mélange de la chaux et du sang, ce liquide animal est déjà décomposé en deux parties, la fibrine où caillot, et le serum au moment du contact, il y a un dégagement abondant d'ammoniaque et d'une odeur cruorique particulière; ces émanations irritantes affectent le nez, les yeux et la gorge, mais leur impression est assez fugace. On ne les rencontre, au reste, qu'à peu de distance de l'atelier. La dessication du sang au moyen du calorique, s'accompagne de l'émission d'une certaine quantité d'huile empyreumatique; si l'atelier est bien tenu, et si la poudre de charbon de bois est desséchée préalablement, ces inconvénients sont fort peu sensibles. On ne trouve pas la fabrication de l'engrais cruorique dans la classification des établissements insalubres à quelle catégorie convient-il de la rapporter? Si nous la plaçons dans la première classe, c'est par analogie, et en ayant égard à la matière première qui sert à la confection de l'engrais. Il faudrait la mettre dans la troisième, si l'on ne considérait que le caractère fort peu délétère des émanations du sang.

Le procédé que nous nous venons d'indiquer est celui de M. Charbonneau, fabricant d'engrais cruorique aux Broteaux, près des Charpennes, à 120 mètres environ du clos de M. Duchamp. M. Léger, autre fabricant d'engrais cruorique, la Guillotière, près du chemin du Sacré-Cœur, opérait à peu près de la même manière. On fait quelquefois absorber le serum

à

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