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Le roi et la reine d'Espagne sont très-contents' à Fontainebleau, et vont se mettre en chemin pour Compiègne. Les princes sont à Valençay, où ils paraissent fort satisfaits.

La rareté des subsistances, la nécessité de faire voir mes troupes, et l'agitation de Valence me portent à ordonner les mouvements suivants. Le maréchal Moncey, avec toute sa première division d'infanterie, ses douze pièces d'artillerie, 800 hommes de cavalerie française et quatre pièces d'artillerie légère, total près de 9,000 hommes, infanterie, cavalerie et artillerie, et seize pièces de canon, se mettra en mouvement pour prendre position à Cuenca, chef-lieu de la province de ce nom.

Le général de division Chabran, avec sa division d'infanterie française telle qu'il l'a amenée, 800 chevaux, parmi lesquels le 3° régiment de cuirassiers, et douze pièces de canon dont trois d'artillerie légère, se mettra en marche pour prendre position entre Barcelone et Valence. Vous désignerez un endroit convenable et sain. Je ne sais pas si Tortose réunit ces qualités. Il sera là à portée de Saragosse et de Valence.

Si Valence se soumet et rentre dans la tranquillité, les choses resteront dans cet état. S'il en était autrement, le maréchal Moncey marcherait avec sa division et combinerait sa marche de manière à arriver à Valence avec la division Chabran, c'est-à-dire avec 12,000 hommes d'infanterie française, 2,000 de cavalerie et vingthuit pièces de canon, en tout 15,000 hommes.

Pour témoigner de la confiance aux Espagnols et les employer, vous désignerez un général de brigade espagnol, homme dont vous soyez sûr, qui, avec 1,500 hommes d'infanterie espagnole et 400 chevaux, fera partie du corps du maréchal Moncey; ce qui portera la force du corps du maréchal Moncey à 11,000 hommes, et, réuni à la division Chabran, à 17,000 hommes.

Si cependant Valence s'apaise, le maréchal Moncey restera à Cuenca, et le général Chabran à Tortose. Le général Chabran correspondra avec le maréchal Moncey, mais restera sous les ordres du général Duhesme.

Vous resterez à Madrid avec les deux divisions du général Dupont (je compte la division qui est à l'Escurial et celle qui est à Tolède comme étant à Madrid, puisqu'elles peuvent y être en deux jours), les deux divisions du maréchal Moncey, ma Garde et tous les cuirassiers, c'est-à-dire avec près de 30,000 hommes. Vous donnerez ordre au 1 régiment de marche d'infanterie, qui est à Aranda, de se rendre à Madrid, où vous ferez incorporer chaque détachement

dans son régiment provisoire; ce sera un renfort de 1,200. Le maréchal Bessières le fera remplacer à Aranda par d'autres troupes.

Vous chargerez le maréchal Moncey de correspondre de Cuenca avec mes consuls de Valence, d'Alicante et de Carthagène.

La position de Cuenca me parait fort importante, puisqu'elle rapproche mes troupes de tous les points de la côte et en impose partout.

L'ordre que j'avais envoyé à vos gardes de venir à Bordeaux ne leur est pas parvenu. Ils viennent d'arriver ici; ils sont très-beaux. D'après la minute. Archives de l'Empire.

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Je reçois votre lettre du 26 mai. Voici ce que je pense. Aussitôt qu'on pourra le faire, sans nuire à l'activité des travaux de Toulon, on réparera les deux vaisseaux russes, et on les mettra en état d'entrer en campagne. Je ne me soucie pas d'acquérir un de ces deux vaisseaux, par la raison qu'un mauvais vaisseau ne sert à rien et n'est bon qu'à brûler.

Je n'ai point reçu le rapport de l'officier que vous avez envoyé à Trieste, sur les bâtiments russes qui vont à Venise. J'aurais voulu avoir un état qui me fit connaître le nombre et le calibre des canons, la force des équipages, enfin un mémoire qui m'instruisît parfaitement de leur situation. L'amiral Siniavine a besoin de deux frégates; je puis lui en donner une ou deux et d'autres petits bâtiments, et prendre en échange des petits bâtiments qu'il a à Venise ou même le vaisseau turc le Soul-el-Bahr, de 80 canons. Faites-moi un rapport sur ce vaisseau, et s'il peut nous être bon à quelque chose. Si cela était, je désirerais l'acquérir pour le tenir à Ancòne. Si les renseignements qui me seront donnés me décident à faire venir ce vaisseau à Ancòne, je formerai son équipage d'Italiens et j'y mettrai une bonne garnison française. Cela obligera les Anglais à tenir un vaisseau de 74 devant Ancône. Alors je réunirai à Ancône la frégate russe le Legkoï à ce vaisseau ture. Je ne m'arrangerai du Soul-el-Bahr qu'autant que vous m'aurez assuré que ce vaisseau peut être réparé à Ancône ou à Corfou, sans entrer dans les bassins; vous savez que je n'en ai dans aucun de ces endroits. J'attendrai, pour prendre un parti, que vous m'ayez envoyé l'état, bâtiment par bâtiment, de la flotte russe qui est dans l'Adriatique, soit à Trieste, soit à Venise.

Écrivez aux Russes qu'ils ne se laissent point bloquer par des frégates, et qu'ils obligent les Anglais, en se tenant toujours en situation d'appareillage, à tenir des vaisseaux de guerre devant eux. Or ils sont tellement pourchassés qu'ils ne peuvent en avoir partout.

D'après la minute. Archives de l'Empire.

14031. A JOACHIM, GRAND-DUC DE BERG, LIEUTENANT GÉNÉRAL DU ROYAUME D'ESPAGNE, A MADRID. Bayonne, 31 mai 1808.

Dans la crainte que vos communications soient interceptées avec le général Duhesme, je lui fais envoyer par la France l'ordre de réunion de la division Chabran. Je viens de donner l'ordre de faire partir d'ici 2,000 hommes d'infanterie, 1,000 hommes de cavalerie et six pièces de canon pour renforcer la garnison de Pampelune. J'ai fait donner l'ordre au général Lefebvre, qui commande les chasseurs de ma Garde, de se rendre à Pampelune, pour prendre le commandement de ces 3,000 hommes et des six pièces de canon, pour se porter du côté de l'Aragon, si les troubles ne cessent pas là et si cela devient nécessaire.

D'après la minute. Archives de l'Empire.

14032.AU GÉNÉRAL JUNOT,

COMMANDANT L'ARMÉE DE PORTUGAL, A LISBONNE.

Bayonne, 31 mai 1808.

Je reçois vos lettres du 21 mai. Les deux vaisseaux russes qui sont à Toulon sont nécessaires pour monter les deux équipages russes. D'ailleurs j'ai besoin de tous les vaisseaux à Lisbonne. Je consens donc à ce que, par la convention que vous ferez avec l'amiral Siniavine, vous lui cédiez une belle frégate portugaise de 40 canons et un brick, et il me céderait en échange une belle frégate et un beau brick de ceux de son escadre qui sont à Trieste ou à Venise. Voilà la meilleure et l'unique manière d'arranger cette affaire.

Il me semble que la marine de Bayonne aurait pu réaliser les ordres que j'ai donnés d'envoyer des blés, puisque des chaloupes canonnières espagnoles escortent le cabotage de Saint-Sébastien au Ferrol, et que vous êtes à même de prendre des mesures pour le protéger depuis le Ferrol jusqu'à Porto et Lisbonne. Je viens d'ordonner qu'on embarquât 200,000 rations de biscuit pour le Portugal.

Je les fais escorter de Saint-Sébastien au Ferrol par des chaloupes canonnières espagnoles. Prenez des mesures pour les faire arriver du Ferrol à Porto et à Lisbonne sans danger; ou, s'il n'était pas prudent de les amener par mer de Porto à Lisbonne, faites-les débarquer à Porto et faites-les venir par terre. J'ai également ordonné qu'on embarquât sur de petits bâtiments 10,000 quintaux de blé. Tencz une correspondance avec mon consul au Ferrol pour faire venir ces 200,000 rations de biscuit et les 10,000 quintaux de farine. Ce secours vous sera fort utile. J'ai fait engager le commerce à envoyer en Portugal, par la même voie, une trentaine de milliers de quintaux de farine. Combien le quintal de blé ou de farine vaut-il à Lisbonne? Entendez-vous pour cela avec la chambre de commerce de Bayonne, et faites-lui comprendre les facilités qu'il y a pour l'expédition de petits bâtiments et ce qu'il y a à gagner.

J'ai accordé la pension que vous avez demandée pour la veuve du sergent portugais tué à la bataille d'Austerlitz.

Vos courriers sont longs à venir de Lisbonne ici. Je n'ai reçu vos lettres du 21 que le 29, c'est-à-dire huit jours après. Les courriers devraient venir en cinq jours. Je recevrai avec plaisir l'état des finances que vous m'annoncez. Je suis fort dans l'obscur là-dessus. Je vous ai demandé de m'envoyer tous les cinq jours l'état de situation de votre armée, en un petit livret, avec les lieux qu'occupe chaque détachement.

D'après la minute. Archives de l'Empire.

14033. A EUGÈNE NAPOLÉON, VICE-ROI D'ITALIE, A MILAN.

Bayonne, 31 mai 1808.

Mon Fils, vous trouverez ci-joint différents projets de fortification et de tactique générale pour la campagne d'Italie; il faut que vous en confériez avec le général Chasseloup et les officiers dans le cas de vous entendre, comme je vous l'ai déjà mandé. Faites faire une reconnaissance soignée de la Piave, du Mincio et de l'Adige. J'attends le plan de défense de Venise. Une place au centre est nécessaire; je voudrais une place en terre ayant un réduit en maçonnerie. Je joins des idées sur les fortifications que je veux faire à Ancône. Si je laisse faire le génie, il ne demandera pas moins de 2 ou 3 millions pour chaque hauteur d'Ancòne, il y en a trois ou quatre; et, selon mes idées, avec 3 ou 400,000 francs, on peut les mettre à l'abri d'un coup de main avec un peu de monde, et les défendre aussi bien

que si la place eût été construite dans toutes les règles et avait coûté fort cher.

NAPOLÉON.

D'après la copie comm, par S. A. I. Mme la duchesse de Leuchtenberg.

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ÉTABLISSEMENT D'UNE LIGNE DE DÉFENSE.

Il est de fait qu'il n'y a jamais eu de ligne dans aucune guerre d'Italie.

Celle que l'on pourrait préférer serait celle qui couvrirait Venise. La Piave a cet avantage. Deux ou trois petites places en terre, avec un réduit en maçonnerie d'une trentaine de toises de côté, pourraient être entremêlées de quelques redoutes, de quelques filets d'eau. Avec une somme médiocre on pourrait avoir trois ou quatre de ces places.

En supposant une de ces places du côté d'Asolo, sur la rive gauche de la Piave, une vis-à-vis le pont, une vis-à-vis les marais, entre le pont et la mer, il semble qu'une armée inférieure devrait pouvoir se rallier à l'abri de ces trois places et guetter l'occasion de faire tomber l'ennemi dans quelque piége.

Avec les places que je propose, 3, 4 ou 500 hommes défendraient suffisamment une de ces places pour la mettre à l'abri d'un coup de main, donneraient le temps aux secours d'arriver, et mettraient dans le cas de pouvoir déboucher, ou par la droite, ou par le centre, ou par la gauche, sans affaiblir l'armée; ainsi, avec des forces inférieures, on se trouverait supérieur sur le point qu'on attaquerait.

Mais pour savoir si ce projet peut être exécuté, il faudrait avoir une reconnaissance bien détaillée depuis la mer jusqu'à Feltre. Quelle est la distance de cette place à la mer? Qu'y peut-on faire pour la rendre défendable? Quelle est la largeur de la rivière, le nombre de gués qu'il y a, le rapport des deux rives? Quelles sont les communications de Feltre avec Bassano, Asolo, Conegliano et Sacile qui est supposé le centre de l'armée ennemie ?

On remarque qu'il serait avantageux de cantonner les principales forces de l'armée sur le bas de la Piave, parce qu'on croit que les communications de Conegliano avec Feltre sont fort difficiles et que Tennemi serait obligé d'opérer par Feltre avec un corps détaché, et qu'avant que l'ennemi fût arrivé à Bassano par Feltre, l'armée aurait le temps de pénétrer par une de ces places sur le bas de la Piave et de cerner tout ce qui serait devant elle. Enfin la ligne d'opération

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