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Expédition du général Lahoussaye. Le roi Joseph se rend à La régence confiée au conseil des ministres.

Paris.

APRÈS avoir séjourné sur le Tage assez de temps pour ne rien laisser à Auñon, qui pût être profitable à l'ennemi, je revins à Brihuega, et mon frère se rendit à Madrid pour s'y faire traiter de sa blessure. La province de Guadalaxara jouit, pendant tout le reste de mars, et pendant le mois d'avril, de la plus parfaite tranquillité. Cependant, s'il en était ainsi pour elle, il n'en fut pas de même dans la province de Cuença qui se trouvait plus tourmentée que jamais. Plusieurs expéditions y furent faites à différentes reprises; mais elles étaient à peine rentrées dans leurs garnisons, que l'ennemi reparaissait et l'inquiétait de nouveau.

Le général La Houssaye, ce digne officier que j'avais connu à l'Escurial, et pour qui je conservais autant de respect que d'attachement, fut

chargé de se porter aussi sur la province de Cuença avec une colonne française, et opéra son mouvement par Guadalaxara. Je joignis à ses forces une partie des miennes, et nous nous dirigeâmes ensemble sur Sacedon, par le village d'Auñon. L'ennemi ne chercha point à nous disputer l'étroit passage du défilé, mais présenta au débouché quelques escadrons et beaucoup de tirailleurs à cheval, qui se replièrent à mesure que nous nous avançâmes contre eux. Les dragons, aux ordres du colonel SaintGeniez et les chevau-légers westphaliens les poursuivirent avec tant de vigueur, qu'ils leur sabrèrent quelques hommes.

Ayant couché à Sacedon, nous nous mîmes en route le lendemain pour suivre les traces de l'ennemi, mais ce fut en vain que nous poussâmés jusqu'à Val de Olivar; il continua sa retraite de manière à prouver qu'il ne voulait point d'engagement. En effet il se serait bien gardé de se mesurer avec une colonne aussi belle, tant en infanterie qu'en cavalerie, animée d'un aussi bon esprit et aussi disposée à en venir aux mains.

Nous couchâmes à Val de Olivar, reprîmes le lendemain le chemin de Buendia, et suivimes assez long-temps la Guadiala, rivière profonde, et qui porte au Tage son plus riche tribut. Aussi

dit-on, sur ses rives, que le Tage porte le nom, et la Guadiala les eaux.

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Si j'observai souvent, dans les profondes vallées où coule le Haut-Tage, l'arrangement parallèle et régulier des couches qui composent leurs flancs, je ne les observai pas moins en approchant de Buendia. Les vallées voisines s'élargissent, mais les montagnes élevées qui les forment et dont les sommets sont d'un même niveau et absolument planes, offrent ce parallélisme d'une manière bien plus frappante et sur une longue suite de côtes, dont les unes s'étendent à l'ouest, le long de la petite rivière de Hueta, les autres se prolongent au sud et versent leurs eaux dans la Guadiala.

Les vallées profondes, entre le Tage et l'Henarès, appartiennent, comme celles que je viens de citer, à un ancien et même plateau; puisque les montagnes qui les forment et que ces vallées entrecoupent, sont planes comme ce plateau, d'une même élévation, et d'une composition de couches calcaires et siliceuses semblables.

La Guadiala, le Tage, le Guadalaviar, le Cabriel et le Jucar, prennent à peu de distance les uns des autres, tous leur origine au pied du mont San-Felipe, dans le royaume de Valence, ou dans le prolongement de ses contreforts vers le Tage. On ne peut pas douter, con

séquemment, que ce ne soit un des points les plus élevés de la Péninsule. J'ai passé le Cabriel, avant son confleunt dans le Jucar; j'ai traversé une grande partie de ses affluens qui tous viennent de l'est; j'ai repassé le Jucar à Cuença; j'ai vu la Guadiala, et le Haut-Tage; toutes ces rivières coulaient dans des vallées très e; profondes et souvent dans un lit très encaissé ; ce qui prouve de plus en plus ce que je viens d'avancer sur les points élevés de leurs origines; mais ce qui fortifie encore cette opinion, c'est que, parmi ces rivières, le Tage a son embouchure dans l'Océan, tandis que le Jucar et le Guadalaviar ont la leur dans la Méditerranée.

Je me séparai à Buendia de la colonne du général la Houssaye, et vins coucher à Sacedon. Le lendemain je partis de cet endroit pour retourner à Guadalaxara.

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En mai, 1811, le roi Joseph se rendit à Paris pour assister aux cérémonies du baptême du roi de Rome; un conseil de ministres fut chargé du gouvernement en son absence: on ne pouvait sans doute confier, en des mains plus sages, le maniement des affaires administratives de l'état. Si le ministère parut toujours contraire aux vues de l'empereur, quand ils les crut attentatoires à l'intégrité du royaume, on doit lui rendre cette

justice, qu'il fut et se montra constamment dévoué au roi, et ne fit jamais rien de contraire à la cause, ni aux intérêts de l'armée française, son seul appui sur le trône.

On a cependant beaucoup calomnié les ministres, celui de la guerre surtout (*). Il en était des meilleures opérations de cet homme d'état, aussi intègre qu'éclairé, comme des alimens les plus sains qu'on donne à un malade dont l'estomac est délabré; tout tournait à mal. Ce résultat fut la faute des circonstances, mais non jamais celle des grands fonctionnaires espagnols; et la preuve la plus claire de leur fidélité à Joseph, est tout entière dans le dévouement avec lequel ils abandonnèrent leurs foyers pour suivre ce prince après les événemens de 1813.

Pendant l'absence du roi, le général de Preux, Suisse et vieillard septuagénaire, désigné pour le commandement de la place de Guadalaxara, vint prendre possession de son emploi. A juger, par sa manière de servir, de ce qu'il devait être dans la force de l'âge, le général de Preux m'a paru un des meilleurs officiers que j'aie rencontrés parmi ses compatriotes.

(*) M. Le capitaine-général O-Farill, l'un des officiers les plus distingués de l'armée espagnole.

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