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sure, qui consistait à reconnaître les grades et les décorations accordés par le régent à l'armée, dans les derniers temps de son administration, produisit dans le parti modéré une impression fâcheuse, sans rencontrer plus de faveur dans le parti progressiste. M. Olozaga, qui comptait peu sur la nécessité de l'appui que lui prêtaient les modérés, et qui n'avait plus guère à compter sur celui des progressistes, avait sans doute voulu se concilier quelques sympathies parmi les anciens espartéristes. Étrange conduite que rien ne saurait justifier et qui ne se concevrait pas, si elle ne s'était développée dans la suite par des actes plus étranges

encore.

Une rivalité déplorable qui s'éleva entre le ministre de la guerre et le président du conseil vint augmenter le mal. M. Serrano supportait difficilement l'influence de M. Olozaga; les lenteurs apportées par l'administration de la justice, dans la poursuite des auteurs d'un attentat commis sur le général Narvaez, provoquèrent aussi le mécontentement du capitaine-général. La nomination d'un modéré, M. Pidal, à la présidence du congrès, acheva d'indisposer M. Serrano, qui avait appuyé M. Lopez. La résistance faite par M. Olozaga au vœu de la reine, d'inviter Narvaez à un banquet donné au corps diplomatique, fit éclater l'irritation du général. MM. Serrano et Narvaez proposèrent l'un et l'autre leur démission; M. Olozaga ne crut pas pouvoir sortir de ces difficultés autrement que par un décret de dissolution. Tous les torts n'étaient point de son côté; mais la situation demandait-elle un coup-d'État de cette nature? M. Olozaga savait qu'une telle mesure rencontrerait une vive opposition dans le conseil. Contrairement à toutes les convenances parlementaires, sans consulter ses collègues, il en osa prendre sur lui seul la responsabilité; il rédigea le décret sans en déterminer la date, se réservant de le rendre public quand il le jugerait convenable.

Restait à obtenir la signature de la reine. Il ne pensait

pas que la difficulté dût venir de là. Les fonctions de précepteur qu'il avait remplies auprès de la personne royale lui avaient donné sur l'esprit d'Isabelle II une influence extra-parlementaire dont il se croyait toujours maître : la jeunesse de la reine en semblait être la garantie. M. Olozaga se présenta chez S. M. dans la soirée du 28 novembre, et proposa à sa signature le décret de dissolution. La reine mar qua de l'étonnement d'une résolution aussi singulière; les personnes qui l'entouraient d'ordinaire, M. Olozaga lui même, ne l'avaient point instruite à sc défier des cortès, qui l'avaient déclarée majeure; elle refusa de signer. Emporté par le vertige qui possèdait depuis quelque temps son esprit, M. Olozaga s'irrita de cette résistance inattendue, prit la main de la reine et la força ainsi à donner sa signature.

Le président du conseil avait-il espéré que des actes aussi illégaux et aussi audacieux ne seraient point dévoilés, ne souleveraient point d'opposition? Il en fut autrement. Le lendemain, avant que le décret de dissolution fût venu à la connaissance des ministres et des cortès, les révélations de la reine vinrent appeler l'attention sur la conduite du président du conseil et jeter l'étonnement en Espagne.

La première déclaration en fut faite par la reine elle-même au général Narvaez: elle fut renouvelée d'abord devant le président du congrès, accompagné du général, et une dernière fois devant le président, les quatre vice-présidents, les ministres des finances et de la guerre et le général Narvaez. La destitution de M. Olozaga fut prononcée à la suite de cette dernière conférence; la porte du palais lui fut défendue; et, après avoir annulé le décret de dissolution, on songea immédiatement à la constitution d'un nouveau cabinet, qui pût se charger de porter et de soutenir la déclaration de la reine devant les cortès.

Un jeune député qui figurait parmi les chefs du parti progressiste, comme publiciste et comme orateur, M. Gonzalez Bravo, accepta la présidence du conseil

Le premier acte de la reine fut de légaliser la situation du cabinet, qui n'avait eu jusqu'alors sa raison que dans la nécessité et dans l'assentiment de la nation.

Le décret royal (10 novembre) porte que S. M. maintient pour le moment le ministère actuel. Le lendemain, le congrès, achevant l'œuvre de la reine, reine, déclara que le gouvernement provisoire avait bien mérité de la nation et que les membres du cabinet avaient la confiance de la Chambre.

:

Des événements heureux venaient augmenter la satisfaction des grands pouvoirs de l'État l'émeute était vaincue à Sarragosse (9 novembre); le général Concha était entré dans cette ville par une ruse heureuse et sans faire verser le sang. A Barcelone, les rebelles allaient également opérer leur soumission (19 novembre). Il n'y avait plus à réduire que la garnison de Figuières, qui devait, il est vrai, prolonger longtemps encore sa résistance, mais qui ne faisait qu'affliger le gouvernement sans lui inspirer des craintes sérieuses. La déclaration de majorité enlevait d'ailleurs tout prétexte à l'insurrection qui avait pris pour mot d'ordre la junte centrale, et les émeutiers ne pouvaient plus s'autoriser d'aucune apparence de légalité.

Cependant d'autres difficultés se préparaient pour l'Espagne au sein des cortès. Malgré les suffrages éclatants qu'il venait d'obtenir et le succès qui couronnait ses efforts dans le pays comme dans les chambres, le ministère était plein de défiance pour lui-même et ne se sentait ni une autorité ni des capacités en rapport avec la tâche qui lui restait à accomplir. En effet, il ne s'agissait pas seule. ment de faire passer dans les esprits les maximes de conciliation et d'opérer une fusion désirable dans les partis: l'administration tout entière était à reconstituer. Les municipalités, la justice, l'armée, les finances, tout était dans le cahos, et ce n'était pas assez de principes honnêtes ni d'une constante fermeté pour rétablir l'ordre dans ces différentes parties de l'administration. Il fallait à l'Es

exprimer les vœux sincères que la chambre faisait pour son bonheur, et de lui dire combien elle ressentait l'acte délicat dont elle avait été victime dans la nuit du 28 novembre.

peu

La lutte s'engagea immédiatement sur la question ainsi posée. M. Olozaga prit la parole et essaya de rejeter sur des intrigues de cour l'accusation dont il était l'objet, et dit qu'il n'avait pas cessé, pendant la durée de ses fonctions de précepteur, de répéter à la reine que, pour gouverner constitutionnellement, les rois ne devaient prêter l'oreille en matière politique à d'autres entretiens que ceux des conseillers responsables de la couronne. Cette conduite lui avait créé des inimitiés dans le palais, et ces inimitiés avaient éclaté violemment pendant la formation de son ministère. Les insinuations de M. Olozaga portaient spécialement sur une dame du palais et sur le général Narvaez. Il essayait de justifier, par l'opposition qu'il avait vue se former contre le ministère, le décret de dissolution, et, quant à la manière dont il l'avait obtenu, il protestait de son innocence en versant des larmes abondantes. Enfin, M. Olozaga faisait valoir en sa faveur la source suspecte par laquelle le récit des faits était venu à la connaissance du président du congrès, comme aussi le style des paroles que l'on avait mise dans la bouche de la reine, paroles évidemment dictées à S. M. et qui ne lui appartenaient pas. Il alléguait encore les moyens employés pour dresser l'acte royal présenté à la Chambre, et il s'efforçait de prouver que l'origine de cet acte n'était pas légale, puisqu'on ne savait pas qu'elles étaient les personnes qui l'avaient d'abord préparé.

M. Olozaga termina par ces paroles :

« La reine n'a pas dit que je lui avais arraché violemment un décret, mais qu'elle l'avait signé sur mes instances. N'était-ce pas dire que le ministre avait rempli son devoir. Un ministre présente à la couronne les mesures qu'il juge nécessaires; si le souverain hésite, le ministre, convaincu de l'utililé de ses mesures, insiste, et la responsabilité royale demeure intacte. On fera preuve

sure, qui consistait à reconnaître les grades et les décorations accordés par le régent à l'armée, dans les derniers. temps de son administration, produisit dans le parti modéré une impression fàcheuse, sans rencontrer plus de faveur dans le parti progressiste. M. Olozaga, qui comptait peu sur la nécessité de l'appui que lui prêtaient les modérés, et qui n'avait plus guère à compter sur celui des progressistes, avait sans doute voulu se concilier quelques sympathies parmi les anciens espartéristes. Étrange conduite que rien ne saurait justifier et qui ne se concevrait pas, si elle ne s'était développée dans la suite par des actes plus étranges

encore.

Une rivalité déplorable qui s'éleva entre le ministre de la guerre et le président du conseil vint augmenter le mal. M. Serrano supportait difficilement l'influence de M. Olozaga; les lenteurs apportées par l'administration de la justice, dans la poursuite des auteurs d'un attentat commis sur le général Narvaez, provoquèrent aussi le mécontentement du capitaine-général. La nomination d'un modéré, M. Pidal, à la présidence du congrès, acheva d'indisposer M. Serrano, qui avait appuyé M. Lopez. La résistance faite par M. Olozaga au vœu de la reine, d'inviter Narvaez à un banquet donné au corps diplomatique, fit éclater l'irritation du général. MM. Serrano et Narvaez proposèrent l'un et l'autre leur démission; M. Olozaga ne crut pas pouvoir sortir de ces difficultés autrement que par un décret de dissolution. Tous les torts n'étaient point de son côté; mais la situation demandait-elle un coup-d'État de cette nature? M. Olozaga savait qu'une telle mesure rencontrerait une vive opposition dans le conseil. Contrairement à toutes les convenances parlementaires, sans consulter ses collègues, il en osa prendre sur lui seul la responsabilité; il rédigea le décret sans en déterminer la date, se réservant de le rendre public quand il le jugerait convenable.

Restait à obtenir la signature de la reine. Il ne pensait

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