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La main de justice et le sceptre seront placés sur la draperie et sous l'écusson. L'autre côté du sceau représentera l'empereur assis sur son trône, revêtu des ornemens impériaux avec cette incsription autour:

NAPOLÉON, EMPEREUR DES FRANCAIS

17 Juillet 1804.

Paris, le 27 Messidor.

Hier, dimanche, 26 'Messidor, anniversaire du quartorze Juillet, tous les membres de la Légion d'honneur, qui se trouvaient à Paris, ont prêté solennellement le serment prescrit, entre le mains de S. M. l'empereur.

A six heures du matin, cette cérémonie a été annoncée par ane salve d'artillerie.

Les troupes composant la garnison de Paris, s'étant rendues dix heures sur la place du Carrousel, ont défilé devant Sa Majesté Impériale, et out bordé la haie depuis son palais jusqu'aux lovalides,

Avant-midi, S. M. l'impératrice est partie du Palais et a traversé le jardin des Tuileries au milieu de la haie des troupes. Son cortége était composé de quatre voitures, dont une à huit chevaux et trois à six. L'impératrice était accompagnée, dans son carosse, des princesses, sœurs et belles-sœurs de S. M. l'empereur; les trois autres voitures étaient occupées par les dames du palais, le premier chambellan et le premier écuyer.

Les troupes présentaient les armes et battaient aux champs, Le gouverneur des Invalides et le grand-maître des céré monies sont venus uu devant de Sa Majesté au grand portail, et l'ont conduite dans la tribune décorée, qui avait été préparée pour elle, en face du trône impérial.

A midi, Sa Majesté l'empereur, au bruit d'une salve d'ar. tillerie, est partie à cheval du palais, précédé par les maré chaux de l'empire, par le prince connétable, et suivi des colonels généraux de sa garde, et des grands-officiers de la couronne, de ses aides de champ et de l'état-major du palais, La marche était ouverte par les chasseurs et fermée par les grenadiers à cheval de la garde impériale.

De nombreuses décharges du canon des Invalides ont annoncé l'arrivée de Sa Majesté.

Le gouverneur des Invalides est venu en-dehors, de la grille recevoir Sa Majesté et lui présenter les clefs de l'hôtel.

Les grands dignitaires, les ministres et les grands-officiers de l'empire qui n'étaient pas venus à cheval, ainsi que les membres du grand-conseil, le grand-trésorier de la légion d'hon

neur, se sont réunis au même lien, et ont pris leur rang dans le cortège.

M. le cardinal archevêque de Paris, avec son clergé, a reçu sa majesté à la porte de l'église, et lui a présenté l'encens et l'eau-bénite. Le clergé a conduit processionnellement sa majesté, sous le dais, jusqu'au trône impérial, au bruit d'une marche militaire et des plus vives acclamations.

Sa majesté s'est placée sur le trône, ayant derrière elle les colonels-généraux de la garde, le gouverneur des Invalides et les grands-officiers de la couronne.

Aux deux côtés et à la seconde marche du trône se sont placés les grands dignitaires; plus bas et à droite, les ministres; à gauche, les maréchaux de l'empire; au pied des marches du trône, le grand-maitre et le maître des cérémonies; en face du grand-maître, le grand-chancelier et le grand-trésorier de la légion d'honneur. Les aides de champ de l'empereur étaient débout en haie sur les degrés du trône. A droite de l'autel, le cardinal-légat s'est placé sous un dais et sur un fauteuil qui lui avaient été préparés.

A gauche de l'autel, le cardinal archevêque de Paris, avec son clergé.

Derrière l'autel, sur un immense amphithéâtre, étaient rangés sept cents Invalides et deux cents jeunes élèves de l'école politechnique.

Toute la nef était occupée par les grands-officiers, commandans, officiers et membres de la légion d'honneur.

Le grand-maître des cérémonies ayant pris l'ordre de sa majesté, a invité M. le cardinal légat à officier, et S. E. a commencé la célébration de la messe.

Après l'évangile, le grand-maître des cérémonies ayant pris de nouveau les ordres de sa majesté a conduit sur les degrés du trône le grand-chancelier de la légion d'honneur.

Le grand-chancelier a prononcé un discours éloquent sur les souvenirs que rappelait cette grande journée, sur le malheur des troubles politiques et sur la reconnaissance due au héros dont le génie a su conserver les principes qui ont commencé la révolution, et terminer les maux qui l'ont suivie. L'orateur a noblement tracé les devoirs qu'imposait l'institution de la légion d'honneur à tous ses membres; il a développé avec force les nombreux avantages qui devient résulter de cette réunion des plus illustres soutiens du gouvernement et de la patrie.

Après ce discours, les grands-officiers de la légion, appelés successivement par le grand-chancelier, se sont approchés du trône, et ont prêté individuellement le serment prescrit.

Lappel des grands-officiers fini, l'empereur s'est couvert, et s'adressant aux commandans, officiers et légionaires, a prononcé d'une voix forte et animée, ces mots.

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Commandans, officiers, légionaires, citoyens et soldats,

"vous jurez sur votre honneur de vous dévouer au service de "l'empire, et à la conservation de son territoire, dans son "intégrité; à la défense de l'empereur, des lois de la répu"blique et des propriétés qu'elles ont consacrées; de com"batire par tous les moyens que la justice, la raison et les "lois autorisent, toute entreprise qui tendrait à rétablir le "régime féodal; enfin vous jurez de concourir de tout votre "pouvoir au maintien de la liberté et de l'égalité, bases pre"inières de nos constitutions. Vous le jurez."

Tous les membres de la légion, debout, la main élevée, ont répété à la fois: Je le jure. Les cris de vive l'empercur! se sont renouvelés de toutes parts.

Ces derniers mots, prononcés avec l'accent d'une énergie profonde, ont porté dans toutes les âmes une vive émotion dont elles ont long-tems été pénétrées.

Il est difficile de décrire la sensation que ce moment a produite. Les monumens de la gloire française suspendus aux voûtes de la nef dans laquelle étaient réunis les plus braves guerriers, ces rangs nombreux de vieux soldats blessés et ces jeunes gens, offrant par leur réunion la gloire et l'espérance de la patrie; enfin l'appareil religieux des autels concouraient à exalter puissamment l'imagination, et à faire présager la durée la plus glorieuse à une institution formée sous de tels auspices.

La messe finie, les décorations de la légion ont été déposées, au pied du trône, dans des bassins d'or.

M. de Ségur, grand-maître des cérémonies, a pris les deux décorations de l'ordre et les a remises à M. de Talleyrand, grand-chambellan. Celui-ci les a présentées à S. A. I. monseigneur le prince Louis, qui les à attachées à l'habit de sa majesté.

De nouveaux cris de vive l'empereur se sont fait entendre à plusieurs reprises.

M. le grand-chancelier de la légion a invité messieurs les grands-officiers à s'approcher du trône, pour recevoir successivement des mains de sa majesté la décoration que lui présentait, sur un plat d'or, le grand-maître des cérémonies,

Ensuite M. le grand-chancelier a appelé d'abord les com mandans, puis les officiers, et enfin les légionnaires, qui sont tous venus au pied du trône recevoir individuellement la décoration des mains de l'empereur.

Sa majesté a fixé particulièrement son attention sur les braves vétérans dont les glorieux services étaient attestés par leurs mutilations; elle a interrogé plusieurs d'entr'eux sur les lieux et les actions dans lesquels ils avaieut reçu ces nobles

blessures.

Ce mélange des citoyens les plus distingués de toutes les classes et de tous les âges offrait un opectacle noble, doux et

attendrissant. Le soldat, le général, le pontife, le magistrat, l'administrateur, l'homme de lettres, l'artiste célèbre recevant chacun la récompense de leurs talens et de leurs travaux, ne semblaient composer qu'une seule famille qui se pressait autour du trône d'un héros pour le décorer et l'affermir. Une vive et profonde émotion était peinte sur tous les visages, et cette cérémonie auguste et brillante frappait les esprits d'un respect à la fois religieux et guerrier.

La fête a été terminée par un Te Deum, qui était, ainsi que la messe, de la composition de M. le Sueur, directeur de la chapelle impériale.

A trois heures, sa majesté impériale, au broit d'une salve d'artillerie, est sortie de l'église avec le même cortège et dans le même ordre qu'elle y était venue. Le retour de S. M. l'Impératrice a eu lieu aussi dans le même ordre qui avait été observé au départ.

Leurs majestés ont, dans tous les lieux de leur passage, entendu retentir autour d'elles les acclamations unanimes d'une foule immense de spectateurs.

Une salve d'artillerie a annoncé la rentrée de l'empereur au palais des Thuileries.

Le soir, le palais et les jardins ont été illuminés, ainsi que les principaux édifices de Paris.

Il y a eu, à neuf heures, un concert sur la terrasse du palais impérial; et à dix heures, il a été tiré sur le pont-neuf, un feu d'artifice.

20 Juillet, 1804.

Discoura prononcé le 26 messidor de l'an 12, anniversaire du 14 Juillet, dans l'église des Invalides, lors de la prestation du serment des membres de la légion d'honneur, par M. Lacépéde, grand-chancelier.

Sire,

Quelle auguste solennité réunit dans cette enceinte l'élite de la nation!

Français, quelle époque mémorable venez-vons célébrer ? Ce jour de 89 où la nation fit entendre sa voix souveraine et reprit ses droits usurpés. Alors elle brilla de son éclat céleste, cette liberté sainte que le peuple français venait de conquérir. Mais quels orages funestes s'amoncelerent bientôt sur la tête de la patrie trompée, trahie, livrée à l'or corrupteur d'un étranger perfide! Elle allait succomber et périr, lors que le héros du dix-neuvième siècle, interrompant ses triomphes lointains et accourant à sa voix, est venu la sauver, la délivrer et la rendre à la gloire et au bonheur.

Malgré toutes les tempêtes, le vaisseau de l'état est entré dans le port; il a jeté l'ancre, et la révolution est terminée.

Quels tableaux, cependant, pour l'histoire! quelles leçons pour l'homme d'état! quels examples pour les nations! L'expérience faisant retentir au loin sa voix forte et salutaire, signale pour les siècles à venir, les rochers menaçans et les écueils cachés répandus au milieu de cette mer terrible, sur laquelle tant d'erreurs désastreuses et de discordes sanglantes nous ont si long-tems agités, que la philosophie redoutait si vivement pour la justice et pour l'humanité, et dont les gouffres auraient été le terme de nos malheurs, si le génie qui maîtrise la victoire, et que la sagesse éclaire, n'était venu commander à la fureur des flots.

La tourmente révolutionnaire finissait à peine; on croyait encore entendre gronder l'orage; et néanmoins la paix étendait ses rameaux sur l'Europe continentale; des états ébranlés raffermis sur leurs fondemens; des lois conservatrices demandées par des peuples amis; l'industrie souriant à la vue de tant de canaux, de routes et de ports créés, pour ainsi dire, par une puissance magique; les arts se glorifiant par de nouveaux chefs-d'oeuvre; le temple de la science reconstruit sur un plan plus vaste; la justice recevant d'une méditation savante le code Napoléon; les haines éteignant leurs flambeaux; la religion consolée, et ne voyant autour de ses autels relevés que des enfans d'un même père, et des ministres citoyens; tout présentait un enchaînement de merveilles, tout présageait le grand événement qui réunit à jamais la liberté, la concorde et de bonheur, tout annonçait ce concours de désir, de vœux et de suffrages qui ont proclamé le sauveur de la France, Empereur des Français.

Aujourdhui tout ce que le peuple a voulu le 14 Juillet 89, existe par sa volonté. Il a conquis sa liberté; elle est fondée sur des lois immuables; il a voulu l'égalité, elle est défendue par un gouvernement dont elle est la base. Il a voulu que la propriété fût sacrée, elle est rendue inviolable par toutes nos institutions. Répétez ces mots qui déjà ont été proférés dans cette enceinte, et qu'ils retentissent jusqu'aux extrémités de l'empire: tout ce qu'a établi le 14 Juillet est inébranlable; rien de ce qu'il a détruit ne peut reparaître.

Et quelle garantie plus forte pouvait être offerte à la volonté du peuple et à la raison du sage, que la grande et nouvelle institution à laquelle vous appartenez, Français, membres de la légion d'honneur!

Résultat d'une conception sublime, créée sans modèle, comme toutes les vastes pensées des têtes supérieures, ne pouvant ressembler à rien de ce que nous découvrons dans le passé, parce qu'elle ne pouvait être inspirée que lorsque le progrès des lumières aurait élevé les sociétés européennes au degré de civilisation qui les distingue aujourd'hui, et cepen

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