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de la Cour de Paris, du 9 mai 1829, par un arrêt plus ancien de la Cour de Paris, du 27 brumaire an 11, par un autre arrêt de la même Cour, du 23 février 1822; par un arrêt de la Cour de cassation, du 10 juillet 1823; deux de ces arrêts ont été rendus pour l'ancien droit dont les règles sont les mêmes que celles du droit nouveau (1).

On trouve il est vrai quelques exemples contraires, et notamment un arrêt de la Cour de cassation, du 8 janvier 1806 et un arrêt de la Cour de Montpellier, du 24 février 1824.

Mais le premier de ces arrêts se décide d'après des points de fait reconnus par la Cour royale et qui n'entraient pas dans l'examen à faire par la Cour de cassation. Cet arrêt, d'ailleurs, prononce sur une question d'état née sous l'ancien droit qui présentait, d'après la jurisprudence, quelque variation sur la nécessité de la preuve de la double possession d'état des père et mère comme époux et de l'enfant comme légitime.

Le second arrêt fut rendu dans des circonstances particulières qui firent même déclarer non recevable dans sa contestation le grand-père de l'enfant contre lequel celui-ci défendait son état qu'il avait précédemment reconnu par divers actes (2).

Remarquons que l'article 197 n'établit pas un droit nouveau et qu'on doit appliquer la règle même aux enfants prétendus nés de mariages qui auraient été contractés avant le Code civil. (Voir le nouveau Denizart au mot Etat (question d') et Merlin, Répertoire, 1re question.)

442. Mais qu'entend-on par possession d'état, soit rela

(1) V. Sirey. 30. 2. 57; 3. 2. 441; 22.12. 183; 24. 1. 161. V. aussi Locré, Esprit du Code civil sur l'article 197.

(2) Voir le premier arrêt dans le journal de Denev., t. 4. 1. 147, et le second dans celui de Sirey, 25. 2. 118; voir aussi pour l'ancien droit la 64e consultation de Cochin; Denizart, vo Etat, (question d') el vo Possession d'état; d'Aguesseau, etc.

tivement au père et à la mère, soit relativement à l'enfant? Relativement au père et à la mère, il y a possession d'état lorsqu'ils ont toujours vécu publiquement comme mari et femme, et qu'ils ont passé pour tels sans contradiction. Or, il ne suffirait pas d'établir qu'ils passaient pour mariés, il faut absolument que dans leur vie publique ou sociale, ils se soient toujours présentés comme mari et femme; qu'ils se soient mutuellement et publiquement donné ce titre ; qu'en un mot ils aient toujours agi de manière à se faire considérer comme époux, et que telle ait été à leur égard l'opinion générale (1).

Relativement aux enfants, retraçons les termes de l'article 321 du Code civil: « La possession d'état s'établit par une Art. 321. >> réunion suffisante de faits qui indiquent le rapport de fi» liation et de parenté entre un individu et la famille à la» quelle il prétend appartenir.

>> Les principaux de ces faits sont :

» Que l'individu a toujours porté le nom du père auquel >> il prétend appartenir;

>> Que le père l'a traité comme son enfant et a pourvu en » cette qualité à son éducation, à son entretien, à son établissement;

» Qu'il a été reconnu constamment pour tel dans la so» ciété ;

» Qu'il a été reconnu pour tel dans la famille. »

Ces caractères de la possession d'état sont ceux qui dans le droit romain étaient désignés par les mots : Nomen, tractatus, fama.

Nomen quand l'enfant a porté le nom de tel individu ; Tractatus lorsque cet individu l'a traité comme son fils; Fama s'il a toujours passé pour tel dans l'opinion commune. Talis plerisque videbatur; sic agebat, sic contrahebat, sic muneribus fungebatur. L. 3, ff. de Senat, Maced.

(1) Delvincourt, sur l'article 197; Arrêt de la Cour de Pau, 9 mai 1829; Sirey, 30. 2. 57.

du

Remarquons que ces faits constitutifs de la possession d'état, peuvent être invoqués toutes les fois qu'une question d'état s'élève, soit pour des époux, soit pour des enfants, soit pour toute autre personne qui aurait figuré dans un acte en une qualité qu'on lui contesterait.

443. N'eût-elle réellement pas cette qualité, si l'opinion commune la lui attribuait, l'acte est valable dans l'intérêt des tiers; il l'est aussi 'dans l'intérêt de la personne lorsqu'elle a été de bonne foi.

C'est sur cette question qu'avait été rendue chez les Romains la fameuse loi Barbarius Philipus 3, ff. de off. Præt. qui déclarait valables des jugements rendus par un esclave que l'on avait élevé à la dignité de prêteur, parce que l'opinion commune le considérait comme libre; et c'est dans ce sens que l'on dit error communis facit jus; maxime qu'avait adoptée l'ancien droit français, et que le droit nouveau ne doit pas repousser.

Les termes de l'article 321 font assez voir qu'outre les faits caractéristiques signalés par la loi il peut s'en présenter d'autres susceptibles de constituer la possession d'état.

444. C'est aux tribunaux à apprécier, selon les cas, la puissance des faits qui leur sont présentés, et à en autoriser ou à en refuser la preuve, suivant qu'ils leur paraissent ou non suffisants pour établir la possession d'état. La loi s'en remetà leur sagesse; elle leur confie en cette matière un pouvoir discrétionnaire qui ne les oblige ni d'exiger la réunion des quatre principaux éléments de conviction indiqués dans l'art. 321 du Code, ni même, en l'absence de ces éléments, de ne pas se contenter d'autres faits, d'autres circonstances qui leur paraîtraient constitutives d'une possession d'état.

C'est ainsi que divers arrêts rendus, soit en faveur d'enfants qui, pour réclamer leur état, invoquaient leur possession, soit contre eux, ont été à l'abri de la censure de la Cour suprême, dont le domaine ne s'étend pas à l'apprécia

tion et aux conséquences des faits qui ont été soumis aux Cours royales (1).

445. Les dispositions de l'art. 197 du Code civil, au titre du Mariage, devant se combiner, comme nous l'avons déjà dit, avec celles des art. 320 et suivants, au titre de la filiation légitime, nous traiterons, en nous occupant de cette filiation, diverses autres questions qui s'y appliquent.

Comme les noms de famille sont un des éléments de la possession d'état d'enfant légitime, nous rappellerons au sujet de ces noms de famille qu'ils sont une propriété qui ne se transmet que par filiation, et que nul n'a le droit de prendre le nom d'un autre, lors même que ce nom serait celui d'un domaine qu'il aurait acquis. (Ordonnance royale du 15 décembre 1815. Sirey, 16. 2. 33.)

Le gouvernement peut, il est vrai, autoriser toute personne à changer de nom ou à en ajouter un nouveau à celui qu'elle porte déjà. La loi du 11 germinal an 11 lui confère ce pouvoir. Mais c'est seulement sauf les oppositions qui seraient formées par d'autres personnes y ayant droit. Et s'il y a une opposition fondée sur des motifs légitimes et qui ait été formée dans l'année de l'insertion de l'autorisation au Bulletin des lois, cette autorisation doit être révoquée. Tels sont les principes consignés dans une ordonnance royale du 18 avril 1816, qui considère que l'institution des noms a pour objet de distinguer les familles, et que celle qui est en possession d'un nom est fondée à s'opposer à ce qu'il devienne celui d'une autre famille considération juste dont l'oubli, en multipliant les noms identiques, pourrait jeter de la confusion et du trouble dans les familles et aurait, par cela même, une fâcheuse influence sur l'ordre social (2).

(1) Voir des arrêts de la Cour de cassation, des 8 janvier 1806; 25 août 1812; 23 mars 1825; 10 mai 1830. (Sirey, 6. 1. 307; 12. 1. 406; 26. 1. 229; 30. 1. 216.)

(2) Ordonnance royale du 18 avril 1816; S., 18, 2. 69.

TITRE IV.

DES NULLITÉS DE MARIAGE ET DES ACTIONS AUXQUELLES CES NULLITÉS PEUVENT DONNER LIEU.

SOMMAIRE.

446. Objet du titrê 4.

447. Division du titre en 3 chapitres.

446. Les titres précédents ont été consacrés à l'examen: Des qualités et des conditions requises pour les mariages; Des empêchements qui y font obstacle;

Des oppositions qui peuvent y être faites;
Des formalités qui les entourent;

Des preuves de leur existence.

Dans le présent titre, nous nous occuperons des nullités qui peuvent les frapper et de l'exercice des actions que ces nullités autorisent.

Des conditions sont exigées pour la validité des mariages; Des formalités sont prescrites pour en assurer l'authenticité et en garantir les engagements;

Des moyens ont été établis pour en prévenir l'illégalité. Mais si ces moyens ont été négligés, si des unions réprouvées par la loi ont été formées, devra-t-on les laisser subsister?

Il est évident que la dignité de la loi serait compromise, que ses exigences ne seraient plus qu'un jeu futile, et que l'ordre social, qu'elles ont eu pour but de régler, serait troublé jusques dans ses bases, si l'on pouvait impunément méconnaître les conditions et violer les formes auxquelles les mariages ont été soumis.

De là, les nullités et les actions qui tendent à la dissolution des unions illégales.

Cependant il était nécessaire de confier à l'autorité de la justice l'examen, l'application de ces nullités.

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