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quoi qu'il en fût, et quels que pussent être les torts de M. de Cyprey, il n'en était pas moins vrai qu'insulté publiquement, et forcé de se défendre les armes à la main contre des agresseurs qui n'avaient pas respecté en lui l'ambassadeur d'un grand pays, M. de Cyprey avait droit à la réparation qu'il poursuivait dējā depuis longtemps. Le changement arrivé dans l'administration, et la substitution au poste de ministre des affaires étrangères de M. Pena y Pena à M. Cuevas, n'avaient pas été de nature à faciliter un accommodement amiable. Les promesses de réparation faites sans réserves à M. de Cyprey, pár M. Cuevas, en présence des ministres de la Grande-Bretagne et d'Espagne, semblaient avoir été oubliées par son successeur, M. Pena y Pena. qui paraissait ne se pas croire obligé par elles.

Dans ces circonstances. M. de Cyprey crut devoir rompre avec le gouvernement mexicain toutes relations diplomatiques, et confier au ministre d'Espagne la protection de ses nationaux. Il ne le fit toutefois qu'après avoir épuisé tous les moyens de conciliation, et avoir adressé à M. Cuevas d'abord, à M. Pena y Pena ensuite, des notes définitives dont voici le contenu.

Le ministre de France à M. Cuevas, ministre des affaires étrangères du gouvernement mexicain, le 30 juillet.

Les notes et memorandum que j'ai eu l'honneur d'adresser à Votre Excellence les 26 et 27 de ce mois n'auraient dû, à mon avis, faire naître ni surprise ni regret. Ces actes étaient la conséquence nécessaire des promesses que vous aviez faites au ministre du Roi au nom du gouvernement mexicain, par écrit ou en présence de LL. Exc. les ambassadeurs d'Espagne et d'Angleterre. Votre Excellence, dans sa réponse faite à ma note d'hier, parait douter que j'aie reçu convenablement les sentiments bienveillants du gouvernement mexicain, et les principes qui l'ont guidé. Je ferai remarquer que les sentiments d'une nation se manifestent mieux par des actes que par des paroles qui n'amènent aucun résultat.

«Quant aux principes, je déclare que je n'en connais pas qui soient opposés à ceux établis par la loi des nations. Quand le Mexique a demandé son admission dans la famille des nations, les grandes puissances ont accédé à sa demande sous la condition qu'il se soumettrait comme elles au droit des gens Cette loi, supérieure à toute législation intérieure, yeut que l'outrage fait par une nation à une autre soit réparé. Ainsi le Mexique doit donner satifaction à la France à raison de l'attentat contre l'inviolabilité du minis re du Roi commis par deux fonctionnaires mexicains. Ce droit ne peut être écarté

par des considérations secondaires tirées de la législation du pays. Un gouvernement qui dit (je n'applique point cette remarque au Mexique) qu'il ne peut réparer les outrages commis par ses sujets n'est plus un gouvernement. Pendant deux mois j'ai, par une patience exemplaire, déployé l'esprit de conciliation dont je suis animé ; j'ai même prié récemment Votre Excellence d'indiquer l'époque où elle croirait convenable de remplir la promesse faite d'une manière si expresse. Non-seulement Votre Excellence u'a pas rempli sa promesse, mais sa note d'hier prouve qu'elle l'a indéfiniment ajournée. La dignité de la France me commande de déclarer que je ne puis étendre au delà du 15 du mois prochain le délai réclamé par Votre Excellence. J'espère que Votre Excellence sera disposée à me donner la satisfaction demandée, sinon le ministre de France sera forcé de rompre toutes relations diplomatiques avec la république..

Le ministre de France à M. Pena y Pena, ministre des affaires étrangères du gouvernement mexicain, le 24 août.

En accédant au désir exprimé par S. Exc. le ministre Pena y Pena d'obtenir un délai ultérieur pour prendre une détermination en ce qui concerne la réparation due à la France pour l'insulte faite au Roi, le 25 mai dernier, dans la personne de son ministre plénipotentiairé, le soussigné a informé le ministre des affaires étrangères qu'il attendrait huit jours de plus, soit pour la destitution des deux fonctionnaires coupables, soit pour demander ses passe-ports. Le faible espoir que le soussigné avait conservé de voir les droits et les devoirs réciproques des nations reconnus par le gouvernement mexicain a disparu à la lecture de la note que S. Exc. M. Pena y Pena m'a remise ce matin. Cette note contient: 1o des insinuations qui prouvent que l'on n'a point eu égard aux déclarations du ministre du Roi, du secrétaire de l'ambassade et de plusieurs personnes respectables qui accompagnaient le ministre, mais qu'au contraire on a montré une injuste partialité pour de faux rapports et de fausses déclarations recueillies contre des étrangers avec cette précaution dont on a fait preuve dans toute cette affaire; 2o des citations qui, bien qu'exactes, ne s'appliquent nullement au cas dans lequel le ministre du Roi a demandé une réparation juste et légitime; 30 une confusion volontaire entre une insulte soudaine faite à un ambassadeur dont la qualité n'est pas connue en ce moment, et des outrages continus envers un ambassadeur dont la qualité est connue, et après que le coupable l'a appelé par son titre; 4o une détermination réitérée de paraître ignorer les faits de la cause dans leur ordre successif, afin d'élever des doutes sur l'origine de l'affaire, bien qu'il soit connu que l'affaire est venue du traitement violent infligé aux domestiques du ministre de France, qui avaient été blessés, dans le but évident de saisir une chose appartenant au ministre ; 5o un aveu de l'impossibilité où se trouve le gouvernement d'accorder la réparation demandée; 6o une interprétation inadmissible des lois des nations, tendant à prouver que les promesses faites par son prédécesseur n'obligent pas M. Pena y Pena, bien que les promesses aient été faites sans réserve par M. Cuevas en présence des ministres de la Grande-Bretagne et d'Espagne,

avec des extraits de passages de Vattel qui tendent à justifier cette doctrine.

«Le soussigné, loin de mépriser l'autorité de Vattel, soutient que cette autorité exclut des négociations tout subterfuge et équivoque. Pour éclairer la citation de Vattel, le soussigné appelle l'attention de S. Exc. sur les pages 232 et 233 du chap. 15, liv. 11, et sur le chap. 17 du même livre, dans lesquels il est dit qu'une interprétation manifestement fausse est contraire à la bonne foi; que le véritable sens d'une promesse est celui qui a été ouvertement déclaré, et que ce n'est qu'en entendant ainsi la nature d'une promesse que l'on peut repousser les tentatives qui auraient pour but de l'éluder.

«

<< Certainement l'engagement pris par le prédécesseur de M. Pena y Pena est suffisamment explicite, et d'après Vattel, livre 11, page 283, on re peut soutenir qu'il soit nul et sans force. Soutenir cela, serait pousser l'absurdité à sa dernière limite. Le soussigné pense qu'il est inutile d'entrer dans une plus ample discussion. Il voit dans la note de M. Pena y Pena un refus positif de remplir les promesses faites par M. Cuevas, et de faire au Roi la réparation que son ministre a demandée, en faisant toutes les concessions compatibles avec la dignité de la France. Il ne reste plus au soussigné qu'à demander la délivrance de son passe-port à S. Exc. le ministre des affaires étrangères, et à déclarer que dès ce moment les relations entre la légation de France et le gouvernement mexicain sont suspendues. »

Le ministre espagnol, M. Bermudez de Castro, resta, après le départ de M. de Cyprey, chargé de sauvegarder les intérêts des résidents français. La situation de ces derniers était, au reste, devenue difficile et même dangereuse par suite de ces déplorables incidents.

En même temps que se terminait ainsi la lutte établie entre le gouvernement mexicain et le ministre de France, le ministre anglais, M. Bank-Head, obtenait pleine satisfaction pour des réclamations faites par lui contre l'annulation, par Santa-Anna. de contrats passés avec des maisons anglaises. Une note éner gique, envoyée au gouvernement mexicain par lord Aberdeen, parvint à changer les dispositions du congrès, et les contrats furent définitivement validés.

Le 27 août, le président Herrera promulgua un décret adopté par le congrès, qui réglait les rapports commerciaux du Mexique avec les autres États. Il y était dit que, dans les quarante jours de la publication, le gouvernement établirait un nouveau tarif maritime et des frontières résumant toutes les améliorations

dont l'expérience avait démontré la nécessité pour concilier les intérêts du trésor, du commerce et des manufactures.

Ce tarif devait être formé d'après les bases suivantes : 1o Les ports déjà ouverts au commerce étranger et des côtes resteraient dans le même état. 2o La défense d'introduire des marchandises étrangères dont l'introduction n'était pas permise à l'époque des bases primitives, ou qui avait été sanctionnée par le congrès actuel, resterait en vigueur. 3° Il n'y aurait aucun changement à l'égard des marchandises qui entraient jusqu'à présent libres de droits, et les règles des articles 5, 6 et 7 du tarif du 25 septembre 1843 resteraient en vigueur. 4° Quant aux droits à percevoir à l'avenir, il n'y aurait aucune augmentation du chiffre établi par le tarif de 1843, et les droits ne descendraient pas audessous du chiffre fixé par le tarif de 1832. Le temps fixé pour le payement du droit ne pourrait être abrégé. Les droits auxquels étaient actuellement soumises les marchandises étrangères semblables à celles fabriquées dans le pays ne seraient pas diminués lorsque, de l'avis du gouvernement ou du conseil des ministres, il y en aurait en suffisante quantité pour les besoins du pays. 5o Le payement des droits se ferait dans les douanes maritimes et intérieures de la Vera-Cruz et de Tampico et au trésor général du Mexique, sauf la portion de ces droits affectée au payement des garnisons de ces places et au payement des intérêts de la dette intérieure et étrangère. 6o Le nouveau tarif ne serait mis en vigueur que dans les six mois à partir de la promulgation du décret pour les marchandises venant de l'Europe par l'Atlantique. Quant à celles arrivant des Antilles, d'Asie et des États-Unis ou d'Europe par l'océan Pacifique, un délai serait ultérieurement fixé.

RÉPUBLIQUE ARGENTINE.

La situation créée dans la Plata n'est pas de celles qui changent fréquemment. Au commencement de l'année, M. le contre

amiral Laisné persistait dans son refus de reconnaître le blocus rigoureux de Montevideo, l'escadre argentine étant impuissante à l'effectuer. De son côté, le gouvernement argentin faisait strictement exécuter, depuis le 1er mars, un décret qui défendait l'entrée de Buenos-Ayres à tout bâtiment qui aurait touche à Montevideo. Les navires ayant dès lors à choisir entre Montevideo et Buenos-Ayres, avaient absolúment abandonne le premier port, qui ne leur offrait que des ressources insuffisantes de vente sans possibilité de chargement. Le contre-amiral se voyait donc obligé d'approvisionner lui-même Montevideo, at moyen des bâtiments de l'escadre, comme l'avait déjà fait le commodore Purvis.

La France et l'Angleterre se décidèrent à intervenir d'une manière plus efficace. M. Gore-Ouseley fat envoyé de Londres pour s'entendre avec M. de Mareuil, et M. le baron Deffaudis partit quelque temps après pour se concerter avec eux sur une résolution définitive touchant les affaires de la Plata.

Ces deux représentants des deux grandes puissances européennes sommèrent, à leur arrivée, le gouvernement argentin de révoquer le décret interdisant toute communication avec les vaisseaux de guerre français et anglais, ou de rendre cette înterdiction générale, menaçant de faire bloquer, en cas de refus, le port même de Buenos-Ayres.

Et cependant, avant d'en venir à ces extrémités, les deuf gouvernements intervenants n'avaient pas épargne les représentations amicales et les protestations de bienveillance envers la confédération argentine. Lorsque, le 8 mai, M. Ouseley avait été reçu par le gouverneur Rosas comme ministre plénipotentiaire de S. M. Britannique, la lettre qu'il avait dà présenter de la part de la reine Victoria était conçue en ces termes :

«Victoria, par la grâce de Dieu reine du royaume de la Grande-Bretagne et de l'Irlande, défenseur de la foi, etc., à la confédération argentine, salut !

«Nos bons amis, n'ayant rien de plus à cœur que de cultiver et étendre l'amitié et la bonne entente qui subsistent si heureusement entre les deux pays, et ayant la plus grande confiance dans la fidélité, la prudence et les

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