Page images
PDF
EPUB

71. Raisons qui ont fait maintenir la majorité à 21 ans, 183. Preuves des contrats.

et l'ont fait reculer à 25 ans pour le mariage.

[blocks in formation]

84. Liberté des conventions et où elle s'arrête.
85. Difficulté d'en fixer les limites.

86. Motifs pour autoriser le prêt à intérêt.
savoir si la loi doit en régler le taux.
commission ne l'as pas fixé.

-

[ocr errors]

- Question de Pourquoi la

[blocks in formation]

76. De quelle manière la commission avait réglé leur 92. La propriété est de droit naturel, mais la faculté de état en France.

[blocks in formation]

transmettre, après sa mort, soit ab intestat, soit par testament, est une institution du droit positif. 95. Questions que cette faculté fait naître.

94. L'État n'a aucun droit sur les biens que la mort du propriétaire laisse vacants. Il ne doit intervenir que pour régler l'ordre de succéder.

95.

96.

Quels sont, à cet égard, les principes différents de la loi politique et de la loi civile, et quand il faut suivre l'une ou l'autre.

Raisons d'accorder la faculté de tester.

97. On doit lui laisser de la latitude sans néanmoins la rendre illimitée, et sans autoriser les substitutions. 98. L'étendue que, dans le droit antérieur au Code, on avait donnée à la représentation en collatérale, la rendait absurde et injuste.

99. Les enfants naturels ne devaient pas être appelés à succéder, mais l'humanité obligeait à leur ménager des

secours.

100. Conclusion.

TEXTE DU DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

1. Un arrêté des consuls, du 24 thermidor | manière dont nous avons cru devoir la remplir. an VIII (12 août 1800), a chargé le ministre de la justice de nous réunir chez lui, pour « com» parer l'ordre suivi dans la rédaction des pro» jets de Code civil publiés jusqu'à ce jour (1), » déterminer le plan qu'il nous paraîtrait le plus ⚫ convenable d'adopter, et discuter ensuite les » principales bases de la législation en matière » civile. »

2. La France, ainsi que les autres grands États de l'Europe, s'est successivement agrandie par la conquête et par la réunion libre de différents peuples.

Les peuples conquis et les peuples demeurés libres ont toujours stipulé, dans leurs capitulations et dans leurs traités, le maintien de leur législation civile. L'expérience prouve que les hommes changent plus facilement de domination que de lois.

Cet arrêté est conforme au vou manifesté par toutes nos assemblées nationales et législatives. Nos conférences (2) sont terminées. De là cette prodigieuse diversité de coutumes Nous sommes comptables à la patrie et au gou-que l'on rencontrait dans le même empire: on vernement, de l'idée que nous nous sommes eût dit que la France n'était qu'une société de formée de notre importante mission, et de la sociétés. La patrie était commune; et les États,

(1) Voyez Histoire du Code civil, quels étaient ces pro

jets.

(2) Sur la manière dont se tenaient ces conférences, voyez également Histoire du Code civil.

particuliers et distincts: le territoire était un ; et naissent des changements! et les circonstances les nations, diverses. des circonstances. Les institutions se succèdent

Des magistrats recommandables avaient, plus avec rapidité, sans qu'on puisse se fixer à aud'une fois, conçu le projet d'établir une législa-cune; et l'esprit révolutionnaire se glisse dans tion uniforme. L'uniformité est un genre de per-toutes. Nous appelons esprit révolutionnaire, fection qui, selon le mot d'un auteur célèbre, le désir exalté de sacrifier violemment tous les saisit quelquefois les grands esprits, et frappe droits à un but politique, et de ne plus admettre infailliblement les petits. d'autre considération que celle d'un mystérieux et variable intérêt d'État.

Mais comment donner les mêmes lois à des hommes qui, quoique soumis au même gouver- Ce n'est pas dans un tel moment que l'on peut nement, ne vivaient pas sous le même climat, se promettre de régler les choses et les hommes et avaient des habitudes si différentes? comment avec cette sagesse qui préside aux établissements extirper des coutumes auxquelles on était atta-durables, et d'après les principes de cette équité ché comme à des priviléges, et que l'on regar- naturelle dont les législateurs humains ne doidait comme autant de barrières contre les volon-vent être que les respectueux interprètes. tés mobiles d'un pouvoir arbitraire? On eût craint d'affaiblir ou même de détruire, par des mesures violentes, les liens communs de l'autorité et de l'obéissance.

3. Tout à coup une grande révolution s'opère. On attaque tous les abus; on interroge toutes les institutions. A la simple voix d'un orateur, les établissements en apparence les plus inébranlables s'écroulent; ils n'avaient plus de racine dans les mœurs ni dans l'opinion. Ces succès encouragent; et bientôt la prudence qui tolérait tout, fait place au désir de tout détruire.

Aujourd'hui la France respire; et la constitution, qui garantit son repos, lui permet de penser à sa prospérité.

4. De bonnes lois civiles sont le plus grand bien que les hommes puissent donner et recevoir; elles sont la source des mœurs, le palladium de la propriété, et la garantie de toute paix publique et particulière : si elles ne fondent pas le gouvernement, elles le maintiennent; elles modèrent la puissance, et contribuent à la faire respecter, comme si elle était la justice même. Elles atteignent chaque individu, elles se mêlent aux principales actions de sa vie, elles le

Alors on revient aux idées d'uniformité dans la législation, parce qu'on entrevoit la possibi-suivent partout; elles sont souvent l'unique molité de les réaliser.

Mais un bon Code civil pouvait-il naître au milieu des crises politiques qui agitaient la France?

Toute révolution est une conquète. Fait-on des lois dans le passage de l'ancien gouvernement au nouveau, par la seule force des choses, ces lois sont nécessairement hostiles, partiales, éversives. On est emporté par le besoin de rompre toutes les habitudes, d'affaiblir tous les liens, d'écarter tous les mécontents. On ne s'occupé plus des relations privées des hommes entre eux on ne voit que l'objet politique et général on cherche des confédérés plutôt que des concitoyens. Tout devient droit public.

:

rale du peuple, et toujours elles font partie de sa liberté : enfin, elles consolent chaque citoyen des sacrifices que la loi politique lui commande pour la cité, en le protégeant, quand il le faut, dans sa personne et dans ses biens, comme s'il était, lui seul, la cité tout entière.

5. Mais quelle tâche que la rédaction d'une législation civile pour un grand peuple! L'ouvrage serait au-dessus des forces humaines, s'il s'agissait de donner à ce peuple une institution absolument nouvelle, et si oubliant qu'il occupe le premier rang parmi les nations policées, on dédaignait de profiter de l'expérience du passé, et de cette tradition de bon sens, de règles et de maximes, qui est parvenue jusqu'à nous, et qui forme l'esprit des siècles.

Si l'on fixe son attention sur les lois civiles, c'est moins pour les rendre plus sages ou plus Les lois ne sont pas de purs actes de puissance; justes, que pour les rendre plus favorables à ce sont des actes de sagesse, de justice et de rai ceux auxquels il importe de faire goûter le ré-son. Le législateur exerce moins une autorité gime qu'il s'agit d'établir. On renverse le pouvoir qu'un sacerdoce. Il ne doit point perdre de vue des pères, parce que les enfants se prêtent da- que les lois sont faites pour les hommes, et non vantage aux nouveautés. L'autorité maritale n'est les hommes pour les lois; qu'elles doivent être pas respectée, parce que c'est par une plus grande adaptées au caractère, aux habitudes, à la situaliberté donnée aux femmes, que l'on parvient à tion du peuple pour lequel elles sont faites; qu'il introduire de nouvelles formes et un nouveau faut être sobre de nouveautés en matière de léton dans le commerce de la vie. On a besoin de gislation, parce que s'il est possible, dans une bouleverser tout le système des successions, institution nouvelle, de calculer les avantages parce qu'il est expédient de préparer un nouvel que la théorie nous offre, il ne l'est pas de conordre de citoyens par un nouvel ordre de pro-naître tous les inconvénients que la pratique priétaires. A chaque instant, les changements seule peut découvrir; qu'il faut laisser le bien,

consuls, les règlements des édiles, les réponses ou les décisions des jurisconsultes, les pragmatiques sanctions, les rescrits, les édits, les novelles des empereurs? L'histoire de la législation de Rome est, à peu près, celle de la législation de tous les peuples.

si on est en doute du mieux; qu'en corrigeant | écrit du droit non écrit? ne vit-on pas naître un abus, il faut encore voir les dangers de la successivement les sénatus-consultes, les plébiscorrection même; qu'il serait absurde de se li- cites, les édits des préteurs, les ordonnances des vrer à des idées absolues de perfection, dans des choses qui ne sont susceptibles que d'une bonté relative; qu'au lieu de changer les lois, il est presque toujours plus utile de présenter aux citoyens de nouveaux motifs de les aimer; que l'histoire nous offre à peine la promulgation de deux ou trois bonnes lois dans l'espace de plu- Dans les États despotiques, où le prince est sieurs siècles; qu'enfin, il n'appartient de pro- propriétaire de tout le territoire, où tout le composer des changements, qu'à ceux qui sont merce se fait au nom du chef de l'État et à son assez heureusement nés pour pénétrer, d'un profit, où les particuliers n'ont ni liberté, ni coup de génie, et par une sorte d'illumination volonté, ni propriété, il y a plus de juges et de soudaine, toute la constitution d'un État. bourreaux que de lois : mais partout où les ci6. Le consul CAMBACÉRES publia, il y a quel-toyens ont des biens à conserver et à défendre; ques années, un projet de code dans lequel les partout où ils ont des droits politiques et civils; matières se trouvent classées avec autant de pré-partout où l'honneur est compté pour quelque cision que de méthode. Ce magistrat, aussi sage chose, il faut nécessairement un certain nombre qu'éclairé, ne nous eût rien laissé à faire, s'il eut pu donner un libre essor à ses lumières et à ses principes, et si des circonstances impérieuses et passagères n'eussent érigé en axiomes de droit, des erreurs qu'il ne partageait pas.

de lois pour faire face à tout. Les diverses espèces de biens, les divers genres d'industrie, les diverses situations de la vie humaine, demandent des règles différentes. La sollicitude du législateur est obligée de se proportionner à la 7. Après le 18 brumaire, une commission multiplicité et à l'importance des objets sur lescomposée d'hommes que le vœu national a placés quels il faut statuer. De là, dans les codes des dans diverses autorités constituées, fut établie nations policées, cette prévoyance scrupuleuse pour achever un ouvrage déjà trop souvent re-qui multiplie les cas particuliers, et semble pris et abandonné. Les utiles travaux de cette commission ont dirigé et abrégé les nôtres.

faire un art de la raison même.

8. A l'ouverture de nos conférences, nous avons été frappés de l'opinion, si généralement répandue, que, dans la rédaction d'un code civil, quelques textes bien précis sur chaque ma-la lière peuvent suffire, et que le grand art est de tout simplifier en prévoyant tout.

Tout simplifier, est une opération sur laquelle on a besoin de s'entendre. Tout prévoir, est un but qu'il est impossible d'atteindre.

Il ne faut point de lois inutiles; elles affaibliraient les lois nécessaires; elles compromettraient la certitude et la majesté de la législation. Mais un grand État comme la France, qui est à la fois agricole et commerçant, qui renferme tant de professions différentes, et qui offre tant de genres divers d'industrie, ne saurait comporter des lois aussi simples que celles d'une société pauvre ou plus réduite.

Nous n'avons donc pas cru devoir simplifier les lois, au point de laisser les citoyens sans règle et sans garantie sur leurs plus grands intérêts. 9. Nous nous sommes également préservés de dangereuse ambition de vouloir tout régler et tout prévoir. Qui pourrait penser que ce sont ceux mêmes auxquels un code paraît toujours trop volumineux, qui osent prescrire impérieusement au législateur la terrible tâche de ne rien abandonner à la décision du juge?

Quoi que l'on fasse, les lois positives ne sauraient jamais entièrement remplacer l'usage de la raison naturelle dans les affaires de la vie. Les besoins de la société sont si variés, la communication des hommes est și active, leurs intérêts sont si multipliés, et leurs rapports si étendus, qu'il est impossible au législateur de pourvoir à tout.

Dans les matières mêmes qui fixent particulièLes lois des Douze Tables sont sans cesse pro-rement son attention, il est une foule de détails posées pour modèle : mais peut-on comparer les qui lui échappent, ou qui sont trop contentieux institutions d'un peuple naissant, avec celles et trop mobiles pour pouvoir devenir l'objet d'un d'un peuple parvenu au plus haut degré de ri-texte de loi.

chesse et de civilisation? Rome, née pour la D'ailleurs, comment enchaîner l'action du grandeur, et destinée, pour ainsi dire, à étre temps? comment s'opposer au cours des événela ville éternelle, tarda-t-elle à reconnaître l'in-mens, ou à la pente insensible des mœurs? suffisance de ses premières lois? Les change- comment connaître et calculer d'avance ce que mens survenus insensiblement dans ses mœurs, l'expérience seule peut nous révéler? La prén'en produisirent-ils pas dans sa législation? ne voyance peut-elle jamais s'étendre à des objets commença-t-on pas bientôt à distinguer le droit que la pensée ne peut atteindre?

MEMENTO.

8

matières pussent être réglées par des lois. 11. Mais à défaut de texte précis sur chaque matière, un usage ancien, constant et bien établi; une suite non interrompue de décisions semblables; une opinion ou une maxime reçue, tiennent lieu de loi. Quand on n'est dirigé par rien de ce qui est établi ou connu, quand il s'agit d'un fait absolument nouveau, on remonte

Un code, quelque complet qu'il puisse paraftre, n'est pas plus tôt achevé, que mille questions inattendues viennent s'offrir au magistrat. Car les lois, une fois rédigées, demeurent telles qu'elles ont été écrites. Les hommes, au contraire, ne se reposent jamais; ils agissent toujours; et ce mouvement qui ne s'arrête pas, et dont les effets sont si diversement modifiés par les circonstances, produit à chaque instant quel-aux principes du droit naturel. Car, si la préque combinaison nouvelle, quelque nouveau fait, quelque résultat nouveau.

Une foule de choses sont donc nécessairement abandonnées à l'empire de l'usage, à la discussion des hommes instruits, à l'arbitrage des juges.

L'office de la loi est de fixer, par de grandes vues, les maximes générales du droit; d'établir des principes féconds en conséquences, et non de descendre dans le détail des questions qui peuvent naître sur chaque matière.

C'est au magistrat et au jurisconsulte, pénétrés de l'esprit général des lois, à en diriger l'application.

10. De là, chez toutes les nations policées, on voit toujours se former à côté du sanctuaire des lois, et sous la surveillance du législateur, un dépôt de maximes, de décisions et de doctrines qui s'épure journellement par la pratique et par le choc des débats judiciaires, qui s'accroit sans cesse de toutes les connaissances acquises, et qui a constamment été regardé comme le vrai supplément de la législation.

voyance des législateurs est limitée, la nature est infinie; elle s'applique à tout ce qui peut intéresser les hommes.

Tout cela suppose des compilations, des recueils, des traités, de nombreux volumes de recherches et de dissertations.

Le peuple, dit-on, ne peut, dans ce dédale, démêler ce qu'il doit éviter ou ce qu'il doit faire pour avoir la sûreté de ses possessions et de ses droits.

Mais le code même le plus simple, serait-il à la portée de toutes les classes de la société? Les passions ne seraient-elles pas perpétuellement occupées à en détourner le vrai sens? Ne faut-il pas une certaine expérience pour faire une sage application des lois? Quelle est d'ailleurs la nation à laquelle des lois simples et en petit nombre aient longtemps suffi?

Ce serait donc une erreur de penser qu'il pût exister un corps de lois qui eût d'avance pourvu à tous les cas possibles, et qui cependant fût à la portée du moindre citoyen.

12. Dans l'état de nos sociétés, il est trop heuOn fait à ceux qui professent la jurisprudence reux que la jurisprudence forme une science qui le reproche d'avoir multiplié les subtilités, les puisse fixer le talent, flatter l'amour-propre et compilations et les commentaires. Ce reproche réveiller l'émulation. Une classe entière d'hompeut être fondé. Mais dans quel art, dans quelle mes se voue dès lors à cette science, et cette science ne s'est-on pas exposé à le mériter? Doit-classe, consacrée à l'étude des lois, offre des on accuser une classe particulière d'hommes, de ce qui n'est qu'une maladie générale de l'esprit humain? Il est des temps où l'on est condamné à l'ignorance, parce qu'on manque de livres; il en est d'autres où il est difficile de s'instruire, parce qu'on en a trop.

conseils et des défenseurs aux citoyens qui ne pourraient se diriger et se défendre eux-mêmes, et devient comme le séminaire de la magistrature.

Il est trop heureux qu'il y ait des recueils, et une tradition suivie d'usages, de maximes et de règles, pour que l'on soit, en quelque sorte, nécessité à juger aujourd'hui comme on a jugé hier, et qu'il n'y ait d'autres variations dans les jugements publics, que celles qui sont amenées par le progrès des lumières et par la force des

Si l'on peut pardonner à l'intempérance de commenter, de discuter et d'écrire, c'est surtout en jurisprudence. On n'hésitera point à le croire, si l'on réfléchit sur les fils innombrables qui lient les citoyens, sur le développement et la progression successive des objets dont le magis- circonstances. trat et le jurisconsulte sont obligés de s'occuper, Il est trop heureux que la nécessité où est le sur le cours des événements et des circonstances juge, de s'instruire, de faire des recherches, qui modifient de tant de manières les relations d'approfondir les questions qui s'offrent à lui, sociales, enfin sur l'action et la réaction conti- ne lui permette jamais d'oublier que, s'il est des nue de toutes les passions et de tous les intérêts choses qui sont arbitraires à sa raison, il n'en divers. Tel blâme les subtilités et les commen- est point qui le soient purement à son caprice taires, qui devient, dans une cause personnelle, ou à sa volonté. le commentateur le plus subtil et le plus fastidieux.

Il serait, sans doute, désirable que toutes les

En Turquie, où la jurisprudence n'est point un art, où le bacha peut prononcer comme il le veut, quand des ordres supérieurs ne le gènent

pas, on voit les justiciables ne demander et ne] texte formel et préexistant qui puisse fonder recevoir justice qu'avec effroi. Pourquoi n'a-t-on l'action du juge, il faut des lois précises et point pas les mêmes inquiétudes auprès de nos juges? de jurisprudence. Il en est autrement en matière c'est qu'ils sont rompus aux affaires, qu'ils ont civile: là, il faut une jurisprudence, parce qu'il des lumières, des connaissances, et qu'ils se est impossible de régler tous les objets civils par croient sans cesse obligés de consulter celles des des lois, et qu'il est nécessaire de terminer, autres. On ne saurait comprendre combien cette entre particuliers, des contestations qu'on ne habitude de science et de raison adoucit et règle pourrait laisser indécises, sans forcer chaque le pouvoir. citoyen à devenir juge dans sa propre cause, et sans oublier que la justice est la première dette de la souveraineté.

13. Pour combattre l'autorité que nous reconnaissons dans les juges, de statuer sur les choses qui ne sont pas déterminées par les lois, on invoque le droit qu'a tout citoyen de n'être jugé que d'après une loi antérieure et constante.

Ce droit ne peut être méconnu. Mais, pour son application, il faut distinguer les matières criminelles d'avec les matières civiles.

14. Sur le fondement de la maxime que les juges doivent obéir aux lois, et qu'il leur est défendu de les interpréter, les tribunaux, dans ces dernières années, renvoyaient par des référés les justiciables au pouvoir législatif, toutes les fois qu'ils manquaient de loi, ou que la loi exisLes matières criminelles, qui ne roulent que tante leur paraissait obscure. Le tribunal de cassur certaines actions, sont circonscrites: les ma-sation a constamment réprimé cet abus, comme tières civiles ne le sont pas. Elles embrassent un déni de justice. indéfiniment toutes les actions et tous les intérêts Il est deux sortes d'interprétations: l'une par compliqués et variables qui peuvent devenir un voie de doctrine, et l'autre par voie d'autorité. objet de litige entre des hommes vivant en société. Conséquemment, les matières criminelles peuvent devenir l'objet d'une prévoyance dont les matières civiles ne sont pas susceptibles.

En second lieu, dans les matières civiles, le débat existe toujours entre deux ou plusieurs citoyens. Une question de propriété, ou toute autre question semblable, ne peut rester indécise entre eux. On est forcé de prononcer; de quelque manière que ce soit, il faut terminer le litige. Si les parties ne peuvent pas s'accorder elles-mêmes, que fait alors l'État? dans l'impossibilité de leur donner des lois sur tous les objets, il leur offre, dans le magistrat public, un arbitre éclairé et impartial dont la décision les empêche d'en venir aux mains, et leur est certainement plus profitable qu'un litige prolongé, dont elles ne pourraient prévoir ni les suites ni le terme. L'arbitraire apparent de l'équité vaut encore mieux que le tumulte des passions.

Mais, dans les matières criminelles, le débat est entre le citoyen et le public. La volonté du public ne peut être représentée que par celle de la loi. Le citoyen dont les actions ne violent point la loi, ne saurait donc être inquiété ni accusé au nom du public. Non-seulement alors on n'est pas forcé de juger; mais il n'y a pas même matière à jugement.

La loi qui sert de titre à l'accusation, doit être antérieure à l'action pour laquelle on accuse. Le législateur ne doit point frapper sans avertir: s'il en était autrement, la loi, contre son objet essentiel, ne se proposerait donc pas de rendre les hommes meilleurs, mais seulement de les rendre plus malheureux; ce qui serait contraire à l'essence même des choses.

Ainsi, en matière criminelle, où il n'y a qu'un

L'interprétation par voie de doctrine consiste à saisir le vrai sens des lois, à les appliquer avec discernement, et à les suppléer dans les cas qu'elles n'ont pas réglés. Sans cette espèce d'interprétation, pourrait-on concevoir la possibilité de remplir l'office de juge?

L'interprétation par voie d'autorité consiste à résoudre les questions et les doutes par voie de règlements ou de dispositions générales. Ce mode d'interprétation est le seul qui soit interdit au juge.

Quand la loi est claire, il faut la suivre ; quand elle est obscure, il faut en approfondir les dispositions. Si l'on manque de loi, il faut consulter l'usage ou l'équité. L'équité est le retour à la loi naturelle, dans le silence, l'opposition ou l'obscurité des lois positives.

15. Forcer le magistrat de recourir au législateur, ce serait admettre le plus funeste des principes; ce serait renouveler parmi nous la désastreuse législation des rescrits. Car, lorsque le législateur intervient pour prononcer sur des affaires nées et vivement agitées entre particuliers, il n'est pas plus à l'abri des surprises que les tribunaux. On a moins à redouter l'arbitraire réglé, timide et circonspect d'un magistrat qui peut étre réformé, et qui est soumis à l'action en forfaiture, que l'arbitraire absolu d'un pouvoir indépendant qui n'est jamais responsable.

16. Les parties qui traitent entre elles sur une matière que la loi positive n'a pas définie, se soumettent aux usages reçus, ou à l'équité universelle, à défaut de tout usage. Or constater un point d'usage et l'appliquer à une contestation privée, c'est faire un acte judiciaire et non un acte législatif. L'application même de cette équité ou de cette justice distributive, qui suit ou qui

« PreviousContinue »