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Les expériences précédentes portaient sur des eaux en repos; GROSSE BOHLE à Münster, en a fait d'autres sur des eaux en mouvements; mais ces constatations ne s'appliquaient qu'à des durées variant de 2 heures à 4 heures et le résultat le plus net qu'elles aient donné en faveur de l'autoépuration est une diminution appréciable de l'azote ammoniacal.

Somme toute, s'il est possible de dégager de ces expériences de laboratoire une conclusion, c'est que l'autoépuration est un phénomène très lent, qui exige beaucoup de temps et qui correspondrait à un long parcours des eaux, lorsque le déversement aurait lieu dans un fleuve.

Prenons par exemple la réaération et supposons, ce qui est une donnée très vraisemblable puisqu'on l'admettra à plusieurs reprises plus loin et qu'elle a servi de base à des études de la Commission Royale Anglaise, qu'une rivière contient 80 °/° de ༠/༠ la dose d'oxygène saturante soit. 5 cm3 28.

On estime que sa pollution est admissible, mais qu'il faut éviter qu'elle s'accroisse Supposons qu'un déversement d'égouts la double de sorte que la dose d'oxygène libre tombe à 60 % de la valeur saturante, soit à . 3 cm3 96. Il faudra pour la réaération jusqu'à 80°/°, d'après les données 5.28 3,96 précédentes :

-

0,03

.

44 heures.

Mais, pendant ces 44 heures, une tranche d'eau polluée, con sidérée à part, se sera déplacée vers l'aval. Dans un fleuve où la vitesse est de l'ordre de grandeur de 0 m. 30 par seconde, le déplacement serait :

0,50 × 3.600 × 44 = 80 kilomètres.

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Erpériences directes sur des rivières polluées. Difficulté des expériences. Cette importance du parcours au bout duquel l'autoépuration pourra vraiment devenir sensible est une des difficultés qui s'opposent à la réalisation de déterminations directes sur l'autoépuration des fleuves pollués.

Ces déterminations se réduisent en effet à ceci : prendre la composition de l'eau du fleuve en amont des déversements;

puis en aval et rechercher à quelle distance, ou après quel parcours, l'eau aura été régénérée par les agents naturels. Mais pour que cette question ait un sens, il faudrait qu'il n'y eut pas de nouvelles causes de pollution sur la distance où s'opérerait l'autoépuration. Or, la distance étant considérable, cette condition sera bien rarement réalisée.

Avant que l'épuration soit devenue appréciable, de nouvelles causes agiront pour polluer l'eau et si, comme cela arrive dans les cours inférieurs des fleuves, les agglomérations sont voisines les unes des autres, il sera fort peu aisé d'établir le bilan de l'autoépuration et des pollutions successives.

Mais ce n'est pas, bien loin de là, le seul écueil de l'expérimentation directe.

Un autre groupe de difficultés a pour origine la variété dans le temps et dans l'espace des débits des égouts et des vitesses des filets d'eau qui composent le fleuve.

Si le débit de l'égout et la teneur des eaux usées en matières polluantes étaient constants, si les différentes molécules d'eau qui passent à un certain moment à travers une section transversale du lit du fleuve se retrouvaient toutes au bout d'un certain temps dans une même section tranversale à l'aval, si le mélange des eaux d'égout avec les eaux du fleuve se réalisait sinon immédiatement, au moins très rapidement, si enfin le débit du fleuve n'était pas modifié en cours de route soit par des afflux de rivières, soit par des détournements d'eaux, l'expérimentation serait relativement simple, car on pourrait en quelque sorte sui. vre pas à pas la variation de composition chimique, physique, bactériologique d'une tranche d'eau.

Mais il n'en est rien.

D'abord, comme nous l'avons vu, le débit des égouts est variable et la variation est de l'ordre de grandeur de 1 à 3, tandis que les quantités de matières polluantes peuvent varier encore plus, par exemple, de 1 à 8.

Done afflux très irrégulier. Puis dans quelles conditions s'opérera le mélange des eaux d'égout avec celles du fleuve? Cela dépondra à la fois du mode de débouché de l'égout (vitesse de

l'eau, densités, température, direction du courant affluent, etc...) de la profondeur du lit, de la grandeur et de la direction des vitesses des divers molécules d'eau du fleuve.

On sait que les molécules situées sur une même verticale ont des vitesses inégales. Bien que ces inégalités soient très variables, on peut dire à titre d'indication que les vitesses sont minimums en deux points, la surface et le fond; c'est au fond que se trouve le plus petit minimum qui serait de l'ordre de grandeur des 3/4 de la vitesse moyenne. La vitesse maximum se trouverait vers le 1/5 de la hauteur à partir du plan d'eau et dépasserait de 12% environ la valeur moyenne. Elle serait donc environ moitié plus grande que la vitesse minimum du fond.

De même, les valeurs des vitesses des molécules alignées dans une section transversale, sur une horizontale, sont inégales, plus faibles près des rives, et maximum vers le milieu. Et toutes ces vitesses ont non seulement des valeurs, mais aussi des directions différentes.

Bref, au bout d'un certain temps, les molécules d'eau qui étaient à un moment antérieur dans un mème plan transversal, sont réparties sur une surface qui n'a aucune chance d'être ni plane, ni transversale, et qu'on ignore. Ou, si on peut s'exprimer ainsi, les molécules situées dans un plan transversal à un instant donné n'étaient pas contemporaines dans le passé à l'amont.

Remarquons en passant que cela aura pour effet d'atténuer les variations du débit des égouts, car dans un même plan de section à l'aval, suffisamment loin du débouché de l'égout, il pourra arriver qu'on ait à la fois des afflux diurnes et des afflux nocturnes d'eaux d'égouts.

En définitive, le seul moyen d'expérimenter avec certitude, consisterait à :

1o Déterminer les vitesses moyennes du cours d'eau ou plutôt les durées moyennes nécessaires pour les diffusions de matières en solution (1), de manière à pouvoir dire les molé

(1) Cette détermination se ferait au moyen de colorants tels que la fluorescéine. On jetterait le colorant simultanément dans plusieurs points d'une

cules qui constituent immédiatement à l'aval du débouché de l'égout une tranche A à l'instant initial, passent dans les autres tranches déterminées B. C, D, dans lesquelles on se propose d'étudier l'autoépuration, au bout des temps moyens tp, c 'D.

2o Dans la tranche A, prendre à un moment donné à diverses profondeurs et à divers endroits un nombre n d'échantillons assez élevé, pour que la moyenne des déterminations faites sur eux représente avec une exactitude suffisante la composition de la tranche A. L'expérience sera répétée d'heure en heure pendant une journée pour avoir le cycle complet de pollution de l'égout.

3o Dans les tranches B, C, D, faire des prélèvements à ceux faits dans la tranche A, mais avec un décalage dans le temps

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En comparant les moyennes relatives aux opérations A, B, C, D, on peut espérer élucider complètement la question. Mais alors le travail matériel que comportent de semblables expériences est considérable.

Avec les 4 stations précitées on aura, même après avoir déterminé déjà les vitesses, si n = 10, 4 × 240 = 960 prélèvements, et même en admettant qu'on se borne par exemple à des opérations sur peu d'éléments, telles que l'oxydabilité, l'azote ammoniacal et le nombre de bactéries, on voit combien de telles recherches seront longues et coûteuses.

Il faut bien dire qu'on a rarement opéré avec cette minutie; mais alors, en se contentant d'expériences sommaires, en les interprétant hátivement, on est parvenu à conclure faussement, et en général, dans un sens trop favorable à l'intensité et à la rapidité de l'autoépuration.

section transversale. Puis par des prélèvements successifs à l'aval, dans une même section, on noterait les instants t1, 12. tn au bout desquels la coloration apparaît, croît et disparait.

D étant la distance des sections, on prendrait comme vitesse

2 D

Exemples d'expériences. Eclairons ce qui précède par quelques exemples. Et d'abord pour montrer combien le mélange exige de temps et de parcours pour se réaliser, citons les déterminations faites en 1891 par KRAUT sur l'Elbe à Magdebourg.

L'Elbe reçoit la Saale qui est très souillée. Or, vers Magdebourg, à 34 km. à l'aval du confluent, le mélange était encore loin d'être réalisé, puisque suivant le point où on prélevait les échantillons, on obtenait des résultats aussi discordants que ceux qu'indiquent les chiffres suivants :

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On voit que l'eau de la rive gauche située du côté où se jette la Saale, est restée bien plus polluée que ne l'est l'eau vers la rive opposée.

Ceci montre combien on peut se tromper en cherchant à se rendre compte de la pollution causée par un égout en prélevant des échantillons immédiatement à l'amont, puis à l'aval du débouché. Il arrivera parfois qu'une pollution très notable paraîtra à peine sensible ou inversement.

Les premières expériences importantes sur l'autoépuration des rivières ont été effectuées en 1865-1869 en Angleterre par une Commission et sont relatives aux rivières Mersey, Irwill et Darwen. Elles permirent de constater que pour des parcours de 20 km. environ, il se produisait une petite diminution des matières organiques en même temps qu'une clarification. L'autoépuration était très peu appréciable.

D'autres expériences qu'on cite souvent comme très probantes. en faveur de l'opération, sont celles que fit en 1877-1881, HULWA sur les eaux de l'Oder, près de Breslau.

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