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No 1

ÉTUDE SUR LES PONTS MOBILES

PAR

M. BATARD-RAZELIÈRE
Ingénieur en Chef des Ponts et Chaussées.

Planches 1 à 3

I. INDICATIONS GÉNÉRALES.

L'étude qui a été faite, lors du XII Congrès international de navigation tenu à Philadelphie en 1912, de la traversée des voies d'eau affectées à la navigation maritime par les voies de circulation terrestre embrassait tous les moyens employés pour résoudre ce problème: ponts fixes ou mobiles, ponts à transbordeur, tunnels et ferry-boats. Elle ne pouvait porter, par suite, que sur les considérations justifiant les divers modes de traversée et sur les dispositions générales des solutions réalisées. En limitant la présente étude aux ponts mobiles, il sera possible, bien que ces ouvrages présentent eux-mêmes une très grande. variété, d'entrer dans quelques détails pratiques qui seront utiles aux ingénieurs pour la préparation des projets d'exécution.

Les ponts mobiles sont employés toutes les fois qu'il est possible d'intercepter momentanément, sans trop d'inconvénient, la

NOTA. Le présent article reproduit un rapport que nous avions rédigé en 1914 pour être présenté au XIIIe Congrès international de navigation qui devait se tenir à Stockholm en 1915. Ce rapport avait pour but de traiter une communication figurant au programme dudit Congrès et intitulée : << Ponts mobiles - Etude technique et économique »; il correspond, par suite, à l'état de la question vers la fin de 1914 et seulement en ce qui concerne les ouvrages existant ou en cours d'exécution en France à cette époque.

circulation maritime et la circulation terrestre et lorsque la violence du courant ne s'oppose pas à l'usage, par la navigation, d'une passe de largeur réduite. Ils existent principalement dans l'intérieur des ports pour couvrir les pertuis d'entrée ou de communication des divers bassins.

Les ponts à transbordeur, ainsi que les transbordeurs sur radiers, qui remplissent le même office que les ponts mobiles proprement dits pour franchir les passes auxquelles il convient de conserver une grande largeur, ne nous paraissent pas rentrer dans le cadre de la présente étude.

Nous laisserons également de côté les ponts à soulèvement, qui ne peuvent guère être employés que sur les voies de navigation intérieure, parce qu'ils deviennent très dispendieux lorsque leur tablier doit être monté à une grande hauteur; il n'en existe d'ailleurs en France aucun exemple sur les passes fréquentées par la navigation maritime.

Les ponts mobiles se divisent en trois catégories bien distinctes les ponts tournants, les ponts roulants et les ponts basculants.

Nous ne croyons pas devoir nous étendre sur les dispositions du tablier des ponts mobiles, qui sont étudiés et calculés d'après les mêmes principes que pour les ponts fixes lorsque ces ouvrages se trouvent dans la position de fermeture, puis en tenant compte d'autre part des conditions particulières auxquelles ils sont soumis pendant leur manœuvre. Ces dernières conditions conduisent notamment à relier les poutres principales des ponts tournants, dans la section transversale correspondante à l'axe de rotation, par une poutre de forme appropriée, désignée sous le nom de chevêtre, qui reporte le poids du tablier sur le pivot; lorsque les ponts tournants reposent sur une couronne de galets, le chevêtre est remplacé par une sorte de tour cylindrique servant à répartir les pressions sur la couronne; enfin, dans les ponts roulants ou basculants, une liaison analogue est nécessaire dans les sections où se concentrent les efforts pendant la manœuvre. Nous nous bornerons à indiquer sommairement les caractères généraux qui sont communs à tous les ponts mobiles.

Il importe d'abord que le tablier desdits ouvrages soit aussi léger que possible, afin d'en faciliter la manoeuvre; cette condition conduit nécessairement à recourir à une ossature métallique, tout au moins pour les ponts mobiles d'une certaine importance, et à exclure l'emploi des matériaux lourds dans la constitution de la chaussée lorsque ces ponts sont affectés à la circulation routière. Dans cet ordre d'idées, une disposition fréquemment appliquée aujourd'hui consiste à placer les trottoirs en encorbellement à l'extérieur des poutres de rive, ce qui permet de réduire la portée et par suite le poids des entretoises ou pièces de pont; ces dernières sont ensuite reliées par des longrines métalliques sur lesquelles repose un plancher jointif formé de fortes pièces de bois et servant de support au revêtement de la chaussée.

Le revêtement dont il s'agit était généralement composé autrefois de plateaux en chêne ou en ormeau de 0 m. 05 environ d'épaisseur cloué sur le plancher sous-jacent. Il a été avantageusement remplacé, sur un grand nombre de ponts mobiles, par un revêtement en câbles plats d'aloès ayant à peu près la même largeur et la même épaisseur que les plateaux précédemment employés; ces câbles proviennent, après usage, des montecharge installés dans les puits d'extraction des mines de charbon, pour assurer leur bonne tenue et leur conservation, il convient qu'ils soient abondamment goudronnés, puis posés sur un plancher parfaitement dressé et recouvert également d'une couche épaisse de goudron; après la pose et le clouage, on goudronne encore toute la surface du revêtement et l'on y répand une mince couche de sable que l'on pilonne fortement. Ce nouveau mode de revêtement coûte, à Marseille, 35 francs le mètre carré, c'est-à-dire trois fois plus cher que le platelage en ormeau, mais il est très durable, sauf sur les ponts fréquentés par le camionnage automobile où sa résistance laisse à désirer; les effets destructifs sont dus surtout au freinage des camions en vitesse; en outre, par temps de pluie, les câbles d'aloès s'imprègnent d'une certaine quantité d'eau qui alourdit le tablier et dont il faut tenir compte dans le calcul du contrepoids de la culasse.

Aux deux ponts tournants des écluses du bassin à flot du port de Bordeaux et au pont tournant des bassins de radoub du port de Marseille, le revêtement de la chaussée est composé de pavés de bois posés soit au bitume, soit au ciment, sur le sous-platelage. Dans cette dernière application le résultat n'a pas été très satisfaisant; sous l'action du roulage, qui est très actif, les pavés se déplacent horizontalement dans le sens de la circulation et les joints se compriment, ce qui oblige à ajouter des rangées supplémentaires aux abouts du tablier, au fur et à mesure que ce mouvement se produit.

Enfin, au port du Havre et dans quelques autres ports, on a adopté une disposition comportant, sous le passage des roues, deux tôles d'acier de 0 m. 50 de largeur et de 14 à 18mm d'épaisseur et, entre ces tôles, pour le passage des chevaux, un platelage en ormeau ou en câble d'aloès; lorsque le tablier est à deux voies charretières, un chasse-roues est établi dans l'axe de la chaussée, afin de permettre, de chaque côté, la réalisation de cette disposition. Ce mode de revêtement donne satisfaction au point de vue de la résistance à l'action du roulage; mais il présente l'inconvénient d'être un peu plus lourd que les autres et de provoquer le glissement des chevaux lorsque ceux-ci sont attelés de front par deux ou par trois.

Il ne semble pas, en résumé, que l'ont ait encore trouvé une solution tout à fait satisfaisante du problème du revêtement de la chaussée des ponts mobiles. Le revêtement en câbles d'aloès nous paraît être, pour le moment, la meilleure solution, qui ne se trouve en défaut que pour les ponts sur lesquels le camionnage automobile est très-intense.

Les trottoirs sont généralement recouverts en bois et parfois en tôle striées.

Nous ne nous occuperons pas des maçonneries que comporte l'établissement des ponts mobiles, parce que leur importance, notamment au point de vue des fondations, dépend non seulement du type, des dimensions et du système de manœuvre du tablier, mais aussi des circonstances locales qui sont extrêmement variables d'un point à un autre. En général et toutes choses

égales d'ailleurs, les ponts tournants exigent des maçonneries plus coûteuses que les ponts roulants ou basculants.

Le côté le plus intéressant de la question des ponts mobiles porte sur les dispositions réalisées en vue de leur manœuvre, dispositions qui sont différentes suivant la catégorie à laquelle ces ouvrages appartiennent et, dans chaque catégorie, suivant le type du tablier et la nature de l'énergie utilisée.

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Les ponts tournants constituent, en France, la solution la plus répandue du problème des ponts mobiles. Les dispositions générales de leur tablier se ramènent à trois types distincts, savoir :

A deux volées sur une seule passe;

A volée unique sur une seule passe ;

A volée unique sur deux passes séparées par une pile centrale.

Mais, pour rester dans l'ordre d'idées où nous nous sommes placés, nous examinerons successivement les ponts tournants suivant qu'ils sont manœuvrés à bras, à l'eau comprimée, à l'électricité ou au moyen d'autres moteurs, en les classant d'ailleurs dans chacun de ces cas d'après le type du tablier. Enfin, nous ne mentionnerons que les ouvrages d'une certaine importance ou ceux qui se distinguent par quelque disposition particulière.

PONTS TOURNANTS MANOEUVRÉS A BRAS

Les ponts tournants manœuvrés à bras sont généralement de faibles dimensions, sauf les exceptions que nous signalerons plus loin. Il en existe des trois types ci-dessus mentionnés pour le tablier; ils effectuent leur rotation soit sur pivot avec galets d'équilibre, soit sur couronne de galets et sont calés au repos, sur leurs points d'appui, au moyen de béquilles, de vérins, de

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