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donner un gouvernement plus conforme à l'ordre général, plus dépendant de la loi, plus détaché de l'influence des intérêts privés, plus occupé de conduire la banque vers son but, celui de devenir le centre de toutes les branches de crédit dont se compose le crédit général; enfin les membres de ce gouvernement, en s'engageant à lui donner tout leur tems, tous leurs soins, et faisant une espèce d'abnégation de leurs affaires privées, seront en état de suivre avec d'autant plus de succès celles de la banque.

Quoiqu'il soit superflu, Messieurs, de vous entretenir des caractères particuliers qui distinguent l'institution de la banque de France, je crois devoir rappeler qu'elle n'a rien qui autorise à la comparer aux banques déjà connues.

Les bauques de dépôt et de virement ne sont utiles qu'à une seule ville ou à un petit état; elles ne peuvent convenir à la France.

Les banques fondées par les gouvernemens `ne sont qu'un instrument dans leurs mains et une forme particulière de créa tion du plus dangereux papier-monnaie; leurs capitaux sont faibles, incertainus et soumis aux invasions amenées par les besoins.

Il n'est qu'un genre de banque solide et durable, celui d'une association simple et dégagée de toute fiction, formée sur des capitaux réels; c'est une maison de commerce, mais supérieure par son capital, ses priviléges, son crédit, à toutes les maisons privées qui pourraient exister.

Une telle banque, conduite par des règles fixes, ne fait que les affaires limitées et déterminées par ses statuts; rien ne peut l'entraîner dans des spéculations contraires à son but et à ses intérêts, ni dans aucune opération qui puisse l'exposer, à peine de sa honte et de sa ruine, à jamais différer le remboursement de ses engagemens : telle est la banque de France.

Mais pour qu'une banque de cette espèce soit éminemment utile dans un vaste empire riche en industrie, elle doit posséder un capital assez étendu pour qu'elle puisse devenir le centre de la réalisation de tous les genres de crédit. La banque de France sera complètement pourvue à cet égard, lorsque les circonstances lui auront permis d'exécuter l'art. 2 de la loi du 22 Avril, et de doubler son capital actuel formé de 45 millions en capital primitif, et d'un fonds de réserve de près de 5 millions.

On se demande, on s'interroge sur les moyens que prendra la banque pour former le doublement de son capital, et l'on paraît craindre que cette opération se fasse dans un sens opposé à l'intérêt de ses actionnaires actuels.

Mais pourquoi voudrait-on croire que, lorsque la loi n'a fixé aucune époque pour l'émission des nouvelles actions, l'administration de la banque serait assez aveugle pour méconnaître la sagesse et la modération de cette même loi, et pour

adopter aucune mesure intempestive qui d'ailleurs resterait sans succès par la raison qu'elle serait contraire aux intérêts des actionnaires anciens et à ceux de leurs nouveaux associés ?

Nous dirons donc en général que l'émission des nouvelles actions n'aura lieu qu'à l'époque ou l'accroissement du capital de la banque sera nécessaire et praticable; l'une et l'autre de ces circonstances dépendant de l'étendue que prendront ses affaires; je dois ici vous rappeler les motifs qui rendront utile et nécessaire cette augmentation du capital.

Dans l'état actuel du commerce, le capital de la banque serait plus que suffisant, si, par un système déjà condamné, elle devait borner ses affaires à l'escompte limité des effets présentés par le commerce. Je dis que ce système étroit est depuis long-temps condamné, puisque la banque n'a jamais cessé d'appliquer la partie la plus étendue de ses ressources à l'escompte des valeurs négociables possédées par le trésor public; elle n'a point eu à regretter cette extension donnée à ses opérations, sans laquelle ses capitaux seraient restés inactifs au grand préjudice de ses actionnaires. Elle n'a à se reprocher à cet égard que des hésitations et l'oubli de ce qu'une marche ferme et décidée aurait pu lui procurer d'avantages. Souvent et pendant long-tems la banque, avare d'escomptes envers le trésor public, les a prodigués à 'des valeurs qui n'étaient cependant que la représentation vague et incertaine des effets les plus solides; ce qui, en dernier résul tat, produisait, au lieu d'un escompte direct, une opération détournée, onéreuse pour l'état et entourée de dangers pour la banque.

Plus éclairée sur ses véritables intérêts la banque doit sortir des mesures d'exception que lui inspirent de fausses préventions et de mauvais calculs. A-t-on dans aucun temps conçu qu'elle ne serait que commerciale? Non, car dans ce cas il ne lui fallait qu'un faible capital proportionné aux seuls besoins d'escompte des commerçans de Paris. Toujours au contraire la banque fut destinée à être générale ; condition sans laquelle elle resterait dans les bornes d'un établissement sans utilité.

Les véritables destinées de la banque sortent aujourd'hui de l'obscurité. Elle est générale, et dans ce sens appelée à escompter toutes les valeurs publiques et privées qui, pourvues de toutes les conditions d'une réalisation assurée, seront par elle admises à l'escompte dans la mesure de ses facultés, de ses capitaux et de sa sûreté. On conçoit que dans de pareilles vues la banque doit désirer que le trésor public veuille Ini donner une préférence non-interrompue, et même exclusive, si la chose devient possible, pour les services que, jusqu'à ce jour, il a dispersés à plusieurs intermédiaires. Une telle centralisation produirait des avantages immeuses; elle

produirait en faveur du commerce et des transactions en général la réduction et plus de fixité dans les taux de l'intérêt de l'argent ; elle affranchirait le trésor public de la nécessité de souscrire à des conditious variables et toujours onéreuses, qui, à raison de la grande étendue de ses opérations, déviennent le type indéclinable de l'intérêt.

Cette centralisation serait éminemment utile au trésor pu blic; plus d'incertitude pour lui sur ses escomptes ; il sortirait de toute dépendance rélativement à la situation des capitaux, à l'opinion et aux prétentions des capitalistes; son service serait assuré, constant, immuable, et il y aurait pour lui une économie considérable.

Enfin, cette même centralisation serait tout aussi utile aux actionnaires, qui, par la relation de la banque avec le trésor public, profiteraient de la dépense qu'il doit faire pour assurer son service. On peut à cet égard se livrer à quelques calculs hypothéques.

Les frais de service du trésor public sont évalués annuellement à 15 millions. On peut supposer que les conditions modérées que pourrait faire la banque, reduiraient ces mêmes frais à 10, 11 ou 12 millions.

Supposons encore que sur 10 millions, par exemple, la banque aurait à supporter 4 millions de déboursés de toute nature, il lui restorait en produit effectif 6 millious par an à distribuer en dividende; mais, pour recueillir des fruits aussi étendus, il faut qu'elle possède un capital qui suffise à des affaires aussi considérables; on a calculé que ce capital ne devrait pas être moindre de 90 millions d'où l'on doit conclure que le seul service du trésor donnerait aux actionnaires de la banque un dividende de 12 et demi pour cent, si ce service était praticable avec un capital de 45 millions; mais, que ne pouvant être fait en totalité qu'avec un capital de 90 millions, il donnera un dividende de 61 pour cent, auquel étant ajoutés les produits de l'escompte au commerce, les actionuaires auront à espérer un dividende tel qu'aucun autre placement ne produirait ni autant d'avantages, ni autant de sûreté.

Nous devons croire que le temps répandra rapidement la conviction sur les calculs élémentaires que je viens d'exposer, et que dès-lors l'époque de l'émission des nouvelles actions se trouvera fixée par la seule règle qu'il soit permis d'employer, celle de la tendance libre des capitaux, pour être aussi utilement employés. Cette émission d'ailleurs ne peut s'exécuter que par une décission formelle du conseil général de la banque, c'est assez dire que, chargé de la confiance des actionnaires il ne fera rien qui ne soit conforme à leurs intérêts.

Nous ne pouvons être, Messieurs, dans la sécurité sur la marche de l'opinion relativement à la banque et sur le crédit dont cet établissement sera investi. Il est fondé sur de telles

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bases, qu'il triomphera facilement de tous les obstacles. Je ne saurais me déterminer d'ailleurs à considérer comme abjection sérieuse les craintes dictées par une doctrine sans. autorité, ou par des préventions sans fondement, sur l'alliance. incompatible de la banque avec les intérêts du gouvernement, et sur les dangers de son intervention dans ses affaires.

Le gouvernement, quant à ses rapports avec la banque, n'a de contact avec elle que par son trésor, qui de son côté n'aura sur elle d'influence que celle qui sera réglée par des conventions librement débattues et contractées; hors de là, l'action du gouvernement sur la banque est la même que celle qu'il doit exercer pour l'ordre général sur tous les individus, et plus particulièrement sur une corporation à laquelle il a confié la faculté de créer un genre de monnaie dont l'abus dangereux et possible rend la surveillance éminemment nécessaire,

Quant aux conventions libres à faire avec le trésor, la, banque traitera avec lui de manière à ne prendre que des engagemens conformes à l'intérêt général et à celui de ses actionnaires. La banque par son institution ne sera jamais sollicitée à prêter au gouvernement; elle violerait par cela même les lois et les statuts dont il éxige l'exécution. Elle n'admet et n'admettera que les valeurs très-sûres qui remplissent les porte-feuilles du trésor, et qui sont fondées sur le recouvrement des contributions publiques; valeurs qui depuis long-temps sont à juste titre considérées comme les meilleures par les capitalistes les moins confians et les plus sour cilleux. D'ailleurs, la banque n'a jamais cessé de prendre ces mêmes valeurs; elle n'a à se repentir que de l'erreur de les avoir quelquefois négligées pour donner la préférence malentendue à des effets de circulation dont tout l'avantage de l'escompte était pour les spéculateurs, et les dangers pour la banque.

Que dire ensuite sur les terreurs passagères, que l'aveuglement, les préjugés ou l'ignorance pourraient répandre sur l'es pèce d'alliance que la banque contracterait envers le trésor public, en ce que le gouvernemet pourrait, à certaines époques, solliciter en faveur de ses besoins, l'exagération de l'émission des billets de la banque ?

On ne supposera certainement pas qu'une mesure aussi fausse et aussi misérable puisse jamais être conçue par le chef auguste de l'empire Français. Nous connaissons ses maximes sages et éclairées sur les banques: nul ne sait mieux lui que de leur crédit dépend leur existence, et que violer une banque au préjudice de la justice, de l'intérêt général, et de la propriété des actionnaires, c'est la détruire: or, il ne détruira pas celui de ses ouvrages auquel it promet au con traire sa plus haute protection.

que

Voudrait-on supposer que, dans des tems plus éloignés,

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tous les principes pourraient être tellement oubliés, qu'un gouvernement violent ou mal éclairé sur ses véritables intérêts, tenterait de couvertir en papier-monnaie forcé le papier libre de la banque? inais une telle époque serait une de ces grandes calamités dans lesquelles tous les genres de propriétés seraient aussi exposés que celles de la banque; la prudence humaine ne peut conjurer de tels dangers heureusement fort rares. Pourquoi d'ailleurs supposer qu'un gouvernement qui voudrait faire du papier-monnaie, employerait une violence gra tuite envers la banque pour se procurer un secours qu'il pour rait créer lui-même, avec cette différence que le papier de banque forcé ne subsisterait pas vingt-quatre heures avec quelque crédit, et que celui que le gouvernement formerait lui-même, pourrait être modifié de manière à lui procurer quelques avantages?

Loin de nous, Messieurs, ces terreurs, cette exagération de prudence et tous les faux préjugés qui les accompagnent; la banque de France sera générale et nationale; elle rendra tous les services qu'il est permis d'en attendre; elle amenera la réduction de l'intérêt; elle économisera les finances publiques; elle favorisera le commerce et l'industrie; ses secours s'étendront sur tous les besoins, sur toutes les personnes, et cela dans les mesures de sa sûreté et des capitaux.

Quant à moi et à MM. les sous-gouverneurs, nous ne négligerons rien pour consolider notre intime union au conseil général de la banque; nous nous aiderons de ses lumières: nous veillerons avec scrupule sur tous ses intérêts, et nous espérons que des succès couronneront vos travaux et les nôtres.

Je ne terminerai poiut sans adresser ma père à M. le président de la banque de vouloir bien nous ander de ses talens et de son expérience; je lui ai demandé ce secours au nom de l'intérêt de l'établissement et au nom des sentimens de bienveillance et d'estime qui nous unissent depuis long-tems.

Il me l'a promis, et j'y compte avec une absolue confiance; il ajoutera ainsi un nouveau service aux services émineus qu'il a rendus à la banque dès les premiers jours de son établis

sement.

Paris, le 5 Juin, 1806.

A midi et demi, LL. EE. MM. les ambassadeurs extraor¬ dinaires de LL. HH. PP. les états de Hollande ont été admis à l'audience de S. M. l'empereur et roi.

Un maître et un aide des cérémonies étaient allés les chercher à onze heures à leur hôtel avec trois voitures impériales, attelées chacune de six chevaux.

MM. les ambassadeurs extraordinaires ont été conduits à l'audience de S. M. par le graud-imaître, le maître et l'aide

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