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Ils ne pourront plaider hors du ressort de la cour près de laquelle ils exercent qu'après avoir obtenu, sur l'avis du conseil de discipline, l'agrément du premier président de cette cour, et l'autorisation de notre garde des sceaux ministre secrétaire d'état au département de la justice.

40. Les avocats attachés à un tribunal de première instance ne pourront plaider que dans la cour d'assises et dans les autres tribunaux du même département.

41. L'avocat nommé d'office pour la défense d'un accusé ne pourra refuser son ministère sans faire approuver ses motifs d'excuse ou d'empêchement par les cours d'assises, qui prononceront, en cas de résistance, l'une des peines déterminées par l'article 18 ci-dessus.

42. La profession d'avocat est incompatible avec toutes les autres fonctions de l'ordre judiciaire, à l'exception de celle de suppléant; avec les fonctions de préfet, de sous-préfet et de secrétaire général de préfecture; avec celles de greffier, de notaire et d'avoué; avec les emplois à gages et ceux d'agent comptable; avec toute espèce de négoce. En sont exclues toutes personnes exerçant la profession d'agent d'affaires.

43. Toute attaque qu'un avocat se permettrait de diriger, dans ses plaidoiries ou dans ses écrits, contre la religion, les principes de la monarchie, la charte, les lois du royaume ou les autorités établies, sera réprimée immédiatement, sur les conclusions du ministère public, par le tribunal saisi de l'affaire, lequel prononcera l'une des peines prescrites par l'article 18, sans préjudice des poursuites extraordinaires, s'il y a lieu.

44. Enjoignons à nos cours de se conformer exactement à l'article 9 de la loi du 20 avril 1810, et, en conséquence, de faire connaître chaque année à notre garde des sceaux ministre de la justice ceux des avocats qui se seront fait remarquer par leurs lumières, leurs talens, et surtout par la délicatesse et le désintéressement qui doivent caractériser cette profession.

45. Le décret du 14 décembre 1810 est abrogé. Les usages observés dans le barreau relativement aux droits et aux de

voirs des avocats dans l'exercice de leur profession sont

maintenus.

TITRE V.— Dispositions transitoires.

46. Les conseils de discipline dont la nomination aura été faite antérieurement à la publication de la présente ordonnance, selon les formes établies par le décret du 14 décembre 1810, seront maintenus jusqu'à l'époque fixée par ce décret pour le renouvellement.

47. Les conseils de discipline mentionnés en l'article précédent se conformeront, dans l'exercice de leurs attributions, aux dispositions de la présente ordonnance.

48. Notre garde des sceaux, ministre secrétaire au département de la justice, est chargé de l'exécution de la présente ordonnance.

DE L'ORDONNANCE DU 20 NOVEMBRE 1822,

CONCERNANT

L'ORDRE DES AVOCATS;

PAR M. A. DAVIEL,

AVOCAT A LA COUR ROYALE DE ROUEN.

Si de la part des advocats nous sont ci-après fait quelques remontrances concernant le faict de leurs charges, icelles lues et bien considérées en notre conseil, il y sera pourvu par nous ainsi qu'il appartiendra par raison.

(Declaration de Henri IV, du 25 mai 1602.)

A M. DUPIN.

MONSIEUR ET TRÈS-HONORÉ confrère,

LORSQUE, en 1602, on voulut soumettre les avocats à un règlement humiliant pour leur délicatesse, on vit paraître, pour la défense de l'Ordre, un écrit intitulé: Très-humbles remontrances dressées par un jeune advocat qui a recueilly les raisons des anciens. Ce jeune avocat était Laurent Bouchel, dont les ouvrages de jurisprudence nous sont restés sous le titre de Thrésor du droit français (1). A son exemple, je réclame aujourd'hui contre le règlement nouveau imposé à notre Ordre. Si l'on trouve étrange que j'aye osé entreprendre de défendre la cause de tous les avocats, je répondrai avec lui, qu'ayant soigneusement recueilli les antiques traditions du barreau, sans hasarder de mon chef

(1) C'est dans cet ouvrage qu'au mot Advocat se trouvent les remontrances contre l'art. 161 de l'ordonnance de Blois.

aucun principe innovateur, je n'ai fait que servir de secrétaire à mes anciens. Comme lui sans doute, grâce à ce respect religieux pour ce qui fut jadis, j'échapperai à tout reproche de témérité.

En m'autorisant de cet exemple, j'imite aussi le vôtre, monsieur; plus d'une fois, cherchant dans le passé les moyens de réduire au silence ceux qui ne veulent reconnaître la vé rité que là où ils voient la sanction du temps, vous leur avez prouvé, par les emprunts les plus heureusement faits à l'histoire ou aux auteurs des vieux temps, que la liberté et la raison sont les plus anciennes légitimités; et que, quand il s'agit de leur cause, on ne demande jamais en vain à l'antiquité des autorités pour la défendre. Aux yeux de ces hommes, si justement appelés les contemporains du passé, le soin que j'ai pris de m'appuyer sans cesse sur les témoignages des temps anciens, doit entièrement légitimer cet écrit; et, puisqu'ils proposent perpétuellement la jeunesse d'autrefois comme modèle à la jeunesse d'aujourd'hui, ils ne pourront me blâmer d'avoir entrepris en 1822, lorsque déjà j'ai fait quelques pas dans la carrière du barreau, ce que Bouchel fit en 1602, lorsqu'il n'avoit encores commencé à plaider. Votre nom, sous les auspices duquel vous m'avez permis de faire paraître cet écrit, est encore un appui bien puissant pour moi.

En réclamant pour l'indépendance et la dignité de notre Ordre, je ne pouvais espérer de recommandation plus respectable que celle d'un homme qui, dans toute sa carrière, a donné l'exemple de la plus généreuse indépendance, et qui représente si bien en sa personne la dignité du véritable avocat. Je suis avec la plus haute considération, etc. A. DAVIEL

« Vous debvez vous efforcer de conserver à notre Ordre » le rang et l'honneur que nos ancestres luy ont acquis » par leurs mérites et par leurs travaux, pour le rendre à >> vos successeurs. » La première lecture de l'ordonnance du 20 novembre 1822 me rappela vivement ce conseil de Loysel, dans son Dialogue des advocats, et pour qu'une protestation bien légitime suivît de près la publication d'un règlement si contraire à l'indépendance de l'Ordre des avocats, réunissant tous les documens qui attestent les anciennes franchises du barreau afin de les opposer aux dispositions d'une 'ordonnance qui, sous ombre de rétablir les vieux usages, ajoute de nouvelles entraves au règlement impérial de 1810, j'eus bientôt terminé mon examen. Dès le 1er décembre il était aux mains de Me. Dupin, dont je désirais que le nom prêtât à cet écrit une autorité qu'il ne pouvait recevoir du mien.

Mon dessein surtout devait plaire à un avocat si instruit de l'histoire de notre Ordre et pénétré des droits de la libre défense. Sa bienveillante approbation acheva de me décider; et l'on vit un simple stagiaire, armé il est vrai de preuves irrécusables, s'inscrire en faux, au nom de tous ses confrères, contre sa Grandeur Monseigneur le Garde des Sceaux de France, comte de Peyronnet, qui, dans le rapport au roi qui précède l'ordonnance, exaltant son œuvre dans les termes les plus magnifiques, avait si étrangement annoncé que le barreau lui devrait la restitution de ses antiques libertés.

Ma présomption a été bien justifiée lorsque, après la chute du ministère dont ce règlement n'était pas l'acte le moins déplorable, presque tous les barreaux de France ont adressé à la chancellerie des réclamations où sont consignés les griefs que j'avais, non pas aperçus le premier, mais le premier signalés (1).

(1) Les conclusions de la réclamation du barreau de Paris, signée par cent vingt-trois avocats, au premier rang desquels figurent MM. Delacroix Frainville et Tripier, ont été insérées dans la Gazette des Tribunaux, du 4 décembre 1828.

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