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Les parties avaient elles-mêmes leur négligence à se reprocher.

La preuve fut admise, parce qu'on justifiait d'un acte des conventions matrimoniales, de la publication des bans, de la bénédiction nuptiale et de la possession d'état par les époux et par leur fille... En définitive, la preuve fut complète et le mariage fut reconnu et déclaré valable par la Cour de Toulouse.

On lit dans l'arrêt de la Cour de cassation qui rejeta la pourvoi ces motifs remarquables :

<«< Attendu que ni l'article 14 de l'ordonnance de 1667, » ni l'article 46 du Code civil, qui a reproduit la disposition >> de cette ordonnance, en spécifiant deux cas dans lesquels » la preuve testimoniale des actes de l'État civil peut être >> ordonnée, savoir celui où il n'a pas existé de registres » de ces actes et celui où ces registres auraient été perdus, >> ne sont ni limitatifs ni exclusifs d'autres cas où cette » preuve pourrait être admise.

>> Qu'en effet il existe dans les monuments de l'ancienne » comme de la nouvelle jurisprudence, plusieurs exemples » d'arrêts par lesquels les juges, d'après des présomptions » graves, telles que la possession d'état ou un commen» cement de preuve par écrit, ont ordonné la preuve par té» moins d'un mariage dont l'acte ne pouvait pas être repré» senté, bien qu'il n'y eut ni défaut de tenue ni perte des >> registres de l'État civil, et que cette jurisprudence a été » approuvée et adoptée par les magistrats les plus distingués » dans le ministère public, etc. »

Les circonstances de la cause jugée par l'arrêt de Toulouse, et par celui de la Cour régulatrice réfutent l'opinion de Toullier qui pense que, s'il existe des registres en bonne forme et sans lacune à l'époque où le mariage a dû être célébré, et que les époux prétendent que l'acte de leur mariage y a été omis, les commencements de preuve par écrit ni les papiers émanés des pères et mères décédés ne suffiraient pas,

dans une action intentée au civil, pour faire admettre la preuve de la célébration du mariage.

« Si l'acte de célébration n'a pas été inscrit, ajoute l'auteur, c'est une faute que les parties doivent s'imputer (1). » L'opinion de cet auteur recommandable s'est égarée parce qu'il s'est trop arrêté à la lettre de l'article 46, qu'il n'en a pas recherché l'esprit, qu'il ne s'est pas fixé assez attentivement sur la discussion du Conseil d'État, qu'il ne s'est pas aussi occupé de l'ancienne jurisprudence qui aurait pu cependant lui servir de guide la loi nouvelle étant copiée sur les lois antérieures, qu'il n'a pas connu les nombreux arrêts que nous avons cités, la plupart desquels sont postérieurs au premier volume de son ouvrage publié en 1811; qu'enfin, il paraît avoir ignoré même les avis du Conseil d'État de l'an 10, de l'an 11 et de l'an 12 que nous avons rappelés ci-dessus.

L'argument qu'il tire de la négligence des contractants est d'autant moins sérieux que l'absence de leur signature dans l'acte quoiqu'ils sachent signer, ne porte aucune atteinte à la validité du mariage, qu'ils ne peuvent, d'ailleurs, présumer qu'un fonctionnaire public manquera à ses devoirs, que, dans la classe du peuple surtout, leur ignorance ne leur permet pas de surveiller ce fonctionnaire, et que ce serait, au reste, cruellement les punir d'un oubli fort excusable que de les priver de leur état en faisant retomber sur eux tout le poids de la faute de l'officier préposé par la loi pour le leur assurer.

Loin de partager l'opinion de Toullier, les auteurs des Pandectes françaises sur l'article 46, no 27, in fine, et M. Vazeilles dans son Traité du Mariage, nos 200 et 201, professent avec force la doctrine que nous venons de développer. Tel était aussi l'avis de Rodier dans l'ancien droit, et tel est dans le nouveau celui de Malleville qui combat même une

(1) Toullier, t. 1er, no 543.

TOME I.

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fausse distinction faite par Rodier entre le cas où tout le registre serait perdu et celui où une feuille seulement aurait été arrachée de ce registre. Rodier admet la preuve du mariage dans le premier cas et la refuse dans le second. Malleville pense qu'elle est admissible dans les deux cas (1).

425. Cette doctrine nous ramène à ce que nous avions dit dans le premier paragraphe, pour le cas où un acte de mariage aurait été écrit sur une feuille volante.

S'il est vrai, comme nous croyons l'avoir prouvé, que des présomptions graves, telles que la possession d'état ou un commencement de preuve par écrit, autorisent à prouver par témoins la célébration du mariage dont l'acte n'est pas inscrit dans les registres de l'État civil, cette preuve doit éyidemment être admise, lorsque cet acte se trouve écrit sur une feuille volante et revêtue de signatures qui en attestent l'exactitude. Telle est l'opinion que nous avons déjà émise; elle nous paraît trop juste pour ne pas y persister.

C'est en ce sens que nous critiquons l'opinion de Duranton qui paraît n'attacher à un tel acte aucune valeur. Non pas, d'ailleurs, que nous pensions qu'un tel écrit réuni à la possession d'état puisse équivaloir à un extrait régulier du registre légal, suffire pour repousser toute demande en nullité et dispenser de toute autre preuve de la célébration du mariage.

Notre pensée ne va pas aussi loin. Car nous croyons aussi, comme M. Duranton, que l'acte de célébration dont parle l'art. 196 du Code est l'extrait régulier du registre et non un acte de célébration écrit sur une feuille volante.

Mais même en cette dernière forme l'acte de célébration doit avoir quelque force et autoriser à faire une preuve plus complète.

M. Dalloz aîné et même M. Duranton pensent, et nous

(1) Rodier sur l'art. 14 du titre 20 de l'ordonnance de 1667; Malleville sur l'art. 46 du Code.

partageons leur avis, que la suppression de cette feuille volante, commise par le fonctionnaire public qui en serait dépositaire ou par ses agents, rendrait leur auteur passible des peines portées par l'article 173 du Code pénal; car il y aurait suppression de titres (1).

ARTICLE II.

De la preuve supplétive de l'acte de célébration du mariage par l'effet d'une instruction criminelle.

SOMMAIRE.

426. Distinction entre les simples contraventions et les crimes ou délits commis dans la tenue des registres de l'État civil.

427. Les simples contraventions sont jugées par le tribunal civil. 428. Les crimes ou délits le sont par les tribunaux criminels.

429. La poursuite de ceux-ci ne peut être faite que par le ministère public contre leur auteur.

430. Même après la mort de l'auteur, le ministère public seul peut agir directement contre ses héritiers.

431. Les époux n'ont ni dans l'un ni dans l'autre cas l'action directe méme seulement civile.

432. Mais Ils peuvent intervenir pour leur dommages et intérêts. 433. Ils peuvent aussi provoquer l'action du ministère public. 434. Après le décès de l'un des époux toule personne intéressée peut agir.

435. Le jugement que produit l'action doit être inscrit sur les registres de l'Etat civil.

426. Dans le titre des actes de l'Etat civil, le législateur a prévu deux sortes de faits repréhensibles relativement aux actes de l'État civil: les uns qui ne constituent que de simples contraventions, les autres qui ont le caractère de crimes ou délits.

427. Les premiers sont indiqués dans les art. 34 et suivants du Code civil, jusque et compris l'art. 50. Ils s'ap

(1) Dalloz ainė, Jurisprud. gen., t. 10, p. 85, n° 17; même opinion de Duranton, t. 2, no 26.

Art. 198.

que

pliquent aux négligences, aux irrégularités, aux omissions les officiers de l'État civil auraient commises dans la consommation des actes qui leur sont confiés, et dans l'accomplissement des formalités que prescrivent les articles qui précèdent l'art. 50.

Ces contraventions sont poursuivies devant les tribunaux civils de première instance, et ne sont punis que d'une amende qui ne peut excéder cent francs.

428. Les autres ont pour objet : Toute altération, tout faux dans les actes de l'Etat civil, toute inscription de ces actes, faite sur une feuille volante et autrement que sur les registres à ce destinés.

Ils donnent lieu à des peines portées au Code pénal, ainsi qu'aux dommages et intérêts des parties; et, par conséquent, ils sont poursuivis par la voie correctionnelle. V. l'art. 52 du Code, et même l'art. 51 qui rend les dépositaires de ces registres civilement responsables des altérations qu'ils éprouvent. )

Les peines qui y sont attachées sont, pour l'inscription sur une feuille volante, un emprisonnement d'un mois au moins et de trois mois au plus, et une amende de 16 à 200 fr., et pour les autres faits les travaux forcés à perpétuitė. (V. les art. 145 et 198 du Code pénal. )

C'est à ce dernier genre d'actes punissables qu'ont trait les dispositions du Code civil qui autorisent la preuve du mariage par le résultat d'une instruction criminelle.

En voici les termes :

<< Lorsque la preuve légale du mariage sèra acquise par le résultat d'une procédure criminelle, l'inscription du jugement sur les registres de l'État civil assure au mariage, à compter du jour de sa célébration, tous les effets civils, tant à l'égard des époux, qu'à l'égard des enfants issus de ce mariage. »

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Art. 199. «Si les époux sont décédés sans avoir découvert la fraude, l'action criminelle pourra être intentée par tous ceux qui au

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