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le tiers doit réclamer de suite et rétablir les termes de son engagement; en effet, il a été jugé que le silence qu'il garderait sur ce point pourrait être considéré comme le constituant en faute et le rendant obligé d'une manière pure et simple à l'exécution de l'opération qu'il a consentie, sauf recours contre ce commissionnaire (Bordeaux, 4 juill. 1843) (1). Mais, on ne peut se le dissimuler, cela est rigoureux; les bons rapports qui doivent exister entre commerçants, veulent sans doute que celui à qui l'on rappelle d'une manière inexacte une convention qu'il a passée avec un intermédiaire, prévienne le commettant de l'erreur où on l'a entretenu; mais de là à une obligation de droit étroit, la distance est grande, et il faudrait des circonstances particulières et bien caractéristiques pour que l'acheteur ou donneur de commande pût être déclaré responsable du préjudice causé par son silence, et surtout pour que son engagement conditionnel put être converti en obligation pure et simple. Aussi, et dans la même affaire, la cour de Bordeaux a-t-elle jugé depuis, que ce silence n'avait pu rendre l'acheteur obligé que dans les termes de son contrat primitif (Bordeaux, 26 juill, 1843) (2). — Et cette décision est sage, à notre avis, dans l'espèce où elle a été rendue; car la lettre du commettant ne pouvait point avoir l'effet d'imposer au tiers avec qui il n'avait point traité directement, l'obliga

(1) Espèce : (Audicq C. Hannapier, etc.) Le sieur Audicq, négociant à Nantes, avait acheté du sieur Louzeau-Coudrais, commissionnaire en la même ville, trente pipes de 3/6, au prix de 57 fr. l'hectolitre, livrables en mai et juin 1842, avec condition de ne pas prendre livraison sauf payement d'une différence de 2 p. 100, si à l'époque de la livraison les 3/6 étaient en baisse. Le sieur Louzeau-Coudrais fit part de cette opération à la maison Hannapier, de Bordeaux, dont il était commissionnaire, sans faire mention de la condition résolutoire. Lors de la première livraison, en mai 1842, le cas prévu par le sieur Audicq arriva; il refusa donc de prendre livraison et offrit la différence convenue. La maison Hannapier n'accéda pas à cette offre et exigea la prise de livraison.

La cause ayant été portée devant le tribunal de commerce de Bordeaux, ce tribunal a condamné le sieur Audicq à prendre livraison, par un jugement conçu en ces termes : « Attendu qu'il résulte des débats et documents du procés, que lorsque l'ordre d'acheter a été donné à Hannapier et comp. et exécuté par eux, ils n'avaient nulle connaissance des conventions particulières faites entre Audicq et Louzeau-Coudrais; que ce n'est que bien postérieurement et dans le courant de février, que ce dernier a fait connaître à Hannapier qu'il avait fourni personnellement une garantie à Audicq; Attendu que l'avis de l'achat a été donné purement et simplement par Hannapier et comp. à Audicq, suivant leur lettre du 51 janvier; qu'Audicq n'a pas répondu à cette lettre, malgré l'invitation formelle qui lui en était faite à une époque où Hannapier et comp. auraient pu plus facilement, dans tous les cas, prendre une détermination avantageuse; que, cependant, l'absence de la condition sur laquelle Audicq veut s'appuyer aujourd'hui, rendait cette réponse encore plus nécessaire; que ce qui se serait passé relativement à cette réponse entre Louzeau-Coudrais et Audicq, doit demeurer étranger aux sieurs Hannapier; qu'il est constant qu'ils ont opéré l'achat de bonne foi, conformément à l'ordre qui leur était transmis par Louzeau-Coudrais, qu'ils ont dû croire ratifié par Audicq; – Attendu, en droit, qu'il est de principe que les propositions faites par les représentants ou commis voyageurs ne sont valables qu'après la ratification de leurs mandants, lorsqu'ils ne sont pas, comme dans l'espèce, porteurs d'un mandat suffisant pour régler et terminer définitivement l'opération; qu'Hannapier et comp. n'ont donc pu être obligés envers Audicq que dans les limites qui leur ont été indiquées par Louzeau-Coudrais ; que la condition invoquée par Audicq est inusitée et contraire à ce qui se pratique dans ce genre d'opérations; et que plus la clause d'un marché lié par représentants est insolite, plus elle exige la ratification du mandant; Attendu, au surplus, qu'il y a deux choses dans l'engagement qu'Audicq et Louzeau-Coudrais reconnaissent avoir été convenu verbalement entre eux le 4 janvier, à savoir l'obligation prise par Louzeau-Coudrais, comme représentant d'Hannapier, de faire acheter les trente pipes de 3/6 au prix indiqué, et l'engagement pris par Louzeau-Coudrais, en son propre nom, de garantir les résultats de l'opération à laquelle se livrerait Audicq; que cette dernière obligation, étrangère au mandat de Louzeau-Coudrais, qu'Hannapier et comp. ignoraient au moment où ils ont exécuté l'ordre d'acheter, ne peut leur être valablement opposée, ce qui suffirait pour repousser les exceptions d'Audicq; - Par ces motifs, le tribunal condamne Audicq à prendre livraison et à payer le prix convenu; et statuant sur la demande en garantie, condamue par défaut Louzeau-Coudrais à garantir Audicq des condamnations prononcées contre lui. » Appel par Audicq contre Hannapier et comp.; et appel par Louzeau-Coudrais de la disposition du jugement qui le condamne à garantir Audicq. — Arrêt.

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LA COUS;- En ce qui touche l'action d'Hannapier, adoptant les motifs

tion de rectifier un prétendu engagement qui était relaté en des termes inexacts. A plus forte raison, a-t-on dù le juger ainsi lorsque, comme dans l'espèce, la lettre du commettant n'annonçait point qu'elle reproduisait d'une manière textuelle les termes de la convention à lui transmise par le commissionnaire, afin d'en obtenir la confirmation. - y a plus, c'est que, dans ces termes mêmes, nous ne regarderions pas comme obligé d'une manière pure et simple, celui qui a traité avec le commissionnaire. En cas pareil, c'est au commettant de prendre ses précautions et de ne faire soit les achats, soit les envois, qu'après qu'il aura reçu la réponse qu'il attendait : s'il est allé en avant, il n'a de recours que contre son commissionnaire auquel il doit s'en prendre de l'erreur dans laquelle il a été laissé. Et c'est dans ces termes extrêmes aussi qu'a jugé le dernier arrêt qui vient d'être indiqué. — V. vo Mandat; et M. Troplong, eod. v°, no 532 et suiv.

45. Mais les faits ne sont pas toujours nettement tranchés. On ne cache pas toujours le nom du commettant et quand on le divulgue, on n'établit pas toujours clairement que l'on tra le en son nom et comme simple mandataire : de là des difficultés sans nombre pour le praticien. Il arrive encore que les deux parties laissent l'intermédiaire et entrent ensemble en correspondance,

des premiers juges; Attendu, en ce qui touche la garantie, qu'elle est due par Louzeau-Coudrais qui, par sa faute, a causé à Audicq le dommage résultant de la condamnation prononcée au profit d'Hannapier; que, toutefois, Audicq doit tenir compte à Louzeau-Coudrais des 2 p. 100 de perte que ledit Audicq doit supporter dans le cas qui s'est réalisé; Met au néant l'appel interjeté par Audicq; faisant droit de l'appel que LouzeauCoudrais a interjeté du jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux, dans le chef relatif à l'étendue de la garantie, réforme quant à ce; en conséquence, ordonne qu'Audicq tiendra compte à Louzeau-Coudrais des 2 p. 100 de perte, verbalement stipulés pour le cas où le marché des 3/6 exposerait l'acheteur à une perte, cas qui a eu effectivement lieu; ordonne que les autres dispositions du jugement sortiront leur effet, etc. Du 4 juill. 1843.-C. de Bordeaux, 1re ch.-M. Poumeyrol, pr.

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(2) Espèce (Audicq C. Hannapier, etc.) - Lors de la deuxième livraison des marchandises au 1er juin 1842, nouvelles difficultés, et second jugement conforme du tribunal de commerce: Appel. · Arrêt. LA COUR; Attendu que le 4 janv. 1842, entre Audicq, négociant à Nantes, et Louzeau-Coudrais, négociant-commissionnaire dans la même ville, pour opérations commerciales, il fut arrêté : « Que celui-ci vendrait à celui-là, trente pipes de 3/6 pour mai et juin 1842, à 57 fr. l'hectolitre, à la charge par Louzeau-Coudrais de prendre le marché pour son compte, si dudit jour 4 janvier aux mois sus-énoncés de livraison, la revente n'offrait nul bénéfice, Audicq ne devant supporter, dans ce cas, que 2 p. 100 de perte; » — Que Louzeau-Coudrais qui, dans un tel marché, agissait en son propre nom, avait pour commettant la maison Hannapier de Bordeaux; Que le 31 janvier, cette maison écrivit à Audicq dans ces termes : « Nous avons réussi ce matin à vous acheter vos trente pipes pour mai et juin (quinze pipes par mois à 57 fr.), suivant l'ordre que nous a transmis M. Coudrais, notre représentant dans votre ville; veuillez prendre note de cet achat et nous le ratifier par écrit pour la bonne règle; Le courtier Dumas est votre vendeur; » Attendu que la maison Hannapier ne peut opposer à Audicq ce marché exécuté par elle, qu'autant qu'il rentre dans les termes de celui que ledit Audicq a consenti, et qui est énoncé ci-dessus; Attendu qu'il n'a été fait à la lettre sus-rappelée du 31 janvier, aucune réponse de laquelle il résulte qu'Audicq s'est départi du marché conclu entre lui et Louzeau-Coudrais; qu'une telle renonciation aurait été purement gratuite; qu'elle ne doit pas se supposer; qu'on ne peut l'induire de ce qu'Audicq a différé de rappeler le susdit marché à la maison Hannapier jusqu'en avril, époque où cette maison écrivit pour qu'Audicq prit livraison; qu'Audicq, qui avait déjà traité, contre lequel il ne pouvait être question d'exécuter que la convention passée avec Louzeau Coudrais, avait été parfaitement fondé à se reposer sur cette même con vention; que rien dans la conduite d'Audicq n'autorisait à la mettre & l'écart; que sans son concours, elle n'a pu être ni changée, ni dénaturée, ni remplacée par une stipulation d'une autre nature; qu'elle est donc la seule dont l'effet puisse être réclamé par Hannapier, dont le titre et le droit ne sont autres que ceux de Louzeau-Coudrais lui-même; - Faisant droit de l'appel qu'Audicq a interjeté du jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux, met l'appel et ce dont est appel au néant; émendant, décharge Audicq des condamnations contre lui prononcées par ledit jugement; en conséquence, le renvoie de la demande; - Condamne Hannapier et comp. aux dépens de première instance et d'appel, sauf à cette maison le droit d'exiger les 2 p. 100 de perte qu'a encourus Audicq, et dont, au surplus, il a fait offre dans sa correspondance, etc.

Du 26 juill. 1843.-C. de Bordeaux, 1 ch.-M. Poumeyrol, pr.

ce qui peut compliquer singulièrement les faits et changer entièrement la face du débat. Mais nous pensons avec Straccha que le mandant peut être engagé sans que le nom de mandataire ait été donné au commissionnaire. Nous n'admettons plus qu'il y ait des mots sacramentels pour lier les parties: il faut donc chercher quelle a été l'intention du tiers et du commissionnaire, sans perdre de vue que le commettant ne peut être engagé, sans sa volonté manifestée, soit dans le pouvoir qu'il a donné, soit dans d'autres actes envers les tiers qui traitent avec son commissionnaire. Par exemple, il peut résulter de la correspondance du commettant qu'il a dû être engagé. — Ainsi, il a été jugé que lorsqu'il résulte 'd'une correspondance entre le commettant et une tierce personne, chargée de recevoir du premier des fonds pour payer des achats de vins faits pour lui par son commissionnaire, que ce dernier n'a pas agi en son nom personnel, et, qu'au contraire, le commettant s'est constitué débiteur direct du vendeur des vins, on ne doit pas appliquer les règles du code de commerce, relatives aux commissionnaires agissant en leur nom personnel, mais seulement celles établies par le code civil pour le mandat. En conséquence, le commellant est tenu de payer au vendeur les achats faits par le commissionnaire, encore qu'il ne redoive rien à ce dernier (Req., 18 nov. 1829) (1).

46. D'autres circonstances encore peuvent faire que le commettant ait pu être considéré comme s'étant engagé envers les tiers; mais, pour que cela soit, il faut que les circonstances démontrent qu'il n'a pas entendu rester étranger à l'agissement qui a eu lieu. — Par exemple nous n'admettons pas que si un commissionnaire chargé de recevoir des marchandises, d'en acquitter les frais de transport et de les expédier à son commettant, empruntait une somme destinée à payer ce transport, sans qu'aucun fait particulier eût démontré que le commettant entendait s'engager envers le prêteur, ce commettant put être engagé. Le contraire s'induit pourtant d'un arrêt de la cour de cassation, mais comme le tribunal qui avait rendu le jugement avait fait résulter l'obligation du commettant des faits et circonstances de la cause, on peut dire en définitive que le rejet du pourvoi n'a été motivé que sur ce que l'appréciation des faits échappait à la censure de la cour (Req., 15 fév. 1830) (2).

47. Les tiers n'ont, par réciprocité, aucune action à craindre du commettant. Tous les droits sont corrélatifs. Du moment où un commissionnaire couvre le commettant, il couvrira de même le tiers. Il ne peut s'ouvrir de droits au tiers sans qu'à l'instant, il ne s'en ouvre au profit des commettants. Mais si les commet

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(1) Espèce: (Degrandpré C. Guénoud, etc.) - En 1813, Juton, commissionnaire à Ancenis, offre ses services au sieur Degrandpré, négociant à Paris, pour lui procurer l'achat de vins de la contrée. - Une correspondance s'engage, et Juton achète des vins pour le compte de son commettant. Cependant, au bout de quelque temps, Degrandpré ayant conçu de l'inquiétude sur la solvabilité de Juton, en écrit au sieur Palierne, qui le rassure, et qui se charge de recevoir les fonds pour effectuer lui-même le payement des achats du commissionnaire. - Diverses opérations de cette nature s'exécutent, de cette manière, jusqu'en décembre 1824, où Degrandpré se voit cité devant le tribunal d'Ancenis par Guénoud et Bigeard, en payement de 400 fr. dus à Guénoud, et de 900 fr. dus à Bigeard, pour solde de vins à lui vendus et livrés, par l'entremise de Juton. Le tribunal, se fondant sur la correspondance existant entre Palierne et Degrandpré, déclare ce dernier débiteur des sommes réclamées, et le condamne à les payer, par jugement rendu en matière de commerce, le 29 avril 1825. Pourvoi en cassation de la part du sieur Degrandpré pour violation des art. 18, 48 et 91 c. com., et fausse application des règles du mandat, établies par le code civil. - Arrêt. LA COUR; - Sur le reproche de la violation de l'art. 91 c. com., et de la fausse application des dispositions du code civil, relatives au mandat; Attendu que le jugement attaqué a constaté et reconnu, en fait, que toutes les circonstances qui y sont énumérées, ne permettaient pas de supposer que l'intermédiaire, employé par le demandeur en cassation, ait agi en son nom personnel; qu'au contraire, ledit demandeur s'est constitué débiteur des vendeurs des vins dont il s'agissait au procès; d'où résulte que l'art. 91 c. com., sur les commissionnaires qui agissent en leur nom personnel, ne pouvait recevoir d'application à la cause, et n'a pu être violé; qu'il en résulte aussi que les dispositions du code civil, relatives au mandat, devaient seules recevoir, à la cause, l'application qui a, en effet, été faite par le jugement attaqué.

Sur le reproche de violation des art. 18 et 48 c. com., en ce qui concerne les sociétés en participation; - Attendu que ledit jugement constate,

tants ne veulent pas s'exposer directement, ils ne peuvent exiger que les tiers soient obligés envers eux. Cette doctrine est universellement reconnue : Casarégis l'exprimait en ces termes : Quando mandatarius simpliciter contrahit non expresso mandato, adeò in eo radicatur contractus, ut mandanti amplius contra tertium nulla competere possit actio (Disc: 76, no 2). Le code espagnol en son art. 119 et le code portugais en ses art. 42 et 43 disposent de la même manière. Les jurisconsultes français Valin, Savary et Émérigon avaient enseigné la même doctrine (Conf. M. Troplong, du Mandat, no 522).

48. Cependant, au cas où le commettant est débiteur du commissionnaire, le tiers peut recourir contre lui en exerçant les droits de son mandataire (c. civ. 1166; Savary, t. 1, p. 566).

49. De ce que les commissionnaires traitent avec les tiers et s'engagent vis-à-vis d'eux, il résulte qu'ils sont tenus d'acquitter toutes les obligations qui incombent aux commettants. Si donc ils payent les sommes dues à ces tiers, ils sont, suivant MM. Delamarre et Le Poitvin, t. 2, no 395, V. Obligat. et no 51, subrogés dans tous leurs droits et peuvent invoquer les dispositions de l'art. 1251, no 3 c. civ. Cela est fort important dans le cas, par exemple, d'une commission pour acheter, parce que, si le commissionnaire est subrogé aux droits des vendeurs, il pourra, dans tous les cas où ces derniers en auront le droit, former une action en revendication des choses vendues et arriver ainsi à se faire désintéresser dans la faillite du commettant avant tous autres créanciers. D'ailleurs, si le commissionnaire a traité en son nom personnel avec les tiers, ne peut-on pas soutenir que, vis-à-vis du commettant et de ses ayants droit, il n'y a pas d'autres vendeurs que luimême? Mais il importe peu qu'il se base sur les droits qui pourraient lui appartenir, considéré comme vendeur direct, ou comme subrogé à ceux de celui dont il a acheté les marchandises. —Ainsi il a été jugé que le commissionnaire qui, d'après les ordres de son commettant, achète des marchandises en son nom person❤ nel, et acquitte de ses propres deniers le prix au payement duquel il s'était personnellement obligé, est subrogé de plein droit aux lieu et place du vendeur, et si le commettant tombe en faillite avant l'arrivée des marchandises dans ses magasins, il peut former une demande en revendication comme le vendeur lui-même; et même si le commissionnaire n'avait pas invoqué la subrogation devant la cour royale pour justifier sa revendication, il était encore recevable à le faire devant la cour de cassation, la revendication devant être réputée faite dans toute l'étendue

en fait, que la société en participation a profité de la chose dont on demandait le prix, et, qu'en particulier, le demandeur était obligé, pour tous les vins qu'il avait reçus, et dont il avait disposé, et qu'en admettant la solidarité dans cette position, loin d'avoir violé les art. 18 et 48 c. com., le jugement attaqué a fait une juste application des principes généraux de ce code à l'égard des associés en général; Rejette, etc. Du 18 nov. 1829.-C. C., ch. req.-MM. Favard, pr.-Borel, rap. (2) Espèce :-( Mandard, etc. C. Letellier.) Le sieur Langlé était chargé, comme commissionnaire des sieurs Mandard et Lyonnet, marchands de charbon à Paris, de leur expédier de Quarrignon, près Mons, des charbons venant de la Belgique, et d'acquitter les frais de transport à leur arrivée à Quarrignon. — Langlé, n'ayant pas les fonds nécessaires pour acquitter les frais, s'adresse à Letellier, qui fournit une somme de 220 fr., dont il avait besoin. - Cette somme n'étant pas remboursée, Letellier en réclame le montant à Mandard et Lyonnet. - Refus de ceux-ci, fondé, 1° sur ce qu'ils n'avaient pas chargé Langlé de faire des emprunts mais seulement de payer les frais de transport; 2° sur ce qu'ils lui avaient payé ces frais, sans qu'aucune signification du transport n'eût eu lieu. Néanmoins, jugement du tribunal de Compiègne, du 12 fév. 1827, qui ordonne le remboursement. Pourvoi pour contravention aux art. 1691, 1998 c. civ. — Arrêt. LA COUR;

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Sur le moyen tiré de la contravention ou fausse application des art. 1691 et 1998 c. civ.: Attendu que le jugement attaqué est rendu en matière commerciale, et qu'il en résulte que Langlé fils était le commissionnaire de Mandard et Lyonnet, demandeurs en cassation, et que c'est pour leur compte qu'il a agi, en faisant intervenir le sieur Letellier, pour le payement de la somme dont fait partie celle réclamée pour frais de transport des charbons qui leur étaient adressés ; — Que ce jugement est fondé sur des faits, des explications et des circonstances dont l'appréciation ne saurait, en aucune manière, devenir une ouverture de cassation - Rejelle, etc.

Du 15 fév. 1830.-Ć. C., ch. req.-MM. Favard, pr.-Duhoyer, rap.

des droits du commissionnaire (Cass., 14 nov. 1810) (1).-V., | qui serait tombé en faillite (Rouen, 4 janv. 1825) (2).-V. Faillite. en ce sens, les motifs de l'arrêt rapporté no 30.

Du reste, le principe de la subrogation du commissionnaire dans les droits du vendeur semble hors de controverse. Ainsi, dans une espèce où le commissionnaire avait tiré des traites qui avaient été acceptées par le commettant, il a été jugé qu'il pouvait comme le vendeur lui-même, si la marchandise était encore dans les conditions voulues, former une action en revendication et devait l'obtenir, malgré l'opposition des créanciers du commettant

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(1) Espèce: (Calliano C. synd. Saltzmann.) Par une lettre du 1 oct. 1808, Saltzmann fils, négociant à Strasbourg, fit aux sieurs Calliano, négociants à Vienne en Autriche, une commande de 30 balles de coton, en leur prescrivant de les expédier au sieur Haffner, à Saltzbourg, et de se rembourser du montant de la facture en leurs traites sur une maison d'Augsbourg, qu'il leur indiqua. Les Calliano achetèrent, en leur propre nom, les 30 balles; ils les payèrent, ou prirent l'engagement personnel d'en acquitter le prix. Le vendeur ne traita qu'avec eux. Ils expédièrent les cotons à Haffner, et en informèrent Saltzmann, auquel ils adressèrent la facture, s'élevant à 10,827 fl. Dans leur lettre d'avis, et par la facture, ils déclaraient avoir acheté les cotons par les ordres de Saltzmann, et pour son compte; ils tirèrent des lettres de change sur la maison d'Augsbourg, qui refusa de les accepter. Le 1er janv. 1809, Saltzmann fit faillite. Les cotons étaient arrivés à Strasbourg; mais ils se trouvaient sous balles et sous cordes dans les bureaux de la douane. Le 4 du même mois, les Calliano firent saisir les cotons, assignèrent devant le tribunal les syndics de la faillite Saltzmann, et demandèrent que les cotons fussent déclarés leur propriété. Le 10 février, jugement par lequel le tribunal de commerce accueillit leur demande, sur le fondement que toutes les conditions exigées par les art. 576, 577 et 580 c. com., pour autoriser la revendication, se trouvaient réunies en faveur des Calliano.

Appel par les syndics, qui ont opposé aux Calliano une fin de non-recevoir, prise d'un défaut de qualité; ils ont prétendu que, n'ayant agi que comme simples mandataires, ils ne pouvaient exercer le droit de revendication, qui n'est attribué qu'au vendeur. Le 26 avril 1809, arrêt infirmatif de la cour de Colmar, qui a ordonné la mainlevée de la saisie, attendu que, suivant l'art. 576 c. com., la revendication ne peut être exercée que par le vendeur; que les Calliano ne sont pas vendeurs des marchandises qu'ils ont revendiquées; qu'ils ne sont que simples commissionnaires ou mandataires; qu'il résuite, en effet, de la correspondance de Saltzmann et des Calliano, qu'il ne s'est agi entr'eux que d'un mandat accepté; que cela résulte encore de la facture qui justifie qu'ils n'ont voulu être que commissionnaires ou mandataires, puisque, comme vendeurs, ils n'eussent pu porter en compte à Saltzmann ni frais de pesage, ni courtage, ni commission; qu'étant reconnu qu'ils n'ont acheté les cotons que pour le compte de Saltzmann, et qu'ils lui en ont fait l'envoi à ses risques, il dérive de ces faits la conséquence naturelle que les Calliano n'ont pas eu un instant la propriété de ces marchandises, et qu'ainsi ils n'ont pu en être les vendeurs, ni dès lors exercer l'action en revendication, qui n'appartient qu'au vendeur. Pourvoi des Calliano pour violation de l'art. 576 c. com. et de l'art. 1251 c. civ.-On objecte que la subrogation n'a pas été invoquée devant la cour royale. Arrêt (ap. plus. délib. en ch. du cons.). LA COUR; Vu l'art. 1251, no 3, c. civ.; Considérant que les Calliano, formant la revendication des cotons en question, la demandaient nécessairement dans toute l'étendue des qualités et des droits que leur donnait l'achat qu'ils avaient fait en leur nom personnel et payé de leurs deniers, quoique pour compte d'autrui; que si la cour d'appel de Colmar a pu, d'après l'appréciation par elle faite des lettres, factures et autres actes du procès, ne pas les regarder comme vendeurs, par la raison qu'ils avaient acheté d'ordre et pour compte de Saltzmann, du moins elle n'a pu méconnaître que, dans cet achat, les Calliano s'étaient engagés pour ou avec Saltzmann; que, dès lors, ils avaient eu intérêt d'acquitter le prix de cette vente, et qu'en l'acquittant, ils avaient été subrogés, de plein droit, aux lieu et place des vendeurs, conformément à l'article cité; en sorte qu'en leur refusant la revendication par eux demandée, la cour d'appel de Colmar est contrevenue à l'art. 1251, n° 3, c. civ.; - Casse, etc. Du 14 nov. 1810.-C. C., sect. civ.-MM. Muraire, 1er pr.-Sieyes, rap.Giraud, av. gén., c. contr.-Darrieux et Guichard, av.

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(2) (Fort C. Nélaton.) LA COUR; - Attendu qu'il est constant au procès que le sieur Fort, commissionnaire pour le commerce des vins à Damazan, département du Lot-et-Garonne, a acheté dans le pays, de l'ordre de Nélaton, de Rouen, trois cents barriques de vin qu'il lui a expédiées par mer; qu'à l'arrivée de la marchandise à Rouen, qui était le port de destination, Fort ne se jugeant pas payé du prix des vins, a fait exercer sur eux une saisie-revendication, lorsqu'ils étaient encore dans le navire qui les avait transportés, et sans qu'il se soit élevé aucune question sur l'identité; Attendu que le commissionnaire, qui a payé au vendeur le prix de la marchandise, est subrogé par le seul fait du payement, à tous les droits du vendeur, et peut, par conséquent, exercer contre les tiers toutes les actions qui appartiendraient à celui-ci,

50. Il suit de là que le commissionnaire qui a acheté des marchandises en son nom personnel, pour le compte d'un tiers, et qui a payé de ses deniers le prix de ces marchandises, peut, en cas de faillite du commettant, et avant que les marchandises soient arrivées à destination, exercer comme le vendeur un droit de privilége ou rétention si, tout en les expédiant, il ne s'en est pas dessaisi, par exemple, en ce que les connaissements ont été à la fois rédigés en son nom et à son ordre (Req., 18 av. 1843) (3).

s'il n'eût pas été rempli du prix de la vente, à tel point qu'il doit même être regardé comme un véritable vendeur à l'égard de son commettant; - Que la vente des trois cents barriques ayant été, conformément à l'usage du pays, faite à Fort au comptant, il fallait que son commettant le réglát lui-même, de manière à pouvoir y satisfaire, sans quoi le vendeur non payé se serait refusé à la livraison de la marchandise; - Que Nélaton, au lieu de fournir des espèces à Fort, lui a délivré des acceptations sur des traites montant à 11,970 fr. 50 c. pour le principal, et à 944 fr. 50 c. pour frais, que Fort a négocié ces traites, et que c'est avec le produit de cette négociation qu il a soldé au vendeur originaire le prix de ses vins ; Que les traites dont il s'agit ne sont pas devenues, par les acceptations de Nélaton, un payement effectif du prix des vins par lui dus; qu'elles n'étaient qu'un mode pour parvenir à sa libération, subordonné à l'acquittement des traites à leur échéance, et que les fonds que Fort s'est procurés par la négociation desdites traites, ne sont autre chose qu'une provision qui ne pouvait devenir définitive dans la main de Fort, qu'autant que l'accepteur eùt satisfait aux traites lorsqu'elles seraient échues; Que Nélaton, au lieu de payer les traites à l'échéance, a laissé protester la première desdites traites et est tombé en faillite aussitôt après, ce qui, de ce moment, les a rendus toutes exigibles; Que les traites dont il s'agit ayant, sans exception, pour cause la commission dont Nélaton avait chargé Fort, et pour fin le payement des vins achetés par celui-ci pour le compte de l'autre, elles ne font, avee la facture, qu'un seul et même titre dans la main de Fort; d'où il suit qu'il ne peut y avoir novation de l'un par l'autre, et que la facture non acquittée et les traites protestées concourent à prouver que Fort n'a jamais été réellement et définitivement payé du prix des vins par lui expédiés à Nélaton, et que, par conséquent, il y a lieu à l'application de l'art. 576 c.com.; Réformant, dit à bonne cause la revendication... en remettant à Jeannolle et Guerard les traites faites sur Nélaton et de lui acceptées...

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Du 4 janv. 1825.-C. de Rouen, 1re ch.-M. Eude, pr. (3) Espèce : (Syndics Mérentié C. Rabaud et comp.) Arrêt de la cour d'Aix, du 29 juin 1842, dont les principaux motifs sont ainsi conçus:« Considérant que Vendriès et Tosar ont fait les expéditions en leur nom personnel, et par six connaissements, tous à leur ordre et sans désignation de consignataires; Que Vendriès et Tosar n'étaient point à la Havane de simples commis passifs et salariés des maisons Mérentié frères;-Qu'ils formaient une maison de commerce à part, sous la raison de Vendriès et Tosar, commanditée par les frères Mérentié, et destinée, d'après la circulaire (publiée par la société lors de son établissement à la Havane), à faire le commerce de la commission, achetant, expédiant et émettant des traites en son nom personnel; Que c'est ainsi qu'ils ont toujours agi dans les expéditions qu'ils préparaient d'ordre et pour compte de Mérentié frères, n'ayant jamais procédé passivement au nom de ceuxci; - Que commissionnaires responsables à l'égard des tiers, on ne saurait leur refuser les droits et les priviléges attachés à cette qualité; — Considérant que le commissionnaire qui conçoit des craintes sur la solvabilité de son commettant a le droit de retenir, jusqu'à payement, les marchandises qu'il a acquises en son nom personnel, pour le compte dudit commettant; Que ce droit devient plus évident encore après la survenance de la faillite de celui-ci, puisque le commissionnaire non payé, s'il avait expédié sa marchandise, pourrait la revendiquer, soit comme vendeur fictif à l'égard de son commettant, soit comme subrogé aux droits du vendeur originaire payé par lui; — Considérant, en fait, que Vendriès et Tosar, non payés des sucres dont il s'agit, ne se sont pas dessaisis de la possession des quatre chargements, puisqu'ils ont eu le soin de ne les expédier que par des connaissements à leur ordre; - Que les syndics, demandeurs en revendication, ne prouvent point que Vendriès et Tosar eussent en main des fonds appartenant aux Mérentié, avec lesquels ils avaient pu acheter les sucres, tandis que les intimés établissent que Vendriès et Tosar n'ont pu embarquer lesdits sucres ni les payer à leurs vendeurs primitifs, qu'au moyen de 8,000 livres sterlings par eux reçues en échange desdites traites; Qu'il suit de tout ce qui précède que les syndics Mérentié, qui n'offrent pas non plus le payement intégral de ces traites, ne sauraient revendiquer, au nom de leurs faillis, des chargements qui ne leur ont point été adressés et que ceux-ci n'ont point payés; Qu'ils ne sauraient ni déposséder Vendriès et Tosar, ni dépouiller do leur gage les tiers porteurs des connaissements et des traites; - Que Rabaud frères, mandataires, quant à ce, de Chalmers, Guthrie et comp., et par suite de Vendriès et Tosar, ont le droit de retenir la consignation

51. Cette jurisprudence vient d'être combattue par M. Troplong, du Nantissement, no 554 et suiv. Cet auteur refuse au commissionnaire le droit d'exercer la revendication en son propre nom parce qu'il n'est pas vendeur; il la lui refuse comme étant subrogé au vendeur, parce que d'après lui la subrogation ne peut avoir lieu au profit de celui qui paye, si ce dernier n'est pas tenu de la dette avec d'autres. Or, comme le commettant au nom duquel on n'a pas traité n'est point engagé, il en conclut que le commissionnaire n'est tenu qu'en son nom et ne peut dès lors invoquer la subrogation légale. De même si le commettant est seul engagé, il n'y a pas de subrogation légale puisque le commissionnaire n'est point obligé et qu'il paye parce qu'il le veut bien.-Sous ce dernier rapport, l'opinion du savant magistrat paraît bien fondée; mais lorsque le commissionnaire a traité en son nom avec le tiers, il nous paraît bien rigoureux de dire que ce commissionnaire ne pourra pas être subrogé aux droits de ce tiers. V. au reste n° 49 et vis Faillite et Obligation, où la question est discutée.

§ 3. ·Des engagements du commissionnaire vis-à-vis du commettant.- Devoirs, Responsabilité.

52. Quelque parti qu'ait pris le commissionnaire, qu'il ait ou non fait connaître le commettant, les rapports qui les unissent entre eux ne changent pas de caractère en tant que le commissionnaire est toujours mandataire, tenu d'agir pour le compte du mandant et de veiller à la conservation des choses confiées à sa garde. M. Vincens avait paru douter que ces rapports de mandant et de mandataire pussent exister entre eux, parce que l'art. 92 c. com. ne renvoyait au titre du Mandat du code civil que pour le cas où le commissionnaire traitait en faisant connaître ses pouvoirs. Mais il n'en est pas ainsi ce n'est que respectivement aux tiers que le mandat n'existe point quand ils n'ont pas traité en vue d'engager la responsabilité du commettant. Car dès le moment où le commissionnaire a accepté de traiter pour son commettant, le contrat de mandat s'est formé, et la manière dont l'une des parties exécutera son engagement ne peut pas changer la nature des rapports qui résultent de la convention. C'est ce que tous les auteurs enseignaient dans l'ancien droit, après avoir dit que le commissionnaire pouvait traiter en son propre nom, et, qu'en ce cas, il n'engageait que lui. A quoi Casarégis, notamment, ajoutait ma rispetto al mandante, questa omissione del nome nel contratto, niente altera la natura del contratto di mandato, passato tra il procurator e il mandante (Disc. §6, no 14). — On prétendrait aussi à tort faire considérer le commissionnaire comme un commis dans le sens de l'art. 408, § 2 c. pén. (Crim. rej., 3 juin 1841, aff. Kitchen, V. Abus de confiance, n° 174).

53. Il ne faut pas perdre de vue que le mandat du commissionnaire est ordinairement salarié : d'où il résulte que ce mandat tient du louage d'industrie; car ce qui distingue le mandat du louage, c'est que le mandat est gratuit, tandis que le louage est salarié. La responsabilité du commissionnaire est donc plus sévère que celle qui frappe le mandataire ordinaire. C'est ce qui résulte de l'art. 1992 c. civ., qui décide que la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire. 54. Quant à l'espèce de faute dont est tenu le commissionnaire, il semble résulter de l'art. 1992 c. civ. que c'est de la

des quatre chargements, pour se payer du montant desdites traites et tenir le surplus, s'il y en a, à la disposition de Vendriès et Tosar. >>

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Pourvoi des syndics Mérentié. 1° Violation et fausse application des art. 91, 136, 137, 138, 273 et 281 c. com., en ce que l'arrêt attaqué a accordé au commissionnaire la propriété des marchandises qu'il avait achetées pour compte de son commettant, sous le prétexte qu'il avait conservé cette propriété au moyen de connaissements à son ordre. 2o Violation et fausse application de l'art. 93 c. com., en ce que, d'une part, le même arrêt a donné aux sieurs Vendriès et Tosar, en leur qualité de commissionnaires, un privilége dans une hypothèse absolument inverse de celle prévue par l'art. 93, puisque les marchandises avaient été achetées par le commissionnaire et expédiées par lui au commettant, d'où il résulte qu'il n'y avait lieu d'accorder le privilége établi par cet article ; et en ce que, d'autre part, la cour d'Aix a fait produire à ce privilége tous les effets de la propriété. — Arrêt.

LA COUR; Sur le premier et le deuxième moyens :

Attendu que

faute très-légère. En effet, cet article pose en principe que le mandataire est tenu de ses fautes, puis il ajoute que sa responsabilité est plus forte lorsque le mandat est salarié. Cette interprétation est, du reste, conforme au droit romain: a procuratore dolum et omnem culpam non etiam improvisum casum prestandum esse juris auctoritate manifeste declaratur (L. 13 Cod., mandati). Et c'est en ce sens que beaucoup d'anciens jurisconsultes entendaient cette loi. Straccha rapporte leur opinion et l'approuve, surtout quand le mandataire est salarié : maximè quando ex administratione recipit (Straccha, déc. 170, no 2). L'appréciation des fautes et leur classification sont de ces choses qu'il n'a jamais été facile de définir, et l'on n'y parvient pas en disant que celui qui est chargé de la responsabilité ne sera tenu que s'il a apporté moins de diligence dans les affaires d'autrui que dans les siennes; car le seul fait d'une personne de se charger de traiter pour autrui moyennant salaire, l'oblige à apporter la plus exacte diligence dans l'accomplissement de son mandat. A cet égard nous ne ferions nulle distinction entre celui qui se serait offert de lui-même pour remplir la commission, et celui qui, faisant profession d'être commissionnaire, aurait reçu un mandat qu'il n'aurait pas sollicité directement. Du moment où il est reconnu que son commerce est de faire la commission, il invite tous ceux qui ont besoin de commissionnaires à s'adresser à lui. Si, au contraire, il s'agit de gens qui ne font pas la commission d'habitude, nous pensons qu'on devra, avant de déclarer qu'ils sont en faute et que leur responsabilité est engagée, s'enquérir de la conduite qu'aurait tenue, dans la circonstance où ils se seraient trouvés, un négociant soigneux de ses intérêts. C'est donc seulement dans le cas où leur vigilance aurait été au-dessous de celle d'un négociant habile, qu'ils nous paraissent responsables. MM. Delamarre et Le Poitvin pensent que la responsabilité des commissionnaires doit être engagée par la moindre faute (t. 2, n° 219 et suiv.). Mais M. Troplong, tout en admettant que la diligence du commerçant doit être plus exacte, plus vigilante que celle du non-commerçant, repousse la rigueur des auteurs du traité du contrat de commission. Il prend pour point de comparaison un commerçant soigneux de ses intérêts, et, quand le mandataire commerçant s'est réglé sur ce modèle, il soutient qu'il a satisfait aux « devoirs de la prudence et de la bonne foi. » Et il fait remarquer avec raison que dans la distance qui sépare le dol de la faute légère, il y a assez d'espace pour faire entrer tous les cas et rendre justice à qui elle est due (M. Troplong, du Mandat, n° 392 et 393).

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En général c'est à celui qui allègue la faute à la prouver; cependant il faut bien remarquer que s'il s'agissait d'une chose qui aurait été détériorée pendant qu'elle était en la garde du commissionnaire, ce serait à lui de prouver qu'il n'a pu empêcher sa diminution de valeur. V. Oblig. (responsab.) et Mandat. 55. Le mandataire, dans tout mandat, ne peut se charger des intérêts opposés à ceux du mandant. Casarégis constate cependant un usage contraire. Il enseigne que le commissionnaire peut être lui-même l'acheteur des choses qu'il doit vendre, pourvu qu'il le fasse de bonne foi et au prix courant de la place où il doit vendre. Specialiter inter mercatores ex eorum communi stylo, et usu, rectè quidem pro facilitate commercii introductum, ac receptum ubi quæ fuit sibimet ipsis vendere res, aut mer ces ad ea transmissas a suis corresponsalibus, et vice versâ mer ces

l'arrêt attaqué constate, en fait, 1° que Vendriès et Tosar, agissant com me commissionnaires, avaient acheté en leur nom et chargé sur quatre navires une certaine quantité de sucre dont ils avaient payé le prix; 2° qu'ils ne sont pas dessaisis de la propriété de ces quatre chargements, puisqu'ils avaient pris soin de ne les expédier que par des connaissements à leur ordre; 3° que les syndics de la faillite ne prouvaient pas que Vendriès et Tosar eussent en mains des fonds appartenant à la maison Mérentié, et qu'ils n'offraient pas non plus le payement intégral des traites tirées sur cette maison et représentant le prix ou la valeur des quatre chargements; - Que, dans ces circonstances, l'arrêt attaqué, en décidant que Vendriès et Tosar ou leurs mandataires étaient autorisés à exercer un privilége ou un droit de rétention sur les marchandises formant ces chargements, loin de violer les textes de loi invoqués par les demandeurs, en a fait, au contraire, une judicieuse application; Par ces motifs; - Rejette. Du 18 avril 1843.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Mesnard rap.-Delangle, av. gén., c. conf.-Victor Augier, av.

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proprias pro suis corresponsalibus emere, quod inter mercatores dicitur fare le contazioni a se stessi, dummodo tamen id sequatur bond fide, et pro pretio currati, quod ab aliis inveniri poterat alias transgressor tenebitur proprie actione mandati ad omne damnum et interesse (Casarégis, disc. 120, nos 34 et 33). Le code espagnol et le code portugais décident que le commissionnaire ne peut ainsi jouer le rôle de vendeur et d'acheteur. Les jurisconsultes anglais enseignent qu'il en est de même chez eux, et nous pensons qu'aujourd'hui l'on doit abandonner la doctrine de Casarégis, parce que ce double rôle d'acheteur et de vendeur, l'un dans son intérêt, l'autre dans celui du commettant, répugne au caractère du mandataire dont le devoir est de discuter les intérêts du commettant qui a mis en lui sa confiance et de les défendre du mieux que la chose est possible. Du reste, en droit civil, il n'y a pas de doute à cet égard; le mandataire ne doit pas avoir d'intérêts opposés à ceux du mandant (Pothier, du Mandat, no 14).—Cependant, à part les peines qui seraient encourues par le commissionnaire qui aurait fait le courtage, la convention qu'il aurait préparée, en prévenant, par exemple, le sommettant de qui il a charge de vendre, qu'il est chargé par un autre d'acheter, ou qu'il veut acheter par luimême, serait parfaitement valable entre les contractants. Mais il faut qu'il fasse connaître sa double position à ses commettants; sans cela il serait présumé avoir manqué à son mandat (V. en ce sens M. Pardessus, t. 2, no 570).

56.Il résulte de ce qui a été dit, à savoir, que la commission est employée à la fois pour accélérer les affaires commerciales et pour les couvrir du secret, que la première obligation du commissionnaire est de ne point dévoiler le nom de son commettant; nous l'avons déjà dit plus haut en rapportant l'opinion de Casarégis; nous pouvons rapporter un nouveau passage de cet auteur conforme à ceux que nous avons déjà transcrits : tra mercadanti si usa questa prudenza di tenere occulti e segreti i loro negozi e de' suoi corrispondenti (Disc. 58, n° 14). C'est ce que le sommaire du numéro où se trouve ce passage a rendu en ces termes: inter mercatores usus est eorum negotia nemini pandere, ac omnia secretiori via agere.— V. no 40.

57. De même le commissionnaire doit tenir le commettant au courant de tout ce qui peut l'intéresser. Par exemple, la hausse des marchandises que le commissionnaire doit acheter s'il s'agit d'une commission d'achat, peut influer sur la determination du commettant, et l'empêcher de faire une spéculation qui deviendrait désavantageuse; mais cette obligation d'avertir le commettant de tous les faits qui peuvent arriver, ne doit cependant pas être étendue aux cas qui requièrent célérité. C'est ce que Casarégis décidait dans ces termes si negotium propter dilationem temporis non patitur præjudicium, mercator (le commissionnaire) tenetur priùs correspondentem advertere de eo, quod inopinate evenit, vel impedimento, ex cujus causa nequit mandatum exsequi in formå præscriptà, atque expectare ulteriora ejus mandata. Sed si negotium pati nequit temporis dilationem sine aliquo evidenti vel probabili præjudicio correspondentis, tunc potest mercator agere prout suæ prudentiæ videbitur (Casarégis, Disc. 125, no 21, 22 et 23). Il en serait de même dans le cas où le commettant aurait écrit à son commissionnaire de faire pour lui telle chose dans tel délai donné.

58. Le mandat donné au commissionnaire doit, pour qu'il y ait contrat de commission, être relatif à une affaire déterminée (MM. Delamarre et Le Poitvin, t. 2, no 87). Mais, si on l'envisage dans son exécution, il est impératif ou facultatif. A ce point de vue, on a divisé les qualités ou conditions inhérentes à la commission en qualités intrinsèques et qualités extrinsèques. Les premières sont celles qui sont la conséquence directe du mandat. Ainsi celui qui a reçu ordre de vendre des blés, d'acheter des vins, de prendre des lettres de change, est obligé de faire l'opération qui lui est confiée. C'est une qualité ou condition intrinsèque de la commission qu'il ne peut excéder. On entend par qualités extrinsèques celles qui sortent du mandat ordinaire, mais qui peuvent y être ajoutées. Ainsi le mandat qui est donné au commissionnaire ne peut pas être considéré comme un mandat impératif qui l'oblige à traiter avec telles ou telles personnes à telles ou telles conditions (MM. Delamarre et Le Poitvin, t. 2, nos 90 et suiv., no 107). Les commettants se bornent à dire ce qu'ils

veulent en indiquant le plus haut prix dont ils veulent être tenus, ou tout au moins ils disent qu'ils ratifieront l'opération faite au cours de la place. Mais si un mode est fixé pour l'exécution de la commission, le commissionnaire doit s'y conformer sous peine de répondre des suites que peut entraîner ce changement. Il devient assureur du mode qu'il substitue (MM. Delamarre et Le Poitvin, t. 2, n° 108). C'est surtout quand le mode n'est pas indiqué, et quand un délai pour l'accomplissement de la commission n'a pas été fixé, que le commissionnaire est tenu de prévenir le commettant des cas imprévus qu'il voit surgir. Du reste, en cette matière, comme en toutes les matières commerciales, on doit tenir grand compte des usages de la place sur laquelle traite le commissionnaire, et celui-ci doit se conformer aux règles qu'il a suivies jusque là dans ses relations avec le commettant. « Mandatum recipit semper interpretationem a consueto more mercatorum » (Casarégis, Disc. 54, no 32).

59. Mais s'il est de règle que le mandataire se conforme à son mandat, cependant lorsqu'il voit que l'opération sera évidemment onéreuse pour le mandant, il est de son devoir de prévenir ce dernier avant de rien faire. Si néanmoins l'affaire paraît urgente, il doit prendre toutes précautions pour qu'il en résulte le plus faible préjudice possible pour lui. On a dit, dans cette circonstance, que c'était une faute pour le commissionnaire d'entreprendre une chose qui doit être évidemment onéreuse pour le mandant (M. Troplong, du Mandat, no 397). Mais telle ne nous semble pas la règle; ce n'est que dans les circonstances où il est évident qu'il y a eu erreur du mandant, ou qu'il modifierait sans doute les ordres qu'il a donnés s'il avait connaissance de l'état de la place, que le commissionnaire peut

se dispenser d'accomplir le mandat. Ainsi il y a erreur du mandant qui charge le mandataire de négocier des traites sur un débiteur tombé en faillite, dont il n'a connu les mauvaises affaires que depuis l'ordre qu'il a donné; il y aurait faute, en celte circonstance, de la part du commissionnaire qui obéirait aveuglément (MM. Delamarre et Le Poitvin, t. 2, no 111). Cependant, dans le mandat, on ne doit pas suivre l'esprit et l'opinion du mandataire, mais bien l'opinion et la volonté du mandant: nel mandato non si deve cercare la mente ed opinione del mandatario, ma bensi l'opinione e voluntà del mandante (Casarégis, Disc. 119, no 69). Émérigon, à ce propos, comparant le mandant à un général et le commissionnaire à un lieutenant, rappelle ce mot de César: aliæ sunt legati partes, atque imperatoris; alter omnia agere ad præscriptum, alter liberè ad summam rerum consolere debet (Cæsar, De bell. civ., lib. 3). Du reste, tout mandat contient virtuellement les pouvoirs nécessaires pour le mener à bonne fin (MM. Delamarre et Le Poitvin, t. 2, no 110).

60. De même le commissionnaire doit agir en temps opportun, c'est-à-dire aussitôt qu'il a connu le mandat. Le seul retard d'exécuter la commission le met en faule: il solo lasciare di eseguire il mandato, quando ha potuto eseguirlo il mandatario, fa argomentare in lui dolo (Casarégis, Disc. 119, no 65). Cependant si le retard n'avait pas causé de préjudice au commettant, il n'aurait aucune action contre le commissionnaire. Mais quelque bonne que soit l'opération en elle-même, il peut arriver que la responsabilité du commissionnaire se trouve néanmoins engagée. Par exemple. si un négociant de Bordeaux devait charger de grains un navire partant à jour fixe, chargé ou non chargé, que le prix du frêt des grains dût être payé par le négociant quand bien même il n'aurait pas fourni la cargaison, nous pensons que le commissionnaire à qui ce négociant aurait demandé de lui acheter et de lui expédier les blés dont il avait besoin, serait responsable des suites de sa négligence si l'envoi n'arrivait pas à temps pour être chargé. Et il aurait encouru cette responsabilité quand bien même il aurait pu se procurer les grains à un prix beaucoup plus bas que s'il les avait achetés aussitôt après avoir reçu son mandat, il n'y a que l'ignorance de la destination des grains, l'importance de la baisse qui a été cause du retard, et enfin le défaut de recommandation pressante que l'achat fût immédiat, qui pourraient soustraire le commissionnaire à la responsabilité.

En droit, le mandat étant indivisible, le commettant n'est pas obligé d'accepter une exécution partielle; mandans non

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