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Il serait superflu de faire observer que si les deux époux sont de mauvaise foi, leur mariage n'a aucun effet civil, leur cohabitation n'est qu'un concubinage; ils doivent se séparer immédiatement après l'annulation du mariage. Le ministère public peut même les y contraindre, surtout s'il y a inceste ou bigamie. L'acte qui renferme leurs conventions matrimoniales est nul comme contrat de mariage. Il ne peut valoir pour les intérêts matériels que comme contrat ordinaire, comme acte d'association privée et d'une association précaire dont les effets sont réglés par le droit commun, et dont chaque associé peut demander la rupture, parce que le but qu'il se proposait n'est pas rempli.

Section III.

Des effets de la bonne ou de la mauvaise foi à l'égard des enfants nés du mariage.

SOMMAIRE.

627. Si les deux époux étaient de bonne foi, le mariage putatif a les mêmes effets pour les enfants que s'il était valable.

628. Il a aussi tous ces effets quoiqu'un seul des époux fût de bonne foi.

629. Mais l'époux de mauvaise foi n'a sur eux aucune puissance, el sur leurs biens aucun droit.

630. Le droit ancien était semblable.

631. S'il n'y a bonne foi d'aucun côté, le mariage est nul.

632. Les enfants qui en sont nés ont les droits des enfants naturels. 633. Mais s'il y a eu bigamie ou inceste, les enfants n'ont droit qa’à des aliments.

634. Des devoirs des enfants naturels même incestueux ou adultérins envers leurs père et mère, quoique le mariage soit nul.

627. Lorsque les deux époux étaient de bonne foi, les enfants nés du mariage sont considérés comme légitimes, et -jouissent de tous les droits attachés à la légitimité.

Ils sont aussi soumis à toutes les obligations que la loi impose aux enfants légitimes à l'égard de leurs parents.

En un mot, leur état d'enfants légitimes, tel qu'il existait aux yeux de la société et devant la loi avant que le mariage fût annulé, n'éprouve pas la moindre altération, et tous les effets de ce titre, tous les avantages comme tous les devoirs qui y sont attachés, soit relativement à un des époux et à leurs familles, soit relativement aux tiers, subsistent dans toute leur force.

628. Si un seul des époux était de bonne foi, les enfants nés de l'union sont aussi réputés légitimes et peuvent invoquer tous les effets civils du mariage, non-seulement à l'égard de l'époux de bonne foi et de sa famille, mais encore à celui de l'époux qui était de mauvaise foi et des parents de celui-ci ou des tiers.

Ainsi ils porteront le nom de leur père quoique ce fût celui-ci qui eût sciemment contracté le mariage annulé. Ils auront le droit d'obtenir de lui pendant sa vie, protection, secours, aliments. Ils lui succèderont à sa mort. Ils succèderont aussi à leurs frères et sœurs nés du mariage nul ou de tout autre mariage. Ils succèderont enfin, dans l'ordre réglé par la loi, à tous leurs parents paternels comme à leurs parents maternels.

629. Au contraire ils ne seront pas soumis à la puissance civile du père coupable. Celui-ci, privé de tous les effets civils du mariage, ne pourra exiger d'eux l'accomplissement d'aucune des obligations imposées par la loi aux enfants légitimes.

Par la même raison, quoique dans ce cas les enfants succèdent à leur père, celui-ci est incapable de leur succéder. Le principe de la réciprocité du droit de successibilité faillit dans cette circonstance (1).

Ce principe est maintenu, d'ailleurs, en faveur des parents paternels, soit directs soit collatéraux, aux successions

(1) Il n'a pas lieu aussi entre l'adoptant et l'adopté. (Code civ., article 351.)

desquels ces enfants peuvent être appelés à cause de leur légitimité qu'ils conservent.

Il est superflu d'ajouter qu'à plus forte raison ces enfants, réputés légitimes à cause de la bonne foi de l'un des époux, conservent leur droit de successibilité aux biens de cet époux et de tous les parents de sa ligne, qui de leur côté ont aussi des droits semblables sur les biens des enfants.

Tous ces principes ne sont que le développement et la conséquence des dispositions des articles 201 et 202 du Code civil.

630. Telles étaient aussi les règles de l'ancien droit. Elles sont rappelées dans le Recueil de jurisprudence, par Gui Rousseau de Lacombe, au mot Enfants, no 12, où il cite tous les auteurs qui ont professé cette doctrine, quelques lois romaines ou canoniques d'où elle a été tirée, et cinq arrêts qui l'ont appliquée à des espèces dans lesquelles un seul des époux était de bonne foi.

Pothier, dans son Traité du contrat de mariage, no 439, l'enseigne aussi, et rapporte un arrêt du 14 février 1689, qui a jugé contre l'ordre de Malte, qu'un enfant né du mariage d'un profès qui avait caché sa qualité, devait avoir, à cause de la bonne foi de sa mère, les droits d'enfant légitime, et pouvait porter et le nom et les armes de son père.

Mais si les époux, même de bonne foi, étaient morts civilement, les enfants quoique réputés légitimes ne leur succéderaient pas. Les principes sur la mort civile s'y opposeraient. Car un mort civilement ne peut ni recueillir ni transmettre une succession. Les biens qu'il possède au moment où la mort civile l'a frappé sont devenus la propriété des successibles qu'il avait alors.

Ceux qu'il a acquis depuis appartiennent à l'Etat par droit de déshérence; ses enfants nés, soit avant, soit pendant sa mort civile ne peuvent les obtenir que de la munificence du Roi. (Voir Code civil, art. 33.)

631. On a vu qu'il fallait qu'il y eût bonne foi au moins

de la part de l'un des époux pour que les enfants fussent considérés comme légitimes, et jouir des droits attachés à cette qualité.

Si cette bonne foi n'existe pas, le mariage étant annulé, quels seront l'état et le droit des enfants qui en seront provenus?

632. Leur état devra être celui d'enfants naturels.

Leurs droits seront réglés d'après cette qualité.

Comme enfants naturels, fussent-ils même incestueux ou adultérins, ils seraient autorisés à demander des aliments à leur père et à leur mère.

L'obligation de fournir des aliments à ses enfants, quelque soit le vice de leur naissance, est commandée par la nature, et c'est un devoir que la loi civile prescrit même en faveur des enfants adultérins ou incestueux. (Code civil, art. 762. )

Ce devoir, les père et mère sont tenus de le remplir même de leur vivant, si les besoins sont pressants, sinon des aliments sont assurés aux enfants sur les biens que les père et mère laissent à leur décès.

Mais à cette époque les droits de ces enfants naturels peuvent être plus étendus.

En effet, s'ils sont bâtards simples, c'est-à-dire nés ex soluto et solutâ, ils doivent obtenir sur les biens des auteurs de leurs jours une portion calculée sur la qualité et le nombre des héritiers légitimes conformément à l'article 757 du Code; c'est-à-dire qu'ils doivent obtenir, s'il y a des descendants légitimes, le tiers de la portion héréditaire qu'ils auraient obtenue eux-mêmes s'ils eussent eu ce titre, la moitié de cette portion, si les père et mère n'avaient que des ascendants ou des frères et sœurs, et les trois quarts si leurs héritiers étaient de degrés plus éloignés.

Ils devraient même recueillir la totalité, si les père et mère ne laissaient pas de parents au degré successible.

633. Mais si le mariage avait été annulé pour cause de bigamie ou d'inceste, les enfants qui en seraient nés seraient

adultérins ou incestueux, et ce titre affligeant ne leur permettrait de réclamer que des aliments dont la valeur serait proportionnée, comme le dit l'article 763, aux facultés des père et mère, combinées avec le nombre, et la qualité de leurs héritiers légitimes.

Si les père et mère ou l'un d'eux étaient mort, civilement, comme ils ne pourraient pas échapper au droit de déshérence, les bâtards simples comme les incestueux ou les adultérins feraient prudemment de réclamer des aliments pendant la vie de leurs père et mère sur leurs biens présents, pour ne pas s'exposer aux incertitudes et aux difficultés d'une réclamation contre l'État.

634. Quelque faibles que soient les droits des enfants nés d'un mariage nul et contracté sans bonne foi de la part des deux époux, cependant leur qualité même d'enfants leur impose des devoirs envers leurs père et mère.

Bâtards simples ils sont soumis à la puissance naturelle de leurs père et mère, puissance qui autorise ceux-ci à les faire punir disciplinairement s'ils leur donnent des causes trèsgraves de mécontentement. (V. les articles 375, 376, 377, 378 et 383 du Code civil.)

Ils sont aussi tenus d'obtenir ou de demander leur consentement pour se marier. (V. l'article 148 du même Code.)

Incestueux même ou adultérins, si leurs devoirs ne sont pas prescrits littéralement par la loi civile, ils sont écrits dans la loi naturelle qui leur commande le respect, la soumission, même le tribut de leurs facultés envers leurs père et mère dans le besoin, comme elle charge ceux-ci de veiller à eux, de les protéger, de leur fournir des aliments.

Les observations que nous venons de faire sur les enfants nés d'un mariage contracté de mauvaise foi, et qui par ce motif ne jouissent pas des avantages de la légitimité, s'appliquent aussi et à plus forte raison à ceux qui sont réputés légitimes, même à l'égard de celui de leurs père et mère que sa mauvaise foi prive des effets civils du mariage.

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