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colonel Balestrier bat l'Empecinado près d'Atienza.—L'Empecinado est également battu, à Cogolludo, par le colonel Hugo. Demande d'un successeur. Nouvelles fonctions.

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APRÈS avoir passé, dans Molina, le temps nécessaire pour compléter le ravitaillement du fort, nous quittâmes cette ville et prîmes le chemin de Maranchon. Un paysan de Selas, qui servait de guide à ma colonne, me donnait sur son pays beaucoup de renseignemens précieux; il raisonnait de tout avec ce bon sens et cette intelligence naturelle à presque tous les montagnards.

« Notre village, me disait-il, est un des plus élevés de l'Espagne, car les sources qui l'avoisinent portent leurs eaux dans deux mers différentes. » C'était la vérité. La rivière Mesa, qui sort de l'une de ces sources, est un des affluens du Xalon, riche tributaire de l'Ebre, dont je n'ai pas besoin de rappeler l'embouchure dans la Méditerranée; la petite rivière d'Ablan

quizo est un des affluens du Riva, qui tombe dans le Tage.

L'eau est rare à Maranchon, gros village sur un plateau élevé : celle que les habitans boivent provient de puits ou de citernes; une grande mare d'une eau verdâtre et croupissante est le seul abreuvoir du bétail, qui cependant n'en est pas incommodé. J'avais déjà vu à Hita une pareille mare; j'en ai également vu depuis en France les animaux s'y désaltéraient sans répugnance, ainsi que sans danger, cependant de pareilles eaux causeraient des maladies putrides aux hommes qui en boiraient.

De Maranchon, nous allâmes 'coucher à Anguita, et deux jours après nous rentrâmes à Brihuega. Pendant notre absence, il n'y était survenu aucun événement. Nous y apprîmes que le roi Joseph avait dû quitter Paris le 16 juin (1811), et qu'il était en route pour revenir à Madrid.

L'Empecinado, encore tout désorganisé depuis sa dernière affaire de Cifuentes, ne sortait point dela province de Cuença: il se bornait à faire courir sa cavalerie sur les provinces voisines, afin de se recruter, de conserver sa réputation d'activité, et de maintenir l'opinion des campagnes en faveur du gouvernement insurrectionnel. Il nous laissa même en repos, pendant une par

tie de juillet; et ce ne fut que sur la fin de ce mois, qu'un de ses détachemens reparut aux environs d'Atienza. J'envoyai contre lui le colonel Balestrier qui l'en chassa et qui enleva du sel dans les riches magasins d'Aymon. Ce sel fut vendu, et le produit employé à la solde avec l'agrément du ministère.

Malgré leurs continuelles défaites, les forces insurgées renaissaient toujours. Les armées françaises étaient et combattaient partout, depuis la cime des Pyrénées jusqu'aux rivages des quatre royaumes du Midi; depuis les frontières du Portugal jusqu'à la Méditerranée. En août (1811), M. le maréchal duc de Dalmatie, à la tête de huit à neuf mille hommes d'infanterie, et de quinze cents chevaux, battait l'armée expéditionnaire de Cadix, forte de vingt-cinq mille hommes commandés par le général Freyre : il lui faisait trois mille prisonniers, et forçait une armée d'observation égale à la sienne à se retirer en toute hâte sur Murcie. Quinze cents hommes de l'armée du maréchal duc d'Albufera, venaient de battre trois mille Valenciens ; et le général Dorsenne, ayant également défait l'armée de Galice, s'était avancé sur Léon et Astorga.

DonJuan Martin montrait également beaucoup d'activité pour s'opposer à mes efforts et pour en empêcher les effets: et tandis qu'il faisait mouvoir

sa cavalerie dans toutes les directions, un très fort détachement de sa division se présenta à Cogolludo le 23 août; il y fut battu par mon frère Louis, colonel du Royal-Etranger. Une colonne française vint à cette époque jusqu'à Alcolea del Pinar; mais n'ayant eu aucun avis de son mouvement, je ne pus communiquer avec elle. Les troupes que le marquis de Zayas organisait pour la Junte, à Medina-Celi, évacuèrent cette ville à l'approche de cette colonne.

Déjà, depuis le printemps, ma santé s'était beaucoup altérée par les fatigues de la guerre et celles du cabinet ; une de mes blessures se rouvrait de temps à autre, rejetait des esquilles et me gênait cruellement. Les officiers de santé me conseillaient tous les eaux de Barèges ; et dès le mois de juin, j'avais prié M. O-Farill, ministre de la guerre, de demander au roi la permission de m'y rendre; mais, à cette époque, la situation des affaires était telle, que ce ministre et le major général avaient cru devoir m'engager à patienter quelque temps encore. J'avais en conséquence fait des efforts surnaturels pour me rendre à leurs desirs jusqu'à la saison dont il me fallait nécessairement profiter dans l'année, ou qu'il fallait perdre pour attendre à l'année suivante. Ces motifs m'avaient déterminé à renouveler ma demande en temps opportun, et l'on

me fit enfin espérer que j'aurais très incessamment un successeur mais le voyage de S. M. retarda de beaucoup sa nomination.

En attendant l'arrivée de cet officier, je ne négligeai rien pour tenir l'Empecinado hors d'état de rien entreprendre pendant la durée de l'hiver qui s'approchait, et je m'occupai de lui enlever toutes les ressources qu'il faisait emmagasiner pour sa division. Le 9 septembre (1811), M. le chef de bataillon Bossut lui prit beaucoup de froment dont il chargea cinq cents mulets, et, malgré les efforts de la cavalerie ennemie pour l'amuser, afin de donner le temps à l'infanterie de se joindre à elle, ce brave officier remplit sa mission avec autant d'intelligence que de bonheur, puisqu'il réussit à sauver son convoi de tout engagement qui l'eût sérieusement compromis, et à le conduire dans Brihuega.

Malgré la promesse qui m'avait été faite d'un successeur, ce ne fut cependant que bien après le retour du roi et la saison des eaux étant passée, que, sur de nouvelles instances de M. O-Farill, pour m'avoir enfin près de lui, S. M. consentit à envoyer un de mes camarades, le général Guye, marquis de Rio Milano, pour me remplacer. Mais, aussitôt mon arrivée à Madrid, M. le maréchal Jourdan daigna me demander

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