Page images
PDF
EPUB

valable qu'autant que la somme pour laquelle elle est consentie est certaine et déterminée l'acte si la créance résultant de l'obligation par est conditionnelle pour son existence, ou indéterminée dans sa valeur, le créancier ne pourra requérir l'inscription dont il sera parlé ci-après, que jusqu'à concurrence d'une valeur estimative par lui déclarée expressément, et que le débiteur aura droit de faire réduire, s'il y a lieu (1).

= Est certaine et déterminée. Suite du système de spécialité et de publicité des hypothèques ces dispositions eussent été illusoires si les tiers n'avaient pu connaître la quotité de la créance.

Conditionnelle pour son existence. Si, par exemple, l'obligation est subordonnée à la condition que tel vaisseau arrivera des Indes.

Indéterminée dans sa valeur. Si l'hypothèque est consentie pour dommages-intérêts non encore liquidés.

QUESTION. Lorsqu'un banquier ouvre un crédit à son correspondant, celui-ci peut-il garantir, par une hypothèque, l'obligation d'indemniser le banquier? La cour de Douai a adopté l'affirmative : « Altendu que l'acte par lequel un banquier ouvre un crédit à son correspondant, forme entre eux un lien de droit, par suite duquel le premier met ses écus à la disposition du second, qui contracte, de son côté, l'obligation d'indemniser le banquier de ses avances, avec intérêts et droits de commission d'usage; que cette obligation du correspondant se forme au moment même de l'acte, et peut être valablement garantie par une hypothèque, pourvu que le titre constitutif de cette hypothèque soit authentique, et que la somme à concurrence de laquelle le crédit est ouvert soit déterminée dans l'acte; attendu que l'inscription prise en exécution d'une telle convention a son effet, non du jour où les écus sont réellement sortis de la caisse du banquier pour entrer dans les mains du correspondant, ou pour acquitter ses traites, mais du jour où ils sont mis à sa disposition par l'acte qui lui ouvre un crédit; que la numération des deniers n'est que l'exécution de la promesse, la suite nécessaire de l'obligation garantie par hypothèque, dont l'effet doit nécessairement se reporter au jour où elle a été rendue publique par une inscription régulière.» (Arrêt du 17 décembre 1833.)

2133. L'hypothèque acquise s'étend à toutes les améliorations survenues à l'immeuble hypothéqué.

Améliorations. Parce que les améliorations forment les accessoires de la chose principale. It est même décidé que l'hypothèque s'étendrait aux accroissements provenus par alluvion (art. 556), mais non à un fonds nouveau ajouté au premier fonds par quelque événement extraordinaire. (Art. 559.) — QUESTION. Peut-on considérer comme une des améliorations frappées de l'hypothèque, des maisons construites sur un terrain nu? La cour de Paris a consacré la négative: «Considérant, en droit, que si, aux termes de l'art. 2133 du C. civ., l'hypothèque s'étend à toutes les améliorations survenues à l'immeuble hypothéqué, cet article n'est pas applicable au cas où, comme dans l'espèce, des maisons entières ont été élevées sur un terrain entièrement nu; que de telles constructions ne peuvent être considérées comme ayant le caractère d'une amélioration; qu'il est vrai de dire qu'elles constituent une chose tout autre que celle

(1) L'hypothèque consentie pour l'ouverture d'un crédit peut être opposée aux tiers, à dater du jour de l'inscription quand même les avances auraient été faites postérieurement à cette époque. (Liége, 22 juin 1823.)

qui existait originairement; que les principes généraux du droit, en matière de privilége, et les règles de l'équité, s'opposent à ce que le privilége du vendeur ait l'extension réclamée par les intimés; d'où il suit que le vendeur n'a pu stipuler en sa faveur un privilége destructif de celui que la loi confère aux ouvriers et constructeurs qui remplissent les conditions prescrites par l'art. 2103 du Code civ. » (Arrêt du 6 mars 1834.)

SECTION IV. Du rang que les Hypothèques ont entre elles.

2134. Entre les créanciers, l'hypothèque, soit légale, soit judiciaire, soit conventionnelle, n'a de rang que du jour de l'inscription prise par le créancier sur les registres du conservateur, dans la forme et de la manière prescrites par la loi, sauf les exceptions portées en l'article suivant.

= Que du jour de l'inscription. C'est dans cette inscription que consiste la publicité qui forme un des principaux éléments du système hypothécaire actuel; c'est au moyen de cette inscription que les tiers peuvent connaître les charges qui pèsent sur les biens des personnes avec lesquelles ils veulent traiter. Du reste, cette formalité est tellement essentielle à l'hypothèque, qu'elle n'existe qu'autant qu'elle est inscrite, à l'exception des deux hypothèques légales qui suivent ainsi les créanciers qui n'ont pas fait inscrire leurs hypothèques ne jouissent pas de droits plus étendus que les simples créanciers chirographaires.

Prise par le créancier. QUESTION. Le conservateur des hypothèques peut-il, en même temps qu'il prend inscription d'office pour le vendeur, comme le lui prescrit l'art. 2108, prendre valablement inscription pour un créancier? La cour de Poitiers a consacré la négative: «Considérant que l'hypothèque consentie à André Jean, dit Fabien, par les époux Potron, pour supplément de garantie du prix de la maison par eux acquise, aux termes de l'acte du 20 fév. 1823, sur celle qu'ils ont vendue au sieur Baudet, par acte du 19 déc. 1828, est une bypothèque conventionnelle dont l'inscription, pour qu'elle pùt conserver son rang, devait être prise dans les formes prescrites par les art. 2134 et 2148 du C. civ.; qu'il résulte du premier de ces articles, qu'entre les créanciers l'hypothèque conventionnelle n'a de rang que du jour de l'inscription prise par le créancier sur les registres du conservateur, dans la forme et de la manière prescrites par la loi; qu'aux termes de l'art. 2148, pour opérer l'inscription de l'hypothèque qui lui a été consentie, le créancier doit représenter, soit par lui-même, soit par un tiers, au conservateur des hypothèques, l'original en brevet ou une expédition authentique du jugement ou de l'acte qui donne naissance à l'hypothèque, et qu'il doit y joindre deux bordereaux écrits sur papier timbré, dont l'un peut être porté sur l'expédition de l'acte; considérant que, de la combinaison des articles précités, il résulte la conséquence que le créancier, soit par lui-même, soit par un tiers qu'il en a spécialement chargé, peut seul, en remplissant les formalités prescrites par lesdits articles, acquérir et prendre inscription de l'hypothèque conventionnelle qui lui a été conférée; que cette formalité de l'inscription que la loi impose au créancier, pour la conservation de la créance, il peut, par divers motifs, soit en différer l'accomplissement, soit même omettre volontairement de la remplir; qu'il suit de là que le conser

Le créancier hypothécaire éventuel doit être compris fictivement dans la contribution et sa créance subir la radiation, sauf les mesures à prendre pour la conservation du prix. (Brux., 27 avril 1814.)

vateur qui, d'office, ferait sur son registre l'inscription d'une hypothèque conventionnelle pourrait agir tout à la fois contre la volonté du créancier qui ne requiert pas formellement ladite inscription, et contrairement aux intérêts des autres créanciers; considérant que si, dans l'espèce, le conservateur de Niort était tenu, conformément aux dispositions de l'art. 2108 du C. civ., en transcrivant le contrat de vente du 20 fév. 1823, de faire d'office, sur son registre, l'inscription de la créance privilégiée résultant dudit acte, en faveur de Fabien, vendeur, là se bornaient ses obligations et son pouvoir; qu'en effet, en imposant aux conservateurs l'obligation de conserver le privilége par l'inscription d'office, sous peine de tous dommages et intérêts envers les tiers, le but du législateur a été d'avertir les tiers de se mettre en règle et d'empêcher qu'ils ne soient évincés par suite d'un concert frauduleux qui pourrait être pratiqué entre le vendeur et l'acquéreur; mais que ni dans ledit article 2108, ni dans aucun autre article du Code, le législateur n'a conféré le pouvoir au conservateur de suppléer d'office le créancier qui négligerait de requérir l'inscription de l'hypothèque conventionnelle qui lui a été consentie; d'où il suit que l'inscription prise d'office le 6 mars 1823, par le conservateur de l'arrondissement de Niort, sur la maison acquise des héritiers Lecointre de Puyravaut, et revendue par les époux Potron au sieur Baudet, doit être considérée comme n'ayant jamais été prise, l'ayant été par un individu qui n'avait ni caractère, ni attribution pour la prendre. » (Arrêt du 1er juil 1831.)

[ocr errors]

2135. L'hypothèque existe, indépendamment de toute inscription, 1o Au profit des mineurs et interdits, sur les immeubles appartenant à leur tuteur, à raison de sa gestion, du jour de l'acceptation de la tutelle (1); 2o Au profit des femmes, pour raison de leurs dot et conventions matrimoniales, sur les immeubles de leur mari, et à compter du jour du mariage (2). La femme n'a hypothèque pour les sommes dotales qui proviennent de successions à elle échues, ou de donations à elle faites pendant le mariage, qu'à compter de l'ouverture des successions ou du jour que les donations ont eu leur effet. Elle n'a hypothèque pour l'indemnité des dettes qu'elle a contractées avec son mari, et pour le remploi de ses propres aliénés, qu'à compter du jour de l'obligation ou de la vente.-Dans aucun cas, la disposition du présent article ne pourra préjudicier aux droits acquis à des tiers avant la publication du présent titre.

= Indépendamment de toute inscription. Cette faveur a été accordée aux mineurs et aux femmes mariées, parce qu'étant, les uns sous la dépendance de leurs tuteurs, les autres sous celle de leurs maris, il a pu leur être impossible de prendre inscription, mais il n'y a que ces deux sortes d'hypothèques légales qui soient dispensées de l'inscription; celles des communes, des établissements publics (art. 2121), des privilégiés devenus simples créanciers hypothécaires (art. 2115) et des légataires (art. 1017), n'en sont point affranchies, et même le législateur attache tant d'importance à la publicité, qu'il prend encore tous les moyens possibles d'obliger à faire

(1) Le mineur devenu majeur n'est pas tenu, pour conserver l'hypothèque légale, de prendre inscription. (Br., 5 janvier et 20 avril 1826.)

(2) La loi n'attribue pas à la femme d'un commerçant tombé en faillite un droit de privilége ou de préférence sur les meubles de la communauté pour la remplir de ses propres aliénés. (Br., 11 mars 1831.)

inscrire les hypothèques légales des mineurs et des femmes mariées (art. 2136); mais enfin si, nonobstant ces dispositions, elles n'ont point été inscrites, elles n'en produisent pas moins leur effet.

A leur tuteur. Nous avons vu, sous l'art. 389, que l'hypothèque légale ne frappe pas les immeubles du père, administrateur, durant le mariage, des biens de ses enfants. (Cass., 3 déc. 1821.)

A raison de sa gestion. C'est-à-dire pour tout ce dont il peut se trouver reliquataire à raison de la tutelle : l'hypothèque s'étendrait même aux dettes personnelles exigibles durant la tutelle, parce qu'il est supposé les avoir exigées de lui-même comme il aurait dû les exiger d'un autre débiteur. Mais si elles n'étaient exigibles qu'après l'expiration de la tutelle, elles ne seraient pas garanties par l'hypothèque légale; car sa qualité de tuteur ne doit pas changer sa position; toutefois, si l'hypothèque avait été consentie avec le père du pupille par un acte authentique, il devrait prendre inscription luimême. QUESTION. Lorsque le pupille a atteint samajorité, ou l'interdit obtenu mainlevée de son interdiction, l'hypothèque légale continue-t-elle d'exister sans inscription? Oui; car elle est parfaite, dès le principe, sans inscription, et tout ce qui peut arriver dans la suite ne peut porter atteinte aux droits acquis aux mineurs et aux interdits pendant leur minorité et leur interdiction. (Arrêt de cass., 1er déc. 1824.)

De leurs dot et conventions matrimoniales. On entend par dot tout ce que la femme apporte à son mari pour supporter les charges du mariage, qu'elle soit mariée sous le régime de la communauté ou sous le régime dotal (art. 1540); on nomme conventions matrimoniales toutes celles qui ont pour objet de procurer quelque avantage aux époux, par exemple, les donations faites par le contrat de mariage, les gains de survie, le préciput, etc. Ainsi la femme a sur les biens de son mari une hypothèque légale, du jour de la célébration du mariage, pour toutes ces sortes de conventions, comme pour sa dot, bien que ces conventions n'aient souvent leur effet qu'à la dissolution du mariage; mais ces conventions peuvent avoir déterminé la femme à contracter mariage, et le législateur n'a pas voulu qu'elle pût perdre, par la dissipation de son mari, des droits sur lesquels elle a compté. Il y a cependant exception à ce principe à l'égard des femmes des faillis. (Art. 549, C. de comm.)- QUESTION. Les femmes ont-elles hypothèqué légale pour sûreté de leurs créances paraphernales (article 15, C. civ.), comme pour leurs autres droits? La cour suprême a établi l'affirmative : « Vu les art. 2121, 2135, 2193, 2194 et 2195 du C. civ.; attendu que l'art. 2121 dit, d'une manière générale et absolue, que les femmes ont une hypothèque légale sur les biens de leurs maris, pour sûreté de leurs droits et créances; que par ces mots, droits et créances, l'on doit nécessairement entendre tout ce que les femmes sont en droit de réclamer contre leurs maris, à quelque titre que ce soit; que l'art. 2155 porte également, et sans restriction, que les femmes ont une hypothèque indépendante de toute inscription sur les biens de leurs maris; que si cet article fixe diverses époques auxquelles remonte cette hypothèque des femmes, suivant la nature des droits qu'elles ont à réclamer, ce n'est pas pour en soustraire aucun à l'hypothèque qu'il leur accorde, mais uniquement pour établir que tous ne doivent pas remonter à la date de leur mariage; qu'il résulte, en effet, des dispositions des art. 2193, 2194 et 2195, que les acquéreurs des immeubles des maris ne purgent les hypothèques non inscrites

La femme mariée avant la publication du Code civil, peut invoquer l'art. 2135 de ce Code, pour l'exercice de l'hypothè que légale, si les créanciers avec qui elle est en concours, n'ont acquis leurs droits qu'après la publication de ce Code.

(Liége, 23 janv. 1817.)

[ocr errors]

des femmes mariées, pour leurs dots, reprises et conventions matrimoniales, qu'en observant les formalités qu'ils prescrivent; que les créances paraphernales des femmes rentrent nécessairement dans les dispositions générales de ces articles; qu'elles constituent, en effet, un des genres de reprise qu'elles ont à exercer sur leurs maris, lorsque ceux-ci en ont employé le montant à leur profit; d'où il suit que les femmes mariées ont une hypothèque légale indépendante de toute inscription, sur les biens de leurs maris, pour la sûreté de leurs paraphernaux, comme pour toutes leurs autres reprises, lorsque ceux-ci en ont reçu le montant et qu'ils en sont restés débiteurs envers elles; qu'il y a même raison de décider relativement aux créances paraphernales des femmes, que relativement à tous leurs autres droits; que le même empêchement moral existe à cet égard de la part des femmes mariées sous le régime dotal, pour la conservation de ces créances par la voie de l'inscription, qu'à l'égard des femmes mariées sous le régime de la communauté, puisque, comme cellesci, elles ne peuvent disposer de leurs biens qu'avec l'autorisation de leurs maris. » (Arrêts des 11 juin 1822 et 6 juin 1826.) QUESTION. L'hypothèque légale de la - femme doit-elle nécessairement être inscrite après la dissolution du mariage? La cour de Montpellier, a consacré la négative : Attendu que l'article 2136 du Code civil établit, en faveur des femmes une hypothèque indépendante de toute inscription, pour raison de leurs dot et conventions matrimoniales, sur les immeubles de leurs maris, à compter du jour du mariage; que ce droit accordé à la femme n'est modifié par aucune disposition de la loi qui puisse faire cesser l'effet de son hypothèque légale à l'époque de la dissolution du mariage, ou à aucune autre époque déterminée; que l'hypothèque de la femme n'est pas un privilége purement personnel, attaché à sa qualité actuelle de femme mariée, et qui, par sa nature, doive cesser avec cette qualité; mais que cette hypothèque est, au contraire, un droit inhérent à la nature de sa créance même, qui continue de subsister après la dissolution du mariage, et qui est transmissible aux héritiers de la femme; que, par la dissolution du mariage, la créance de la femme ne change pas de nature, et ne peut être soumise, pour la conservation de l'hypothèque, à la formalité de l'inscription, qui n'est pas requise pour son établissement; qu'il suit de là que l'hypothèque de la femme étant dispensée d'inscription, la disposition législative qui fixe à dix années la durée des inscriptions hypothécaires ne lui est point applicable, et que cette hypothèque doit durer autant que la créance dont elle est l'accessoire; que le législateur n'a soumis la femme à faire inscrire son hypothèque que dans le cas exprimé dans l'article 2195, et après l'accomplissement des formalités prescrites par l'article 2194; qu'il suit de là que, hors ce cas, et sans l'accomplissement de ces formalités, l'hypothèque légale des femmes demeure toujours exempte d'inscription; attendu que cette doctrine se trouve appuyée de deux avis du conseil d'Etat, approuvés par le chef du gouvernement, en date du 15 déc. 1807 et du 8 mai 1812, ainsi que d'un arrêt de cassation du 1er déc. 1824, qui, le décidant pour l'hypothèque légale des mineurs, le décide implicitement pour celle des femmes, puisqu'elle est de la même nature, et que c'est aussi ce que la cour a décidé par ses arrêts des 1er fév. et 21 août 1828; attendu que c'est en vain que l'on oppose, pour le soutien de l'opinion contraire, les inconvénients auxquels les tiers se trouveraient exposés ; qu'il suffit de considérer, par rapport aux acquéreurs, que le mode établi par l'art. 2194, et l'avis du conseil d'État du 9 mai 1807, pour purger les hypothèques légales à l'égard de toutes personnes connues ou inconnues qui en auraient de pareilles à faire valoir, offre un moyen aussi simple que solide pour forcer la femme, ou ses représentants, à faire connaître leurs droits par la voie de l'inscription; qu'à l'égard des créanciers ordinaires, rien ne les dispense de s'enquérir des charges de toute nature qui peuvent peser

ROGRON. C. CIV.

sur les biens de ceux avec qui ils désirent contracter. » (Arrêts des 14 fév. 1829 et 1er fév. 1828.)

Les sommes dotales. Si la succession renfermait des immeubles, c'est seulement du jour de l'aliénation que l'hypothèque légale commencerait, aux termes du second alinéa la raison qui fait donner hypothèque aux femmes, du jour de la succession, pour les sommes que le mari peut dissiper, ne s'applique plus aux immeubles. Pour savoir si la femme mariée sous le régime dotal a, pour la restitution de sa dot, tout à la fois l'action en résolution de la vente et hypothèque légale sur les biens de son mari, voyez nos explications sur l'art. 1560.

Le remploi de ses propres aliénés. Ainsi, bien que des immeubles apportés pour soutenir les charges du mariage fissent partie de la dot, ce ne serait que du jour de la vente, et non du jour du mariage, que l'hypothèque commencerait, car c'est de ce jour seulement qu'elle se trouve exposée à perdre son bien, faute par son mari de faire le remploi. (Article 1433.) — QUESTION. La femme mariée peut-elle céder son hypothèque légale ? Les auteurs paraissent aujourd'hui d'accord pour dire qu'elle ne le peut pas, si les époux sont mariés sous le régime dotal, parce que cette renonciation serait une aliénation indirecte de sa dot, qui est inaliénable (article 1554) (voir cet article et les arrêts que nous avons cités); mais qu'elle peut faire cette renonciation si les époux sont mariés sous le régime en communauté, parce que sous ce régime, pouvant aliéner ses immeubles (article 1428), et contracter toutes sortes d'obligations du consentement de son mari, on ne voit pas pourquoi elle ne pourrait pas renoncer à son hypothèque. (Argum. arti cle 1431.)

2136. Sont toutefois les maris et les tuteurs tenus de rendre publiques les hypothèques dont leurs biens sont grevés, et, à cet effet, de requé rir eux-mêmes, sans aucun délai, inscription aux bureaux à ce établis, sur les immeubles à eux appartenant, et sur ceux qui pourront leur appartenir par la suite. Les maris et les tuteurs qui, ayant manqué de requérir et de faire faire les inscriptions ordonnées par le présent article, auraient consenti ou laissé prendre des priviléges ou des hypothèques sur leurs immeubles, sans déclarer expressément que lesdits immeubles étaient affectés à l'hypothèque légale des femmes et des mineurs, seront réputés stellionataires, et, comme tels, contraignables par corps.

=Seront réputés stellionataires. Sans pouvoir, à la différence des autres débiteurs (article 2059), invoquer leur bonne foi. (Cass., 29 novembre 1826, et Bordeaux 15 mars 1833.)

2137. Les subrogés tuteurs seront tenus, sous leur responsabilité personnelle, et sous peine de tous dommages et intérêts, de veiller à ce que les inscriptions soient prises, sans délai, sur les biens du tuteur, pour raison de sa gestion, même de faire faire lesdites inscriptions.

[ocr errors][merged small][merged small]

ordonnées par les articles précédents, elles seront requises par le procureur du roi près le tribunal de première instance du domicile des maris et tuteurs, ou du lieu de la situation des biens.

Par le procureur du roi. Parce que la publicité des hypothèques est en quelque sorte d'ordre public, mais les conservateurs n'ont aucune qualité pour faire cette inscription d'office. (Circulaire du ministre de la justice, du 15 sept. 1808.)

2139. Pourront les parents, soit du mari, soit de la femme, et les parents du mineur, ou, à défaut de parents, ses amis, requérir lesdites inscriptions; elles pourront aussi être requises par la femme et par les mineurs.

Les parents, etc. Comme ce n'est pas une obligation que la loi leur impose, mais un service qu'elle leur demande, et une capacité qu'elle leur donne, aucune sanction pénale n'accompagne cette disposition.

Ses amis. Du mineur, et non de la femme, qui ne doit pas avoir d'amis particuliers qui puissent s'immiscer dans la conduite de ses affaires.

Par la femme et par les mineurs. Sans autorisation, car ce n'est qu'une simple mesure de précaution qui n'exige aucune capacité active.

2140. Lorsque, dans le contrat de mariage, les parties majeures seront convenues qu'il ne sera pris d'inscription que sur un ou certains immeubles du mari, les immeubles qui ne seraient pas indiqués pour l'inscription resteront libres et affranchis de l'hypothèque pour la dot de la femme et pour ses reprises et conventions matrimoniales. Il ne pourra pas être convenu qu'il ne sera pris aucune inscription.

Dans le contrat de mariage. Ainsi cette convention hors du contrat de mariage serait nulle. Après le mariage, il faudrait suivre l'art. 2144 : cette disposition a pour objet de restreindre le moins possible le crédit du mari.

Majeures. QUESTION. Les femmes mineures pourraient-elles, par leur contrat de mariage, consentir cette restriction? La cour de cassation a consacré la négative: « Attendu que l'article 2140 du Code civil n'a permis qu'à la femme majeure de restreindre, dans le contrat de mariage, son hypothèque légale à certains immeubles du mari spécialement désignés; que, lorsque cette restriction est ainsi opérée par la femme majeure, son hypothèque se concentre dans les immeubles désignés; que, dans ce cas, tous les autres immeubles du mari sont affranchis de l'hypothèque légale; que l'article 2140 n'ayant accordé cette faculté qu'à la femme majeure, on ne pourrait, sans étendre cette disposition, l'appliquer à la femme mineure, qui doit, par conséquent, conserver son hypothèque entière, telle que la loi la lui confère, tant pour la conservation de sa dot que pour la sûreté de ses reprises matrimoniales; que la faculté de cette restriction fut agitée pour la première fois au conseil d'État, lorsqu'on s'y occupa des hypothè ques et des priviléges; que la discussion dissipa tous les doutes qui ont été élevés sur cette question; que deux opinions entièrement opposées furent, en effet, émises au conseil d'État, que l'une de ces opinions tendait à n'admettre la faculté de restreindre l'hypothèque légale ni à l'égard des femmes mineures, ni même à l'égard des femmes majeures; que l'opinion opposée tendait, au contraire, à permettre cette restriction non-seulement aux femmes majeures, mais encore aux femmes mineures;

que la dissidence des opinions cessa dès qu'on eut proposé une nouvelle rédaction de l'article 2140, telle qu'elle se retrouve aujourd'hui dans le C. civ. que, par cette nouvelle rédaction, la faculté de restreindre l'hypothèque fut limitée aux parties majeures, tandis que, par la première rédaction, cette faculté était indéfiniment accordée aux parties, sans distinction de majorité et de minorité; que cette discussion et cette nouvelle rédaction démontrent qu'on n'a entendu permettre, et qu'on n'a réellement permis qu'à la femme majeure de restreindre son hypothèque légale, et qu'on a entendu refuser cette faculté, et qu'on l'a réellement refusée à la femme mineure; que les art. 1309 et 1398 du Code civ., qui autorisent, en général, les mineurs à faire, dans les contrats de mariage, du consentement de leurs parents, toutes les conventions dont ces contrats sont susceptibles, ne s'appliquent qu'aux conventions qui ne sont pas spécialement réglées par la loi; qu'en effet, malgré ces articles, le législateur n'en a pas moins limité à la femme majeure, par l'art. 2140, la faculté de restreindre l'hypothèque légale; attendu en outre, que, d'après la dernière partie de l'art. 2140, la femme majeure elle-même, malgré sa majorité, et quelque étendus que soient les droits qui sont en général attachés à la majorité, ne peut néanmoins renoncer à toute inscription hypothécaire; attendu enfin que, lorsque des dispositions spéciales tenant surtout à l'ordre public, sont consacrées par la loi, ce sont ces dispositions qui doivent prévaloir sur les principes généraux, uniquement destinés à régler le sort des conventions ordinaires; rejette, etc. » (Arrêt du 19 juillet 1820.)

Aucune inscription. C'est-à-dire qu'on ne pourra pas convenir qu'aucune hypothèque légale ne frappera les biens du mari: ce serait une véritable renonciation, lors du mariage, à l'hypothèque légale, que la loi considère comme d'ordre public, et qui dès lors est proscrite. (Article 6.)

2141. Il en sera de même pour les immenbles du tuteur, lorsque les parents, en conseil de famille, auront été d'avis qu'il ne soit pris d'inscription que sur certains immeubles.

En conseil de famille. Comme ils sont réunis pour nommer le tuteur, ils peuvent en même temps restreindre l'hypothèque légale. Il résulte des termes de l'article, que les tuteurs légitimes ne pourraient pas faire restreindre leur hypothèque par le conseil de famille convoqué pour la nomination du subrogé tuteur (art. 421); car la tutelle commence sans aucune intervention du conseil de famille, et l'hypothèque générale existe à l'instant même; ils De peuvent donc la faire restreindre qu'en suivant les formes prescrites par l'art, 2143.

2142. Dans les cas des deux articles précédents, le mari, le tuteur et le subrogé tuteur, ne seront tenus de requérir inscriptions que sur les immeubles indiqués.

2143. Lorsque l'hypothèque n'aura pas ét restreinte par l'acte de nomination du tuteur celui-ci pourra, dans le cas où l'hypothèque genérale sur ses immeubles excéderait notoirement les sûretés suffisantes pour sa gestion, demander que cette hypothèque soit restreinte aux immeubles suffisants pour opérer une pleine garantie en faveur du mineur.-La demande sera formée contre le subrogé tuteur, et elle devra être précédée d'un avis de famille (1).

(1) Le ministère public peut d'office opposer le moyen de nullité pris de ce que la demande en réduction n'a pas eti précédée d'un avis de famille. (Brux., 28 juill. 1829.)

- N'aura pas été restreinte. Lorsqu'elle l'a été, on doit présumer que la restriction a été justement opérée, et dès lors il n'y a plus lieu à restriction nouvelle : l'action est dirigée contre le subrogé tuteur, parce qu'il est le contradicteur naturel du tuteur.

D'un avis. Comme le conseil de famille ne donne qu'un avis, s'il était évidemment contraire à l'intérêt du pupille, il paraît incontestable que le tribunal ne serait pas lié.

2144. Pourra pareillement le mari, du consentement de sa femme, et après avoir pris l'avis des quatre plus proches parents d'icelle, réunis en assemblée de famille, demander que l'hypothèque générale sur tous ses immeubles, pour raison de la dot, des reprises et conventions matrimoniales, soit restreinte aux immeubles suffisants pour la conservation entière des droits de la femme.

Pareillement. C'est-à-dire si la réduction n'a pas été opérée dans le contrat.

Des quatre plus proches parents. Ainsi, ce n'est pas un conseil de famille ordinaire ; car il se composerait de sept personnes. (Art. 407.)- QUESTION. La femme mariée sous le régime dotal peut-elle consentir la restriction de son hypothèque ? La cour de cassation a embrassé la négative : « Altendu qu'en jugeant que la femme mariée sous le régime dotal n'a pu, quoique séparée de biens, restreindre l'hypothèque légale qu'elle avait sur les biens de son père, qui avait été son tuteur, ni en donner main levée, et que cette restriction ou cette main levée constituaient une aliénation de sa dot aliénation prohibée par la loi, l'arrêt attaqué n'a violé aucun des articles cités. » (Arrêt du 19 nov. 1833.)

2145. Les jugements sur les demandes des maris et des tuteurs ne seront rendus qu'après avoir entendu le procureur du roi, et contradictoirement avec lui. Dans le cas où le tribunal prononcera la réduction de l'hypothèque à certains immeubles, les inscriptions prises sur tous les autres seront rayées.

Le procureur du roi. Ainsi le mari n'a qu'un contradicteur, tandis que le tuteur a en outre le subrogé tuteur. Mais devant quel tribunal l'action sera-t-elle portée ? Il paraît que c'est devant le tribunal du mari ou du tuteur; car autrement il faudrait autant de jugements qu'il y aurait d'immeubles situés en différents ressorts. Au reste, les tribunaux sont appelés à statuer sur ces demandes par de véritables jugements rendus par la voie contentieuse contre le subrogé tuteur (article 2145), et non par simple voie d'homologation, sans appeler le subrogé tuteur. (Cass., 3 juin 1834.)

CHAPITRE IV.

Du Mode de l'Inscription des Priviléges et
Hypothèques.

2146. Les inscriptions se font au bureau de conservation des hypothèques dans l'arrondissement duquel sont situés les biens soumis au privilége ou à l'hypothèque. Elles ne produisent aucun effet, si elles sont prises dans le délai pendant lequel les actes faits avant l'ouverture des faillites sont déclarés nuls. Il en est de méme entre les créanciers d'une succession, si l'inscription n'a été faite par l'un d'eux que

depuis l'ouverture, et dans le cas où la succession n'est acceptée que par bénéfice d'inventaire.

Les inscriptions. C'est, nous ne pouvons trop le répéter, l'inscription qui donne la vie à l'hypothèque. Mais quand n'est-il plus possible de la faire? Avant l'art. 834 du C. de proc., il n'était plus perinis de prendre inscription aussitôt que les biens n'appartenaient plus au débiteur. (Art. 2160.) Il résultait de là un grand abus: c'est qu'au moyen d'aliénations clandestines, un débiteur de mauvaise foi enlevait au créancier qui, par ménagement, n'avait pas pris inscription, le gage de sa créance. L'art. 834 du C. de proc, à entièrement changé cette législation: il permet aux créanciers de prendre encore inscription après l'aliénation des immeubles hypothéqués, et il étend ce droit même jusqu'à l'expiration de quinzaine à partir de la transcription de la vente, transcription qui, donnant de la publicité à la vente, suffit bien pour avertir les créanciers de l'aliénation opérée. Il est bien essentiel de se pénétrer de ce changement important apporté à la législation hypothécaire par cet art. 834.

Au bureau. Il y a un bureau de conservation des hy- pothèques dans chaque arrondissement du tribunal de première instance.

Dans le délai. C'est-à-dire pendant les dix jours qui précèdent la faillite. (Art. 448 du C. de comm.) La raison en est que, par la faillite du débiteur, la masse de ses biens se trouvant fixée, et les droits des créanciers définitivement arrêtés, il ne devait pas être permis à un créancier plus diligent, et mieux instruit de la position particulière du débiteur, d'échapper au malheur commun par l'accomplissement d'une formalité qu'il avait négligée jusqu'alors et que lui ont peut-être conseillée des révélations complaisantes et frauduleuses. Mais ce qu'il faut bien remarquer c'est que non-seulement les inscriptions prises dans ce délai pour conserver des hypothèques antérieures sont nulles, mais encore que les hypothèques elles-mêmes, quelles qu'elles soient, ne peuvent être acquises pendant ce même délai. (Art. 445 du C. de comm.) Ainsi la femme mariée à un négociant qui fait faillite dix jours après son mariage, le mineur dont le tuteur fait également faillite dans les dix jours de l'acceptation de la tutelle, le créancier qui obtient une condamnation dans ce délai, ne jouissent, aux termes de cet article, d'aucune hypothèque légale ou judiciaire. Quant aux priviléges, malgré les termes formels de l'art. 443 du C. de comm., il est difficile de penser qu'ils doivent, dans ce cas, être sans effet; car comment croire que, si une vente d'immeubles a été faite dans les dix jours de la faillite, le vendeur, qui n'a pas été payé de son prix, ne jouissé d'aucun privilége, lorsqu'il est constant que le vendeur conserve son immeuble, jure pignoris, jusqu'au payement? Du reste, il faut bien observer que l'article ne s'applique qu'aux négociants en faillite, et qu'il n'est pas permis de l'étendre aux créanciers de particuliers non négociants tombés en déconfiture. QUESTION. L'Avénement de la faillite du débiteur, qui ne permet pas de prendre inscription, dispense-t-il de la renouveler? Non. La cour de cassation a jugé que l'art. 2146 ne dispense pas les créanciers de renouveler leurs inscriptions, par cela seul que le débiteur a déclaré sa faillite; que si, d'après cet article, l'avénement de la faillite ne permet point de prendre inscription pour réaliser sur les biens du failli une hypothèque non encore inscrite, il ne suffit pas, pour pro

longer l'effet des inscriptions prises antérieurement sur

ses biens. (Arrêt du 15 déc. 1829.) QUESTION. Lorsque les inscriptions sont annulées comme prises dans le délai interdit, le prix des biens se partage-t-il entre tous les créanciers hypothécaires et chirographaires, ou seulement entre les créanciers du failli ayant hypothèque sur d'autres immeubles? La cour su

« PreviousContinue »