Page images
PDF
EPUB

terdits est écrite dans l'art. 502, qui ne fait aucune exception.

189. Mais dans les divers cas d'un mariage contracté par un insensé, par qui la nullité pourra-t-elle être demandée? Si l'on s'en tenait rigoureusement au texte de l'art. 1125 du Code civil, il faudrait dire que cette nullité ne pourrait être invoquée par les personnes capables de s'engager.

L'application de la règle serait exacte si la démence ou l'interdiction avaient été connues avant le mariage de celui qui se serait uni à l'insensé ou à l'interdit. Éclairé sur l'état moral de l'autre contractant, le conjoint qui n'aurait pas été arrêté par ces infirmités et qui en aurait peut-être fait l'objet de ses tristes spéculations, ne pourrait ensuite se jouer de ses engagements. Il devrait subir le sort qu'il aurait accepté; il serait repoussé dans son action par sa propre turpitude.

190. Mais s'il avait ignoré l'interdiction ou même la démence, et si son ignorance était établie par de graves présomptions ou par la preuve testimoniale, dans ce cas le malheur d'une union aussi déplorable devrait provoquer en sa faveur la sollicitude des tribunaux; il aurait le droit de soutenir que son consentement n'a été que le triste fruit de l'erreur la plus grave; il serait fondé à dire que son erreur est tombée sur la personne, puisqu'il avait cru s'unir à un être doué d'intelligence, et que la personne à laquelle il s'est associé, privée de sa raison, n'a qu'une vie végétative ou furieuse.

Quel est le tribunal qui refuserait de venir au secours d'un malheureux trompé sans doute par les manœuvres ou au moins par la dissimulation de la famille de l'insensé?

On conçoit qu'une erreur produite par une telle cause autoriserait la demande en nullité du mariage, soit que l'insensé eût été ou non interdit; s'il résultait des circonstances et des preuves que l'un des contractants avait été dans une complète ignorance de l'incapacité morale de l'autre.

191. Quant à l'insensé lui-même, si l'interdiction avait précédé le mariage, un tuteur pourrait en faire déclarer la nullité, en vertu de l'article 502.

S'il n'y avait par eu d'interdiction, l'article 503 devrait faire repousser l'action, à moins que la cause de l'interdiction ne fût notoire au moment du mariage, ce qui ferait naturellement présumer que l'autre contractant n'aurait pu l'ignorer. Mais la demande ne pourrait être formée que par un tuteur dont serait pourvu l'insensé par suite d'une interdiction judiciaire, à moins que cet insensé, ayant recouvré dans la suite sa raison, ne la formât lui-même.

192. Des actions semblables peuvent-elles appartenir aux héritiers de l'un ou de l'autre des conjoints?

De la part des héritiers elles ne seraient admissibles que dans les circonstances les plus graves.

Ceux du conjoint capable de contracter seraient repoussés par l'approbation de leur auteur dont le silence prouverait ou le consentement au mariage quoiqu'il en connût le vice, ou sa renonciation à en faire usage, la cohabitation ayant dû nécessairement l'éclairer.

Quant aux héritiers de l'incapable, on leur opposerait leur négligence à provoquer l'interdiction et la fin de nonrecevoir écrite dans l'article 504 du Code civil.

On arguerait aussi contr'eux du défaut d'opposition de leur part au mariage de leur parent en démence; ce défaut d'opposition pourrait être considéré comme une reconnaissance tacite que la démence n'était pas caractérisée. Comment, en effet, concevoir que des parents, surtout des successibles n'eussent pas usé de la faculté que leur donne l'article 174 de s'opposer au mariage de leur parent affligé de démence, si cet état avait été bien prononcé ?

Enfin on invoquerait contr'eux une autre fin de non-recevoir écrite dans l'art. 180 du Code, qui ne permet qu'aux époux eux-mêmes d'attaquer le mariage lorsque leur con-sentement n'a pas été libre. Cette fin de non-recevoir a été

consacrée, même pour un cas de démence, par un arrêt de la Cour de cassation, du 9 janvier 1821, dans l'affaire Joliot et Martin. L'arrêt est rapporté dans le journal de Sirey, t. 21. 1. 157 (1).

Nous ferons sur les actions en nullité qui ont pour motif la démence, quelques autres observations dans le chapitre qui sera plus spécialement destiné à traiter des demandes en nullité des mariages.

193. Tout ce qui a été dit dans ce paragraphe est étranger au prodigue et même à ceux auxquels les tribunaux, usant du pouvoir discrétionnaire que leur donne l'article 499 du Code civil, auraient nommé un conseil judiciaire. Ceux-ci ne jouissent pas, il est vrai, de l'exercice complet de leurs droits civils, mais, si en eux la raison est plus faible, ils ne sont cependant pas privés de son secours, ni par conséquent incapables de donner un consentement. <«< En général ils sont habiles à contracter; ils peuvent se » marier; ils peuvent faire un testament, ce que ne peuvent » pas faire les interdits pour cause d'imbécillité, de dé» mence ou de fureur. »

(Exposé des motifs de la loi sur l'interdiction, par le conseiller d'Etat Emery.)

Ces expressions de l'orateur, ils peuvent se marier, ne permettent pas qu'il reste dans l'esprit la moindre incertitude sur la faculté qu'elles signalent (2).

(1) Suivant le Code autrichien (art. 48), les individus qui se trouvent dans un état habituel d'imbécillitè, de démence ou de fureur, ne peuvent contracter mariage.

La loi de Saxe a une disposition semblable. (Curtius, t. 1, § 5.) Les lois d'Espagne aussi, ainsi que celles d'Angleterre (Ley. 6, tit. 2, partida 4; Statut 15. Georges II, chap. 80.)

Le Code du canton de Berne prohibe le mariage aux furieux, il ne le permet aux imbéciles qu'avec l'autorisation préalable du tribunal des affaires matrimoniales, et aux interdits que du consentement de leurs père et mère. (Art. 34 et 32.)

(2) Duranton, 2. 35; Vazeilles, t. 1, p. 92.

Au reste, nul ne peut être dépouillé d'un droit que la loi attribue en général à tous les membres du corps social, sans une disposition expresse et prohibitive qui le lui enlève.

Or il n'existe dans nos Codes aucune prohibition qui interdise le mariage à celui qui a été pourvu d'un conseil judiciaire; on n'y voit même aucune règle qui l'oblige à se faire assister de son conseil pour la validité du mariage.

Donc le prodigue et généralement tout individu auquel un conseil a été judiciairement donné, n'en a pas moins le droit de contracter mariage, sans avoir même besoin de l'assistance de ce conseil.

Nous examinerons dans la suite si cette assistance ne serait pas nécessaire pour la validité des conventions matrimoniales. 194. S'il est une classe d'individus qu'une condamnation judiciaire a placés dans un état d'interdiction légale, sans cependant qu'elle les ait déclarés morts civilement, leur mariage sera-t-il nul?

La loi ne s'explique pas sur cette question, et l'on ne peut la décider par les principes ordinaires consignés soit dans l'article 502 du Code civil soit dans les articles 1124 et 1125. Car ces articles ne s'appliquent qu'aux interdits pour cause d'imbécillité, de démence ou de fureur, puisqu'ils sont fondés sur l'incapacité naturelle où sont les insensés d'exprimer un consentement éclairé. Or cette incapacité, œuvre de la nature, ne frappe pas ceux que la loi seule a punis de leurs crimes par une privation temporaire de certains de leurs droits civils.

Nous disons de certains de leurs droits civils, la question proposée n'étant pas relative aux individus condamnés à une peine emportant mort civile, mais seulement à ceux contre lesquels ont été prononcées des condamnations moins rigoureuses qui ne les privent que d'une partie de leurs droits civils en les déclarant, sous ce rapport, en état d'interdiction légale; tels que les individus dont s'occupe l'article 29 du Code pénal.

Il n'en serait pas de ces sortes d'interdits comme des condamnés morts civilement. (V. l'art. 25 du Code civil.) La loi ne les déclare pas incapables de contracter mariage; et par conséquent leur mariage ne serait pas nul de plein droit.

Mais ce mariage pourrait être annulé pour cause d'erreur sur la personne morale et sociale de l'individu auquel on se serait uni en mariage. Le conjoint trompé, en établissant cette erreur, et en signalant la gravité du vice de son consentement, devrait en obtenir la réparation et pourrait faire annuler une union flétrissante que l'erreur seule aurait produite.

Quant au condamné lui-même, il ne serait pas admissible à invoquer son état d'interdiction légale contre un mariage qui aurait été l'effet de son dol personnel.

Le conjoint serait aussi non recevable dans une telle action s'il n'avait pas ignoré l'état du condamné.

Nous ajouterons que les héritiers du conjoint trompé verraient repousser, par les dispositions de l'article 180 du Code civil, toute réclamation qui n'aurait pas été déjà exercée par un commencement de poursuites du conjoint lui-même (1).

S IV.

Des sourds et mucts.

SOMMAIRE.

195. Chez les Romains, les sourds et muets de naissance ne pou

vaient tester.

196. Secus des sourds et muets par accident s'ils savaient écrire. 197. Ceux qui n'étaient que sourds ou muets ou aveugles pouvaient se marier.

(1) V. sur cette question l'opinion conforme de Duranton, t. 2, no 36

et suiv.

« PreviousContinue »