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Le sénat, les officiers de la légion d'honneur, la cour de cassation et les chefs de la comptabilité nationale étaient à la droite. Le corps législatif et le tribunal étaient à la gauche. La tribune impériale, destinée aux princes étrangers, occupait le pavillon à l'extrémité du côté de la ville.

Le corps diplomatique et les étrangers étaient placés dans l'autre tribune, faisant pavillon à l'extremité opposée.

Les présidens de cantou, les préfets, les sous-préfets et le conseil municipal se trouvaient au-dessous des tribunes, sur le premier rang des gradins dans toute la façade.

On descendait au Champ de Mars par un grand escalier dont les gradins étaient occupés par les colonels des régimens et les présidens des collèges électoraux de département, qui portaient les aigles impériales. On voyait aux deux côtés de cet escalier les figures colossales de la France donnant la paix, et de la France faisant la guerre. Les armes de l'empire, répétées partout, sous différentes formes, avaient fourni les motifs de tous les ornemens.

A midi le cortège de LL. MM. II., daus l'ordre observé pour la cérémonie du couronnement, s'est mis en marche da palais des Thuileries, précédé par les chasseurs de la garde, et l'escadron des mamelucks, et suivi des grenadiers à cheval et de la légion d'élite; il marchait entre deux haies des grenadiers de la garde, et de pelotons de la garde municipale.

Des décharges d'artillerie ont salué LL. MM. à leur départ, à leur passage devant les invalides, à leur arrivée au Champ de Mars.

Les membres du corps diplomatique, introduits dans les grands appartemens de l'école militaire, ont été admis à présenter leurs hommages à leurs majestés. Après cette audience, LL. MM. ont revêtu les ornemens impériaux, et ont paru sur leur trône, au bruit des décharges réitérées de l'artil lerie et des acclamations unanimes des spectateurs et de l'ar

mée.

Les députations de toutes les armes de l'armée, celle de la garde nationale, étaient placées conformément au programme; les aigles portés par les présidens des colléges électoraux pour les départemens, et par les colonels pour les corps de l'armée, étaient rangés sur les degrés du trône.

Au signal donné, toutes les colounes se sont mises en mouvement, se sont serrées, et se sont approchées au pied du trône. Alors, se levant, l'empereur a prononcé d'une voix forte, expressive et accentuée, ces paroles qui out porté dans toutes les âmes la plus vive émotion et l'enthousiasme le plus noble. "Soldats, voilà vos drapeaux; ces aigles vous serviront "toujours de point de ralliement; ils seront partout où votre empereur les jugera nécessaires pour la défence de son trône "et de son peuple.

Vous jurez de sacrifier votre vie pour les défendre, et de

les maintenir constamment, par votre courage, sur le chemin "de la victoire: vous le jurez."

Nous le jurons! ont à la fin répété avec un cri unanime les présidens des colléges et tous les chefs de l'armée, en élevant dans les airs les aigles qu'ils allaient confier à leur vaillance.

Nous le jurons! ont répété l'armée entière par ses envoyés d'élite, et les départemens par les députés de leurs gardes nationales, en agitant leurs armes, et en confondant leurs acclamations avec le bruit des instrumens et des fanfares militaires.

Après ce mouvement qui s'était rapidement communiqué aux spectateurs pressés sur les gradins qui forment l'enceinte du Champs de Mars, les aigles ont été prendre la place qui leur était assignée; l'armée formée par division, les députations formées par pelotons ont défilé devant le trône impérial. Le cortége est rentré au palais à cinq heures, au milieu d'acclamations qui l'ont accompagné dans tous les lieux de son passage.

Le tens qui subitement avait tourné au dégel et à la pluie, a constainment été défavorable à cette cérémonie, à laquelle l'éclat d'un beau soleil eût donné une magnificence et une solennité inexprimables. Les troupes étaient sous les armes depuis six heures du matin, et un concours extraordinaire de spectateurs assiégeait toutes les issues, les avenues, les gradins du Champ de Mars, et les terrasses des Thuilleries, depuis l'heure du départ du cortége impérial jusqu'à celle de son retour. La situation des spectateurs était pénible, et il n'en est pas un qui ne trouvât un dédommagement dans le sentiment qui l'y faisait demeurer, et dans l'expression des vœux que ses acclamations manifestaient de la manière la plus éclatante.

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Les constitutions de l'empire ayant statué que les actes qui constatent les naissances, les mariages et les décès des membres de la famille impériale seront transmis, par un ordre de l'empereur, au sénat, nous avons chargé notre cousin l'archichancelier de l'empire de vous présenter les actes qui constatent la naissance de Napoléon-Charles, né le 19 Vendemiaire, an 11, et de Napoléon-Louis, né le 19 Vendemiaire, au 13, fils du prince Louis, notre frère, et nous invitons le sénat à en ordonner, conformément aux constitutions, la transcription sur ses registres, et le dépôt dans ses archives. Ces princes hériteront de l'attachement de leur père pour notre personne, de son amour pour ses devoirs, et de ce premier sentiment qui porte tout prince appelé à de si hautes destinées à considérer

constamment l'intérêt de la patrie et le bonheur de la France

comme l'unique objet de sa vie.

Au palais des Thuileries, le 21 Frimaire.

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Séance du Jeudi, 22 Frimaire.

Discours de S. A. S. M. l'Archi-Chancellier de l'Empire. MESSIEURS,

Le message de S. M. l'empereur vous a fait connaître la mission qu'elle a daigné nous confier, et qu'il nous est si doux de remplir.

Nous venons remettre entre vos mains les actes qui constatenț la naissance des deux princes fils de S. A. I. Mgr. le prince Louis, et satisfaire ainsi à nos lois constitutionnelles qui ont commis à votre vigilance la garde des monumens et des titres de filia tion de la dynastie impériale.

Quel jour pouyait offrir de plus favorables auspices pour le dépôt de ces actes importans, que celui où, de l'ordre de S. M. l'on publie votre décret contenant le recensement des votes émis par le peuple français et constatant sa volonté authentique pour 'hérédité de la dignité impériale dans la famille de l'empereur Napoléon? Ainsi, le même jour rappelle à la nation ses droits et affermit ses espérances.

Ainsi, les deux jeunes princes, ne pourront jeter les yeux sur les titres de leur descendance sans y trouver réunis les témoignages de l'affection du peuple, et le souvenir des services éclatans qui ont inspiré ce sentiment.

Puissent ces enfans précieux, dans la carrière qu'ils auront à parcourir, se proposer sans cesse pour modèle le chef auguste de leur race, et à l'exemple du prince Louis leur père, et du prince Joseph leur oncle, être dignes par leurs vertus de la gloire qui environne leur nom?

Je remets, Messieurs, entre les mains de M. le Président, les actes de naissance duement légalisés des deux princes, ainsi que le procès-verbal que j'ai dressé le 19 Vendemiaire dernier, en exécution de l'article 40 de l'acte des constitutions du 28 Floréal, an 12, lors de la naissance du prince Napoléon Louis. L'absence du secrétaire d'état ne lui a point permis de concourir à cet acte; mais le vœu de la loi a été rempli par le procès-verbal que je remets sous vos yeux.

Je requiers qu'il me soit donné acte du dépôt de ces pièces, dont je demande, au nom de l'empereur, la transcription sur

les registres du sénat, et le dépôt dans ses archives, ainsi qu'il est réglé par l'article 13 du susdit acte des constitutions.

Réponse de S. E. M. François (de Neufchâteau) Président du Senat.

Messieurs,

Le premier organe des lois vient siéger parmi vous pour un objet bien important; mais, après ce qu'a si bien dit son altesse séréuissime, j'ai peu de chose à ajouter sur les considérations qui vous frappent, Messieurs, dans cette grande circonstance. Les lois ont pris avec raison des précautions infimes pour régler de races en races la distribution des fortunes particu lières; inais si le droit de succéder dans les cas ordinaires est une portion assez considérable du code purement civil, le droit de succéder au trône est le premier objet de ces lois d'un ordre majeur qui composent le droit public. Cette grande magistrature, qu'on nomme collectivement la couronne où l'einpire n'est pas un de ces héritages auxquels sont appelés saus aucune distinction tous ceux qui se tiennent, d'ailleurs par la communauté du nom et par les noeuds du sang. L'ordre de succéder au tróne ne peut être réglé que par les lois fonda mentales, ou ces lois qu'on appelle lois de l'état par excellence. Ces dispositious sout de votre ressort, Messieurs, en votre qualité de législateurs politiques. Conformément à ces principes, dans le sénatus-consulte du 28 Floréal dernier, vous avez proposé au peuple, et il a adopté pour la transmission du trône de l'empire français, la succession aguatique, qu'on a nommée aussi française, et qui est proprement la consanguinité par les mâles, différente de l'ordre de la succession cognatique, appelée aussi castellane, où ceux qui sont nés de femelles parviennent au défaut des males, Dans l'ordre qu'ils ont préféré, le sénat et le peuple out cu un double objet; le premier d'éviter que par le droit de la naissance une femme fût appelée à gouverner la France, et d'empêcher, en second lieu, qu'à la faveur des mariages, le trône impérial füt dans le cas d'être jamais occupé par des étrangers. Ce sont eux surtout que repousse une prévention véritablement invincible. De tout tems, Messieurs, le grand peuple dout vous gardez les droits, fut jaloux de voir naître au sein de la patrie, et de voir élever sous les yeux de la nation ceux qui devaient un jour présider à ses destinées. Quant aux femmes, jamais la France n'admit leur empire; et quelque séduisantes ou quelqu'ingénieuses que semblent à certains égards les réclamations élevées contre cet usage, l'expérience malheureuse que le -peuple français a faite trop souvent des régences des femmes suffit pour confirmer l'aversion insurmontable qu'il a conçue contre leur règue.

À

On ne saurait argumenter du succès que des reines ou des

impératrices ont obtenu sans peine en des contrées fort différentes. C'est sur l'opinion surtout que les gouvernemens se fondent, et celle des Français est formée sur ce point. Elle tient à leur sol et à leur caractère: par sa position la France doit rester intacte, afin d'être toujours la sauve-garde de 'Europe. Heureusement aussi, la nation est belliqueuse et l'armée est nationale. C'est un esprit qu'il faut soigneusement entretenir: c'est lui qui a sauvé notre chère patrie d'être la proie des étrangers. Nous ne voulons pas envahir, mais nous ne voulons pas risquer d'être envahis; plus nous aimons Ja paix, plus nous devons nous attacher à la science de la guerre. On en conçoit la conséquence; des guerriers veulent un héros pour les conduire à la victoire: ils ne marcheraient pas sous une autre bannière. Ainsi l'on seut la différence qu'on a dû établir entre le droit de partager les héritages ordinaires et la manière d'assurer la transmission d'un empire, vrai bouvelard du Continent. On ne peut le considérer comme un immeuble de famille ou un patrimoine privé. C'est ici que le droit public est séparé du droit civil, et qu'il a dû s'en écarter sous plusieurs points de vue, parce qu'on n'aurait pu, sans exposer l'empire à sa destruction, morceler le gouvernement entre les fils d'un même père, ni le livrer aux étrangers qui auraient épousé ou sa fille ou sa veuve. D'après ces considérations, vous n'avez pas voulu que l'empire pût être démembré de nouveau comme il le fut jadis par les enfans de Charlemagne, ni que la France pût revoir les régences sinistres des Catherine et des Marie qui ont si tristement éternisé dans nos annales le nom de Medicis.

Dans son immortelle réponse à la démarche du sénat, la veille de son sacre, le grand Napoléon a promis aux Français dans tous ses successeurs des soldats et des magistrats. Ces deux inots disent tout. Le caractère du génie est de n'avoir besoin que de peu de paroles pour rendre des idées qui peuvent exiger de longues méditations.

Messieurs, vous n'avez en sénat que de grandes choses à faire. Vous êtes les conservateurs des intérêts nationaux. La hauteur de vos fonctions doit élever vos vues; et c'est à vous qu'il appartient de discuter et de peser ces grandes questions, ces lois de majesté, auxquelles tiennent à la fois les besoins du peuple et du prince, et l'existence même comme la durée de l'empire.

Puisque l'empire est déféré successivement aux seuls mâles dans un ordre d'adoption ou de naissance légitime, fixe et déterminé, ceux qui doivent entrer dans cette série successive doivent être connus d'avance d'une manière incontestable.

Les titres de l'état des hommes sont consignés partout sur des registres authentiques. La place qu'un individu doit occuper dans sa famille influant plus ou moins sur celle qu'il

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