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que s'est opéré le dépouillement du donateur; 3° enfin quand l'objet de la donation consiste dans un genre, le donataire est considéré comme investi des choses promises, par cela seul que la convention lui donne une action pour contraindre le donateur à exécuter son obligation. De même, quoique la donation doive essentiellement pro duire un dépouillement irrévocable, elle peut néanmoins être faite sous une condition résolutoire; car si elle se réalise, il n'y a jamais eu donation; si elle défaillit, la donation existe depuis la convention. reste, il est très-prudent de ne faire jamais que des donations pures et simples, dont l'exécution s'opère au moment de la convention; car autrement il y a souvent pour les parties bien des ennuis et bien des frais, surtout dans les conditions résolutoires.

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2o Le testament est un acte par lequel le testateur dispose, pour le temps où il n'existera plus, de tout ou partie de ses biens, et qu'il peut révoquer. Ainsi le testament est l'œuvre du seul testateur; ce n'est de sa part qu'un projet qu'il peut révoquer, et, en faisant de cette manière des libéralités au profit de personnes appelées légataires, il ne se dépouille pas lui-même de ses biens, mais il en dépouille en quelque sorte ses héritiers les plus proches.

L'auteur des libéralités entre-vifs ou testamentaires mettait autrefois souvent, dans sa disposition, la clause que le donataire conserverait les biens donnés, et les rendrait, à son décès, à un autre (ordinairement au fils aîné du donataire), qui lui-même les conserverait pour · les rendre à son tour à son fils aîné, et ainsi de suite. De pareilles clauses, qui constituent ce qu'on appelle des substitutions, sont maintenant interdites, parce qu'elles dérogeaient à l'égalité des membres de la famille, en accumulant de grands biens sur une seule tête, et qu'elles enlevaient une masse de biens à la libre circulation, en rendant celui qui les recevait, appelé grevé, propriétaire

sous une condition résolutoire au profit des substitués ou appelés. Pour arracher jusqu'à la racine des anciens abus, le Code civil déclare les substitutions absolument nulles, même à l'égard du donataire, de l'héritier institué ou de légataire; il admet cependant que les père et mère, et les frères et sœurs, pourront encore faire des substitutions, mais avec les restrictions portées au chapitre 6 du présent titre.

Toutefois, on ne prohibe point comme étant une substitution, ni la libéralité où l'usufruit serait donnée à l'un et la nue propriété à l'autre, ni la disposition par laquelle un tiers serait appelé à recueillir le don, l'hérédité ou le legs, dans le cas où le donataire, l'héritier institué ou le légataire ne le recueillerait pas. En effet, dans ces deux cas, il n'y a pas de dérogation apportée à l'égalité des membres de la famille, et il n'y a rien qui nuise à la circulation des biens.

Dans toute libéralité entre-vifs ou testamentaire, les conditions ou charges qui sont impossibles, contraires aux lois ou aux mœurs, sont réputées non écrites, et la libéralité produit tout son effet car le donateur ou testateur n'aurait sans doute pas inséré une pareille condition, s'il eût su qu'elle vicierait dans son essence sa libéralité. Dans les contrats ou actes à titre onéreux, de pareilles conditions rendent, au contraire, l'acte luimême radicalement nul.

CHAPITRE II. — De la capacité de disposer ou de recevoir
par douation entre-vifs ou par testament.

La règle en cette matière est que toutes personnes, même les étrangers, peuvent disposer ou recevoir par donation entre-vifs ou par testament. Toutefois celui qui dispose ainsi à titre gratuit doit être sain d'esprit, et celui qui reçoit doit être conçu à l'époque de la donation entrevifs, et, quand il s'agit de testament, à l'époque du décès du testateur.

La règle générale que toute personne peut disposer et recevoir admet quelques restrictions.

1o D'après la loi du 51 mai 1854, abolitive de la mort civile, le condamné à une peine afflictive perpétuelle ne peut disposer de ses liens par libéralité, ni recevoir à ce titre, si ce n'est pour cause d'aliments.

2o Le mineur ne peut faire de libéralités, si ce n'est par contrat de mariage et avec l'assistance de certaines personnes. Cependant, quand il a plus de seize ans, il peut disposer par testament de la moitié des biens dont il pourrait disposer s'il était majeur; mais il ne pourrait disposer en aucune manière au profit de son tuteur, si celui-ci n'est point son ascendant, car on présumerait que la disposition est plutôt le résultat de l'influence que celui d'une vraie affection; aussi la loi frappe même de nullité les dispositions quelconques faites par un majeur au profit de celui qui a été son tuteur, autre qu'un ascendant, lorsque ce tuteur n'a pas encore rendu son compte définitif de tutelle.

3° L'interdit ne peut faire aucune disposition valable. 4° La femme mariée peut disposer par testament; mais pour disposer entre vifs, il lui faut l'autorisation spéciale de son mari ou de justice.

5o Les enfants naturels et leurs descendants ne peuvent recevoir de leurs père et mère rien au delà de ce qui leur est accordé au titre des successions (page 79).

6o Ceux qui ont traité une personne dans la maladie dont elle meurt, comme les médecins, chirurgiens, pharmaciens, garde-malades et ministres du culte, ne peuvent pas profiter des libéralités qui leur ont été faites pendant le cours de cette maladie. Ils pourraient néanmoins profiter des dispositions rémunératoires faites à titre particulier, eu égard aux facultés du disposant et aux services rendus; mais si de telles dispositions étaient excessives, elles ne seraient pas réduites elles seraient annulées comme étant le résultat de l'influence. S'ils sont

parents au quatrième degré du défunt, qui ne laisse pas d'ailleurs de parents en ligne directe, ou s'ils sont euxmêmes des parents en ligne directe ou le conjoint, ils peuvent profiter des dispositions universelles faites à leur profit.

7° Les hospices, les pauvres d'une commune et les établissements d'utilité publique sont des personnes civiles, capables de recueillir les dons et legs; mais la disposition faite à leur profit n'a d'effet qu'après avoir été autorisée par une ordonnance du chef de l'État.

Toute disposition faite au profit d'un incapable de recevoir est nulle, lors même qu'elle serait déguisée sous la forme d'un contrat à titre onéreux, ou qu'elle serait faite à une personne interposée. Quand la libéralité est faite au père, à la mère, aux enfants et descendants ou à l'époux de l'incapable, il y a une présomption légale d'interposition qui n'admet pas la preuve contraire; quand, au contraire, elle est faite à d'autres personnes, l'interposition n'est pas présumée, et c'est par conséquent à celui qui a intérêt à faire tomber la disposition, à prouver que l'interposition existe.

CHAPITRE III. De la portion de biens disponible
et de la rédaction.

Ce chapitre se divise en deux sections.

SECTION I.

·De la portion de biens disponible. Le propriétaire peut disposer de ses biens comme bon lui semble, pourvu qu'il n'en fasse pas un usage contraire à l'ordre public. Ce principe est absolu pour les actes à titre onéreux; mais pour les actes à titre gratuit, il souffre deux exceptions importantes, introduites en faveur de certains membres de la famille : l'une concerne les enfants et descendants; l'autre concerne les ascendants.

1o Les libéralités entre-vifs et par testament ne peuvent excéder la moitié des biens du disposant, s'il ne laisse

qu'un enfant; le tiers, s'il laisse deux enfants; le quart, s'il en laisse trois ou un plus grand nombre. Sous le nom d'enfants, on comprend aussi les autres descendants, à quelque degré que ce soit; mais ils ne sont comptés que pour l'enfant qu'ils représentent dans la succession de disposant.

2° Les libéralités entre-vifs ou par testament ne peuvent excéder la moitié des biens, si le défunt laisse un ou plusieurs ascendants dans chacune des lignes paternelle et maternelle; elles ne peuvent excéder le quart, si le défunt ne laisse d'ascendants que dans une ligne. Lorsqu'il y a un ou plusieurs ascendants d'une ligne, en concours avec des collatéraux de l'autre ligne, l'ascendant doit toujours avoir au moins le quart de la masse des biens donnés et laissés. Si les biens laissés dépassent la moitié en valeur de cette masse, l'ascendant partage par moitié ce qui reste avec les collatéraux de l'autre ligne; s'ils sont inférieurs à cette moitié, il prend le quart de la masse sur les biens laissés, et, en cas d'insuffisance, il le complète en réduisant les biens donnés.

Il y a un cas remarquable où les ascendants autres que père et mère n'ont pas droit à la réserve : c'est lorsque le défunt laisse des frères, sœurs ou descendants d'eux. Ceux-ci, en effet, excluent les ascendants autres que père et mère, et ils n'ont pas droit à la réserve; or les ascendants, qui ne peuvent pas avoir des droits plus forts que ceux qui les excluent, n'ont donc, en ce cas, aucun droit de réserve.

Au reste, la quotité disponible peut être donnée nonseulement à des tiers, mais encore à un ou à quelquesuns des réservataires; toutefois, le donataire ou légataire venant à la succession sera tenu alors de rapporter les dons et legs qu'il a reçus, excepté cependant lorsqu'ils lui ont été faits à titre de préciput ou hors part, et que le défunt en a fait la déclaration expresse dans l'acte de disposition ou dans un acte postérieur revêtu des

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