Page images
PDF
EPUB

loi du 29 septembre 1792 sur le divorce; et c'est dans le même esprit que le Code civil a été rédigé.

9. Mais en généralisant la règle, en faisant rentrer le mariage, comme tous les autres actes de l'état civil, dans le domaine de la puissance temporelle dont peut-être il n'aurait jamais dû sortir, le législateur eût pu maintenir, exiger même l'intervention des rites religieux. Il eût concilié les règles avec les usages et avec les mœurs qui se sont conservées fidèles aux anciennes prescriptions malgré l'oubli imprudent où dédaigneux de la loi nouvelle.

La sainteté du sacrement parmi les Catholiques, la majesté des cérémonies religieuses chez les adeptes de tout autre culte, l'intervention en quelque sorte de la divinité dans un acte qui fixe irrévocablement les destinées de la vie de l'homme, ajouteraient plus d'éclat à sa solennité, plus de gravité aux pensées qui doivent y présider, plus de forcé à la conviction des devoirs qu'il impose.

Cette exigence de la loi serait respectable sans être dangereuse, en punissant d'une amende seulement les époux qui négligeraient de l'observer dans un délai fixé.

Mais, dans l'intérêt de l'ordre et de la morale publique, il faudrait maintenir la défense faite par le Code pénal aux ministres de tout culte, de célébrer les rites religieux sans qu'il leur eût été justifié d'un acte de mariage préalablement reçu par les officiers de l'état civil. Car l'union légale, qui seule fonde le vrai contrat, doit toujours précéder l'union religieuse qui ne produit pas de lien civil. (V. les art. 179 et 200 du Code pénal.)

Il serait même utile de rappeler cette défense dans les lois civiles, qui sont plus souvent consultées et par conséquent plus familières que les lois pénales.

TITRE PREMIER.

DES QUALITÉS ET DES CONDITIONS REQUISES POUR POUVOIR CONTRACTER MARIAGE.

SOMMAIRE.

10. Conditions nécessaires pour le mariage.

11. Des empêchements sous la législation ancienne.
12. Des empêchements canoniques, seulement prohibitifs.
13. Des empêchements canoniques dirimants.

14. Des empéchements admis autrefois dans le droit civil.
15. Des empêchements dirimants absolus.

16. Des empêchements dirimants relatifs.

17. Deux classes d'empêchements sous le Code civil.

10. Le mariage a pour but de perpétuer les générations. De là la condition de puberté exigée de ceux qui le con

tractent.

Le mariage est un contrat civil.

De là toutes les conditions exigées par la loi pour sa validité.

Toute personne pubère peut contracter mariage, à moins que quelque empêchement légal ne s'y oppose.

11. Sous la législation ancienne, les empêchements de mariage étaient nombreux. A ceux qui résultaient chez les divers peuples du droit naturel et du droit civil vinrent s'ajouter parmi les Chrétiens, lorsque l'Eglise fut devenue une puissance même terrestre, les empêchements qui furent établis par le droit canonique.

On en distinguait de plusieurs sortes :

Les uns étaient seulement prohibitifs, c'est-à-dire qu'ils gênaient la liberté des parties qui voulaient se marier, mais sans nuire à la validité de l'union, lorsque les obstacles avaient été surmontés ou même éludés.

Les autres étaient dirimants, c'est-à-dire qu'ils s'oppo

saient à ce que le mariage fût valablement contractė, et que, s'ils étaient méprisés, le mariage était nul ou pouvait être annulé.

12. Les empêchements canoniques de la première espèce étaient rappelés dans trois vers latins:

Ecclesiæ vetitum, nec non tempus feriatum,
Atque catechismus, sponsalia, jungite votum,
Impediunt fieri, permittunt facta teneri.

La défense de l'Eglise (Ecclesiæ vetitum), lorsque l'évêque ou le juge ecclésiastique défendait de procéder à la célébration du mariage, jusqu'à ce que les parties eussent rempli certaines obligations qui leur étaient imposées ;

Les temps fériés (tempus feriatum). C'étaient des époques de l'année, consacrées spécialement à la prière, suivant le canon non oportet, 33, qon 4; la défense de célébrer les mariages s'étendait autrefois depuis la Septuagésime jusqu'à l'Octave de Pâques, depuis l'Avent jusqu'après la fête de l'Epiphanie, et même pendant trois semaines avant la fête de saint Jean-Baptiste ;

La catéchisme (catechismus), c'est-à-dire, qu'il fallait être instruit des préceptes de la religion et surtout de ceux relatifs au mariage.

Les fiançailles (sponsalia). Cet empêchement s'appliquait aux promesses de mariage faites à la face de l'Eglise ;

Votum. Le vœu simple de chasteté ou d'entrée en religion. Il fallait en être relevé par l'évêque.

Les vœux solennels rendaient le mariage nul.

Ces cinq espèces d'empêchements n'existent plus, aujourd'hui que la loi ne considère le mariage que comme un contrat civil.

Nous examinerons cependant dans la suite l'effet civil d'une promesse de mariage.

13. Les empêchements dirimants, déterminés par le

droit canonique, étaient au nombre de quatorze, renfermés dans les six vers suivants :

Error, conditio, votum, cognatio, crimen;
Cultus disparitas, vir, ordo, ligamen, honestas;
Si sis affinis, si forte coire nequibis;

Si parochi et duplicis desit præsentia testis;
Rapta loco mulier, si non sit reddita, tuto;
Hæc facienda vetant connubia, facta retractant.

Ces empêchements portaient sur l'erreur relative à la personne à laquelle on voulait s'unir, sur sa condition, sur des vœux solennels dans un ordre monastique, sur la parenté, sur le crime commis pour parvenir au mariage, sur la différence de religion, sur la violence exercée contre la personne que l'on voulait épouser, sur l'engagement dans les ordres sacrés, sur l'existence d'un premier mariage, sur l'affinité, sur l'impuissance, sur le défaut de présence du curé et de deux témoins, sur le rapt.

14. Le plus grand nombre de ces empêchements avait été adopté par le droit civil, qui en avait ajouté quelques autres, notamment le défaut de raison, le défaut de puberté, des jugements ou des arrêts portant défense de mariage entre deux personnes désignées.

Cette dernière espèce d'empêchement, qui n'est plus usitée parmi nous depuis la loi nouvelle, avait ordinairement pour cause la séduction exercée par l'une des parties sur l'autre ou le commerce illicite entre elles. Mais si, dans ce cas, l'arrêt ne déclarait pas la cause des défenses, l'empêchement qui en résultait n'était pas dirimant. Le mariage contracté malgré les défenses était valable et produisait tous les effets civils. (Ainsi jugé par arrêt de la Cour de cassation, du 29 juin 1836. Sirey, t. 36, 1, 126.)

15. On distinguait, au reste, les empêchements en dirimants absolus et dirimants relatifs :

Les premiers, qui privaient du droit de contracter aucun

mariage, tels que l'enfance, l'impuissance, la mort civile. Les seconds, qui s'opposaient seulement à ce que deux personnes, qui avaient entre elles certains rapports, pussent se marier ensemble. La parenté, l'alliance', étaient de ce nombre.

Enfin, il y avait une autre sorte d'empêchement, produite par les formalités prescrites pour le mariage (1).

16. La loi nouvelle, en ne considérant le mariage que comme contrat civil, a dû rejeter les prohibitions uniquement fondées sur les idées et sur les observances religieuses.

Elle n'a même emprunté du droit ancien, sur la matière, que les règles dictées par la nature, par les mœurs ou par les nécessités de l'ordre social.

71. On peut diviser en deux classes les empêchements établis par le Code civil:

L'une, des empêchements absolus ou d'incapacité, qui ont leur cause dans la qualité des personnes ;

L'autre, des empêchements relatifs ou accidentels, qui sont subordonnés à l'accomplissement de certaines conditions prescrites pour la validité du mariage. Chacune de ces classes formera le sujet d'un chapitre.

DU MARIAGE.

Suite du titre premier.

CHAPITRE PREMIER.

SOMMAIRE.

18. Bases des empêchements.

19. Leurs différentes causes.

18. Les empêchements, objets de ce chapitre, ont pour

base:

(1) Voir sur cette partie de l'ancien droit, notamment le Traitė du

« PreviousContinue »