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l'eau comprimée, le précieux avantage de pouvoir être employée, sans précautions spéciales, pendant les périodes de gel.

Nous signalerons d'abord une première application faite, au port du Havre, sur le pont tournant du Dock, qui est à une seule volée, couvre une passe de 16 mètres d'ouverture et pèse 164 tonnes. La manœuvre est commandée par un seul moteur de 10 chevaux actionné par du courant continu à 500 volts. Le pont tourne sur pivot après basculement du côté de la culasse. Le mouvement de rotation est obtenu au moyen de deux chaînes dont les points d'attache sont placés sous le tablier et qui s'enroulent en sens contraire sur deux tambours clavetés sur un même arbre. Le calage et le décalage sont effectués par deux coins montés sur un autre arbre qui reçoit son mouvement de va-et-vient par l'intermédiaire d'une vis sans fin.

La durée d'une manœuvre d'ouverture ou de fermeture est de deux minutes. Une manœuvre complète, comprenant l'ouverture et la fermeture, absorbe 0,50 kilowatt-heure, ce qui représente une dépense d'énergie de 183 600 kilogrammètres, soit :

173 600 164

=

1 120 kgm. par tonne de poids du tablier.

Une autre application analogue est en cours de réalisation pour les quatre ponts tournants du canal de Caen à la mer, qui sont à une seule volée sur pile centrale et couvrent deux pertuis ayant respectivement 18 mètres et 11 mètres de largeur. Ces ponts, qui pèsent chacun 69 tonnes, sont actuellement manœuvrés à bras ; ils reposent et tournent sur une couronne de galets et sont calés à leurs deux extrémités au moyen de coins à vis On procède au remplacement des treuils de rotation par des cabestans électriques qui entraîneront des câbles attachés au tablier de part et d'autre du pivot et qui seront actionnés par du courant triphasé à 115 volts et 50 périodes.

La dépense par pont est évaluée à 7 500 francs environ, dont 4 000 francs pour le cabestan et 3 500 francs pour un poste de transformation abaissant le voltage de la ligne d'alimentation de 5 600 à 115 volts.

Ce pont,

Pont tournant de la gare, à Cette (Pl. 2, fig. 33). construit en 1908, est le premier grand pont tournant à manœuvre électrique construit en France; il a fait l'objet d'un mémoire de M. l'Ingénieur en chef GUIBAL inséré dans les Annales des Ponts et Chaussées, année 1911. Il est du type à une seule volée sur pile centrale; il couvre deux passes ayant respectivement 30 mètres et 21 mètres d'ouverture. La longueur totale du tablier est de 66 m. 50, dont 37 m. 75 pour la travée qui franchit la grande passe et 28 m. 75 pour celle qui franchit la petite passe. Le tablier, composé de deux poutres principales à treillis entretoisées, porte deux voies charretières avec voies de tramway et deux trottoirs latéraux de 1 m. 35 de largeur en encorbellement à l'extérieur des poutres principales; sa largeur totale est de 8 m. 48; il pèse 292 tonnes.

Dans la position de fermeture le tablier repose sur le pivot et, à ses deux extrémités, sur des appareils de calage. Pendant la rotation, il repose uniquement sur le pivot; mais son équilibre transversal et longitudinal est assuré par quatre galets roulant sur un rail circulaire scellé, avec une légère saillie, dans la maçonnerie de la pile centrale; deux de ces galets sont adaptés sous les poutres principales au droit du pivot, les deux autres sont adaptés, dans l'axe du tablier, sous deux chevêtres secondaires disposés de part et d'autre du chevêtre principal et de manière à laisser un jeu d'environ 2 mm. au-dessous du rail de roulement; les jantes des galets sont pourvues d'un boudin intérieur qui tend à s'opposer au décentrage du tablier par rapport au pivot. Le pivot a 0 m. 52 de diamètre; sa tête porte un grain d'acier amovible, en forme de calotte sphérique; la crapaudine est en bronze et se trouve logée dans un sommier boulonné sous le chevêtre. La charge transmise par la crapaudine au pivot correspond à 137 kilos par centimètre carré.

Chaque appareil de calage comprend deux chariots se déplaçant simultanément sous des sabots en fonte fixés sous les extrémités des poutres principales et convenablement profilés dans le sens longitudinal; chaque chariot se compose d'une crémaillère terminée en forme de fourche et portant trois galets montés sur

un même arbre; les deux galets latéraux, fous sur l'arbre, ont 0 m. 75 de diamètre; ils roulent sur deux bandes horizontales en acier avec joues saillantes extérieures en leur transmettant la charge qu'ils reçoivent du galet central. Ce dernier galet, de 0 m. 80 de diamètre, est claveté sur l'arbre et attaque, dans son mouvement de translation, le sabot en fonte correspondant (Pl. 2, fig. 34). Les deux crémaillères sont actionnées par une dynamo cuirassée de 25 chevaux, fonctionnant avec du courant continu à 550 volts et excitée en dérivation; cette dynamo peut faire 950 tours par minute; le train réducteur de vitesse comprend une vis sans fin et des engrenages. Pour parer à un défaut d'attention du mécanicien, des interrupteurs automatiques suppriment le courant à la fin de la course dans un sens ou dans l'autre ; mais, dans le cas où ils ne fonctionneraient pas, le mouvement serait encore arrêté, un peu après la fin du calage, par des coins en acier fixés sur le chemin de roulement des galets latéraux et, à la fin du décalage, par un butoir formé de ressorts Belleville. On effectue, en même temps, le calage ou le décalage des deux abouts du tablier.

L'appareil de rotation comprend deux dynamos qui sont exactement du même type que la dynamo de calage et qui actionnent, par l'intermédiaire d'un train réducteur de vitesse, une chaîne Galle s'enroulant autour d'une couronne à gorge de 6 m. 13 de diamètre boulonnée sous le tablier; cette chaîne est munie, à chacune de ses extrémités, d'une sorte de tendeur avec ressorts. cylindriques en vue d'adoucir les efforts du démarrage et les réactions dues à l'inertie lors de l'arrêt des moteurs. Les dynamos sont couplées en série pour le démarrage ou pour l'arrêt du mouvement et en parallèle pour la marche à l'allure normale; des interrupteurs automatiques suppriment le courant à la fin de la course dans un sens ou dans l'autre. Il n'existe aucun tampon de choc; mais l'appareil de calage comporte une disposition spéciale qui permet de ramener exactement le tablier dans la position qu'il doit occuper; à cet effet, le dessous des sabots de calage est taillé en forme d'entonnoir, avec joues latérales évasées; en s'engageant entre ces joues les galets exercent l'effort Ann. des P. et Ch., MÉMOIRES, 1916-I.

transversal qui est nécessaire pour rectifier, s'il y a lieu, la position du tablier.

Le pont a été calculé, pour le cas de la rotation, dans l'hypothèse d'une surcharge accidentelle de 30 kilos par mètre carré de chaussée et d'un vent exerçant une pression maximum de 30 kilos par mètre carré de surface normale à sa direction, celle-ci pouvant faire un angle de 12 degrés avec l'horizontale.

La durée moyenne d'une manœuvre d'ouverture est de 3 minutes 5 secondes ; celle d'une manœuvre de fermeture de 3 minutes 23 secondes. Une manœuvre complète, comprenant l'ouverture et la fermeture, absorbe 0,90 kilowatt-heure, ce qui représente une dépense d'énergie de 330 480 kilogrammètres, soit :

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soit 1 132 kgm. par tonne de poids du tablier.

Dans son mémoire précité, M. l'Ingénieur en chef GUIBAL fait remarquer que, d'après les résultats de l'expérience, les moteurs de 25 chevaux actionnant les appareils de manoeuvre sont plus forts qu'il ne faut et que leur puissance aurait pu être réduite, sans inconvénient, à 15 chevaux pour chacun des moteurs de rotation et à 10 chevaux pour le moteur de calage; il ajoute qu'il eût été préférable d'employer des moteurs tournant moins vite. afin de diminuer le poids et l'encombrement des trains réducteurs de vitesse. Enfin, M. l'Ingénieur en chef GUIBAL développe une théorie de laquelle il ressort qu'il y a intérêt à ne concevoir les appareils de calage des ponts tournants que pour faire disparaître une fraction seulement des flèches totales que prennent les extrémités du tablier, sous l'action du poids propre, lorsque le pont repose uniquement sur son pivot; il suffit, en effet, que le calage soit tel que les réactions verticales des appuis extrêmes ne puissent jamais devenir négatives lorsque le tablier se trouve en service dans la position de fermeture; l'application de cette règle conduirait, dans la plupart des cas, à une économie notable sur les dépenses relatives aux appareils de calage.

Les dépenses d'établissement du pont tournant de la gare se sont élevés aux chiffres suivants :

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Pont tournant du pertuis de communication des bassins à flot, à Bordeaux (Pl. 2, fig. 35). Ce pont, construit en 1912, est du type à volée unique; il couvre une passe de 25 m. 75 d'ouverture; la longueur totale du tablier est de 54 m. 62, dont 33 m. 97 pour la volée proprement dite et 20 m. 65 pour la culasse; le tablier, composé de deux poutres principales à treillis entretoisées, porte une chaussée de 6 m. 87 de largeur, avec deux voies ferrées, et deux trottoirs extérieurs de 1 mètre en encorbellement; sa largeur totale est de 10 m. 60. Il pèse 563 tonnes, y compris 20 tonnes d'excédent de contrepoids du côté de la culasse.

Dans la position de fermeture, le tablier repose sur trois points d'appui respectivement situés vers l'extrémité de la culasse et sur le bord des deux bajoyers de la passe; les appuis extrêmes comportent des secteurs verticaux accolés remplissent l'office de rouleaux de dilatation. Pendant la rotation, le tablier repose sur le pivot et sur deux galets placés tout à fait à l'extrémité de la culasse et roulant sur un rail plat.

Le pivot et la crapaudine sont analogues à ceux du pont tournant de Cette, sauf en ce qui concerne le diamètre qui a été porté à 0 m. 60; la charge sur les surfaces en contact atteint 189 kilos par centimètre carré.

L'appareil de calage de la culasse est analogue également à ceux des deux abouts du même pont; mais il est complété par un tasseau qui est poussé par une tige articulée sur l'arbre du chariot et qui vient se placer sous les secteurs de dilatation adaptés sous la poutre principale correspondante au moment où le relèvement de la culasse atteint son maximum; à ce moment précis, un butoir incliné fait déclancher la tige de commande du tasseau et le galet de calage poursuit son mouvement jusqu'à ce qu'il

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