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13 avril 1820, que rapporte et que censure, il est vrai, Merlin, Répertoire, v° Mariage, sect. 5, § 2, no 12.

Cependant quelque peu d'intérêt qu'inspirent les héritiers collatéraux, la loi leur doit du moins une stricte justice; et la stricte justice qui est, pour tous et sur les intérêts les moins dignes de faveur, de droit rigoureux et indispensable, ne permet pas que le patrimoine d'une famille puisse être envahi par des individus qui y seraient réellement étrangers (1).

Cette stricte justice dont ne doivent jamais s'écarter les magistrats a fait prononcer la nullité pour cause de bigamie d'un second mariage de la dame Champeaux-Grammont avec le sieur Cardon, mariée d'abord avec un sieur Millet. Cette dame avait fait prononcer la nullité de ce mariage, pour cause de contrainte, par une officialité russe. Elle avait épousé en Russie le sieur Cardon, français comme elle. Deux enfants existaient de cette seconde union. Après la mort du sieur Cardon, ses héritiers collatéraux prouvèrent que la cause de la contrainte avait été frauduleusement supposée; que, d'ailleurs, il n'y avait pas eu de divorce; qu'ainsi le premier mariage avait toujours subsisté. Ces moyens firent impression; en conséquence le second mariage fut déclaré nul et sans effet par la Cour de Rouen. Un pourvoi fat formé, mais il fut rejeté le 13 août 1836.

La défaveur des actions des collatéraux et la combinaison de l'art. 184 avec les art. 144, 147, 161, 162, 163, 191 et 148 ont fait décider que les collatéraux n'étaient recevables à attaquer les mariages de leurs parents que lorsqu'ils y étaient formellement autorisés par la loi. Arrêt du 9 janvier 1821. Cassat., Sirey, 21. 1. 157.

Cependant la même Cour a décidé par arrêt du 22 juin 1819, 1° que l'intérêt d'empêcher les enfants issus du ma

(1) Discours du tribun Bouleville, Législ. civ. et commerciale, t. 45 p. 560.

riage de prendre le nom de la famille suffisait pour donner à un parent collatéral le droit d'en demander la nullité; 2o que la nécessité d'un intérêt né et actuel ne s'appliquait pas au cas où dans l'absence de l'acte de célébration on soutenait que le mariage n'avait pas eu lieu. (Sirey, 19. 1.438.)

Outré les époux, les ascendants et les héritiers auxquels appartient l'action en nullité du mariage, il peut y avoir d'autres personnes intéressées à l'attaquer soit du vivant des époux soit après leur mort. Les articles 184 et 191 le supposent puisqu'ils accordent généralement ce droit à tous ceux qui y ont intérêt.

Mais ces articles ne s'expliquent ni sur les personnes ni sur le genre d'intérêt qu'elles peuvent invoquer.

Cet intérêt ne peut être qu'un intérêt de propriété ou de droits qui seraient froissés par des droits contraires qu'un mariage légal pourrait produire sur les biens de l'un des époux en faveur de l'autre.

Ainsi un créancier qui se trouverait privé par une donation contractuelle de biens présents et par la priorité d'une hypothèque légale, du gage que paraissaient lui offrir les biens de son débiteur, ce créancier, si l'existence ou la validité du mariage lui était suspecte, pourrait en demander la nullité dans son intérêt particulier. It le pourrait pendant la vie comme après le décès de son débiteur. La loi l'y autoriserait. La validité de ses titres serait la seule mesure de l'admissibilité immédiate de son action; et son succès dépendrait de l'absence des preuves du mariage et de sa légitimité.

On conçoit cependant qu'une telle attaque ne devrait être accueillie qu'avec beaucoup de circonspection.

535. Parmi les personnes qui peuvent attaquer un mariage pendant la vie même des conjoints, il en est une dont ·la demande doit être écoutée avec faveur ; c'est un premier époux abandonné par le bigame.

Les art. 188 et 189 règlent le mode de son action.

«L'époux, au préjudice duquel a été contracté un se- Art. 188. cond mariage, peut en demander la nullité du vivant même de l'époux qui était engagé avec lui. »

Cette action et le moment de son exercice ne pouvaient être l'objet de la moindre contradiction; «< car c'est précisément l'existence du premier lien qui fait la nullité du second; et le plus grand profit de la demande en nullité est, dans ce cas, de faire disparaître le second mariage pour maintenir et venger le premier (1). »

536. Si l'existence et la validité du premier mariage sont reconnues ou justifiées, l'annullation du second doit être prononcée sur le champ et le premier époux réintégré dans ses droits.

Mais si l'on conteste le premier mariage, il faut d'abord faire juger cette difficulté.

» Dans le concours de deux mariages, dit aussi le même orateur, si l'époux délaissé peut attaquer le second comme nul, ceux qui ont contracté ce second mariage peuvent également arguer le premier de nullité : ce qui est nul ne produit aucun effet. Un premier mariage non valablement contracté ne peut donc légalement motiver la cassation d'un second mariage valable: conséquemment la question élevée sur la validité du premier mariage suspend nécessairement le sort du second. Cette question est un préalable qu'il faut vider avant tout (2). >>

Ces idées étaient justes; elles ont dicté la règle écrite dans l'art. 189.

« Si les nouveaux époux opposent la nullité du premier Art. 189. mariage, la validité ou la nullité de ce mariage doit être

jugée préalablement. »

La sagesse de cette règle la fait appliquer même en matière criminelle; et l'on décide que la nullité d'un pre

(1) Portalis, Exposé des motifs.

(2) Portalis, ibid.

mier mariage doit être préalablement jugée, quand elle est proposée devant les tribunaux criminels par un prévenu de bigamie, comme elle doit l'être en matière civile quand il s'agit simplement de nullité de mariage; ainsi décidé par cinq arrêts de cassation des 19 pluviôse an 12, 2 avril 1807; 15 novembre 1807, 8 avril 1811, 22 juillet 1811 (t).

ARTICLE III.

Du ministère public dans les actions en nullité.

SOMMAIRE.

537. L'action du ministère public doit être circonspecle.

538. Dans quel cas est-il tenu d'agir ?

539. Dans quel cas en a-t-il seulement la faculté?

540. Pour le défaut d'age l'action du ministère public est soumise aux mêmes exceptions que celle des époux.

541. Elle devrait même cesser à la puberté.

542. Pour la bigamie il faut qu'elle soit notoire et sans possession prolongée.

543. Quid si le bigame oppose la nullité du premier mariage?

544. Le ministère public doit agir contre les mariages prohibés entre parents et alliés, même entre oncles el nièces,

545. Même quoique ces mariages aient été contractés à l'étranger. 546. L'action cesse quand un des époux est décédé.

547. Le ministère ne peut, par voie d'action, faire déclarer un mariage valable.

548. Le ministère public n'a pas d'action contre le second mariage d'une veuve qui n'avait pas dix mois de veuvave.

Ni contre celui contracté par des divorcés avant 3 ans ; ni contre celui de deux époux divorcés qui se remarient entre eux; ni contre celui de l'adultère et de son complice.

549. Il ne peut attaquer le mariage d'un mort civilement.

537. Comme gardien des mœurs, comme vengeur de tous les désordres qui attaquent la société, le ministère pu

(1) Journal de Sircy, t. 4, 2. 90; 7. 2. 129; 13. 1. 388, 389 et 390.

blic est appelé par son institution même à faire valoir les nullités absolues, c'est-à-dire celles qui sont établies pour le maintien de l'ordre et de la morale. (Locré, Esprit du Code civil. )

L'objet de ce magistrat doit être de faire cesser le scan-. dale des mariages infectés de quelqu'une de ces nullités et de faire prononcer la séparation des époux.

Mais la censure qui lui est confiée ne doit pas recevoir « une étendue qui la rende oppressive et qui la fasse dégénérer en inquisition. Le ministère public ne doit se montrer que quand le vice du mariage est notoire, quand il est subsistant ou quand une longue possession n'a pas mis les époux à l'abri des recherches directes du magistrat. Il y a souvent plus de scandale dans les poursuites indiscrètes d'un délit obscur, ancien ou ignoré, qu'il n'y en a dans le délit même (1). »

Telles sont les considérations qui doivent diriger le ministère public dans l'exercice de l'action que la loi lui attribue.

Il est toujours partie jointe dans les demandes en nullité de mariage.

Mais il ne peut agir par action principale que dans les cas prévus par les art. 184 et 191.

538. La loi a indiqué les nullités qui doivent exciter son attention afin de ne pas laisser à l'arbitraire un discernement qui touche de si près à la tranquillité des familles.

D'après le projet de la Commission l'action du ministère public était purement facultative quelle que fût la nullité.

Dans la rédaction definitive on a imposé un devoir et l'on a laissé une faculté au ministère public selon la nature des différentes nullités. Ainsi pour les nullités qui vicient le mariage dans son essence même, telles que celles qui résultent du défaut d'âge, de l'existence d'un premier mariage, de la parenté ou de l'alliance aux degrés prohibés, la loi pres

(1) Portalis, Exposé des motifs.

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