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tion, le plus utile pour l'agriculture, et surtout le plus avantageux pour la salubrité publique. En adoptant ce système, les boues de Paris, embarquées sur la Seine, iraient féconder au loin des terres ingrates. On se débarrasserait ainsi d'une multitude de foyers d'infection disséminés à deux ou trois kilomètres de rayon des grandes villes; on ne verrait plus la voie publique encombrée de tombereaux d'un aspect dégoûtant: le service serait plus prompt, plus facile, et non-seulement il serait moins onéreux pour l'Administration, mais il arriverait encore que le prix des boues solderait, au moins, la dépense de ce service.

Ces observations ne sont pas applicables seulement à Paris, beaucoup d'autres villes peuvent en profiter. Il y a des inconvénients, quant à la salubrité, à permettre le dépôt permanent autour des villes, de leurs boues et de leurs immondices; c'est constituer des foyers d'infection dans des campagnes, dont l'état sanitaire mérite une grande considération.

A Bruxelles, dans les temps de pluie et de neige, la quantité de boues qui sont enlevées de la voie publique, varie de 250 à 300 mètres cubes; on se sert pour cela de tombereaux jaugeant, les uns 0,71 centimètres cubes, d'autres 1 mètre 30 centimètres, et les plus grands 2 mètres 60 centimètres. Ces boues sont transportées sur une esplanade assez étendue, qui est comprise dans l'enceinte de la ville. Elles y sont amoncelées en un tas disposé de telle manière, qu'un côté de sa base s'appuye sur le quai d'un embranchement du grand canal de jonction de l'Escaut à la Sambre. Les cultivateurs viennent enlever ces boues lorsqu'elles sont desséchées, et s'en servent, à l'état de terreau, comme engrais pour les terres fortes et pour les prairies. La ferme des boues rapporte, à Bruxelles, 36,000 fr.

Le simple balayage des boues diffluentes dans les rues qui n'ont pas de cours d'eau, a plus d'inconvénients que d'avantages d'ordinaire le point le moins malpropre de la voie publique est celui que l'indolent balai des ouvriers employés à cette besogne, n'a pas encore atteint. Ramassée en amas jusqu'auprès du rebord de la dalle des trottoirs ou des quais, la boue se recouvre d'une croûte qui a trompé plus d'une fois le pied du passant. De tous les moyens de nettoiement, le meilleur c'est une grande masse d'eau courante qui se précipite, chargée de

boues délayées, jusqu'au dehors des égoûts. Après celui-là, vient le service des tombereaux, parcourant régulièrement, à des heures données, toutes les rues de la cité, et en nombre proportionné aux besoins.

On arrose, en été, la voie publique, dans les villes bien tenues; c'est une bonne opération quand elle est exécutée avec intelligence. On sait comment on procède : des chevaux promènent un tonneau, dont la partie postérieure répand l'eau par mille jets sur la surface du sol. L'atmosphère est rafraîchie, et le dégagement si incommode de la poussière est réprimé. Il est encore un autre moyen de pourvoir à l'état sanitaire des rues et des places publiques.

Il s'est établi

§ 5. URINOIRS; LATRINES PUBLIQUES. dans les grandes villes, et surtout dans quelques-unes, une habitude non moins blàmable sous le rapport de la salubrité, que blessante pour la décence : les hommes croient avoir le droit d'uriner en plein jour sur la voie publique encombrée de passants. Beaucoup prennent à peine quelques-unes des précautions qu'indique l'honnêteté, et plusieurs s'en dispensent toutà-fait. Cette habitude grossière, si honteuse pour la civilisation, a des inconvénients de plus d'un genre; on est souvent embarrassé pour circuler dans les rues quand on a au bras une femme, et pour soustraire sa sœur ou sa fille à un dégoûtant aspect. Incessamment imprégnés d'urine dont les sels attirent des nuées d'insectes, les murs de nos maisons exhalent une odeur fétide, et deviennent des foyers d'infection. Cet inconvénient est moins sensible dans les villes dont les maisons ont leur entrée constamment fermée; il est porté au plus haut degré chez celles dont les allées sont ouvertes pendant le jour. Nombre d'individus sans vergogne ne prennent pas même la peine d'entrer dans une allée, et s'adressent, en plein jour, au premier pan de muraille qui se présente à eux.

Ce n'est point tout. En général, le peuple tient peu à la propreté ; il croit n'en pas avoir le temps, et c'est de sa part un très grand tort. Beaucoup de gens qui n'appartiennent pas tous aux classes inférieures, couvrent de leurs déjections stercorales les quais et les places publiques, qu'ils transforment en

cloaques. Nous ne connaissons rien de plus repoussant qu'un tel usage; rien n'est à nos yeux plus indécent. Nous voudrions qu'il fût réprimé par l'Administration; nous désirerions que tout agent de police eût le droit d'arrêter et de conduire devant le commissaire, tout individu surpris en flagrant délit d'uriner en plein jour, dans une rue fréquentée. On serait bien peu pénétré des principes de la salubrité, si on trouvait que nous entrons ici dans des détails trop infimes.

Cependant il y a des exigences de circonstance qui rendent indispensable la rencontre d'un lieu pour les déjections, surtout dans les villes d'un immense parcours, comme Paris et Londres. Toutes les éventualités doivent être prévues: il faut un de ces lieux dans le voisinage des théâtres et de quelques autres établissements. Cette nécessité a suggéré l'excellente pensée de la construction d'urinoirs et de latrines publiques, disposés de telle sorte, que la décence est parfaitement respectée, et que la salubrité ne l'est pas moins. Il y a deux sortes de latrines publiques celles-là sont des cabinets d'aisance rétribués, qui sont tenus avec propreté et le plus grand confortable possible; celles-ci sont gratuites, publiques dans toute l'acception du mot, et construites avec moins de recherche, quoique avec la même intelligence des conditions de salubrité.

Le système à choisir pour que le récipient des matières fécales ne devienne pas un foyer d'infection, varie selon les localités. Lorsque les latrines publiques sont établies sur un quai (ce sont les mieux disposées), il n'y a pas de réservoir; les matières tombent dans le courant du fleuve, qui les entraîne. Si elles sont situées sur une place ou dans une rue très fréquentée, on fait nécessairement usage des fosses mobiles, au moyen desquelles tout dégagement d'émanations fétides devient impossible.

Il ne faut pas croire que la construction des latrines publiques soit facile, même sur l'alignement des quais; elle présente à l'architecte de très grandes difficultés à résoudre. Un des premiers points à établir, c'est la chute des matières dans un courant toujours pourvu d'une quantité d'eau suffisante; il faut qu'en aucun cas les déjections ne tombent sur le sol. L'aménagement intérieur mérite beaucoup d'attention. S'il y a plusieurs siéges, aucune communication ne doit exister

de l'un à l'autre. Les individas qui les occupent simultanément ne doivent point se voir; il faut encore qu'ils ne puissent être aperçus d'aucun point de la voie publique. C'est aux abords des ponts qu'on place d'ordinaire ces cabinets.

Les latrines publiques sont construites en pierres de taille. Le siége n'est point percé d'un orifice circulaire; c'est le rebord en pierre d'une ouverture allongée et assez étroite. Il n'y a pas de tuyau de chute, hors quelques cas exceptionnels. Le plancher est dallé; c'est quelquefois une grille en fonte ou en fer qui en tient lieu; un toit en pierre recouvre le cabinet, qu'une lanterne à gaz éclaire pendant la nuit.

Nous avons vu les latrines publiques de Londres, de Paris et de quelques autres capitales; nulle part elles ne sont faites avec autant de solidité et d'intelligence qu'à Lyon, où elles ont atteint la perfection du genre. A Londres, beaucoup d'urinoirs (qu'il ne faut pas confondre avec les latrines publiques) présentent, à leur partie supérieure, un filet d'eau courante qui lave constamment le tuyau d'émission.

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On a cherché à protéger de différentes manières les murailles des églises et des établissements publics, contre la grossière habitude qu'ont nombre d'individus de les souiller de leur urine; elles ont peu d'efficacité. La mesure la meilleure, c'est l'intervention vigilante de la police. Ce n'est point toujours par la persuasion seule qu'on peut faire l'éducation des masses, en matière de salubrité; sans des ordonnances municipales, appuyées sur une pénalité, nos villes deviendraient d'impurs cloaques. Nous ne réclamerons nullement l'indulgence de nos lecteurs pour l'étude que nous venons d'aborder : il n'y a point de fait indifférent en hygiène, il n'y a point de détail oiseux pour nous, lorsqu'il s'agit de déterminer les meilleures conditions sanitaires d'une grande ville, et surtout lorsque, à la question de salubrité, viennent se joindre des considérations fournies par la décence publique.

CHAPITRE V.

DES ÉDIFICES DESTINÉS A RECEVOIR UNE POPULATION AGGLOMÉRÉE, ETUDIÉS AU POINT DE VUE DE LA SALUBRITÉ.

Les bâtiments qui sont destinés à recevoir sous le même toit un grand nombre d'individus ont des conditions spéciales de salubrité; ce qui convient aux habitations particulières, ne leur est point applicable sans modification. Il leur faut des procédés différents de chauffage et de ventilation; ils ont besoin d'une plus grande quantité d'air atmosphérique ; enfin ils sont, en général, exposés à l'action de foyers d'infection plus nombreux ou plus puissants. Chacun de ces édifices a une destination spéciale, dont il faut tenir compte dans l'application des mesures sanitaires qui doivent leur être appropriées : les uns sont habités par des enfants, les autres par des adultes; il en est qui gardent leurs habitants seize ou dix-huit heures sur vingt-quatre; d'autres ne sont occupés que pendant quelques heures de la soirée. Dans beaucoup, l'air est vicié, non-seulement par les émanations d'un nombre considérable de personnes, mais encore par des gaz qui se dégagent pendant la pratique de certaines professions. Ceux-là renferment un grand nombre d'individus, à qui il n'est pas permis de respirer une autre atmosphère ; encore plus peuplés, ceux-ci sont encombrés par des lits de malades, et réclament l'ensemble le plus complet et le mieux entendu possible des moyens de salubrité. Les habitudes et le genre de vie ou de profession des individus que reçoivent les édifices publics ne sont pas des circonstances indifférentes : une caserne ne doit point être tenue comme un séminaire, et l'hygiène d'un vaisseau n'est point celle d'un atelier de filature. Toutes les fois qu'un grand nombre de personnes habitent sous un même toit, des conditions de salubrité deviennent in

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