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ne refuseront certainement pas les pouvoirs nécessaires pour l'exercice de cette inspection, et, mieux que personne, la commission médicale aura qualité pour veiller à la scrupuleuse observation des conditions qu'elle aura indiquées.

Les Conseils de salubrité sont une institution permanente, et dont l'action sur les établissements incommodes ou dangereux n'est jamais prescrite. Ils ont toujours qualité pour donner, à une fabrique dont les procédés sont l'objet de plaintes fondées, des conseils, officieux quand ils viennent d'eux seuls, et obligatoires lorsqu'ils sont revêtus de l'approbation du préfet. On ne doit pas croire que lorsqu'un atelier a reçu une autorisation, il est affranchi à tout jamais de toute surveillance, et pourvu légalement, en cas de trop d'indulgence, du droit d'infecter à toujours les nombreuses habitations qui l'environnent la jurisprudence de tous les Conseils de salubrité et les précédents, sout à cet égard parfaitement d'accord. L'industrie, nous l'avons déclaré plusieurs fois, a grand besoin de sécurité; une autorisation seulement temporaire ne lui permettrait pas de construire des ateliers et de se livrer à des opé rations qui exigent souvent l'avance de grands capitaux. Mais cette vérité, que nous admettons dans son acception la plus large, ne saurait soustraire un établissement dangereux ou incommode à l'exercice d'un droit bien autrement sacré, confié aux Conseils de salubrité, celui de protéger la santé publique contre toute atteinte qui lui est portée. Si nous ne pouvons et ne devons pas limiter à un temps donné, l'autorisation que nous accordons, nous avons très expressément le droit de stipuler des réserves en faveur de l'avenir, dans certains cas particuliers.

Oui, sans doute, nous l'avons dit, l'industrie doit être libre, mais sous la condition expresse de ne point nuire à autrui. Nous ne pensons pas que les membres d'un Conseil de salubrité aient individuellement qualité pour se présenter dans une fabrique réputée insalubre ou incommode, et lui imposer telle ou telle pratique qu'ils croiraient utile. Le Conseil lui-même, agissant comme corps constitué, n'a pas même, selon nous, ces prérogatives, tant qu'il n'agit pas en vertu d'un mandat exprès de l'autorité administrative. Cependant la permanence du

droit de surveillance sur les établissements qui ont été autorisés, n'en existe pas moins dans toute sa latitude; il ne s'agit, pour régulariser son exercice, que d'une simple formalité. Quand une fabrique incommode ou dangereuse donne lieu à des plaintes; lorsque, dans l'absence de réclamations légalement formulées, le Conseil de salubrité croit que les conditions de l'autorisation d'un atelier ont été violées, cette commission sanitaire a mission, en tout temps, pour donner à l'industriel des conseils auxquels l'intérêt de celui-ci veut qu'il ait égard. Si cette intervention est déclinée, si elle n'est point prise en considération, on sollicite celle du préfet, qui ne se fait jamais attendre. C'est peut-être parce que les Conseils de salubrité n'usent point assez fréquemment de ce droit de surveillance sur des établissements autorisés, que l'Administration fait inspecter quelquefois ceux-ci par des experts pris en dehors de ces comités. Toutes les fabriques incommodes ou insalubres sont soumises à un contrôle permanent; l'avis des Conseils de salubrité, quand il y a contestation, doit être appuyé par un arrêté du préfet; mais une formalité à remplir n'est pas la négation d'un droit acquis. Nous avons exprimé le vœu, dans la première partie de ce travail, qu'une mesure administrative, une fois prise, soumit, et les établissements publics, et les principales fabriques insalubres, à des visites qui seraient répétées plusieurs fois dans l'année, et dont l'ensemble serait l'objet d'un rapport annuel que le secrétaire adresserait au préfet. C'est alors seulement que la perpétuité d'une surveillance compétente donnera à l'action des Conseils de salubrité toute l'efficacité qui lui appartient.

Admettre qu'une autorisation accordée par eux à fabrique, affranchit à perpétuité l'industriel de tout contrôle et des améliorations que l'intérêt de la santé publique pourrait exiger, ce serait, non-seulement proclamer leur infaillibilité et leur omnipotence, mais encore laisser un champ libre à la mauvaise foi, au grand détriment de la santé publique. Autorisé pour tel ou tel produit chimique et par tels procédés, un fabricant ne se fait quelquefois aucun scrupule d'en préparer d'autres dont l'exploitation est dangereuse ou incommode au premier chef. On lui a imposé des moyens d'épu

ration de ses gaz, mais l'exécution consciencieuse de ces mesures de salubrité lui paraît onéreuse ou gênante il la néglige, et ne prend aucun souci des dommages auxquels l'exercice de son industrie peut donner lieu, parfaitement certain qu'il ne rencontrera pas d'obstacles sérieux. Dira-t-on que, dans ces deux circonstances très communes, les plaintes du voisinage avertissent à temps l'autorité? elles se font souvent attendre, et lorsque l'Administration est saisie de leur appréciation, le mal est devenu irréparable. On a vu assez souvent, à l'occasion des fabriques incommodes ou dangereuses, que les Conseils de salubrité, tout en accordant leur autorisation, se réservaient la faculté de visiter l'établissement lorsqu'il serait construit et en plein exercice rien de plus sage qu'une semblable mesure; elle protége la santé publique sans gêner aucunement l'industrie. Ils ne reçoivent pas toujours des déclarations sincères; on leur a demandé plusieurs fois l'autorisation de fabriquer tel produit fort innocent, avec l'intention d'en exploiter un autre très incommode ou très insalubre: n'ont-ils pas sagement agi dans ces cas, dont on ne connaît que trop d'exémples, en se réservant le moyen de déjouer la fraude? D'autres fois, les conditions qu'ils avaient imposées à un établissement de première classe n'avaient pas été comprises, ou avaient été très mal exécutées; on se plaignait, et on les accusait de l'oubli du premier de leurs devoirs: n'ont-ils pas été prudents, dans quelques circonstances de ce genre, n'accordant pas une autorisation irrévocable? Ces cas, devons le déclarer, sont assez rares; le principe que les autorisations sont définitives, est la règle ordinaire; une autorisation conditionnelle, c'est l'exception; mais cette exception est essentiellement raisonnable, et l'interdire, lorsque des circonstances particulières la recommandent, ce serait méconnaître le droit de tous les Conseils de salubrité et compromettre la santé publiqne. L'Administration s'en remet sur ce point à eux elle leur laisse un pouvoir discrétionnaire dont ils usent toujours avec mesure.

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nous

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D'autres considérations ne permettent pas d'engager jamais l'avenir par une décision. Un Conseil de salubrité peut se tromper et avoir été trompé; il peut n'avoir imposé à une

fabrique insalubre que des conditions insuffisantes ou illusoires : l'approbation qu'il aura donnée sera-t-elle un titre irrévocable et absolu pour le maintien, sans modifications, d'un établissement vraiment incommode ou dangereux? Qui pourrait soutenir une assertion aussi déraisonnable? Nous devons le redire encore, quelle que soit son autorisation, une fabrique est toujours responsable des dommages qu'elle a causés : il n'y a pas de décision d'un Conseil de salubrité, il n'y a pas même d'ordonnance royale, qui confère à un atelier de première classe le droit imprescriptible de répandre abondamment, dans un voisinage peuplé d'habitations, des gaz qui sont un poison meurtrier. Toute approbation donnée par un Conseil de salubrité peut être révisée; toute ordonnance royale concédée à une fabrique incommode ou dangereuse, peut être révoquée selon des formalités déterminées. L'Administration ne saurait demeurer impassible en présence d'attaques contre la vie ou la propriété des citoyens : une fabrique évidemment insalubre, est un ennemi public; c'est aux Conseils de salubrité qu'il appartient de le combattre, et, dans sa prévoyance, la loi leur en a fourni les moyens.

Avant de passer en revue les divers établissements à émananations incommodes, insalubres et dangereuses, nous étudierons certains lieux qui réclament une surveillance particulière, et qui peuvent facilement devenir des foyers d'infection de l'espèce la plus nuisible ce sont les cimetières, les chantiers d'écarrissage, et les abattoirs.

CHAPITRE VII.

§ 1. SALUBRITÉ DES CIMETIÈRES.

Le corps de l'homme, après la mort, ne saurait être abandonné, en plein air, à la putréfaction spontanée; un long et abondant dégagement d'émanations méphytiques accompagnerait ce hideux spectacle. Salubrité, respect humain, religion, tels sont les motifs

principaux qui ont porté toutes les nations civilisées à soustraire les cadavres aux regards des vivants. Il faut que la dépouille mortelle de l'homme ne devienne point un foyer d'infection; quel que soit le procédé qu'on emploie, l'inhumation, l'embaumement, l'incinération, le but est le même.

Avant d'exposer les conditions de salubrité des cimetières, nous devons parler d'un point d'hygiène bien important, les inhumations précipitées.

Les apparences de la mort ont été quelquefois si grandes, que la vérité n'a pu éclairer les yeux de médecins instruits; mais, plus souvent, l'ignorance et la précipitation placèrent dans le tombeau, des malades qui n'avaient point perdu tous leurs droits à la vie. Qu'on se peigne la situation d'un malheureux enseveli vivant, qui se réveille dans le séjour de la mort; ses cris ne frapperont point les airs, et aucune oreille humaine ne les entendra. En vain il veut déchirer le linceul dont ses membres sont enveloppés ; en vain il tente de repousser la masse de terre qui pèse sur son cercueil : meurtri, épuisé, il éprouve toutes les angoisses du désespoir, et cédant à sa rage et à la faim, il mord, il ronge ses bras qui ne peuvent l'arracher à son horrible destinée. Tel fut le supplice effroyable de Jean Scot, de l'empereur Zénon, et d'autres infortunés dont diverses circonstances ont fait connaître la mort tragique. Beaucoup de malades réputés morts, et déjà déposés dans le cercueil, ont été rendus à la vie : combien n'importe-t-il pas de proscrire les inhumations précipitées? Depuis longtemps les médecins ont appelé l'attention des magistrats sur l'indécence des inhumations: aujourd'hui encore, dans plusieurs parties de l'Europe, aussitôt qu'un malheureux paraît avoir expiré, des mains mercenaires s'emparent de son corps, le transportent de son lit sur le carreau ou sur un banc en bois ou en pierre, tamponnent les deux orifices de l'appareil digestif, garottent ses membres, et l'abandonnent aux injures de l'air, quelle que soit la rigueur de la température. Que pourraient-elles faire davantage si elles voulaient accélérer la mort, ou rendre absolument impossible le retour à la vie?

Winslow, Bruhier, Louis et Hufeland ont démontré l'incertitude des signes de la mort, et on ne saurait trop accorder

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