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pris position sur cette route, canonnaient l'ennemi en flanc et en queue.

Cet incident affligea beaucoup le général, qui se vit dans la nécessité de réduire encore la ration de viande, laquelle fut dès le lendemain de cinq onces pour toute la garnison, à l'exception cependant des parties isolées, qui continuèrent à la recevoir de quatre.

Le même jour, on fit monder de l'orge pour le donner en remplacement des légumes. M. Revillon, l'un des meilleurs citoyens de Thionville, nous rendit dans cette occasion, comme dans beaucoup d'autres, des services d'une haute importance.

Ayant beaucoup de prisonniers qui, pour nous, étaient des bouches plus qu'inutiles, le général Hugo, écrivit à M. le général Müller, commandant le blocus, pour lui proposer un échange, grade pour grade, homme pour homme. Ce général répondit qu'il en référerait à ses chefs et qu'il ferait part de leur décision.

On pourrait objecter ici avec quelque apparence de raison, que par les conditions qu'on vient de lire, M. le général Hugo paraissait exclure M. le colonel Fischer de l'échange demandé, puisqu'il n'existait dans les prisonniers faits par la garnison aucun officier de son grade. Le général savait bien positivement, lors des

propositions qu'il fit, que le colonel Fischer était sur parole rendu à sa famille, aux forges de Hayange; que M. le général Müller le traitait bien, et continuerait à le traiter de même.

M. le général Müller est un de ces sages ennemis qui commandent partout l'estime, et dont on s'empresse de se faire un ami, aussitôt que les intérêts de la patrie et du prince le per

mettent.

28 Février.

Quoiqu'on ne se battît point aux environs de Metz, on avait entendu la veille une forte canonnade dans la direction de cette place (*).

Nous étions à notre quarante-deuxième jour de blocus; les médicamens se trouvaient épuisés, et nous en fimes faire un nouvel approvisionnement d'un mois, par les pharmaciens de la ville, qui s'y prêtèrent non seulement sans la moindre réclamation, mais encore avec le plus généreux empressement.

L'ennemi ne négligeait aucun moyen de répandre dans les campagnes et de faire parvenir jusqu'à nous, les bulletins de ses opérations en France; mais, malgré toutes ses mesures, nous

(*) Voyez les anniversaires du Journal général de France.

en recevions aussi des Français, et nous n'admirions pas sans orgueil tous les efforts de nos camarades, pour défendre le territoire sacré de la patrie, contre le grand nombre d'ennemis dont il était foulé; nous ne négligions rien pour fixer beaucoup de forces devant nos remparts; et plus nous y en comptions, plus nous nous applaudissions d'en débarrasser, et nos compatriotes de l'intérieur, et nos intrépides frères d'armes.

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CHAPITRE V.

MARS, DU 1er AU 31.

Sortie du bétail.- Amusemens des soldats. - Bruits politiques. Arrivée de la colonne du général Durutte. Renfort fourni par la garnison. Sigraux de correspondance. Bulletins. Générosité et patriotisme. MM. Poulmaire et Néron. — Retour du général Durutte, et son départ. Menaces de

l'ennemi.

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1er Mars.

Comme M. le général Müller avait laissé M. le colonel Fischer en liberté sur parole, le général Hugo s'empressa de renvoyer un officier et un maréchal-des-logis des gardes d'honneur hessois, auxquels le général Müller avait paru prendre de l'intérêt.

5 Mars.

L'ennemi avait intimidé les habitans des campagnes, et même ceux de la ville, en répandant le bruit que sous trois jours, nous capitulerions faute de viande. En accréditant ces bruits, et en rappelant nos opérations sur Kensich, Mariendhall et Lagrange, il voulait prouver nos

besoins en viande : mais des Français ne se rendent pas faute d'une chose à laquelle on peut suppléer par une autre. Ils eussent éprouvé et supporté long-temps les plus dures privations, avant de songer à remettre aux ennemis une place de l'ancien territoire français.

Le général en était persuadé, mais pour rassurer sa garnison, il fit sortir par la jonction de gauche dans l'île inférieure et en vue des villages voisins, ainsi que de l'ennemi, plus de 150 bœufs ou vaches renfermés dans la place et appartenant, partie au parc et partie aux particuliers, dont le public et la garnison ignoraient incontestablement l'existence; cette mesure confondit les faiseurs de nouvelles, et produisit un excellent effet. Le général considérait ce bétail comme sa dernière ressource, et respectait la partie réfugiée, comme un gage de la confiance qu'on avait dans sa parole de n'y toucher qu'à la dernière extrémité. Les habitans qui soignaient et nourrissaient l'autre partie, savaient qu'on ne la leur retirerait qu'autant qu'on s'y verrait obligé. Les soins et la bonne nourriture qu'ils donnaient aux vaches qu'on leur avait confiées, étaient une économie pour les magasins et le parc militaires. Le lait de ces utiles animaux qui aurait été perdu, servait à nourrir beaucoup de petits enfans nés depuis le blocus:

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