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Le discours lu au nom de la reine fut trouvé généralement peu significatif. Les résultats obtenus dans les relations extérieures y étaient exposés en termes vagues et concis.

Le traité du 9 août, conclu avec les États-Unis, était présenté comme mettant un terme à des différends qui, s'ils avaient duré plus longtemps, auraient mis en danger la paix entre les deux nations (endangered the préservation of peace.) (Voy. États-Unis et le ch. XIV).

De l'Espagne, pas un mot: et ce silence pouvait paraître d'autant plus étrange que, quelques jours auparavant, des paroles dignes et fermes avaient été prononcées, dans une occasion semblable, par le roi des Français. Aurait-on senti tout ce qu'il y avait eu de déplorable dans la conduite de l'agent consulaire britannique, et comprenait-on enfin que la politique anglaise dans la Péninsule n'était pas chose dont on pût hautement se féliciter?

Des deux grands événements militaires de l'année 1842, l'un, le traité conclu avec la Chine, était annoncé en termes simples et convenables, et il est certain que, quelle que fût d'ailleurs l'immoralité flagrante de cette guerre au point de yue du droit commun, l'issue en pouvait paraître heureuse et féconde, au point de vue commercial; l'autre, l'abandon de l'Affghanistan, était ratifié par le cabinet, et hommage était rendu à la valeur des troupes britanniques. Ici, au reste, l'injustice et les cruautés de la guerre ne pouvaient trouver leur excuse dans le succès (Voy. ch. XIV).

En ce qui touchait la situation intérieure du royaume, le discours royal ne cherchait à disssimuler ni les pertes de l'Échiquier, ni les souffrances de la population industrielle mais aucune mesure particulière n'était indiquée. pour remédier à cette situation. Le gouvernement attendait le résultat des mesures votées dans la dernière session (voy. l'Annuaire de 1842), et espérait, pour l'amélioration des produits, dans les nouveaux débouchés ouverts par le traité conclu avec la Chine.

M. Guizot avait encore annoncé (voy. France, session législative, 23 janvier,) qu'une garantie nouvelle des traités de 1831 et 1833 avait été sanctionnée par les deux gouvernements. « Les croiseurs, avait dit le ministre français, sont attachés à la station pour laquelle le mandat a été délivré, et ils ne peuvent passer de cette station à une autre. »

Cette assertion fut l'objet d'une interpellation de la part du capitaine Péchell (6 février). Sir Robert Peel répondit qu'il n'y avait pas eu d'engagement contracté de nature à forcer l'Angleterre à limiter le nombre de ses croiseurs. L'Angleterre, ajouta le ministre, restait libre d'exercer son droit comme elle l'entendait, de même que la France avait le droit de déterminer le nombre de ses croiseurs. Quant à la limitation du droit de recherche à la côte d'Afrique et à l'immobilisation des croiseurs, sir Robert Peel répondit qu'il y avait diverses stations; que l'on avait toujours été dans l'habitude d'adresser le mandat personnel au nom de l'officier de service dans chaque station; que seulement l'Angleterre s'était engagée à délivrer un nouveau mandat chaque fois qu'un officier quitterait une station et serait remplacé par un autre.

Dans la Chambre des lords, la discussion prit un caractère plus élevé. Un discours de lord Brougham fut l'événement de la séance. L'illustre orateur avait assisté aux débats des Chambres françaises, et il en rapportait à la tribune anglaise cette opinion conforme à celle de M. Guizot, que les véritables germes d'irritation entre les deux pays étaient moins dans la politique actuelle que dans les fautes d'une politique antérieure.

Le droit de recherche et toutes les autres difficultés existantes entre la France et la Grande-Bretagne n'étaient qu'une expression différente, une forme variée, une circonlocution. plus ou moins claire pour signifier une seule et même chose.

« Vous pouvez m'en croire, ajoutait lord Brougham, je

cussion politique sur ce sujet fut entamée par M. Charles Wood (gendre de lord Grey et un des membres de l'ancienne administration). M. Wood traita la question au point de vue des relations entre l'Angleterre et les États-Unis.

Et d'abord, disait l'orateur, il faut bien distinguer le droit de visite du droit de recherche (the right of visit and the right of search). Le droit de visite, c'est le droit de s'assurer si un navire marchand peut réellement invoquer la protection du pavillon qu'il pourrait avoir arboré au moment même, pour échapper au soupçon d'examiner si, n'étant pas digne de cette protection, il est, en vertu du droit des gens ou du droit des traités, soumis à la suspicion et au contrôle des autres puissances.

:

Ce droit, continuait M. Wood, ce droit réclamé par lord Aberdeen, non-seulement les États-Unis l'ont renié, mais, ce qui est plus, l'Angleterre y a renoncé elle-même. C'est ce qui ressort d'un message du président Tyler dont voici les expressions :

En exécution des lois et traités de la Grande-Bretagne, les croiseurs ont voulu établir une coutume tendant à soumettre à la visitè les bâtiments sous pavillon américain. Cette prétention, en compromettant sérieusement nos droits maritimes, soumettrait à des vexations une branche de notre commerce qui prend de l'accroissement et appelle toute la sollicitude du gouvernement; et, bien que lord Aberdeen, dans sa correspondance avec le ministre américain à Londres, ait renoncé expressément à tout droit de retenir en mer les vaisseaux americains, fussent-ils même chargés d'esclaves, et ait borné les prétentions de l'Angleterre à l'exercice d'un droit de visite ou d'enquête, cependant le gouvernement des États-Unis ne comprend pas parfaitement comment cette visite et cette enquête pourraient avoir lieu sans arrestation et sans interruption de notre commerce: c'est le droit de recherche présenté sous une forme nouvelle et différemment exprimé. »

M. Charles Wood demandait des explications sur ces concessions dont se targuait le gouvernement des ÉtatsUnis. L'orateur trouvait dans les expressions énergiques de la dépêche de lord Aberdeen une raison de croire que

deux peuples qui ne demandent qu'à revenir à de meilleurs sentiments. Quelques instants de paix suffiront pour amener ce résultat. (Écoutez!)

Mylords, j'espère avoir exprimé, en parlant de l'alliance entre l'Angleterre et la France, l'opinion du parlement et du pays, et j'ai la satisfaction bien douce à mon cœur de savoir que les mots que j'ai dits ne seront pas sans utilité (De bruyants applaudissements succèdent à ce discours).

Au point de vue particulier qui occupait la Chambre, lord Brougham avait tracé un curieux historique de la question. En 1823, selon l'orateur, l'Amérique elle-même avait proposé à la Grande-Bretagne d'établir un véritable droit de recherche, et cela dans un traité. Cette proposition n'avait pas été faite seulement par le gouvernement le sénat y avait adhéré d'une voix unanime. Or, le droit de recherche dont il était question alors, bien plus rigoureux que celui d'aujourd'hui, eût été exercé, non par des hommes autorisés par les instructions de leur propre gouvernement, mais par un mandat du gouvernement auquel eût appartenu le vaisseau soumis au droit. Les croiseurs n'auraient eu des instructions que de leurs pays, sans avoir besoin d'un mandat du gouvernement sur les vaisseaux duquel ils exerceraient la visite, et ce droit eût été incomparablement plus dangereux et plus humiliant pour le pavillon du navire visité, si toutefois il peut y avoir quelque chose d'humiliant à réprimer la piraterie à l'aide d'une police maritine.

M. Canning, alors ministre des affaires étrangères, jugea que la proposition du gouvernement américain allait trop loin. Le gouvernement anglais modifia donc la proposition des États-Unis, et, le 9 mars 1824, un traité fut signé par M. Huskisson et sir Strattford-Canning, d'une part, et M. Benjamin Rush, le ministre américain, d'autre part, qui établissait complétement le droit de visite, tel qu'on l'avait compris en Angleterre. Le traité fut envoyé en Amérique, mais un léger changement ayant été proposé, auquel le gouvernement anglais refusa d'accéder, les négociations furent rompues,

sont encombrés d'ètres resserrés dans un espace où la vie humaine est presque impossible; si nous savions qu'un pareil vaisseau fût de bonne foi américain, sous pavillon américain, commandé par un capitaine américain, équipé par un armateur américain, nous le laisserions passer sans visite. »

Et ailleurs, dans la dépêche même de lord Aberdeen, il était dit :

« Les croiseurs anglais n'ont pas la prétention d'intervenir sur les navires américains, quelle que soit leur destination. Ces bâtiments peuvent faire le monopole de la traite. »

Mais le droit de visite est tout différent, continuait sir Robert Peel. C'est le droit de s'assurer si les navires portent réellement le pavillon de leur nation: c'est le droit d'empêcher que le pavillon américain ne serve à couvrir des abus étrangers à l'Amérique elle-même.

Ainsi donc, en signant le traité Ashburton, l'Angleterre n'avait pas abandonné ses prétentions au droit de visite: elle avait cru, au contraire, faire un pas de plus vers son but, quand les États-Unis consentirent à envoyer sur la côte d'Afrique une force navale pour supprimer le trafic des noirs.

Un incident qui se rapportait à la discussion du droit de visite dans les chambres françaises signala la fin des débats à la chambre des communes. Lord Palmerston demanda des explications sur les assertions contenues dans un discours de M. Guizot à la chambre des députés (voy. France, session législative). Selon le ministre français, l'Angleterre avait, en 1842, 80 croiseurs, et, à l'avenir, elle n'en emploierait que 49, tandis que le gouvernement français porterait le nombre de ses croiseurs à 40.

Sir Robert Peel répondit catégoriquement que ces deux assertions, que le gouvernement britannique s'était obligé à réduire le nombre de ses croiseurs, ou qu'il était sur le point de les réduire, étaient sans aucun fondement. En 1842, 50 vaisseaux seulement avaient été employés à la répression de la traite, et, cette année, il y en aurait 49.

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