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lutionnaire, le parti de la révolution, qui comprend au » moins les trois quarts de la France, est provoqué à reprendre le sien! N'oublions pas que ces trois couleurs, aujourd'hui proscrites, doivent être aussi agréables au trône » que le ruban de la Vendée; elles étaient celles du bon et magnanime Henri IV; Louis XVI les a arborées; elles » brillent encore dans les armoiries du gouvernement. » Ressaisissons aussi ces droits premiers gages de notre indépendance, et que nous avions cru pouvoir échanger contre » des trophées; ils doivent revivre aujourd'hui... Ne sait-on » pas qu'il n'appartient qu'à des mains glorieuses de voiler la >> statue de la liberté? >>

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Les vœux et les projets que ces discours séditieux attribuaient à tout le parti royaliste n'appartenaient réellement qu'à un groupe d'ambitieux, qui, après avoir subjugué un ministère inhabile, exploitaient encore un levain d'anciens préjugés, des regrets de puissance, des souvenirs d'infortune, et montraient à des yeux prévenus la révolution incessamment menaçante envers le trône et l'autel. La sagesse royale et les formes du gouvernement représentatif auraient infailliblement démasqué ces chefs turbulens et hypocrites, et ramené le gros du parti dans les voies de la vérité, de la raison; mais est-il donné au caractère français d'attendre les décrets du temps? Et qu'on ne croie pas toutefois que ces sollicitudes si patriotiques des chefs constitutionnels prissent toujours leur source dans des cœurs égarés, mais sincères; combien aussi, dans ce parti, d'ambitieux qui se seraient faits royalistes purs s'ils eussent obtenu la conservation de leurs places, de leurs dotations, de leurs dignités La noblesse nouvelle, éclatante d'une gloire qui était encore toute personnelle, avait essuyé les dédains de cette noblesse dont les seuls parchemins attestent l'illustration; et le peuple, à son insu, fut chargé de punir d'aussi puériles injures.

Cependant des millions d'hommes, agités de part et d'autre par des sentimens opposés d'exagération, instrumens aveugles de l'orgueil des rangs et d'une foule d'intérêts particuliers, étaient prêts à s'entre-déchirer au nom de la patrie et du trône, quand l'amour vrai du trône ou de la patrie condamnait également leurs dissensions, leurs fureurs. La question entre les deux partis était réduite à ce point: quels intéréts la

restauration a-t-elle dú confirmer, des intérêts nouveaux ou des intérêts de l'ancien régime?...

C'est ainsi que le torrent de la révolution, suspendu dans son cours par le régime impérial, rendu à une pente douce, mais nécessaire, par les concessions de la Charte royale ; c'est ainsi que ce torrent allait reprendre toute sa violence, et peut-être entraîner sans retour la monarchie, lorsque Napoléon reparut. Pour la seconde fois, détournant l'esprit public de ses dispositious réelles, il s'empara d'une force d'opinion qui ne s'était point formée pour lui. La France courait à la liberté ; elle se précipita vers la gloire.

Et faut-il parler des sermens, de l'affection du peuple et de l'armée ? Les sermens ne retiennent guère les masses, qui n'obéissent qu'à leurs sensations. Quant aux sentimens d'affection, quel prince avait mieux su que Napoléon flatter l'imagination chevaleresque, l'aventureuse passion des armes, le goût pour les arts, enfin le penchant au merveilleux qui sont en France les premiers maîtres, les plus impérieux tyrans? Il est donc superflu d'ajouter que Napoléon n'eut besoin d'aucune conjuration pour effectuer son retour, assez protégé par cet enthousiasme, éblouissant écueil des Français, qui les porte tour à tour à prodiguer aux mêmes idoles ou l'adoration ou l'outrage. Napoléon, de l'île d'Elbe, suivait les mouvemens des partis; quand il les vit prêts à se heurter, il vint se placer entre eux, et la révolution salua son plus habile légataire.

Ici commence cette période, ou plutôt cette tempête pendant laquelle on voit les individus et les nations se laisser emporter par les passions les plus contraires; le feu des vertus publiques se rallumer impétueux, puis s'éteindre doucement dans les ténèbres de la diplomatie; le despotisme plus abhorré qu'en aucune autre circonstance, et pourtant traîner à sa suite plus de défenseurs que la liberté ; la philanthropie recevoir partout des hommages, et partout les haines se réveiller plus implacables; enfin, et dans tous les rangs, le parjure et la loyauté se disputer avec un titre égal la reconnaissance des peuples. Tous les droits seront remis en question, et la victoire décidera s'il faut dire le droit des trônes ou le droit des nations.

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Débarquement de Napoléon; sa marche

jusqu'à Paris; ses premiers actes. Disposi tions du gouvernement royal. -Acte du Congrès

de Vienne.

SOMMAIRE HISTORIQUE.

Le 26 février. A une heure après midi, la garde impériale et les officiers de la suite de Napoléon reçoivent l'ordre de se tenir prêts à partir les dispositions nécessaires à cet effet avaient été secrètement prises dans le port. A cinq heures on se presse sur le rivage au cri de vive l'empereur; à huit un coup de canon donne le signal du départ; à neuf l'empereur et sa suite ont quitté l'île d'Elbe. Le sort en est jeté ! s'était écrié Napoléon en mettant le pied sur son navire. Il montait le brick de guerre l'Inconstant, de vingt-six canons; il avait avec lui Drouot, Cambronne, Bertrand, et ses quatre cents grenadiers : trois autres bâtimens légers portaient environ deux cents hommes d'infanterie, autant de chasseurs corses, cent chevau-légers polonais, un bataillon de flanqueurs : en tout onze cents hommes. Jusque là Napoléon avait gardé son secret: Grenadiers, dit-il alors, nous allons en France, nous allons à Paris! Les grenadiers l'auraient suivi partout : au nom de France l'amour de la patrie se manifesta plus fortement encore que le dévouement au chef; le cri de vive la France domina sur celui de vive l'empereur. La navigation offrit quelques doutės, quelques craintes; mais des résolutions fortes attendaient tout événement contraire, et il n'y en eut point. Napoléon dictait à ses secrétaires les proclamations qui devaient annoncer son retour aux Français et à l'armée : ce fut également lui qui dicta, sur son brick, l'adresse de la garde impériale à l'armée. Officiers, soldats, tambours et gens d'équipage prenaient la plume pour multiplier ces pièces : bientôt, datées du golfe Juan, elles seront encore copiées, puis imprimées et réimprimées dans toutes les villes, et feront seules plus de conquêtes à leur auteur que n'aurait pu le faire une puissante armée. (Voyez A, B, C. ). Le 1er mar's. A trois heures de l'après midi, la flottille de l'île d'Elbe entre dans le golfe Juan, quitte le pavillon blanc parsemé d'abeilles, et reprend la cocarde tricolore aux cris de vive la France! vivent les Français! A einq heures Napoléon met pied à terre, et son bivouac est établi dans un champ d'olivier : Voilà un heureux présage, I.-2 Série.

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dit-il; puisse-t-il se réaliser!..... Je vois d'ici l'embarras dans lequel vont se trouver ceux qui m'ont tourné le dos..., leurs efforts pour sauver les apparences, et attendre prudemment le moment de se déclarer pour le parti du plus fort....Mais que vont devenir les patriotes jusqu'à mon arrivée à Paris! Je tremble que les vendéens et les émigrés ne les massacrent. Malheur à eux s'ils y touchent! Je serai sans pitié. — Aussitôt le débarquement Napoléon avait chargé un capitaine et vingt-cinq hommes de s'introduire dans Antibes: ils devaient se présenter comme des déserteurs de l'île d'Elbe, reconnaître les dispositions de la garnison, et chercher àse la rendre favorable. Un zèle imprudent fit échouer cette tentative. Le général Corsin, commandant pour le roi à Antibes, fit lever le pont, et retint prisonniers le capitaine et les vingt-cinq hommes. Napoléon, fâché de ce contre-temps, mais n'en redoutant pas les conséquences, se met en marche avec sa troupe à onze heures du soir, et se rend à Cannes, où il reçoit du peuple un accueil qui le console d'Antibes.

Du 2 au 6 mars. De Cannes, Napoléon se porte à Grasse, à Barême, à Digne, le 5 il entre à Gap, et ne garde plus auprès de sa personne que dix hommes à cheval et quarante grenadiers. Parmi les autorités, quelques unes tentent de résister, d'autres restent incertaines, ou se retirent; mais partout le peuple se donne avec enthousiasme à l'empereur. « A Saint-Bonnel les habitans, voyant le petit nombre de » sa troupe, eurent des craintes, et lui proposèrent de faire sonner le » tocsin pour réunir les villages, et l'accompagner en masse. Non,

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répondit-il, vos sentimens me font connaître que je ne me suis point » trompé; ils sont pour moi un sûr garant des sentimens de mes soldats: » ceux que je rencontrerai se rangeront de mon côté; plus ils seront, » plus mon succès sera assuré. Restez donc tranquilles chez vous. » C'est à Gap que les proclamations dictées sur le brick furent imprimées pour la première fois, avec une autre adressée aux habitans des départemens des Hautes et Basses-Alpes. (D.)

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Du 6. La nouvelle du débarquement de Napoléon était parvenue à Paris dans la journée du 5. Aussitôt conseil des ministres (1), départ de courriers au congrès de Vienne, instructions aux préfets, gouverneurs, généraux, commandans de place, etc. La cour parut en même temps frappée de terreur, et confiante dans ses moyens de résistance: le nom de Napoléon justifiait cette terreur; la confiance lui était inspirée par les démonstrations éclatantes d'un dévouement qu'elle ne pouvait apprécier; dévouement qui n'avait pour garantie, chez les uns, ni le désintéressement, ni la loyauté, ni le courage, et qui chez d'autres, effet de l'enthousiasme, devait par la même cause avoir bientôt un autre objet. Les nombreuses

(1) Voyez, tome xx, la composition de ce ministère.

adresses au roi qui arriveront successivement, votées par des autorités, des cours et tribunaux, des administrations, des corps militaires, etc., etc., seraient des actes d'accusation si elles n'étaient ou l'ouvrage de la contrainte, ou l'inévitable résultat des inconsé

quences de l'esprit humain. Dans la nuit du 5 au 6, Monsieur, comte d'Artois, part pour Lyon, où il arrive le 8, à dix heures du matin; il y passe les troupes en revue, reçoit les hommages des magistrats et des fonctionnaires, et croit pouvoir compter sur l'appui de tous. Monsieur est accompagné du duc d'Orléans et du maréchal Macdonald. Le 6, convocation des Chambres, et ordonnance royale qui met Napoléon hors la loi. ( E. et F. )

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Du aù 9. En quittant Gap, le 6, Napoléon marchait sur Grenoble, où des dispositions avaient été prises qui paraissaient devoir déjouer ses projets. Sept à huit cents hommes, avant-garde d'une division de six mille hommes de troupes de ligne, étaient partis de cette ville pour se porter contre lui: ils sont rencontrés le par Cambronne, commandant l'avant-garde de l'île d'Elbe, et refusent de parlementër. Napoléon dépêche auprès d'eux un autre officier, qui essuie un pareil refus. Alors Napoléon s'y rend de sa personne, suivi de quelques grenadiers ayant l'arme sous le bras. Il se présente seul aux soldats du roi : Hé quoi, mes amis, leur dit-il, vous ne me reconnaissez pas! Je suis votre empereur. S'il est parmi vous un soldat qui veuille tuer son général, son empereur, il le peut; me voilà!... Et il efface sa poitrine. Les soldats répondent en criant vive l'empereur; ils arborent la cocarde tricolore, embrassent leurs camarades de l'île d'Elbe, et demandent à marcher des premiers contre la division de Grenoble. Les paysans accourent, et les acclamations deviennent unanimes. Napoléon range ses nouvelles troupes en bataille; il leur dit : Je viens avec une poignée de braves, parce que je compte sur le peuple et sur vous. Le trone des Bourbons est illégitime, puisqu'il n'a pas été élevé par la nation; il est contraire à la volonté nationale, puisqu'il est contraire aux intérêts de notre pays, et qu'il n'existe que dans l'intérêt de quelques familles. Demandez à vos pères; interrogez tous ces habitans qui arrivent ici des environs vous apprendrez de leur propre bouche la véritable situation des choses. Ils sont menacés du retour des dîmes, des priviléges, des droits féodaux, et de tous les abus dont pos succès les avaient délivrés. N'est-il pas vrai, paysans? — Oui, oui! répondent-ils unanimement. Sur ces entrefaites arrive Labédoyère avec son régiment, le septième de ligne; il s'est détaché de la division de Grenoble pour se réunir à l'empereur. Des acclamations, des embrassemens signalent cette touchante réunion. Sire, dit Labédoyère, les Français vont tout

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