Page images
PDF
EPUB

Le règlement obtenu par le clergé de 1695 contient beaucoup de dispositions sur la juridiction ecclésiastique : il en contient aussi sur les réparations des églises, et sur d'autres objets importans. Je ne les indique point en particulier, parce que l'auteur des Mémoires du clergé ne manque pas de les rapporter à l'occasion des questions qu'elles décident. Lorsqu'on trouve dans les Mémoires du clergé quelques-uns de ces articles, il faut y ajouter le Commentaire de M. Jousse, dans lequel on apprend, outre les principes, l'usage et la pratique actuelle. Je ne parle pas non plus en particulier de l'étude de la jurisprudence relative aux affaires ecclésiastiques, par la même raison que l'auteur des Mémoires du clergé a rassemblé sous chaque question les arrêts les plus célèbres qui les ont décidées. Le Recueil de jurisprudence canonique en indique aussi plusieurs. On peut, si l'on a assez de loisir, feuilleter encore les tables des derniers volumes du Journal des Audiences, et des Arrêts d'Augeard; recueils qui n'ont paru que depuis l'impression des Mémoires du clergé. La jurisprudence la plus moderne s'apprendra en suivant les audiences : il n'est pas nécessaire d'être assidu à toutes les audiences, lorsqu'on se fixe à une seule partie; mais il faut tâcher de ne manquer aucune de celles où l'on plaide des causes qui appartiennent à la partie que l'on a embrassée.

SECTION VI.

DE L'ÉTUDE DU DROIT ÉTRANGER,

(Sixième lettre de CAMUS, deuxième partie.)

Je vous ai promis, lorsque je vous aurais parlé de l'étude du droit canonique, de vous dire quelque chose de l'étude du droit étranger.

Chez presque toutes les nations policées, il y a un droit public qui règle les intérêts de la nation, tant entre elle,

considérée comme un individu moral, et ses membres, qu'entre les différentes corporations ou sociétés qui la composent; un droit privé qui décide des droits des individus, les uns à l'égard des autres, des lois de police pour le maintien de l'ordre, des lois criminelles pour punir ceux qui s'écartent de l'ordre, enfin, chez beaucoup de nations, il y a encore un droit religieux correspondant à ce que nous appelons, nous, le droit canonique.

Plusieurs motifs peuvent déterminer à étudier le droit des nations étrangères; la manière d'étudier varie comme les motifs d'étudier sont différens.

L'homme qui se livre à l'étude des relations des peuples entre eux, étudiera le droit public des divers peuples : leur droit privé ne l'intéresse que sous le rapport des connaissances qu'il lui donne de la constitution des peuples, de leurs habitudes et de leurs moeurs.

Si l'on était appelé à réformer quelque partie du droit, il serait convenable d'étudier ce qui se passe ailleurs relativement aux mêmes objets. Ainsi j'ai vu qu'à une époque où, fatigué de la longueur de nos procès et de la multitude des formes de nos procédures, on se proposait d'y faire des changemens; j'ai vu, dis-je alors, qu'on étudiait le code Frédéric pour y puiser des lumières. Ainsi encore, dans le cas où l'on changerait notre horrible et inquisitionnelle procédure sur la poursuite des délits, il faudrait étudier les lois anglaises, et apprendre, soit d'après les lois, soit d'après les jurisconsultes, comment on pratique en Angleterre l'instruction par jury.

Un jurisconsulte qui se réserve, même au milieu de grandes occupations, du temps pour apprendre, parce que les trésors les plus abondans s'épuisent lorsque l'on en tire toujours sans y rien verser, se livrera volontiers à la lecture de quelques codes ou des écrits de quelques jurisconsultes étrangers. C'est un moyen d'étendre ses vues, d'apercevoir les règles sous différens jours, de s'enrichir de nouvelles réflexions.

Enfin, il est indispensable de consulter les lois d'un pays, lorsque l'on est chargé d'affaires qui se décident dans les tribunaux français, mais dont le principe de décision doit, à

raison des circonstances, être puisé dans le texte des lois étrangères.

Hors ce cas particulier, ce sont les règles générales du droit étranger et les bases sur lesquelles elles portent, qu'on étudie, plutôt que les décisions spéciales sur des points de fait.

Mais pour être en état de faire, selon que la nécessité ou l'occasion se présente, ces différentes études, il faut avoir des notions générales sur la composition du droit des peuples étrangers, de ceux surtout qui se sont rendus célèbres par leurs principes d'équité ou par la sagesse de leurs formes dans l'administration de la justice. Cette connaissance, en grande partie bibliographique, s'acquiert plus facilement par l'inspection d'un catalogue de livres choisis que par un discours. Je vous rapporterais ici le titre des codes qui forment la base du droit en Angleterre, en Espagne, en Italie, etc. ; je vous nommerais leurs jurisconsultes ; je vous indiquerais leurs principaux ouvrages, que vous n'entendriez pas plus que quand vous aurez lu un catalogue avec quelques notes; seulement un discours suivi aurait plus de prolixité, et il vous serait moins facile d'y retrouver, au besoin, les livres que je vous aurais indiqués. Renvoyons donc tout ce que j'aurais à vous indiquer à cet égard au catalogue que je vous ai promis dans ma seconde lettre. Je serai exact à tenir ma parole.

Puis-je me flatter, monsieur, d'avoir rempli vos vues, et d'avoir indiqué à monsieur votre fils le chemin qui pourra le conduire à son but? Je suis bien éloigné de croire qu'il n'y ait aucune autre route que celle que j'ai tracée, ni qu'il soit impossible de rien réformer ou ajouter à ce que j'ai dit. Je lui ai montré la voie qui me paraît la plus sûre, celle que je prendrais moi-même, si j'avais à recommencer le cours de mes études. Vous trouverez peut-être, monsieur, mon plan un peu étendu : je conviens qu'il ne faut guère moins de dix années pour le remplir; mais cet espace de temps ne vous effraiera pas, si vous voulez faire attention que, parmi les avocats aujourd'hui les plus employés, il n'y en a presque pas un qui ait commencé à être connu avant d'avoir passé

dix années au palais (1). Le public est trop persuadé que la science et la prudence ne sauraient être que le fruit du temps et du travail. Les degrés que l'on a pris dans une université, le serment d'avocat auquel on a été admis ne suffisent point pour déterminer sa confiance. L'étude à laquelle on se livre, n'empêche pas d'ailleurs que l'on ne se charge de quelques affaires, lorsqu'il s'en présente. Leur examen distrait de l'ennui que cause à la longue un travail dont les fruits ne se produisent point au dehors; la manière dont on les traite accoutume à faire l'application juste des principes; et le succès qu'on peut obtenir, forme peu à peu la réputation. L'ardeur pour l'étude croît alors; l'honneur, la considération dont on commence à jouir, inspirent une nouvelle passion pour parvenir au rang des avocats qui nous ont devancés. Il suffit de jeter les yeux vers ce terme, pour ne plus apercevoir, ni la longueur, ni les dégoûts, ni les ennuis du chemin que l'on doit parcourir.

J'ai l'honneur d'être, etc.

(1) Ce que dit Camus du temps nécessaire à un avocat pour asseoir sa réputation au palais, n'a pas cessé d'être vrai, même aujourd'hui que les journaux politiques et surtout la Gazette des tribunaux offrent aux jeunes avocats un moyen qu'ils n'avaient pas autrefois, d'apprendre leur nom au public, et de livrer leurs plaidoyers à son appréciation. C'est qu'il ne suffit pas en effet de quelques causes bien plaidées, d'une ou deux affaires d'éclat pour vous faire connaître : il faut une longue réitération d'actes louables pour affermir, chez les clients et les magistrats, l'opinion qu'un avocat est arrivé à ce point de ne plus redouter aucun adversaire, d'être supérieur au plus grand nombre, égal aux plus forts, qu'il est studieux, assidu, capable en un mot de bien défendre et de faire prévaloir tous les intérêts qui lui seront confiés. Ce n'est pas trop de dix années pour apprendre tout ce qu'il faut savoir : car si l'étude du droit est abrégée sous certains rapports, par l'abrogation des coutumes, des droits féodaux, des matières bénéficiales, etc., elle a acquis d'un autre côté plus d'élévaion et d'importance par la nécessité d'y joindre à un plus haut degré qu'autrefois la connaissance du droit public, des matières politiques, du droit criminel, etc., etc.

SECTION VII.

SUR L'ÉTUDE DES PRINCIPES DE L'ÉCONOMIE SOCIALE, ET DES BASES TANT DE L'ADMINISTRATION INTÉRIEURE, QUE DES RELATIONS EXTÉ

RIEURES.

(Septième lettre de CAMUS.)

Je ne me serais pas flatté, monsieur, lorsque j'écrivais, il y a déjà longues années, à M. votre père, sur l'ordre de vos études, que quelque jour vous me consulteriez encore sur celles de M. votre fils. Vous me marquez qu'après avoir relu avec lui mes premières lettres, vous croyez que, dans l'état actuel de notre gouvernement elles laissent un vide sur des objets de grande importance. Dans l'ancien ordre de choses, la magistrature et ses dignités étaient le terme le plus élevé auquel l'étude des lois pouvait conduire. Aujourd'hui cette même étude ouvre l'entrée d'une autre carrière; elle introduit dans les assemblées nationales, dans les conseils du souverain; alors on n'a pas à décider seulement des questions particulières, ni même à faire des lois proprement dites, mais souvent on doit ou réfléchir, ou s'expliquer sur des actes d'administration, soit intérieure, soit extérieure ; on peut être appelé à administrer soi-même. Vous vous imaginez, monsieur, qu'il m'est facile, parce que j'ai été membre de plusieurs assemblées, de vous présenter quelques observations, fruits précieux ou de l'étude, ou de l'expérience.

Je conviens avec vous que les études de nos jeunes gens doivent être plus vastes qu'elles n'étaient par le passé; qu'il nous faut quelque chose de mieux que des légistes, et que les hommes qui se livrent dans leur jeunesse à l'étude des lois et aux discussions publiques devant les tribunaux, doivent former, dans un âge plus avancé, le séminaire des hommes d'état. Mais je ne conviens pas avec vous que je sois fort en état de vous donner des instructions sur ce sujet. Ce que l'ex

« PreviousContinue »