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fant appliquer ici les principes du droit commun, et que la nomination d'un tuteur, faite après la signification d'un jugement de première instance, est valable, quoique subordonnée, s'il y a appel, à la confirmation du jugement.

A la nomination. La tutelle d'un interdit est dative; il n'y a jamais lieu à la tutelle légitime des ascendants, parce que l'interdit, étant ordinairement majeur, peut avoir transporté son domicile loin de la maison paternelle. Les premiers rapports qui existaient entre lui et ses ascendants peuvent avoir cessé tout à fait, ou du moins être devenus moins fréquents; d'ailleurs, la tutelle ordinaire des père et mère et des ascendants est, à l'égard des mineurs, une suite de la puissance paternelle. qui n'existe plus à l'égard des majeurs. (Cass., 11 mars 1812; Poitiers 23 février 1825.) C'est donc au conseil de famille à juger toutes ces circonstances, et à déférer la tutelle de la manière la plus utile à l'interdit; il est clair qu'il la déférera presque toujours aux ascendants, de préférence à toutes autres personnes.

506. Le mari est, de droit, le tuteur de sa femme interdite.

Le mari est, de droit. C'est la seule tutelle légitime qui existe pour un interdit; elle est en quelque sorte la continuation de la puissance maritale. Cette puissance n'aurait jamais pu se concilier avec l'autorité donnée sur la femme à un autre tuteur.

507. La femme pourra être nommée tutrice de son mari. En ce cas, le conseil de famille réglera la forme et les conditions de l'administration, sauf le recours devant les tribunaux de la part de la femme qui se croirait lésée par l'arrêté de la famille.

= Pourra être nommée. Elle n'est pas tutrice de droit, parce qu'elle n'exerçait aucune puissance sur son mari, et que d'ailleurs elle peut ne pas être en état d'administrer; mais le conseil de famille peut la nommer, et le Code fait cesser pour elle cette incapacité légale dont les femmes sont frappées relativement à la tutelle. (Art. 442.) QUESTION. Le conseil de famille peut-il nommer à l'interdit une autre personne que la femme, bien qu'il n'existe aucune cause grave d'exclusion contre elle? La cour suprême a consacré l'affirmative, repoussée par une cour royale: «< Åttendu que l'art. 505 du C. civ. dispose que la tutelle de l'interdit est dative, et que la nomination du tuteur appartient au conseil de famille; qu'aucune loi ne déroge à ce principe en faveur de la femme de l'interdit; qu'au contraire, l'art. 507 le confirme, en déclarant qu'elle pourra être nommée tutrice; d'où il résulte que la tutelle est dative à son égard, et que la femme ne peut devenir tutrice que par la nomination du conseil de famille; qu'il est libre de fixer son choix sur elle ou sur tout autre, suivant qu'il le trouve convenable aux intérêts de l'interdit, etc.» (Arrêt du 27 nov. 1816.)

Qui se croirait lésée. Ce n'est pas seulement dans l'intérêt de l'interdit qu'elle peut réclamer, c'est dans le sien mé me, car le conseil de famille peut léser ses droits par l'arrêté qui règle les formes de son administration, et qui fixe la somme à laquelle pourra s'élever sa dépense annuelle, etc. (Art. 454.) — La femme nommée tutrice acquiert le droit d'administrer les biens de son mari, les siens propres, et ceux qui sont dans la communauté; mais elle doit se faire autoriser par justice pour ester en jugement, pour aliéner, hypothéquer des immeubles, accepter des donations, etc. (Art. 222).

508. Nul, à l'exception des époux, des ascendants et descendants, ne sera tenu de conserver

la tutelle d'un interdit au delà de dix ans. A l'expiration de ce délai, le tuteur pourra demander et devra obtenir son remplacement.

=Au delà de dix ans. Le moment qui doit faire cesser la tutelle d'un mineur est fixé d'avance: c'est au plus tard la majorité. Quant à la tutelle de l'interdit, sa durée est illimitée; mais l'on n'a pas voulu imposer au tuteur cette charge au delà de dix ans. Cette disposition ne pouvait concerner l'époux, les ascendants et les descendants; la nature elle-même ne leur permet pas de s'affranchir d'une telle obligation. De cet article résulte aussi qu'un fils peut être tuteur de son père interdit. En quelle main les intérêts paternels pourraient-ils être mieux déposés?

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509. L'interdit est assimilé au mineur, pour sa personne et pour ses biens les lois sur la tutelle des mineurs s'appliqueront à la tutelle des interdits.

= Assimilé au mineur. Comme le mineur, l'interdit est donc incapable de contracter; son incapacité est même plus étendue. Le mineur ne peut faire annuler les actes qu'il a passés, qu'en prouvant qu'ils lèsent ses intérêts (art. 1305); pour l'interdit, on n'a qu'à présenter le jugement d'interdiction. (Art. 502.) Le mineur peut contracter mariage, faire un testament. (Art. 904.) L'interdit ne le pourrait pas. (Art. 174,490.)

510. Les revenus d'un interdit doivent être essentiellement employés à adoucir son sort, et à accélérer sa guérison. Selon le caractère de sa maladie et l'état de sa fortune, le conseil de famille pourra arrêter qu'il sera traité dans son domicile, ou qu'il sera placé dans une maison de santé, et même dans un hospice.

= A accélérer sa guérison. Le plus grand avautage d'un interdit n'est pas de voir augmenter une fortune dont il ne peut jouir, Que les maux qu'entraîne presque toujours sa situation soient adoucis, voilà la meilleure destination que l'on puisse donner à ses revenus. Le conseil de famille et le tribunal pourraient même autoriser à y employer ses capitaux, si les circonstances l'exigeaient.

511. Lorqu'il sera question du mariage de l'enfant d'un interdit, là dot, ou l'avancement d'hoirie, et les autres conventions matrimoniales, seront réglés par un avis du conseil de famille, homologué par le tribunal, sur les conclusions du procureur du roi.

= L'avancement d'hoirie. Hojrie signifie succession. L'avancement d'hoirie est donc ce qu'un individu donne à son héritier présomptif, comme une avance sur sa succession.

Conventions matrimoniales. On nomme ainsi les conventions que deux époux font avant leur mariage, relativement à leurs biens et au mode de les administrer. Du conseil de famille. C'est celui de l'interdit, et non celui de l'enfant qui se marie; car remarquez qu'il ne s'agit pas ici de consentir au mariage, il faut pour cela se conformer aux art. 148 et suiv.: il s'agit seulement de disposer des biens de l'interdit pour doter son enfant qui va se marier.—La cour d'Amiens a pensé que la vente d'un immeuble appartenant à un interdit pouvait êtreautorisée pour l'établissement de ses enfants, même autre qu'un mariage, 1o si la somme à provenir de la vente n'était pas excessive, eu égard à la fortune de l'interdit ; 2o si l'établissement était tel qu'on dût croire que l'interdit l'aurait approuvé comme avantageux à son fils;

et 30 si le conseil de famille a été de cet avis. ( Arrêt du 6 août 1824.)

512. L'interdiction cesse avec les causes qui l'ont déterminée; néanmoins la mainlevée ne sera prononcée qu'en observant les formalités prescrites pour parvenir à l'interdiction, et l'interdit ne pourra reprendre l'exercice de ses droits qu'après le jugement de mainlevée.

En observant les formalités prescrites. L'interdit peut demander lui-même que son interdiction soit levée sans l'assistance de son tuteur; il suffit qu'il le melte en cause: aucune loi, en effet, ne prescrit l'autorisation du tuteur pour l'exercice de la demande en mainlevée, qui est de droit naturel. (Riom, 2 déc. 1830.)—Conformément à ces principes, la cour suprême a jugé que lorsque les formalités prescrites par l'art. 512 ont été observées, le conseil de famille et le ministère public sont les véritables contradicteurs sur la demande en mainlevée, et les seuls qui soient nécessaires aux termes de la loi, etc. ( Arrêt du 12 février 1816.) — Le tribunal consultera le conseil de famille, interrogera l'interdit pour voir si la démence et la fureur ont cessé, et prononcera la mainlevée de la même manière qu'il avait prononcé l'interdiction. Au reste, les tiers qui ont traité avec l'interdit ne peuvent attaquer les actes qu'ils ont consentis en contractant avec lui, ils sont présumés avoir reconnu qu'il a agi avec un discernement suffisant. (Art. 1125.)

CHAPITRE III.

Du Conseil judiciaire.

513. Il peut être défendu aux prodigues de plaider, de transiger, d'emprunter, de recevoir un capital mobilier et d'en donner décharge, d'aliéner, ni de grever leurs biens d'hypothèques, sans l'assistance d'un conseil qui leur est nommé par le tribunal.

Aux prodigues. La prodigalité est un vice qui entraîne celui qui en est atteint dans des dépenses inutiles et excessives. et qui lui fait ainsi dissiper rapidement sa fortune. C'était autrefois une cause d'interdiction; elle n'occasionne plus aujourd'hui que la nomination d'un conseil, sans l'avis duquel le prodigue ne peut passer certains actes importants. Il paralt même que c'est le seul motif pour lequel on puisse demander cette nomination; car, dans le cas d'imbécillité ou de démence, on doit toujours demander l'interdiction, sauf au tribunal à nommer seulement un conseil. (Art. 499.) Cependant n'y a pas de doute que les parties, en provoquant l'interdiction, pourraient demander la nomination d'un conseil, subsidiairement, c'est-à-dire à défaut d'interdiction. Comme dans le cas de démence ou de fureur, c'est au tribunal à apprécier la prodigalité, d'après les actes réitérés et habituels dont on lui fournirait la preuve.

De plaider, de transiger, etc. L'énumération de ces actes est limitative; les tribunaux ne pourraient ni l'étendre ni la restreindre. Ainsi, celui qui est soumis à un conseil peut se marier, administrer ses biens, faire son testament. Il ne peut pas aliéner; ce qui emporte la défense de faire des donations, aussi bien que de vendre. Sans l'assistance d'un conseil. Le tribunal choisit ordinairement un jurisconsulte, un notaire ou un avoué, plus versés dans la connaissance des affaires que de simples particuliers. Il pourrait aussi composer le conseil de plus d'une personne. Celui qui est soumis à ce conseii doit le consulter toutes les fois qu'il veut faire un des actes énumerés dans cet article. Si ces actes sont faits sans l'autorisation du conseil, ils seront nuls. Au reste, on n'exige pas que l'autorisation soit donnée toujours de vive voix au moment où l'acte se passe : elle peut l'être par écrit. Dans tous les cas, si l'autorisation n'est pas donnée par écrit, il faut qu'elle soit attestée par la signature du conseil, au bas de l'acte que consent le prodigue, et s'il la donne par écrit, cet écrit doit être annexé à l'acte principal. QUESTION. Un conseil pourrait-il être donné à une femme prodigue, dont le mari absent est pré‚sumé décédé? La cour suprême a consacré l'affirmative: « Considérant que, bien que l'absence du sieur de Baudre n'ait pas été judiciairement déclarée, sa disparition depuis la campagne de Russie a fait présumer à la cour royale qu'il était décédé; dès lors, la cour royale a pu, sans violer aucune loi, donner un conseil judiciaire à la dame de Baudre, pour obvier aux inconvénients de sa prodigalité, puisque dans le cas de ce décès, et à défaut de conseil judiciaire, la dame de Baudre, affranchie de la puissance maritale, pourrait souscrire une multitude d'actes préjudiciables à ses intérêts, et dont les tiers pourraient soutenir la validité. » (Arrêt du 9 mai 1829.) La même cour a jugé que l'incapacité résultant d'un jugement portant nomination d'un conseil judiciaire ne peut être opposée au tiers qui aurait contracté avec celui auquel ledit conseil aurait été nommé, que dans le cas où ce jugement aurait reçu la publicité voulue par la loi, et dans les formes qu'elle a prescrites. (Art. 501.) (16 juin 1810. Voir aussi l'arrêt du 9 juill. 1816, sous l'art. 512.)

cité

514. La défense de procéder sans l'assistance d'un conseil peut être provoquée par ceux qui ont droit de demander l'interdiction; leur demande doit être instruite et jugée de la même manière. Cette défense ne peut être levée qu'en observant les mêmes formalités.

515. Aucun jugement, en matière d'interdiction ou de nomination de conseil, ne pourra être rendu, soit en première instance, soit en cause d'appel, que sur les conclusions du ministère public.

=Du ministère public. Parce que, nous l'avons déjà dit, la société est intéressée dans ces affaires, puisqu'il s'agit d'enlever à un citoyen le libre exercice de ses droits civils.

LIVRE SECOND.

DES BIENS ET des différenTES MODIFICATIONS DE LA PROPRIÉTÉ.

On entend par choses tout ce qui existe physiquement ou moralement, excepté l'homme, si ce n'est dans le pays ou l'homme est esclave; car les esclaves étaient et. sont encore considérés comme des chos s. La jurisprudence s'occupe principalement des choses en tant qu'elles sont susceptibles d'une possession; lorsque les choses sont tombées dans la possession de l'homme, elles prennent le nom de biens: ainsi l'eau, les arbres, les animaux sauvages, sont des choses, tant que personne n'en a pris possession; mais aussitôt que quelqu'un s'en est emparé, ce sont des biens. Ce mot paraît venir de beare, rendre heureux, parce que les biens contribuent au bonheur de l'homme. En résumé, les choses, en jurisprudence, sont tout ce qu'on peut posséder, les biens, tout ce qu'on possède et qui est dans notre patrimoine. Le Code civ., destiné à renfermer des règles obligatoires pour tous, et non des principes élémentaires de la science du droit, n'a dù s'occuper que de cette espèce de choses qui sont l'objet d'une propriété quelconque, c'est-à-dire des biens.

TITRE PREMIER.

De la Distinction des Biens.

516. Tous les biens sont meubles ou immeubles.

= Meubles ou immeubles. Telle est la première distinction dont les biens sont susceptibles, et il était fort important de la faire; car il est une foule de cas où il est nécessaire de bien connaître ce qu'on entend par meubles et par immeubles, ainsi les meubles tombent dans la communauté des époux, les immeubles n'y tombeut pas. (Art. 1401, 1404.) Ainsi les immeubles sont susceptibles d'hypothèque et non les meubles (art. 2118 et 2119), etc.; mais cette division des biens n'est pas la settle, ui même la plus exacte. Ils se divisent en corporels et incorporels. Les biens corporels sont ceux qui tombent sous les sens, quæ tangi possunt, une maison, un habit; incorporels, ceux qui n'existent que moralement, qui ne tombent pas sous les sens, quæ tangi non possunt, une créance, une servitude. Il est impossible de concevoir quelque chose dans la nature qui ne soit renfermé dans cette division; au contraire, nous verrons que certains objets ne sont meubles ou immeubles qu'au moyen d'une fiction; cependant le législateur a préféré cet e dernière division, comme plus convenable aux transactions humaines et aux règles qu'il allait tracer. Il est réanmoins certains cas où le législateur distingue les biens corporels des biens incorporels, quoiqu'il n'ait pas indiqué leur division. (Art. 1607, 2075.)

CHAPITRE PREMIER.

Des Immeubles.

517. Les biens sont immeubles, ou par leur nature, ou par leur destination, ou par l'objet auquel ils s'appliquent.

= Immeubles. Généralement, les immeubles sont toutes les parties de la surface de la terre, et tout ce qui y est adhérent, comme les arbres, les maisons; ces dernières choses peuvent bien être détachées de la terre et devenir meubles, mais non sans dégradation : or, immobiles sunt quæ, extrà corruptionem, de loco in locum moveri nequeunt.

518. Les fonds de terre et les bâtiments sont immeubles par leur nature.

= Par leur nature. Parce qu'ils ne peuvent naturellement être transportés d'un lieu dans un autre, ou au moins, si ce sont des bâtiments, sans dégradation,

519. Les moulins à vent ou à eau, fixés sur piliers et faisant partie du bâtiment, sont aussi immeubles par leur nature.

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= Fixés sur piliers et faisant partie du bâtiment. - QUESTION. Ces moulins doivent-ils réunir cette double condition pour être réputés immeubles? Le texte paraît positif, et l'on peut dire que, sans ces deux circonstances, le législateur a pu penser que leur adhérence au fond ne serait pas assez grande. Des auteurs très-recommandables professent cependant l'opinion contraire ils observent, avec raison, que l'une des conditions exigées suffit dans la réalité pour que l'usine paraisse par son incorporation faire partie du sol. Ils se fondent aussi sur l'art. 531, qui exige, pour qu'une chose soit réputée mobilière, qu'elle ne soit pas fixée sur des piliers, et qu'elle ne fasse pas partie du bâtiment : done, disentils, il suffit, pour qu'une chose soit immobilière, qu'elle soit fixée sur des piliers.

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520. Les récoltes pendantes par les racines, et les fruits des arbres non encore recueillis, sont pareillement immeubles. Dès que les grains sont coupés et les fruits détachés, quoique non enlevés, ils sont immeubles. Si une partie seulement de la récolte est coupée, cette partie seule est meuble.

= Pendantes par racines. On appelle fruits pendants, tous ceux qui sont encore attachés à la terre.

Pareillement immeubles. Parce qu'ils sont regardés comme faisant partie du fonds: Fructus pendentes pars fundi videntur. — QUESTION. Les récoltes et les autres fruits, ainsi que les bois taillis (art. 521), continuent-ils d'être considérés comme immeubles, même à l'égard de l'acquéreur, tant qu'ils n'ont pas été coupés? Non, ils ne sont rangés dans la classe des immeubles qu'autant qu'on les considère comme accessoires du fonds, et quant à la transmission qui s'opère d'un propriétaire à un autre : ainsi, à la mort du propriétaire, les fruits sur pied passent comme immeubles à ses héritiers; ainsi ils passent également comme immeubles à l'acquéreur du fonds, car l'accessoire suit toujours le principal; mais, si ces fruits ont été vendus seuls et sur pied, comme ils ne sont plus un accessoire du fonds dans les mains de l'acheteur, ils sont meubles. Ils le sont également à l'égard du fermier, puisqu'il n'est pas propriétaire du fonds, et à l'égard des créanciers du propriétaire ou du fermier, qui peuvent faire saisir et vendre les fruits par des formes particulières aux ventes des meubles (art. 626 et suiv., C. pr.), et non par celles particulières aux ventes d'immeubles. Ces principes ont été plusieurs fois proclamés par la cour suprême : « Altendu que les dispositions des art. 520 et 521 du C. civ. étant conformes à celles de plusieurs coutumes, et notamment à l'art. 92 de la coutume de Paris, lequel réputail immeubles les bois sur pied, les récoltes pendantes par les racines et les fruits attachés aux arbres, ne peuvent recevoir de plus saines applications et interprétations que celles qui résultent de la doctrine presque générale des auteurs les plus estimés et de la jurisprudence, qui avaient restreint l'application de ces dispositions au seul cas où il s'agissait de régler les droits des propriétaires, des usufruitiers, ou des héritiers entre eux; qu'il s'agit dans la cause du droit de préférence entre deux acheteurs d'une même coupe de bois acquise du même vendeur; que les biens de cette espèce sont meubles ou immeubles par destination; que cela se déduit même naturellement de l'art. 1405 du C. civ., qui accorde une indemnité à l'époux non propriétaire du fonds où se trouvent les coupes échues des bois, qui n'ont pas été faites durant la communauté, et de l'art. 626 du Code de procédure civile, qui suppose que les récoltes des fruits pendants par racines peuvent être mobilièrement saisis; que d'après ces principes, la vente d'une coupe de bois taillis étant de sa nature et par destination une vente d'objets mobiliers, puisqu'ils n'avaient été achetés que pour couper lesdits bois et les transporter, i en résulte qu'en droit, la cour d'appel, loin de violer la loi, n'a fait que se conformer à son esprit, en considérant la vente dont il s'agit comme purement mobilière; rejette. ■ (Arrêt du 21 juin 1820.) La mêine cour a appliqué ces principes à des objets analogues dans l'arrêt suivant : « Attendu qu'il y a des immeubles par leur nature qui deviennent meubles par destination; qu'il en est ainsi des bois vendus à la charge d'être coupés; qu'il en est de même, et à plus forte raison des pierres, soit déjà extraites de la carrière, soit déjà vendues à la charge d'en être extraites; d'où il suit qu'en décidant que la vente de l'exploitation de la carrière et des ustensiles dont il s'agit est une vente purement mobilière, le jugement dénoncé n'a violé aucune des lois invoquées par l'administration de l'enregistrement et des domaines, et a sainement entendu et expliqué la disposition de la loi du 22 frimaire an vii, relative aux ventes d'objets mobiliers; rejette. » (20 mars 1830.) Voy. encore l'arrêt du 21 juill. 1818, cité sous l'art. 585.

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QUESTION. La valeur des récoltes pendantes par les racines doit-elle être prise en considération dans l'estimation de la valeur réelle d'un immeuble lorsqu'il s'agit de décider s'il y a lieu ou non à la rescision d'une vente pour lésion des sept douzièmes, aux termes de l'art. 1674? La cour suprême a consacré l'affirmative: Vu la loi 44 ff. de rei vindica

tione attendu que, dans l'ancien droit, comme sous l'empire du C. civ., les récoltes pendantes par les racines étaient réputées immobilières; d'où il résulte que pour vérifier la lésion, il faut ajouter à la valeur estimative des immeubles dont elles avaient fait partie au moment de la vente, le prix desdites récoltes; attendu que, dans l'espèce, la cour de Limoges n'a fait aucune distinction entre les récoltes qui étaient encore sur pied et celles qui pouvaient avoir été séparées du sol le 11 août, jour de ia vente; qu'ayant considéré la totalité des récoltes comme objets mobiliers, elle en a défalqué la valeur sur le prix de vente, que c'est ce prix réduit qu'elle a comparé avec la seule valeur des immeubles proprement dits, pour calculer la lésion ; casse, etc. (Arrêt du 13 déc. 1830.)

521. Les coupes ordinaires des bois taillis ou de futaies mises en coupes réglées ne deviennent meubles qu'au fur et à mesure que les arbres sont abattus.

Des bois taillis. Ce sont les bois sujets à être coupés. Fulaies. Ce sont les arbres qui, n'ayant pas été coupés, sont devenus anciens; ordinairement on les nomme après quarante ans futaies, après soixante, hautes futaies.

Mises en coupes réglées. C'est-à-dire pour lesquelles le propriétaire a fixé des époques auxquelles elles doivent être coupées. Les bois taillis et les futaies mises en coupes réglées sont assimilés aux récoltes des moissons, et destinés en conséquence à être coupés comme des fruits: sunt in fructu; dès lors, un créancier du propriétaire, qui aurait hypothèque sur le fonds, ne pourrait pas prétendre qu'en les coupant on diminue son gage, et empêcher les coupes. (Cass., 26 janv. 1808, et 25 fév. 1812.) Au contraire, les futaies qui ne sont pas mises en coupes réglées ne sont pas considérées comme des fruits, mais comme partie intégrante du fonds, et dès lors le créancier hypothécaire pourrait en empêcher la coupe. Si pourtant le propriétaire les avait coupées et vendues à un acheteur de bonne foi, ce dernier les garderait; car les arbres détachés de la terre ne sont plus que des meubles dans sa main, pour la revendication desquels le créancier hypothécaire n'a aucune action. (Art. 2119.) Mais il pourrait exiger un autre immeuble en hypothèque, ou le remboursement de sa créance, quoique non exigible. (1188.)

522. Les animaux que le propriétaire du fonds livre au fermier ou au métayer pour la culture, estimés ou non, sont censés immeubles tant qu'ils demeurent attachés au fonds par l'effet de la convention. · Ceux qu'il donne à cheptel à d'autres qu'au fermier ou métayer, sont meubles.

-

= Que le propriétaire du fonds. Il n'y a que le propriétaire qui puisse rendre des animaux accessoires de sa chose; conséquemment ceux que le fermier ou métayer placerait sur le fonds, resteraient meubles.

Fermier. Qui tient à bail un héritage rural moyennant un prix.

Métarer. Qui paye son fermage avec une portion des fruits, ordinairement la moitié.

Estimés ou non. En général, l'estimation donnée aux meubles en transfère la propriété (art. 1551); car elle ne paraît pas avoir communément d'autre objet que de fixer le prix de la chose. Ici l'estimation ne saurait avoir cet effet, car ces animaux appartiendraient dès lors au fermier, et ne seraient plus accessoires du fonds, circonstance qui seule les rend immeubles.

Sont censés. Il est évident qu'ils ne sont pas naturellement immeubles; mais ils sont censés tels, dans l'intérêt de l'agriculture, comme nous le verrons bientôt et pour qu'on ne puisse les faire vendre qu'avec le fonds.

A cheptel. C'est un contrat par lequel l'une des parties donne à l'autre un fonds de bétail pour le garder, le nourrir et le soigner, sous les conditions convenues entre elles.» (Art. 1800.) Les animaux donnés aux fermier par nn autre que le propriétaire du fonds affermé ne peuvent être regardés comme accessoires de ce fonds, et conséquemment sont meubles. Il en serait de même des animaux qu'un propriétaire donnerait à d'autres individus que son fermier, car ces animaux ne sont plus accessoires de sa chose.

523. Les tuyaux servant à la conduite des eaux dans une maison ou autre héritage, sont immeubles, et font partie du fonds auquel ils sont attachés.

=Les tuyaux. Et, par une conséquence naturelle, les réservoirs, pierres et vaisseaux destinés à recevoir les eaux. Ils font un tout avec les tuyaux, qui eux-mêmes sont un accessoire de la maison.

Des eaux. Destinées, soit à l'utilité, soit à l'agrément.

524. Les objets que le propriétaire d'un fonds y a placés pour le service et l'exploitation de ce fonds, sont immeubles par destination.— Ainsi sont immeubles par destination, quand ils ont été placés par le propriétaire pour le service et l'exploitation du fonds : — Les animaux attachés à la culture; Les ustensiles aratoires; -Les semences données aux fermiers ou colons partiaires; Les pigeons des colombiers; Les ruches à miel; Les pressoirs,

Les lapins des garennes;

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Les poissons des étangs; chaudières, alambics, cuves et tonnes; ustensiles nécessaires à l'exploitation des forges, papeteries et autres usines; —Les pailles et engrais. Sont aussi immeubles par destination, tous effets mobiliers que le propriétaire a attachés au fonds à perpétuelle demeure.

Par destination. C'est-à-dire comme destinés à la culture et à l'exploitation du fonds: il est bien évident que tous ces objets ne sont pas immeubles (immobiles), mais le législateur a voulu, dans l'intérêt de l'agriculture, les confondre avec le fonds auquel ils sont attachés, pour que les créanciers ne pussent, en les faisant vendre comme meubles, et avec les formes rapides et faciles de la saisie mobilière, dépouiller les propriétés de leurs moyens d'exploitation : ils sont dès lors obligés de recourir aux formes longues et difficiles de la saisie immobilière.

Par le propriétaire. Ces objets, placés sur le fonds, par un autre que le propriétaire, un usufruitier, un locataire, par exemple, resteraient meubles; on ne saurait supposer que l'intention de l'usufruitier ou du locataire, a été de les y établir à perpétuelle demeure, puisqu'ils n'ont qu'une jouissance momentanée.

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Les animaux attachés à la culture. L'art. 522 déclarant déjà immeubles par destination ces animaux que le propriétaire livre au fermier, il faut décider que l'article actuel entend parler des animaux attachés au fonds par un propriétaire qui cultive lui-même; autrement cette disposition ne serait qu'une répétition. La cour de Limoges a jugé : « Qu'il ne suffit pas que les animaux propres à la culture soient trouvés sur un fonds pour qu'ils soient par cela seul présumés destinés et nécessaires au service et à l'exploitation de ce fonds (et par suite insaisissables); que cette destination dépend des circonstances, et ne doit s'appliquer qu'aux animaux rigoureusement nécessaires pour l'exploitation des fonds. >>

(Arrêt du 15 juin 1829.) — QUESTION Les objets dont il s'agit cessent-ils d'être immeubles, par la vente qu'en fait le propriétaire, séparément des immeubles? L'affirmative a été consacrée par la cour suprême : « Vu les art. 524 et 528 du C. civ.; attendu que, du rapprochement de ces articles, it résulte que les objets mobiliers par leur nature, qui n'ont acquis le caractère d'immeubles par destination que par leur adhésion à un immeuble proprement dit, perdent nécessairement ce caractère et reprennent leur qualité naturelle de meubles, lorsque, par la volonté du propriétaire, usant du droit que lui donne la loi de disposer à son gré de sa chose, ces objets sont détachés de l'immeuble par nature, auquel ils avaient été unis; attendu qu'une telle désunion s'opère, en effet, par la vente séparée que le propriétaire fait de l'immeuble par nature, et des immeubles par destination, soit au même acquéreur, soit à des acquéreurs différents, sans que les circonstances de l'identité des acquéreurs, ni celle de la simultanéité des deux ventes séparées puissent être considérées par elles-mêmes comme un obstacle à la mobilisation, qui, relativement aux immeubles par destination, est l'effet de cette séparation; que la conséquence ultérieure de ces principes est que la vente de ces immeubles par destination, ainsi mobilisés, ne peut donner ouverture qu'au droit proportionnel dont la mutation des objets mobiliers est passible, d'après les lois de la matière, sauf le cas où il serait légalement prouvé qu'une telle opération n'a été que simulée, dans l'objet d'échapper à l'application du droit réglé pour les ventes d'immeubles; rejette, etc. » (Arrêt du 19 nov. 1823.) La même cour a consacré les mêmes principes dans un cas où il s'agissait d'une vente de Nègres, dans les colonies, séparément du fonds. (Arrêt du 5 août 1829.)

Colons partiaires. Fermiers qui cultivent sous la condition de payer le propriétaire au moyen d'une partie des fruits.

Les pigeons des colombiers, etc. Les pigeons, les lapins des garennes, les poissons des étangs, qui jouissent de leur liberté naturelle, sont immeubles, plutôt comme accessoires du colombier, de la garenne, des étangs, que par destination: nous ne les possédons pas en particulier, mais comme partie de la garenne, de l'étang, du colombier. Les pigeons de volière, les lapins de clapier, les poissons de viviers, ne sont jamais immeubles, car nous les possédons réellement, ils sont dans notre main, sub custodiâ nostrâ.

Les ruches à miel. Quoique les ruches ne fassent pas partie du fonds, on a dù toutefois les déclarer immeubles, car les abeilles sont nourries par le fonds. Usines. Toute espèce de manufactures.

525. Le propriétaire est censé avoir attaché à son fonds des effets mobiliers à perpétuelle demeure, quand ils y sont scellés en plâtre ou à chaux ou à ciment, ou lorsqu'ils ne peuvent être détachés sans être fracturés et détériorés, ou sans briser ou détériorer la partie du fonds à laquelle ils sont attachés. Les glaces d'un appartement sont censées mises à perpétuelle demeure, lorsque le parquet sur lequel elles sont attachées fait corps avec la boiserie.—ll en est de mème des tableaux et autres ornements. Quant aux statues, elles sont immeubles lorsqu'elles sont placées dans une niche pratiquée exprès pour les recevoir, encore qu'elles puissent être enlevées sans fracture ou détérioration.

=Sans fracture. Parce que la niche ayant été pratitiquée pour recevoir la statue, si on l'enlevait, il manquerait quelque chose, pour ainsi dire, à l'édifice.

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