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sentiment intime était paralysé par des idées religieuses ou par des vues politiques.

Les Assyriens, les Perses épousaient leurs mères; les premiers, par respect pour la célèbre Sémiramis ; les seconds, parce que la religion de Zoroastre protégeait ces déplorables unions.

Un égarement religieux poussait aussi les Egyptiens à épouser leurs sœurs. Ces mariages étaient consacrés en l'honneur d'Isis. C'est ainsi que la superstition fausse les idées et détruit la morale.

Chez les Athéniens, il était permis d'épouser sa sœur consanguine, non sa sœur utérine.

Un Lacédémonien, au contraire, ne pouvait épouser que sa sœur utérine, qui recevait alors pour dot la moitié de la portion héréditaire du frère.

Ces lois, dictées par la politique, avaient pour but d'empêcher la réunion de deux hérédités sur la même tête (1). Plus éclairés et plus sages, les Romains se garantirent de ces écarts.

Parmi eux, les empêchements du mariage étaient au nombre de cinq :

La parenté,
L'alliance,

L'honnêteté publique,
La dignité,

La puissance.

Ils distinguaient trois sortes de parentés :

La parenté mixte, qui résultait d'un mariage légitime et qui était à la fois civile et naturelle. On l'appelait agnatio. Elle dérivait des hommes.

La parenté que produisait un commerce illicite. Formée par le seul lien du sang, elle était purement naturelle. Elle s'appelait cognatio, et se propageait seulement par les femmes.

(1) Esprit des Lois, liv. 5, ch. 5.

Enfin, la parenté purement civile, comme étant produite par la loi seule. Telle était l'adoption (1).

En ligne directe, le mariage était prohibé à l'infini entre les alliés comme entre les parents, quel que fût le degré de parenté ou d'alliance.

En ligne collatérale, il était également interdit, jusqu'à un certain degré, entre les parents liés par le sang, même quoique leur parenté fût purement naturelle, sans aucun lien civil.

Cette défense s'étendait à l'infini entre parents qui offraient l'image de père et d'enfants, tels que les oncles et les nièces, les tantes et les neveux, les grands-oncles et les petitesnièces, les grandes-tantes et les petits-neveux, et ainsi de suite pour les degrés plus éloignés (2).

Entre les autres parents de la ligne collatérale, il y avait empêchement jusqu'au 4o degré, suivant la supputation du Code civil, c'est-à-dire, jusqu'aux cousins enfants de frères ou de sœurs.

Mais le droit ancien fut réformé d'abord par l'empereur Arcadius, ensuite par Justinien, et le mariage fut permis entre cousins (3).

L'affinité, en ligne collatérale, ne fut alors un obstacle au mariage que jusqu'au second degré (4).

L'honnêteté publique était, parmi les Romains, un empêchement introduit par les mœurs et consacré par les lois (5).

L'adoption étant l'imitation de la nature et produisant une filiation légale, on ne considérait pas comme honnête le mariage d'un père adoptif avec la fille adoptée, quoiqu'il l'eût émancipée. Cependant l'émancipation effaçait la pa

(1) V. I. 53, ff. de Ritu nuptiarum : les lois 14 et 15, même titre : La loi Undè cognati, § 4, et la loi 17, Code de nuptiis.

(2) De Ritu nuptiarum, ff., I. 53.

(3) Instit. de nupt., § 4, et l. 19, Code de nuptiis. (4) L. 5, Code. de incert. et inutil. nupt.

(5) L. 42, ff. de Ritu nuptiarum.

renté civile. Mais le souvenir en restait, et il paraissait peu convenable qu'on épousât celle à laquelle on avait tenu lieu de père (1).

L'adoption ne donnait lieu à aucun empêchement au mariage en ligne collatérale, si ce n'est à l'égard des autres enfants du père adoptif et de sa sœur ou de sa tante paternelle; et cet empêchement était détruit par l'émancipation de l'adopté (2).

L'honnêteté publique s'opposait aussi au mariage du fils avec la fiancée de son père, ou du père avec la fiancée de son fils.

Par un semblable sentiment de convenance, le fils ne pouvait épouser la concubine du père, ni le père celle du fils. La morale répugne a de telles unions.

Elle ne permettait pas davantage que l'époux divorcé épousât la fille qui serait née postérieurement du second mariage de l'épouse (3).

D'autres empêchements étaient fondés sur la dignité ou sur la puissance.

La loi des 12 tables défendait le mariage entre les sénateurs et les plébéïens. « Elle n'avait d'autre effet, dit Mon» tesquieu, que de rendre d'un côté les patriciens plus su» perbes, de l'autre plus odieux. » Les tribuns en tiraient dans leurs harangues de grands avantages pour exciter des troubles. Elle fut dans la suite abandonnée.

Une prohibition plus convenable était celle suivant laquelle un sénateur ne pouvait pas épouser une affranchie au moins sans la permission du prince. Il ne pouvait aussi prendre pour épouse une comédienne ni une femme publique.

La prohibition s'appliquait aux filles et aux petites-filles des sénateurs à l'égard des affranchis.

Le mariage n'était pas licite entre les personnes libres et

(1) Inst. de nupt., § 1.

(2) Inst., § 1er de nupt., l. 13, 14, 27, 51, ff. de nupt.

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les esclaves, parce que ceux-ci n'ayant pas d'état civil, ne pouvaient produire que des enfants de leur condition qui devenaient la propriété mobiliaire de leur maître.

Mais ces prohibitions, modifiées d'abord par la loi Papia ensuite par la loi 13, ff de ritu nuptiarum, furent toutes abolies par les novelles 74 et 117, d'après lesquelles les ingénus de tout rang eurent la faculté de se marier avec toutes femmes, sans distinction. Seulement les personnes de l'ordre des sénateurs ou les grands dignitaires étaient tenus de faire dresser un contrat de conventions matrimoniales.

Cependant le mariage fut défendu par la novelle 134 entre la femme adultère et son complice; hommage rendu aux bonnes mœurs.

L'empêchement qui avait pour cause la puissance, s'appliquait aux gouverneurs des provinces, aux magistrats ou aux militaires et à leurs enfants à l'égard des femmes des provinces où ils excerçaient leurs fonctions, et aux tuteurs et curateurs relativement à leurs pupilles qui n'avaient pas atteint l'âge de 26 ans, tant qu'un compte définitif et apuré ne leur avait pas été rendu. Cependant la règle flé, chissait si le père du mineur avait préparé les fiançailles ou avait ordonné le mariage par testament (1).

Toutes ces sages règles assuraient la liberté des mariages, maintenaient l'ordre et la pureté dans les familles, ménageaient le respect dû aux convenances sociales.

Plusieurs d'entr'elles avaient été admises dans le droit français. Le droit canonique qui, en France, a long-temps régi les mariages, les avait adoptées et même étendues, celles surtout applicables à la parenté et à l'alliance.

Il avait établi deux classes d'empêchements.

Les uns qui étaient dirimants ou absolus. Ils sont au nombre de 14, depuis que le Concile de Trente y a ajouté le rapt et la clandestinité. On en lit le détail dans ces six vers:

(1) L. 27, 31, 36, 37, 38, 44, 59 et suivantes de ritu nuptiarum, et le titre entier du Code de nuptiis.

Error, conditio, votum, cognatio, crimen,
Cultus, disparitas, vis, ordo, ligamen, honestas,
Si sis affinis, si fortè coire nequibis ;

Si parochi et duplicis desit præsentia testis;
Rapta ve sit mulier, nec parti reddita tutæ ;

Hæc facienda vetunt connubia, facta retractant.

Parmi ces empêchements, se trouvent ceux du droit naturel.

Leur inobservation, comme le dit le dernier vers, entraînait la nullité du mariage.

Nous les comparerons dans le cours du traité à la législation actuelle.

Les autres empêchements qualifiés seulement d'empêchements ne blessaient que la discipline de l'église. Ils se réduisaient à trois: 1o Les vœux simples de garder la chasteté ; 2o les temps de l'avent et du carême, pendant lesquels il est défendu par l'église de se marier; 3° les fiançailles contractées en face de l'église. Des dispenses effaçaient ces empêchements, et leur négligence n'exposait à aucune peine civile. Mais les fiançailles, objet de la troisième contravention, pouvaient servir de fondement à une action en dommages et intérêts.

Les empêchements dirimants, établis par l'église, sont reconnus par les catholiques irlandais.

Les Pays-Bas hollandais, même les dissidents s'y soumettent aussi, parce que le Concile de Trente y avait été reçu et publié.

Quant aux Anglais, ils n'admettent, parmi les empêchements dirimants, que ceux de la loi naturelle et du droit divin exprimés dans le Lévitique. Aussi leurs mariages sontils regardés comme nuls par les catholiques, s'il y est intervenu quelque empêchement dirimant de l'ancien droit qui était suivi avant le Concile de Trente; et ceux qui se convertissent doivent prendre des dispenses pour les réhabi– liter (1).

(1) V. les Conférences de Paris sur le mariage, t. 2, livre 1, § 2.

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