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qu'il n'y aurait rien eu à voler, ou qu'il n'aurait pas su trouver les objets qu'il voulait voler.

Mais à qui Dubuc fera-t-il croire que l'avare gouvernement anglais aura pendant sept mois donné près de deux cents louis par mois pour ne fournir que des nouvelles vagues et insignifiantes? Relisez la dernière lettre écrite en encre sympathique par d'libert, le 23-Mars dernier; n'y voit-on pas que Dubuc, après s'être occupé des côtes, a fixé toute son attention sur la capitale, qu'il y fait un travail, qu'on lui demande les noms de ses coopérateurs et les moyens par lesquels l'ennemi pourrait les faciliter?

C'est, au reste, dans cette dernière lettre qu'on lit les instructions suivantes qui, je le répète, nous forceraient à soupçonner Dubuc d'un délit beaucoup plus grave encore que P'espionnage dont il est convaincu.

Sans doute que le prochain départ pour l'Italie, le mécontentement des chefs de l'armée, les nouvelles impositions, et surtout les remises des corvées, et la conscription forcée, tout rend le moment bien opportun pour frapper un grand conp; n'en perdons donc pas l'occasion. En attendant je dois vous répéter, mon cher Dubuc, que j'ai reçu de la part du Roi et de Monsieur les assurances les plus formelles pour tout ce qui peut nous intéresser, et soyez bien persuadé que si vous aviez le malheur d'échouer dans l'entreprise convenue, le gouvernement vous traiterait avec la même distinction qu'il a accueilli, dans le tems, Georges et Pichegru; c'est ce que me charge de vous dire très-expressément la personne qui vous est trèsattachée, de même qu'à Rossolin. Je dois vous réitérer qu'elle a donné les ordres les plus précis pour la tranquillité et l'aisance de votre famille, et que vous pouvez compter, sous tous les rapports, sur son exactitude et sa loyauté.-Dites maintenant à Rossolin que je le prie de me donner les plus minutieux détails sur tout ce qui se passe, sans oublier ceux que je vous démandais par ma lettre No. 4: Quand est partie, et qu'est devenue l'escadre de Rochefort, de Toulon, de Brest, de L'orient; les mouvemens des flottilles, des armées? le travail des bureaux que vous m'aviez fait espérer ? Enfin, à présent que les communications sont ouvertes, activons notre correspondance, et donnez-moi de vos nonvelles au moins une fois par semaine, la personne le désire et vous en prie; et moi, mon cher Dubuc, je vous embrasse de tout mon cœur, et attends avec impatience le moment heureux où vous me mettrez à même de pouvoir partager vos périls et vos travaux.-Adieu. Réponse courier par courier, car voilà trois malles sans avoir pu vous donner aucune nouvelle.

(Signé)

IMBERT.

Cette lettre venant à la suite de celle également saisie sur les accusés, couronnant leurs aveux, les constitue en flagrant délit, et établit l'évidence.

Je conclus à ce que les accusés Dubuc et Rossolin soient déclarés coupables d'espionnage.

Jugement.

De par l'empereur et roi.

Ce jourd'hui 11 Prairial, an 13, 2e. de l'empire, à quatre heures de relevée, la commission militaire, établie en vertu du décret imperial, daté de Milan, du 26 Floréal, présente année, formée par les ordres de S. A. S. Monseigneur le prince Murat, grand amiral de France, maréchal de l'empire, gouverneur de Paris, et commandant en chef la 1ère division militaire, composée de

Messieurs,

Lucotte, géneral de brigade, commandant de la légion d'honneur, employé dans la division, président,

Remoissenet, colonel au ler. régiment de la garde municipale de Paris, officier de la légion d'honneur,

Rouvillois, colonel du ler. régiment d'hussards, officier de la légion d'honneur,

Tereyre, colonel du 27e. régiment de dragons, officier de la légion d'honneur,

Veilande, major du 18e. régiment d'infanterie de ligne, membre de la légion d'honneur,

Cazaux, major du 2e. régiment d'infanterie légère, officier de la légion d'honneur,

M. Préval, colonel du 3e. régiment des cuirrassiers, officier de la légion d'honneur, faisant les fonctions de commissaire rapporteur,

Tous nommés par Mgr. le prince Murat, gouverneur de Paris, assistés de M. Lhuilier, greffier nommé par M. le commissaire rapporteur, lesquels ne sont parens ou alliès, ni entr'eux, ni des prévenus, s'est assemblée dans le local destiné aux conseils de guerre spéciaux de la place de Paris, quai de Voltaire, No. 4, à l'effet de juger contradictofrement et publiquement les nommés Pierre-Paul Dubuc, âgé de 44 ans, natif de St. Malo, département d'Ille-et-Vilaine, se disant ancien officier de la marine, ex-général en chef, ex-ambassadeur de feu Tippoo-Sultan auprès du gouvernement français, et ex-agent du gouvernement auprès des Marattes, logé à Paris, hôtel de Mirabeau, rue du Helder.

Taille d'un mètre 62 centimètres, cheveux et sourcils cha tains, front haut, yeux bruns, nez long, bouche petite, menton rond, visage ovale, coloré, les yeux habituellement humides.

Et Jean-Jacques-Antoine-Thomas Rossolia, âgé de 41 ans, natif de Toulon, département du Var, se disant négociant, Jogé à Paris, rue du Helder, hôtel Mirabeau.

Taille d'un mètre 81 centimètres, cheveux ét sourcils bruns,

front large, yeux bruns, nez long, buache petite, menton rond. visage ovale, teint pâle, ayant le regard sombre, l'habitude du corps un peu vouté, tous les deux prévenus d'espionnage.

La séance ouverte, M. le général président a demandé à M. le commissaire rapporteur la lecture des pièces de la procédure, tant à charge qu'à décharge envers les accusés, lesquelles pièces sont au nombre de soixante-deux.

-Cette lecture terminée, M. le président a ordonné à la garde d'amener les accusés, lesquels ont été introduits libres et sans fers.

Interrogés de leurs noms, prénoms, âge, lieux de naissance, profession, qualités et domicile,

Out répondu, savoir; le premier nommé Pierre-Paul Dubuc, être âgé de 44 ans, natif de St. Malo, département d'Ille-etVilaine, ancien officier de la marine, ex-général en chef, ambassadeur de feu Tippoo-Sultan auprès du gouvernement français, et ex-agent du gouvernement auprès des Marattes, logé a Paris, rue du Helder, hôtel Mirabeau.

Le second se nomme Jean-Jacques-Antoine Rossolin, âgé de 41 ans, natif de Toulon, département du Var, négociant de profession, logé à Paris, rue du Helder, hôtel Mirabeau.

Après avoir donné connaissance aux accusés des faits à charge et à décharge, et leur avoir fait prêter interrogatoiré par l'organe de M. le président; ouï M. le colonel, rapporteur dans son rapport et ses conclusions, et les accusés dans leurs moyens de défence, lesquels ont déclaré l'un et l'autre n'avoir plus rien à ajouter à leurs moyens de défence, M. le président a demandé à MM. les membres de la commission s'ils avaient des observations à faire. Sur leur réponse négative et avant d'aller aux opinions, il a ordonné que les accu sés soient reconduits par leur escorte à la prison.

Le greffier et les personnes assistantes dans l'auditoire se sont retirés sur l'invitation de M. le général, président.

La commissson délibérant à huit clos, seulement en présence de M. le commissaire, M. le général, président, a posé les questions suivantes : les nommés Dubuc et Rossolin, désignés et qualitiés ci-dessus, accusés d'espionnage pour l'ennemi;

1°. Le nommé Dubue est-il coupable?

2°. Le nommé Rossolin est-il coupable?

Les voix recueillies en commençant par le grade inférieur, M. le général, président, ayant émis son opinion le dernier. La commission déclare, 1o. à l'unanimité des voix, le nommé Dubuc coupable d'espionnage pour l'ennemi;

2o. A l'unanimité des voix, le nomme Rossolin coupable d'espionnage pour l'ennemi.

Sur quoi M. le colonel remplissant les fonctions de commis

saire-rapporteur, a fait son réquisitoire pour l'application de la peine.

Les voix recueillies de nouveau, par M. le général président dans la forme indiquée ci-dessus;

La commission, faisant droit sur le dit réquisitoire, condamne à l'unanimité des voix, les nommés, Pierre Paul Dubuc et Jean-Jacques-Antoine-Thomas Rossolin, à la peine de

mort.

En conformité, 1° de l'art. 2 du titre 4 de la loi du 21 Bru"maire an 5, ainsi conçu: "Tout individu, quoique soit son état, qualité ou profession, convaincu d'espionnage pour "l'ennemi, sera puni de mort."

2o. De l'art. 1er. de la loi du 16 Juin, 1793, ainsi conçu: "Les Français ou étrangers convaincus d'espionnage dans les places de guerre ou dans les armées, seront punis de mort.'

3o. De l'art. 4, sect. 1ère. du titre 1er. de la 2e partie du code pénal du 6 Octobre, 1791; ainsi conçu: "Toute ma"nœuvre, toute intelligence avec les ennemis de la France, "tendant, soit à faciliter leur entrée dans les départemens de

l'empire français, soit à leur livrer des villes, forteresses, "ports, vaisseaux, magasins ou arsenaux appartenans à la "France, soit à leur fournir des secours en soldats, argent, "vivres ou munitions, soit à favoriser d'une manière quel

conque le progrès de leurs armées sur le territoire français, ou contre nos forces de terre ou de mer, soit à ébranler la fidélité des officiers, soldats, et des autres citoyens envers "la nation française, seront punis de mort."

Enjoint à M. le commissaire rapporteur de lire de suite le présent jugement aux condamnés, en présence de la garde rassemblée sous les armes, et de faire exécuter le dit jugement dans tout son contenu.

Ordonné qu'il en sera envoyé à la diligence de M. le général président et de M. le colonel rapporteur, une expédition, tant à leurs excellences Messeigneurs les ministres de la guerre et de la police générale, qu'à S. A. S. Mgr. le prince Murat.

Fait, clos et jugé sans désemparer en séance publique à Paris, les jours, mois et an que dessus, et MM. les membres de la commission ont signé avec MM. le rapporteur et le greffier la minute du présent jugement. Ainsi signé à la minute Cazaux, Veilande, Terey re, Rouvillois, Remoissenet, Preval, Lucotte et Lhuillier, greffier.

Collationné par moi, greffier, LHUILLIER Pour expédition,

Le général de brigade, commandant de la légion d'honneur,

président,

LUCOTTE.

4 Juin, 1805.

Milan, le 27 Mai, (7 Prairal.)

Hier 26, la cérémonie du couronnement du roi d'Italie a été exécutée avec la plus grande pompe et l'ordre le plus imposant; la beauté du tems la pureté du ciel, la splendeur du soleil concouraient à rendre cette solemnité plus brillante.

A onze heures et demie S. M. l'impératrice, précédée de S. A. impériale la princesse Elisa, s'est rendue à la cathédrale par une gallerie elégamment ornée, et elle a été conduite sous le dais à sa tribune au milien des plus vifs applaudissemens.

A midi, S. M. l'empereur et roi est sortie du palais par la même gallerie, portant sur sa tête la couronne impériale et celle d'Italie, tenant dans ses mains le sceptre et la main de justice du royaume, et revêtue du manteau royal que portaient les deux grands écuyers. S. M. était précédée par les huissiers, les héraults d'armes, les pages, les aides, les maîtres des cérémonies; par le grand-maître des cérémonies; par sept dames portant des offrandes et par les honneurs de Charlemagne, de l'empire et d'Italie, que portaient des grands officiers de France et d'Italie, et les présidens des trois colléges électoranx accompagnés par les officiers civils de S. M.; tous les ministres, les grands-officiers, les conseillers d'état français et les officiers de la maison royale suivaient l'empereur et roi. Le cardinal-archevêque est venu avec son clergé recevoir S. M. au portail, l'a encensée et lui a adressé le discours 'suivant:

"Vous daignâtes accueillir avec cette clémence et cette bonté qui caractérise votre Majesté impériale et royale, les hommages que j'eus l'honneur de vous offrir au nom du clergé et du peuple de Milan, dans le jour mémorable de votre entrée en cette capitale. Daignez en user de même dans ce temple sacré choisi par V. M. même pour la cérémonie solemnelle de votre couronnement, et regardez avec les yeux d'un père attendri le concours des cardinaux, des évêques et du clergé, qui s'unissent à moi pour célébrer aujourd'hui votre sacre auguste, et pour demander à l'auteur de tout bien, l'abondance des bénédictions célestes sur votre personne impériale et royale."

Après ce discours S. Em. le cardinal archevêque a conduit S. M. sous le dais jusqu'au sanctuaire. Les applaudissemens 'qu'excitaient la vue d'un si noble cortége et la présence d'un héros, permettaient à peine d'entendre les sons d'une musique nombreuse qui annonçait l'arrivée de S. M. par une marche triomphale. L'empereur s'est assis dans le choeur sur un trône ayant à sa droite les honneurs de l'empire, à sa gauche ceux d'Italie; les honneurs de Charlemagne étaient à l'entrée du sanctuaire, en face de l'autel, le cardinal-légat sur un fauteuil

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