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Depuis que le parlement eut été rendu sédentaire à Paris, les avocats qui y étaient attachés devinrent pareillement sédentaires à Paris, c'est-à-dire qu'ils n'allèrent plus plaider dans les provinces.

Un des premiers soins du parlement fut de faire une ordonnance vers l'an 1344, concernant les fonctions des avocats; afin de maintenir cette profession dans la pureté qui lui convient, et qu'elle fût exercée d'une manière honorable pour les avocats, et utile pour le public.

Cette ordonnance, qui est en latin, porte en substance, que les noms de tous les avocats seraient mis par écrit; que l'on choisirait ensuite ceux qui auraient la capacité nécessaire pour exercer cet emploi, et que les autres seraient exclus.

Une autre disposition détaille les articles compris dans le serment que doivent prêter les avocats plaidans et consultans. Elle donne à ces derniers le titre de conseillers, consiliarii: titre qui se réfère non-seulement à leur qualité de consultans, mais aussi à l'honneur que la cour leur a fait plusieurs fois anciennement, de leur demander leur avis; en conséquence de quoi, on leur a accordé une séance sur les fleurs de lis, aux bas siéges, lorsque messieurs sont sur les hauts siéges aux grandes audiences. Cette séance sur les fleurs de lis (1), était accordée par la cour à douze des plus anciens avocats. Cet honneur n'était pourtant pas dévolu de droit aux plus anciens; c'était la cour qui les choisissait entre ceux qui étaient les plus célèbres; ils étaient nommés par arrêt. L'usage de les nommer ainsi subsistait encore en 1582, ainsi qu'on le voit dans les registres du parlement. On faisait une liste particulière des avocats qui avaient droit de siéger sur les fleurs de lis. Le roi défendit aux jeunes avocats de s'y placer. Le droit de committimus, attribué aux douze anciens avocats, paraît venir de cette distinction.

Quoique la cour ne soit plus dans l'usage de nommer ceux qui doivent siéger sur les fleurs de lis, ce droit appartient

(1) Sur les bancs de la cour, dont l'étoffe est parsemée de fleurs de lis.

toujours au bâtonnier et autres anciens avocats qui y viennent prendre séance quand ils jugent à propos, ainsi que je l'ai vu encore pratiquer plusieurs fois dans des audiences solennelles. Nous rapporterons ci-après les articles qui ont rapport au serment des avocats en général.

L'ordonnance de 1344 défend qu'aucun avocat soit reçu à plaider, qu'il n'ait prêté serment, et qu'il ne soit inscrit dans le rôle des avocats.

Elle enjoint aux avocats de retrancher les faits et moyens, repliques et dupliques inutiles, et de ne point contrevenir à ce règlement par complaisance pour leurs cliens.

Elle leur ordonne de donner les faits et articles qu'ils auront avancés en plaidant, dans deux ou trois jours au plus tard, à moins que la cour ne leur accorde un plus long délai; ce qui est à remarquer, attendu qu'il y avait déjà des procureurs postulans pour les parties.

Enfin, elle porte que les avocats nouvellement reçus ne doivent point se presser d'en faire trop tôt les fonctions; qu'ils doivent pendant un temps suffisant écouter leurs anciens, afin de s'instruire du style de la cour; elle leur prescrit aussi d'avoir de la déférence pour leurs anciens.

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CHAPITRE VII.

QUELLES PERSONNES SONT ADMISES A FAIRE LA FONCTION D'AVOCAT, ET DES FORMALITÉS DE LA RÉCEPTION.

La première qualité requise pour être admis dans l'ordre des avocats, est d'être de bonne vie et mœurs; c'est pourquoi Philippe le Bel, par un mandement du 23 avril 1299, adressé aux baillifs de Touraine et du Maine, leur défendit d'admettre les excommuniés à faire la fonction d'avocat, et même à former aucune action en justice.

Avant la révocation de l'édit de Nantes, on recevait des avocats, quoiqu'ils fussent de la religion prétendue réformée;

mais, depuis la révocation de cet édit, on ne reçoit plus aucuns avocats ni juges qu'ils ne fassent profession de la religion catholique, apostolique et romaine; c'est pourquoi on oblige ceux qui se présentent de rapporter leur extrait baptistaire, et des certificats de leur curé, comme ils font profession de ladite religion et en remplissent les devoirs.

Il est même défendu aux avocats d'avoir des clercs protestans (1).

Tous ceux qui sont notés d'infamie sont exclus de la profession d'avocat; et, supposé qu'ils en eussent déjà le titre, ils ne sont plus admis à en faire les fonctions.

On en vit un exemple remarquable en la personne du chancelier Poyet, lequel, ayant été dégradé de la dignité de chancelier, tenta les moyens de rentrer au palais pour y faire la profession d'avocat, qu'il avait faite avant d'être chancelier; mais les avocats ne voulurent pas y consentir, disant qu'il avait déshonoré la robe : en sorte qu'il demeura comme un homme privé, et donnait des avis à ceux qui voulaient bien le consulter.

Quelque temps après, Jean Mosnier, qui avait été pendant plusieurs années lieutenant civil de la prévôté de Paris, fut, pour ses malversations, condamné à faire amende-honorable. S'étant ensuite présenté dans une assemblée de plusieurs anciens avocats, pour délibérer avec eux sur une affaire importante, Jacques Mangot, l'un d'eux, recommandable par toutes sorte, de belles qualités, dit hautement qu'il ne communiquerait jamais avec un infâme.

Les défenses qui ont été faites aux ecclésiastiques de se mêler des affaires séculières, n'ont jamais été étendues aux fonctions de la magistrature, ni à celles d'avocat, et même pendant plusieurs siècles, depuis l'institution du parlement, le barreau de Paris n'était presque rempli que d'ecclésiastiques, prêtres, curés, chanoines de Paris, officiaux et archidiacres. Comme, dans ces temps d'ignorance, ils étaient

(1) Aujourd'hui les cultes sont libres. ( Charte constitut., art. 5.)

presque les seuls qui eussent quelque teinture des lettres, il y en avait beaucoup qui s'adonnaient en même temps à la profession d'avocat : ce qui devint moins commun vers la fin du cinquième siècle. Les prélats ayant eu de nouveaux ordres de se retirer du parlement, comme on le leur avait déjà ordonné anciennement, furent obligés de s'y conformer, et il y a apparence qu'à leur imitation les autres ecclésiastiques abandonnèrent peu à peu le barreau; il y en a cependant toujours eu quelques-uns, et il y en a encore présentement (1), mais en petit nombre. I leur est libre de plaider dans toutes sortes de tribunaux, et de se charger de toutes sortes de causes, à l'exception seulement des causes criminelles, qui peuvent tendre à quelque peine emportant effusion de sang.

Pour ce qui est des religieux, ils ne peuvent être reçus au nombre des avocats, étant incapables en général d'exercer aucun emploi séculier.

Les femmes ne peuvent faire la fonction d'avocat. On en admet quelquefois à plaider pour elles-mêmes mais c'est comme parties, et sans qu'elles puissent avoir la qualité d'avocat.

Ceux qui sont pourvus de quelque office ou emploi incompatible avec la profession d'avocat, ne sont point admis à en faire les fonctions.

Autrefois l'âge, pour être reçu au serment d'avocat, n'était point fixé. Corbin, auteur du Traité des droits de patronage, plaida une cause à l'âge de quatorze ans. Dans la suite on a fixé l'âge auquel on peut commencer à étudier en droit, et le temps d'étude nécessaire pour être reçu avocat.

La déclaration du mois d'août 1682, concernant l'université de Caen, avait réglé que l'on ne pourrait s'inscrire en droit qu'à dix-huit ans; mais présentement, suivant la déclaration du 17 novembre 1690, qui est générale pour toutes les universités, on peut s'inscrire en droit lorsqu'on

(1) En 1753, et encore aujourd'hui.

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a seize ans accomplis, et que l'on est entré dans sa dix-septième année (1).

L'ordonnance du parlement, du 11 mars 1344, dit qu'on n'inscrira sur le rôle des avocats que ceux qui auront la capacité nécessaire, et que ceux qui ne seront pas idoines en seront rayés.

Comme on n'est pas présumé capable d'exercer cette pro fession, sans avoir étudié pendant un temps suffisant, c'est le motif qui a fait ordonner que ceux qui voudront être reçus avocats, étudieront en droit pendant un certain temps, et y prendront des degrés.

Charles VIII, par son- ordonnance du 8 décembre 1490, défendit de recevoir personne en l'office d'avocat, qu'il n'eût étudié dans une université renommée pendant cinq ans, et qu'il ne fût trouvé idoine et suffisant par cette université.

Ce temps d'étude avait été réduit à une année, par un

arrêt de règlement, du 7 septembre 1661.

Par la déclaration du mois d'avril 1679, il fut fixé à trois années.

Par la déclaration du 17 novembre 1690, il fut réduit à deux années.

Enfin, par celle du 20 janvier 1700, le temps d'étude en droit a été fixé à trois années.

L'ordonnance de Charles VIII disait qu'il fallait avoir étudié dans une université renommée.

François Ier., par un règlement du 11 avril 1519, fait pour le siége de Tours, ordonna, art. 18, que nul ne serait avocat qu'il ne fût gradué dans une université fameuse.

Ces deux règlemens n'ayant point expliqué clairement de quelles universités l'on avait entendu parler, le parlement rendit, le 10 avril 1646, un arrêt, par lequel il ordonna que les licences ne se prendraient que dans les universités qui font exercice public; et M. le premier président Molé dit aux

(1) Voyez la loi du 22 ventôse an XII sur l'organisation des Écoles

de Droit.

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