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rue Laffitte, à l'exclusion du no 5 de ladite rue, ne sont que des abris légers sans influence sur l'individualité des immeubles; que, de ces constatations, il résulte que le no 5 de la rue Laffitte, immeuble distinct, non atteint par le tracé, doit rester à la dame Segond; que, d'autre part, si l'immeuble de la rue Taitbout est bien atteint, il ne peut être l'objet d'une expropriation totale; que les abris établis dans la cour, qui sont seuls touchés, occupent à peine un cinquième de la superficie totale; que, d'un autre côté, les parcelles restantes, qu'elles soient aujourd'hui bâties ou non, sont susceptibles de recevoir une construction esthétique, et que le Conseil d'État est juge de cette question; qu'enfin il n'est jamais entré en tout cas, dans les vues du législateur, qu'une préoccupation pécuniaire pût se faire jour au cas où l'expropriation totale est requise pour cause d'esthétique ou de salubrité;

Vu le mémoire présenté pour les époux Demanche et pour les sieurs Schoelcher, et par lequel ceux-ci déclarent intervenir au recours formé par la dame Segond et s'approprier ses conclusions, et soutiennent que leur intervention est recevable, par les motifs que leur intérêt dérive d'une promesse de vente à eux consentie par le sieur Segond, le 16 déc. 1881, et portant précisément sur une partie de l'immeuble sis rue Taitbout, no 10; que d'autre part, le désistement de la dame Segond ne saurait y faire obstacle, puisque le Conseil d'État n'en a pas encore donné acte;

Vu les observations présentées pour la ville de Paris..., et tendant au rejet, comme non recevable, de la requête en intervention des consorts Schoelcher, par les motifs que la promesse de vente invoquée dispose qu'elle sera nulle et de nulle effet au cas d'expropriation totale de l'immeuble; que, d'autre part, la dame Segond s'est désistée purement et simplement et que les consorts Schoelcher ne sauraient mettre obstacle à ce que le Conseil d'État constate l'accord conclu entre les parties;

Vu 20 la requête présentée pour la dame Schoelcher, épouse du sieur Demanche, notaire, et le sieur Demanche, agissant tant en son nom personnel, pour le sieur Schoelcher (Xavier), agent de change, et pour le sieur Schoelcher (André), sous le n° 54.826..., et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler, pour excès de pouvoir, un décret, en date du 24 juill. 1913, déclarant d'utilité publique les travaux de prolongement du Boulevard Haussmann, à Paris, en tant qu'il doit avoir pour conséquence l'expropriation totale d'un immeuble sis rue Taitbout, no 14; — Ce faire, attendu que ledit immeuble, d'une superficie de 683 mètres carrés environ, comprend, d'une part, une maison de rapport en façade sur cette rue; d'autre part, divers bâtiments de con

struction récente et entièrement séparés d'elle par une grande cour; que l'art. 2, § 2 du décret du 26 mars 1852 modifié par la loi du 10 avr. 1912, invoqué par le préfet de la Seine pour obtenir l'expropriation de la totalité de l'immeuble, dispose que « l'expropriation sera de droit pour toute parcelle restante ne dépassant pas 150 mètres carrés, ou encore pour l'intégralité de tout immeuble atteint, lorsque des constructions à démolir en tout ou en partie pour l'exécution du projet déclaré d'utilité publique occuperont plus de la moitié de la superficie totale »>; que, dans l'espèce, la parcelle restante serait très supérieure à 150 mètres carrés; que, d'autre part, le texte précité signifie très clairement que, pour toutes les constructions à démolir, si faible que soit l'étendue de la démolition nécessaire, c'est la surface intégrale de la construction qui doit entrer en ligne de compte, mais que, pour déterminer la surface des constructions à démolir, il faut bien entendre faire abstraction de celles qui ne sont aucunement touchées par l'opération projetée; que la construction principale de l'immeuble Schoelcher, à savoir la maison en façade sur la rue Taitbout, est entièrement séparée des autres bâtiments et ne doit pas être atteinte; qu'il faut donc en faire abstraction pour le calcul de la surface des constructions à démolir, qui est, dès lors, seulement de 3172, 50, alors que la moitié de la surface de l'immeuble est de 341m2, 50; attendu que la ville de Paris ne pourrait pas davantage soutenir que la partie restante de l'immeuble n'est pas susceptible de recevoir des constructions en rapport avec l'importance ou l'esthétique de la voie nouvelle; qu'elle aurait une surface de 304m2,70 en forme de trapèze régulier, auxquels d'ailleurs viendraient s'ajouter les délaissés d'immeubles voisins, sur lesquels les requérants entendent exercer leur droit de préemption; attendu que la ville de Paris est, en réalité, guidée par des considérations d'ordre financier et favorise les spéculations de ses concessionnaires sur les terrains,

Vu les observations présentées pour la ville de Paris, agissant poursuites et diligences du préfet de la Seine..., et tendant au rejet du pourvoi par les motifs que, pour pouvoir utiliser la portion de leur immeuble laissée en dehors de l'emprise du futur boulevard, les consorts Schoelcher sont obligés de prévoir, soit la démolition du bâtiment en façade sur la rue Taitbout, soit même après cette démolition la jonction de délaissés qu'ils prétendent acquérir par droit de préemption; qu'il faut observer tout d'abord, que ce droit de préemption ne leur appartient pas, les délaissés qu'ils visent ne séparant nullement leur immeuble de la voie publique; que la démolition de la maison en façade sur la rue Taitbout s'imposerait donc et apparaît ainsi comme la conséquence même de l'exécution du projet; que, par

suite, la surface des bâtiments à démolir excédant la moitié de la surface de l'immeuble, le droit à expropriation totale est ouvert au profit de la ville; que, dût-on admettre, au surplus, que la superficie des constructions à démolir doit être calculée sans tenir compte du bâtiment de façade, il faudrait reconnaître que, même après la démolition de cette maison, la parcelle restante ne pourrait recevoir une construction esthétique, tant à raison du peu de longueur de façade sur le boulevard Haussmann, que de l'obliquité des lignes mitoyennes: qu'on peut se demander, d'ailleurs, si cette question peut être remise en discussion au contentieux, alors que le décret attaqué n'est intervenu qu'après une instruction complète et de minutieuses enquêtes; qu'enfin, en supposant qu'il ait été tenu compte des intérêts financiers de la ville de Paris, il n'y aurait rien là que de conforme à l'intention du législateur de 1912, qui a eu pour but d'empêcher que les intérêts de la collectivité ne fussent abusivement sacrifiés à l'enrichissement individuel des propriétaires ;

Vu les observations nouvelles présentées par les consorts Schoelcher..., et tendant aux mêmes fins que la requête, par des moyens déjà exposés, et en outre, par les motifs qu'il importe peu que la démolition de la maison en façade sur la rue Taitbout puisse devenir un jour avantageuse; que l'art. 2, § 2 nouveau du décret du 26 mars 1852 ne permet pas de tenir compte de cette maison pour déterminer la superficie des bâtiments à démolir; que le § 1er du même article n'est pas davantage applicable; que c'est du décret même de 1852 que les requérants tiennent un droit de préemption sur les parcelles contiguës situées en dehors des alignements et non susceptibles de recevoir des constructions salubres ou esthétiques ; qu'au surplus, ce droit n'existâtil pas, que les consorts Schoelcher conserveraient une parcelle de 304m2,70 de forme régulière avec deux façades, dont une de 17,50 sur le boulevard Haussmann, égale ou supérieure à celle de nombreuses maisons voisines; que nonobstant l'obliquité des lignes mitoyennes, les toitures se raccorderaient de plano et qu'un immeuble esthétique pourrait être construit ; que le Conseil d'État est juge de cette question; qu'enfin, il n'est jamais entré dans les vues du législateur qu'une préoccupation pécuniaire pût se faire jour au cas où l'expropriation totale est requise pour cause d'esthétique ou de salubrité ;

Vu les observations nouvelles présentées pour les consorts Schoelcher, et par lesquelles ces derniers exposent qu'ils demandent l'annulation du décret attaqué, en ce qui concerne les immeubles visés dans la requête no 51.797, introduite par la dame Segond, par les motifs exposés pour cette dernière, leur qualité dérivant d'une promesse de vente à eux consentie, le 16 déc. 1881, d'une partie de l'immeuble, sis rue Taitbout, no 10;

par

Vu la loi du 3 mai 1841; le décret-loi du 26 mars 1852, modifié la loi du 10 avr. 1912; les décrets des 27 déc. 1858 et 16 juin 1876; les lois des 7-14 oct. 1790 et 24 mai 1872; le décret du 22 juill. 1806);

Considérant que, dans le dernier état des conclusions des parties, les deux requêtes sus-visées sont connexes; que, dès lors, il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision;

En ce qui concerne les immeubles sis rue Laffitte, no 5, et rue Taitbout, no 10: Cons. que la dame Segond a demandé l'annulation, pour excès de pouvoir, du décret du 24 juill. 1913, déclarant d'utilité publique les travaux de prolongement du boulevard Haussmann en tant qu'il a rangé lesdits immeubles lui appartenant, parmi ceux que la ville de Paris est autorisée à acquérir en totalité, au besoin par voie d'expropriation; qu'à la date du 30 juin 1914, elle s'est désistée de son pourvoi;

Cons. que, postérieurement à ce désistement, les consorts Schoelcher ont saisi le Conseil d'État, d'une part, d'une requête en intervention sur le pourvoi de la dame Segond, dans laquelle ils déclarent « s'approprier» les conclusions primitives de cette dernière; d'autre part, de conclusions par lesquelles ils demandent en leur nom personnel l'annulation du décret attaqué, en ce qui concerne les immeubles dont il est parlé ci-dessus;

Cons. que, pour justifier de leur qualité, les consorts Schoelcher se fondent sur les droits qu'ils tiendraient d'une promesse de vente à eux consentie par le sieur Segond, le 16 déc. 1881 et portant sur une partie de l'immeuble sis rue Taitbout, no 10;

Cons. que l'acte ainsi invoqué contient une clause aux termes de laquelle « dans le cas où, contre toute attente, la totalité de la propriété rue Taitbout, no 10, serait expropriée, la présente convention sera nulle et de nul effet »; que cette disposition est parfaitement claire et n'a rien d'ambigu;

Cons. que ladite propriété a été comprise en totalité dans le décret déclaratif d'utilité publique du 24 juill. 1913; que, dans ces circonstances, si les consorts Schoelcher estiment qu'en se désistant de son pourvoi, par lequel elle contestait la légalité même de cette emprise totale, la dame Segond a méconnu les obligations qui dérivaient pour elle de la promesse de vente de 1881, il leur appartient d'exercer telle action que de droit devant l'autorité judiciaire, mais qu'ils ne sont pas recevables devant le Conseil d'État, ni à reprendre l'instance introduite par la dame Segond, ni à présenter en leur nom personnel des conclusions tendant à l'annulation du décret du 24 juill. 1913, en tant qu'il s'applique aux immeubles sis rue Laffitte, no 5, et rue Taitbout, no 10, le Conseil d'État étant incompétent pour apprécier les droits pouvant

résulter pour eux de la promesse de vente précitée, qui, d'ailleurs, n'est applicable qu'au no 10 de la rue Taitbout;

Cons. que le désistement de la dame Segond est pur et simple et qu'il résulte de ce qui précède que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte;

Cons.,

En ce qui concerne l'immeuble sis rue Taitbout, no 14 : d'ane part, que, si, aux termes de l'art. 2, § 2 du décret-loi du 26 mars 1852, modifié par la loi du 10 avr. 1912, l'expropriation sera de droit, si elle est demandée par l'une des parties, pour l'intégralité de tout immeuble atteint, lorsque des constructions à démolir en tout ou en partie pour l'exécution du projet déclaré d'utilité publique occuperont plus de la moitié de la superficie totale, il résulte de l'instruction, que les constructions à démolir sur l'immeuble sis au no 14 de la rue Taitbout et appartenant aux consorts Schoelcher, pour l'exécution du projet de prolongement du boulevard Haussmann, n'occupent qu'une surface de 3172,50, inférieure à la moitié de la superficie totalė, cette moitié étant de 3412,50; qu'ainsi la condition exigée par la disposition législative précitée pour que l'Aministration puisse, sans le consentement du propriétaire, comprendre dans le projet d'expropriation les parties situées en dehors des alignements, ne se trouvait pas remplie ;

Cons., d'autre part, que la partie de l'immeuble des consorts Scholcher non comprise dans le tracé de la nouvelle voie à ouvrir a une étendue de 304m2,70 et revêt la forme d'un trapèze; qu'il n'est pas contesté qu'elle soit susceptible de recevoir une construction salubre; qu'il résulte, en outre, des plans joints au dossier; que ladite parcelle a une longueur de 17,50 en bordure du nouveau boulevard et que, nonobstant l'obliquité des lignes mitoyennes, qui, moyennant certaines précautions faciles à prendre, ne se révélera pas à l'extérieur, il peut y être élevé des constructions en rapport avec l'importance et l'esthétique de la voie; qu'ainsi, l'Administration ne se trouvait pas dans un cas qui lui permit d'user de la faculté qui lui est conférée par l'art. 2, § 1er du décret-loi ci-dessus visé de comprendre dans le projet d'expropriation la totalité de l'immeuble; que, de ce qui précède, il résulte qu'en autorisant la ville de Paris à acquérir, au besoin par expropriation, les parties de l'immeuble des consorts Schoelcher situées en dehors des alignements du futur boulevard Haussmann prolongé, le décret déclaratif d'utilité publique du 24 juill. 1913 a fait une fausse application tant du § 1er que du § 2 de l'art. 2 du décret-loi du 26 mars 1852, modifié par la loi du 10 avr. 1912, et que les requérants sont fondés à demander, par ce motif, l'annulation, sur ce point, du décret attaqué;... (Requête en intervention des consorts Schoelcher sur le pourvoi

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