Page images
PDF
EPUB

d'état expérimenté, le jurisconsulte profond, le bon Français; l'écrivain qui parle en toute conscience et liberté.

Malgré les imperfections que M. Lanjuinais a cru devoir faire remarquer dans notre droit public, son respect et son attachement pour la Charte percent à chaque page de son livre,

[ocr errors]

« La Charte, dit-il, est, tout balancé, l'une des constitu» tions les plus libérales de l'Europe; elle convient, en gé» néral, à l'état de la nation française et à l'esprit du siècle........ Quand nous serons délivrés sans réserve des mesures d'excep» tion et de suspension qui nous ravissent encore une partie » de ses bienfaits, quand elle aura reçu les développemens » nécessaires qu'elle promet, et les autres dont elle contient >> l'heureux germe; enfin, quand elle sera complétement exé» cutée, selon son texte et selon son esprit, selon cet esprit » de liberté, d'égalité, de justice et de sécurité qui la carac»térise alors, sans attendre, mais sans oublier aussi les perfectionnemens provoqués par le roi, en 1815, nous l'appellerons, sans flatterie, notre vrai palladium, notre précieux trésor; nous y reconnaîtrons la mesure de liberté » raisonnablement désirable dans une vieille civilisation, après » des siècles de despotisme, et tant d'intervalles d'anarchie; après trente années de discordes publiques, et tant de » crimes commis au nom des doctrines libérales, dans l'in» térêt des doctrines serviles. »

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

A la lecture du livre de M. Lanjuinais, je conseillerai de joindre celle de Blackstone, au moins dans quelques chapitres généraux; par exemple ceux-ci : Des droits absolus des individus. ·Du parlement. Du roi, et du droit à la couronne. -De la famille royale. Des conseils du roi. Des devoirs du roi. De la prérogative royale. Le mécanisme des deux gouvernemens étant au fond le même, malgré l'extrême différence qui existe dans l'état social des deux peuples (l'un d'aristocratie, encore féodale et privilégiée; l'autre d'égalité et de droit commun), on trouve dans Blackstone une foule de notions où l'analogie peut sembler complète, et qui, par cette raison, nous paraissent susceptibles d'application chez

nous.

[ocr errors]

SECTION X.

ÉTUDE DU DROIT ADMINISTRATIE.

(M. de CORMENIN.)

Ce serait une histoire curieuse que celle du droit administratif dans l'ancienne France.

Lorsque les communes eurent racheté, à prix d'argent, leur affranchissement et le droit de se gouverner intérieurement, on vit surgir une foule de règlemens municipaux sur les alignemens et sur la voirie urbaine.

Les appels de la juridiction seigneuriale, qui s'étendait sur toutes sortes d'objets, furent portés aux parlemens...

Les pays réunis qui stipulaient le maintien de leurs franchises, gardèrent pendant long-temps les formes libres et diverses de leur administration.

La spécialité des matières administratives et les besoins du fisc donnèrent naissance aux juridictions d'exceptions, telles que les maîtrises des eaux et forêts, les cours des aides, les bureaux des finances, les cours des comptes, etc.

A mesure que la puissance souveraine se centralisa dans les mains du monarque, les intendans des provinces ramenèrent sous leur juridiction, les affaires de police, de finances, de voirie et d'administration.

De leur côté, les parlemens luttaient contre ces entreprises, avec leurs arrêts de règlemens généraux..

Le roi, en conseil d'état, cassait, évoquait, jugeait toutes sortes de causes, civiles, criminelles, domaniales, bénéficiales, administratives.

C'est dans ce conflit d'attributions mixtes, et de priviléges de personnes et de territoires, que la révolution éclata.

Après avoir balayé toutes les institutions de l'ancienne monarchie et aboli les parlemens, le conseil d'état, la cour

[ocr errors]

des aides, les cours des comptes, les intendances, les maîtrises des eaux et forêts, elle reconstruisit sur un autre plan, un nouvel ordre administratif et judiciaire.

Les pouvoirs politiques des parlemens lui faisaient ombrage. Elle réduisit les tribunaux à des fonctions de judicature. L'inamovibilité des magistrats gênait la liberté de ses mou

vemens.

Elle créa le pouvoir administratif.

Il y avait de l'instinct dans cette création.

En effet, ce n'était pas assez pour ces assemblées de faire des lois, il fallait gouverner.

Elles gouvernèrent la législature par leurs comités ;

Elles gouvernèrent les armées par leurs envoyés ;

Elles gouvernèrent les départemens par les représentans du peuple.

La justice s'inclina, en tremblant, devant les injonctions du législateur souverain.

On annulait des jugemens en masse, on frappait de destitution les juges qui auraient connu de tout acte de l'administration de quelqu'espèce que ce fût.

Le pouvoir administratif régnait en maître, lorsque le premier consul prit le gouvernail de l'état.

Il se servit de ce pouvoir comme d'un instrument façonné tout exprès pour l'autorité absolue, dont il jetait lentement les fondemens.

Il était dans son génie d'envahir au dedans comme au dehors. Pour lui, administrer, c'était aussi conquérir.

Il réglementa tout; car, il voulait de la règle dans le despotisme. Il soumit l'ordre civil à la discipline des camps.

Le corps législatif se taisait; le sénat obéissait; les tribunaux se bornaient à juger. Le gouvernement était tout entier renfermé dans le conseil d'état. C'est de là que Napoléon contrôlait ses ministres, organisait la hiérarchie de ses agens, substituait ses rescrits aux lois, interprétait par ses avis, fabriquait les Codes, envoyait ses décrets aux extrémités les plus reculées de son empire, et transmettait l'unité de l'impulsion à tous les officiers des services publics.

Son empire est tombé, mais les formes de son administration ont survécu.

Si le peuple doit les garanties de la Charte au souvenir des premières conquêtes de la révolution, c'est aux établissemens de l'empire que la couronne doit peut-être ses plus beaux fleurons.

Non pas, qu'à mon avis, l'exagération de la puissance impériale convienne à l'administration douce et mitigée de nos rois.

Dans chaque forme de gouvernement, les institutions doivent s'accommoder avec son principe.

Beaucoup de prérogatives, qui sont des nécessités dans les monarchies absolues, ne sont souvent que des embarras dans les monarchies constitutionnelles.

La couronne ne doit rien abandonner de ce qui est son droit; mais elle ne doit rien retenir de ce qui est le droit du peuple.

C'est en ne perdant pas de vue aucun de ces deux rapports, qu'une loi sur les attributions du conseil d'état doit être faite.

Mais avant d'examiner ce qui devrait exister, voyons ce qui existe :

Les juridictions administratives ont à l'instar des tribudeux degrés ;

naux,

Les juridictions du premier degré, sont les conseils de préfecture, les préfets, les ministres, etc.

Les conseils de préfecture établis par la loi du 28 pluviôse an VIII n'ont ni prétoire, ni greffier, ni procédure fixe. Ils prononcent, commes juges, dans les matières contentieuses;

Ils assistent les préfets, comme conseillers, dans les affaires administratives;

Ils autorisent les communes et les hospices, comme tuteurs, dans les actions judiciaires (1);

(1) Les conseils de préfecture statuent :

Sur les demandes des particuliers tendant à obtenir la décharge ou

Ils recoivent l'opposition à leurs arrêtés par défaut;
Ils ne peuvent rétracter leurs arrêtés contradictoires.

la réduction de leur cote de contribution directe ou de leurs contri

butions personnelles. (Lois des 30 juin, 2 juillet 1790, art. 10; des 7 et 11 septembre 1790, art. 1er. ; du 28 pluviôse an VIII, art. 4, § 1or.; arrêté des 12 brumaire an XI et 24 floréal an VIII, art. 7 et 12. )

Sur la mutation de la cote. (Arrêté du 24 floréal an VIII, art. 6. ) Sur les réclamations des percepteurs comme sur celles des contribuables. (Loi du 27 pluviôse an IX, art. 1er. )·

Sur les différens qui peuvent s'élever relativement au paiement de la contribution des portes et fenêtres. (Loi du 14 frimaire an VII, art. 16.)

Sur les difficultés qui pourraient s'élever entre les entrepreneurs de travaux publics et l'administration, concernant le sens ou l'exécution des clauses de leurs marchés.

Sur la réclamation des particuliers qui se plaindront de torts et dommages procédant du fait personnel des entrepreneurs et non du fait de l'administration.

Sur les demandes et contestations concernant les indemnités dues aux particuliers, à raison des terrains fouillés pour la confection des chemins, canaux et autres ouvrages publics. (Loi du 28 pluviôse an VIII, art. 4, § 2, 3, 4, 5, etc. ; loi des 6, 7 et 11 septembre 1790, art. 3, 4, 5, etc.)

Sur les difficultés qui s'élèvent relativement au sens et à l'exécution des marchés passés par les préfets, pour les divers services publics. (Lois des 12 vendémiaire et 13 frimaire an VIII; arrêté du 18 ventôse an VIII; ordonnance royale du 27 mai 1816. )

Sur le contentieux des domaines nationaux, de l'émigration, des transferts et remboursement de rentes et capitaux d'emprunts. (Loi des 28 octobre et 7 novembre 1790; 8 avril 1792, art. 3 et 12; lois du 15 brumaire an II, des 9, 29 brumaire et du 8 floréal an III; du 12 ventôse et 28 pluviôse an IV, art. 4; décret du 23 février 1811; loi du 20 mars 1813.)

Sur les difficultés qui peuvent s'élever en matière de grande voirie, et des contraventions y relatives (1). (Lois des 28 pluviòse

(1) Les dispositions de l'article ci-dessus sont applicables aux canaux, rivières navigables, ports maritimes de commerce et travaux à la mer. (Ordonnance de 1669, art. 42, 43 et 44; loi du aa décembre 1789, sect. 3, art. 1er.; loi en forme d'instruction, des 12 et 20 août 1790, chap. 6; loi des 16 et 24 août 1790, tit. 3, art. 6; lois des 22 novembre et er. décembre 1790, art. 2; décret du 12 avril 1812.)

( Idem, art. 640.) Ces dispositions s'appliquent également à la voirie de la capitale,

« PreviousContinue »