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lorsqu'il y a possession d'état et que l'acte de célébration est représenté, est générale et absolue. Elle peut être opposée, non-seulement en cas où l'époux demande la nullité du mariage pour en briser le lien sans d'autre but, mais encore au cas où il ne la demande que pour arriver à faire déclarer valable un second mariage qu'il aurait contracté. C'est ce qu'a décidé la Cour de cassation, par arrêt du 23 août 1826, dans l'affaire Ogé (1).

La décision ne pouvait, il semble, être douteuse.

L'époux qui, par une seconde union avant la dissolution de la première, s'étant joué de la loi, avait aggravé son outrage pour son épouse, ne pouvait espérer de rendre sa position plus favorable.

415. Mais la fin de non recevoir ne s'applique pas à une femme qui n'a pas cohabité avec son mari, qui n'a jamais porté son nom et qui n'a pas la possession de l'état d'épouse légitime dans le sens de l'art. 196. Cette femme est recevable à attaquer l'acte de mariage s'il est irrégulier. Car elle n'a contre elle qu'une seule des deux conditions exigées par l'article, et il faut leur réunion pour repousser la demande en nullité. ( Arrêt de la Cour de Bourges du 25 mai 1822; Sirey, 22. 2. 315.)

La fin de non-recevoir s'applique surtout aux demandes en nullité fondées sur des vices de forme.

416. Mais si le mariage était vicieux dans son essence même, s'il avait été contracté malgré un des empêchements dirimants écrits dans les articles 141, 147, 161, 162 et 163, soit que les époux l'eussent ignoré, soit qu'ils l'eussent connu, l'action en nullité serait-elle admise?

Elle devrait l'être sans nul doute dans les cas d'empêchements prévus par les articles 147 et 161. La bigamie objet de l'art. 147, l'inceste que prohibe l'art. 161, sont des crimes que toutes les lois condamnent, que tous les senti

(1) S., 27. 1.108: Dalloz jeune, 25. 1. 8.

TOME 1.

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ments flétrissent, qu'aucune possession d'état ne peut effacer, qui s'aggravent, au contraire, par leur continuation: Abusus perpetuò clamat.

417. Quant au défaut de l'âge requis par l'art. 144, tant que ce défaut d'âge subsiste, la nullité du mariage peut être demandée par l'un des époux malgré l'existence de l'acte de célébration et la possession d'état, à moins que la ferime âgée de moins de quinze ans n'ait conçu. Il n'y a, en effet, d'exception contre la demande en nullité d'un tel mariage que celles qu'a prévues l'art. 185, l'une lorsque l'âge a été atteint par l'époux auquel il manquait; l'autre lorsque la conception de la femme est survenue avant cet âge.

418. Sur la prohibition portée par le mariage qui aurait été contracté entre le frère et la sœur légitimes ou naturels, et celui qui aurait eu lieu entre deux alliés au même degré il faut distinguer:

Dans le premier cas, l'inceste, toujours fragrant, caractérisant un vice irréparable et qui ne peut cesser d'être scandaleux, chacun des époux, dès qu'il connaît sa position, doit céder au mouvement de sa conscience et rompre une union immorale; et non-seulement aucune fin de non-recevoir ne peut lui être opposée, mais même, comme dans le cas des articles 147 et 161, le ministère public, organe de la société et surveillant officiel de l'ordre social et des bonnes mœurs, provoquerait lui-même, dès que le vice lui serait connu, la nullité de cette scandaleuse union.

Mais en serait-il ainsi pour un mariage entre alliés au degré de frère et sœur, et entre oncle et nièce, tante et neveu?

Pour ces sortes de mariage la prohibition de la loi n'est pas absolue; elle est seulement relative. Ces mariages ne sont défendus que sauf les dispenses que le gouvernement peut accorder. Ces dispenses, si elles avaient été obtenues avant l'union, auraient prévenu tout ce qu'elle pouvait avoir de défectueux. Il n'y aurait eu ni inceste ni même immoralité.

Ce que des dispenses auraient pu prévenir, des dispenses pourraient aussi l'effacer. Tel était au moins leur effet dans l'ancien droit, notamment pour la naissance des enfants dont ces dispenses effaçaient la tache en les gratifiant des avantages de la légitimation.

Si donc, des époux, par négligence ou par erreur s'étaient mariés, quoiqu'alliés au degré prohibé, quoique parents à celui d'oncle et nièce, s'ils avaient contracté une union imprudente sans obtenir des dispenses pour les y autoriser, l'un d'eux, malgré l'existence d'un acte authentique de mariage, malgré une possession d'état constante et long-temps soutenue, sera-t-il admis à saisir cette malheureuse circonstance pour briser des nœuds qu'il aurait volontairement formés? Un époux pourra-t-il ainsi, abusant du texte de la loi, punir dans une jeune épouse une faute qui lui est commune, flétrir à jamais son existence, et condamner à la honte et à la misère des enfants que son succès signalerait comme incestueux ?

Le pourra-t-il même lorsque la jeune épouse, dans son ignorance des lois qu'elle était, il est vrai, présumée connaître, aurait participé, sans la soupçonner, à une faute qu'il aurait sciemment commise lui-même, et dont cependant la peine la frapperait seule sur les poursuites du vrai coupable?

De telles conséquences sont trop affligeantes pour supposer que les tribunaux n'hésitassent pas à les produire par leurs décisions; et, sans doute, repoussant par la fin de nonrecevoir écrite dans l'art. 196 une demande déjà condamnée par la morale, ils renverraient l'époux défendeur à réclamer auprès du gouvernement les dispenses réparatrices qui corrigeraient l'irrégularité du mariage.

M. Duranton rejette la fin de non-recevoir établie dans l'art. 196 et pense que le mariage peut être attaqué par les époux eux-mêmes, non-seulement pour toutes les causes exprimées dans l'art. 184 sans distinction, mais encore

pour le cas d'incompétence indiqués dans l'art. 191 et même pour les causes qui ne produisent qu'une nullité relative (1).

Une telle doctrine serait une déplorable source de contestations. Nous en discuterons le mérite en nous occupant des demandes en nullité auxquelles elle se rattache.

Fixons-nous sur les preuves supplétives qui, dans certains cas, peuvent remplacer, même entre époux, l'acte de célébration.

S II.

Des preuves supplétives de l'acte de célébration autorisés entre épous

dans certaines circonstances.

Art. 48.

SOMMAIRE.

TEXTE DE LA LOI.

419. S'il n'a pas existé de registres, la preuve par témoins de la célébration est admise.

420. Comment se prouve la non existence des registres?

421. Cette non existence étant prouvée comment se prouve le mariage? 422. Quid s'il existe des registres et que l'acte civil n'y soit pas inscrit? 423. L'ancien droit admettait, dans ce cas, s'il y avait des circonstances graves, la preuve de la célébration.

424. On doit aussi l'admettre aujourd'hui à l'aide de présomptions graves. Arrêts sur la question.

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425. La preuve doit aussi être admise à l'aide d'un acte de célébration inscrit sur une feuille volante.

419. Les cas, où des preuves supplétives à la représentation de l'acte de mariage peuvent suffire, sont indiqués dans les art. 46, 198, 199 et 200 du Code civil.

<< Lorsqu'il n'aura pas existé de registres, ou qu'ils seront perdus, la preuve en sera reçue tant par titres que par témoins; et dans ce cas les mariages, naissances et décès, pour

(1) Duranton, 2.4. 252.

ront être prouvés tant par les registres et papiers émanés des pères et mères décédés, que par témoins (1). »

<< Lorsque la preuve d'une célébration légale de mariage Art. 198. se trouve acquise par le résultat d'une procédure criminelle, l'inscription du jugement sur les registres de l'État civil assure au mariage, à compter du jour de sa célébration, tous les effets civils tant à l'égard des époux qu'à l'égard des enfants issus de ce mariage.»

« Si les époux ou l'un d'eux sont décédés sans avoir dé– Art. 199. couvert la fraude, l'action criminelle peut être intentée par

tous ceux qui ont intérêt de faire déclarer le mariage valable et par le procureur du roi. »

« Si l'officier public est décédé lors de la découverte de la Art. 200. fraude, l'action sera dirigée au civil contre ses héritiers par le procureur du roi en présence des parties intéressées et sur leur dénonciation. >>

Le premier de ces articles suppose qu'il n'y a jamais eu de registres de l'État civil ou qu'un événement de force majeure les a fait disparaître, sans qu'il y ait crime ou délit imputable à une personne connue.

Les trois autres articles prévoient le cas où les registres auraient été altérés ou anéantis par une main coupable.

Dans ces différentes hypothèses les époux étant privės de l'avantage de prouver leur état par des registres, il était

(1) D'après le Code hollandais, article 156 : « En cas d'absence on de » perte de registres, la suffisance de la preuve du mariage est abandon» née à l'arbitrage du juge s'il y a possession d'état. »>

L'article 155 du même Code est, d'ailleurs, conforme à l'art. 194 da Code Napoléon.

Dans le royaume des Deux-Siciles, la preuve des mariages résulte des actes dressés par les curés (art. 8') du Code).

De même d'après le Code sarde (art. 61).

Idem, dans le canton de Vaud (art. 16 et 17).

Idem, dans la Prusse où les registres sont tenus par les cures ou pasteurs.

En Autriche, les actes de l'Etat civil, dressés par les ecclésiastiques des deux religions catholique ou réformée, font foi.

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