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Le général Hugo n'avait rien demandé à Napoléon oublié par ce prince, pendant la campagne de 1814, le général rappelé par lui au service de France, et qui ne devait son grade qu'à la demande du major-général des armées françaises, pour les services importans qu'il leur avait rendus à l'époque de la bataille de Talaveyra, était du petit nombre de ceux dont on ne s'était point occupé; il se retrouvait sans brevet, sans lettres de service pour la France, enfin dans la même position qu'à l'époque de la malheureuse bataille de Vittoria, c'est-à-dire général espagnol (*) et aide-de-camp du prince Joseph; encore, pour remplir ce dernier emploi, lui eût-il fallu du ministère français des lettres de service qu'il ne reçut jamais.

Dans cet état de perplexité, n'ayant rien à craindre de sa conscience, puisqu'il avait rempli tous les devoirs d'un bon citoyen et d'un guerrier fidèle à sa patrie, il n'avait, malgré ses droits à être favorablement écouté, encore arrêté, au 31 mars, aucun plan de conduite pour l'a

(*) Les nominations et les confirmations faites en 1814 par le général Dupont, ministre de la guerre de S. M. Louis XVIII, étaient, en 1815, nulles aux yeux du ministre de Napoléon

venir, lorsqu'il reçut l'invitation de se rendre surle-champ auprès de S. Exc. le prince d'Eckmühl.

Ce prince, plus vaillant que complimenteur, l'ayant admis à son audience, lui dit devant un cercle nombreux : « Général, vous allez partir << dans un quart d'heure pour Thionville. Les << vœux les plus honorables vous y rappellent ; la garnison, les habitans, les autorités, le général « commandant la division; il n'y a qu'une voix « pour que vous en repreniez le gouvernement: « c'est un bel hommage rendu à vos talens et à « votre conduite! »

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Cet ordre inattendu, ces vœux unanimes, le consentement de Napoléon, remplirent le cœur du général de mille sentimens divers. Ces témoignages éclatans d'estime, de confiance et d'attachement, décidèrent de sa conduite. Il accepta la défense d'une place qu'il avait déjà défendue avec tant de succès, où il était appelé

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le vœu honorable des habitans; et il quitta la capitale pour se rendre à Thionville.

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Arrivée du général Hugo à Thionville. Sourdes menées. Tolérance politique du général. Mesure de défense. Destruction de Haute-Yutz.- Hostilités partielles. - Attaque de Rodemack.

Sommation du général Czernitchef.

QUATRE jours suffirent au général Hugo pour son voyage de Paris à Thionville.

Il fut reçu dans cette place avec les égards et la satisfaction que commandaient les souvenirs qu'il y avait laissés. Toute la ville l'attendait avec impatience.

Le lendemain de son arrivée, et de bonne heure, il fit une visite au général Marie, son ancien camarade, qu'on avait envoyé dans la place pour en prendre le commandement provisoire. Après s'être longuement entretenus, tant sur ce qui venait d'être fait que sur ce qui restait à faire, la conversation devint plus intime. Vous êtes très aimé, très estimé ici, lui répéta plusieurs fois le général Marie; on ne

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vous y fait qu'un seul reproche, CELUI DE NE VOUS ÊTRE PAS BIEN ENTOURÉ!

Le général Hugo sentit bientôt d'où jaillissait la source d'un reproche aussi peu mérité. L'intérêt particulier qui envenime tout quand il est froissé; l'esprit de faiblesse qui ne convient de rien quand ses choix ne réunissent pas le vœu de l'autorité ou du parti dominant : voilà les deux causes du reproche, non du général Marie qui ne le répétait que pour donner un bon conseil, mais de quelques individus! Or, de qui le général Hugo, qui faisait tout par lui-même, sentait-il le besoin de s'entourer? N'avait-il pas les chefs militaires et les officiers de son état-major? C'est des membres de la commission d'ap-. provisionnement, qu'on avait voulu parler, quoique le président seul eût des rapports de service à faire au général; là se bornaient leurs relations. Mais cette commission avait été contrainte à de sévères menaces envers les récalcitrans; ceux-ci, après avoir sourdement publié qu'elle était sans droit pour requérir, recherchèrent quelles opinions un ou deux de ses membres avaient manifestées pendant les jours orageux de la révolution, et crurent y trouver des raisons d'avilissement. Le général, dont l'âme était franche, les vues droites, le courage même au-dessus de l'ingratitude et de l'adver

sité, ne laissa point persécuter des hommes qui avaient bien servi; il les soutint envers et contre tous, et son ardeur à les défendre dut faire croire que seul il les avait choisis et maintenus, puisque seul il les défendait. Je ne suis point venu, disait-il à leurs détracteurs, pour scruter ici de vieilles opinions, mais pour servir utilement le prince et la patrie. Je ne leur connais d'amis que ceux qui leur montrent du dévouement par des faits (*).

Arrivé dans la forteresse, le général continua sa mise en état de défense. Le reculement des frontières avait, comme il a été précédemment exposé, laissé couvrir ses environs jusqu'à la -queue des glacis, par une forêt d'arbres fruitiers et une grande quantité de maisonnettes. Le hameau de Haute-Yutz rapproché de l'enceinte par les ouvrages de Cormontaigne, était depuis plus d'un demi-siècle désigné par le gé

(*) En Espagne, le général faisait toujours cette question, quand on lui signalait un officier comme ne pensant pas bien : « Exposera-t-il bravement sa vie pour le roi ? Oui! En ce cas, le roi ne lui en demande pas davantage.» Aussi, son état-major et les corps sous ses ordres étaient-ils remplis d'anciens officiers émigrés, qui n'auraient pas pu profiter en France du bénéfice de la loi, et qu'il couvrait de sa protection.

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