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ront à nouveau et elles pourront même ainsi, de proche en proche, être charriées jusqu'à la mer.

En ce qui concerne les phénomènes de pollution par sédimentation, puis décomposition des dépôts, la vitesse du cours d'eau apparaît, à première vue tout au moins, comme un facteur favorable parce qu'elle facilite la dissémination des dépôts et qu'en répartissant la pollution sur de plus grandes étendues, elle la rend moins sensible. Mais, au fond, elle ne la diminue pas, et on peut même soutenir qu'elle la prolonge en empêchant les phénomènes de décomposition d'achever leur tâche, comme ils le font par exemple dans les eaux tranquilles des étangs où ils deviennent d'une très grande intensité.

Les actions qui modifient les dépôts ne sont d'ailleurs pas seulement de nature chimique, mais aussi de nature végétale et animale. Les bancs de vase sont, en eau suffisamment calme, recouverts de petites algues dans le feutrage desquelles restent les bulles de gaz. Lorsque la température s'élève, la production des gaz s'accentue au point que leur force ascensionnelle arrache les algues qui viennent flotter en masses à la surface de l'eau et y dégagent en très grande abondance leurs gaz malodorants desquels le voisinage souffre alors beau

coup.

Au nombre des actions chimico-biologiques, on citera d'abord le développement des végétaux et de champignons spéciaux généralement filamenteux et qui peuvent être à la fois considérés comme utiles et comme nuisibles utiles parce que se nourrissant de substances, organiques ou non, entraînées dans les eaux d'égout, ils procurent une sorte d'épuration; nuisibles parce que en mourant, ils redeviennent souvent une nouvelle. cause d'infection en se décomposant à leur tour.

Tels sont les champignons comme le Beggiatoa, le leptomitus lacteus, le sphaerotilus natans, qui se développent surtout par temps froids et consomment de grandes quantités de matières organiques, mais qui meurent et s'accumulent en masses flottantes donnant des phénomènes de putréfaction. Telles aussi, les algues qui se fixent surtout dans les régions

peu profondes, à courant lent, et dont la croissance est luxuriante dans les étangs. Ces algues et ces champignons ont en général une couleur blanche, grise ou noire qui contraste avec les couleurs vertes ou bleues des algues et des végétaux poussant dans des eaux moins riches en matières organiques.

A côté des champignons et des algues, on peut citer des végétaux qui, quoique d'organisation plus complexe, se nourrissent encore directement de combinaisons organiques, comme l'Elodea canadeusis qui a pullulé dans certaines rivières de l'Allemagne du Nord au point d'y entraver le cours des eaux. Des inconvénients analogues se sont produits en mer au débouché de l'émissaire des eaux de Belfast où les matières de l'eau d'égout ont fait proliférer une algue appelée ulva latissima dont la décomposition après la mort produisait des quantités considérables d'hydrogène sulfuré. L'inconvénient était devenu si grave que la Commission Royale anglaise a procédé à ce sujet à une enquête dont elle a rendu compte dans son 7e rapport et qui portait sur les mesures propres à entraver le développement de cette végétation devenue un véritable danger.

Les matières en suspension peuvent, comme on vient de le voir, donner lieu à des phénomènes chimico-biologiques, mais s'ils apparaissent souvent avec une grande intensité, ils restent presque toujours locaux parce qu'attachés à la région où se sont formés les dépôts. Il n'en est pas de même de ceux que provoquent les matières dont l'état de solution permet une diffusion générale.

Pollution causée par les matières dissoutes. Effets sur les poissons. Leurs premières victimes sont les poissons. Ceux-ci ont déjà à souffrir des matières en suspension qui, d'une part, peuvent obstruer mécaniquement leurs branchies ou leurs ovaires et qui, d'autre part, empoisonnent en quelque sorte par leurs phénomènes de putréfaction localisée, certaines parties des rivières.

Quant aux matières dissoutes, elles sont dangereuses soit comme poisons directs, soit comme agents de destruction indi

rects. Dans la première catégorie, rentrent les substances acides et certains autres déchets d'industrie éminemment toxiques (1), ou encore les eaux de lavage des chaussées goudron

nées.

Mais le principal danger réside dans le pouvoir réducteur d'un grand nombre de substances organiques contenues dans les eaux d'égout.

On sait en effet que la vie des poissons est liée à la présence de l'oxygène dissous dans l'eau. L'eau douce, à l'état de saturation, contient, par exemple à la température de 18o et à la pression de 760, 6 cm3 60 d'oxygène par litre, qui pèsent un peu moins de 10 milligrammes. Le pouvoir dissolvant est moindre pour l'eau de mer qui n'absorbe que 5 cm3 pesant à peu près 8 mgr. 3.

Même avec des quantités notablement inférieures à la dose de saturation, les poissons peuvent encore respirer, mais leur susceptibilité à ce point de vue dépend de l'âge (les jeunes étant plus sensibles que les vieux) et des espèces, de sorte que la présence ou l'absence de certains genres de poissons est déjà une indication de la pureté de l'eau. Ainsi le saumon et la truite ne vivent que dans des eaux très riches en oxygène, la perche se contente de conditions moyennes, tandis que la carpe peut vivre dans des eaux où la quantité d'oxygène dissous tombe à 30 0/0 de la dose de saturation. Aussi a-t-on mème essayé en Allemagne du procédé d'épuration curieux qui consiste à déverser des eaux d'égout convenablement diluées dans des étangs où on élève des carpes dont le rôle consiste en définitive à faire repasser la matière organique morte à l'état de matière organique vivante.

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On a discuté sur le degré de diminution de l'oxygène dissous qui pouvait être accepté. M. BLACK et E. PHELPS (2) indiquent comme nécessaire les 70 °, de la dose saturante. A propos de la pollution de la baie de New-York, WATSON a donné le même chiffre, tandis qu'une Commission a pensé

(1) Tanneries en particulier.

(2) Massachussetts Institute of technology. Boston, 1911.

qu'on pouvait admettre une diminution à 50 %. On reviendra plus loin sur cette question de l'oxygène dissous à propos des règles proposées tout récemment par la Commission royale anglaise dans son 8 rapport.

Il faut retenir, pour le moment, que la vie animale aquatique est liée à la présence de l'oxygène dissous et que par conséquent, elle peut être influencée gravement et même anéantie, si les substances organiques déversées par les égouts, et qui sont avides de l'oxygène qui leur est nécessaire pour s'oxyder, font diminuer par trop la quantité d'oxygène libre. Citons l'exemple de la Tamise qui à l'aval de Londres, près des débouchés des émissaires de BARKING et CROSNESS ne contenait plus que 10 % de la dose saturante (recherches de LETTS, 1904).

Il semble cependant à première vue que le danger que présente pour les poissons la pollution organique des eaux d'égouts ne leur soit pas sensible puisqu'on les voit souvent se presser en banes aux débouchés des émissaires. Bien plus, des poissons ne vivent pas dans des eaux extrêmement pures et la stérilisation des effluents pourrait avoir des inconvénients en tuant non seulement les bactéries, mais encore des organismes plus élevés, vers, rhizopodes, etc.... qui constituent la nourriture des poissons.

La contradiction n'est qu'apparente. L'eau d'égout qui ne contient pas de substances toxiques est en effet une nourriture pour les poissons, surtout quand elle est à l'état frais, c'est-àdire quand la fermentation ne l'a pas enrichie en ammoniaque et en substances réductrices. Elle ne devient dangereuse que par un phénomène indirect la raréfaction de l'oxygène dissous. Mais si les quantités déversées ne sont pas telles que l'oxygène dissous diminue sensiblement, l'afflux d'eaux d'égout non toxiques contribue, non pas à détruire, mais à développer la faune aquatique.

On rappelle à ce sujet ce qui a été dit précédemment des étangs à carpes et aussi la manière pittoresque de pêcher du héron avec, comme appåt, son excrément flottant sur l'eau.

Mais les eaux qu'une putréfaction prolongée a rendues très réductrices et a chargées de substances toxiques comme l'hydrogène sulfuré, sont, au contraire, un grand danger pour les poissons. Et c'est ce qui explique que, souvent, après des orages dont le flot a balayé les dépôts et les eaux stagnantes des égouts, on trouve des quantités de poissons morts, le ventre en l'air. C'est pour cette raison aussi que si on admet l'évacuation directe des eaux d'égout au fleuve, il faudra les évacuer à l'état frais, et il sera au contraire dangereux de les retenir dans les « fosses septiques non suivies de lits bactériens qui ont eu un moment de vogue et où se produisent des fermentations actives et très malodorantes.

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En mer, les dangers des déversements sont rarement graves pour les poissons, mais il n'en est pas de même pour les coquillages sur l'infection desquels l'attention a été vivement attirée à plusieurs reprises, particulièrement en ce qui concerne les huîtres. Mais ici, le mécanisme de l'infection n'est pas le même que pour les poissons et il est dù essentiellement à des actions microbiennes les huitres et les autres coquillages recueillant des bacilles dangereux comme ceux de la fièvre typhoïde qui continuent à vivre et leur ingestion à l'état cru devenant une grave cause de contamination directe pour l'homme.

Pollution causée par les bactéries. - Cette pollution particulière nous amène par transition, à un autre ordre de phénomènes chimico-biologiques dangereux du même genre produit par les déversements d'eaux d'égout. C'est celui qu'entraîne la présence de bactéries pathogènes dans les eaux.

L'eau de rivière sert à l'alimentation de l'homme et des animaux; son emploi, sans épuration préalable, comme eau de boisson, comportera un grave danger. Il en sera de même de la glace dont l'aspect limpide ne signifie aucunement la pureté. Les bains eux-mêmes pourront devenir dangereux.

Les bacilles les plus redoutables véhiculés par l'eau d'égout sont surtout le bacille typhique ou bacille d'Eberth et le bacille du choléra.

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