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vingts ans, notre population était bornée, à l'ouest, par la chaîne des Alleghanies. Depuis cette époque, contemporaine, je puis le dire, de quelques-uns de mes auditeurs, notre peuple, s'accroissant chaque jour, a rempli la vallée du Mississipi, puis il est remonté, dans sa course aventureuse, jusqu'aux sources du Missouri, et déjà il répand les bienfaits du gouvernement démocratique dans ces vallées dont les rivières vont se jeter dans l'océan Pacifique. »

Le 4 juin, M. Anson Jones, président de la république du Texas, publia une proclamation pour porter à la connaissance des Texiens l'assurance qu'il recevait officiellement des dispositions du gouvernement mexicain à traiter avec le Texas et à le reconnaître comme État indépendant, sous la condition qu'il n'abdiquerait pas toute indépendance pour entrer dans la confédération des États-Unis.

Il résultait de ce document qu'au mois de mai, les ministres accrédités près du gouvernement texien par la France et l'Angleterre, avaient offert leurs bons offices pour,négocier un arrangement entre le Mexique et le Texas, en prenant pour base l'indépendance de cette dernière république.

Le président n'avait pas cru devoir écarter une proposition semblable, émanée d'aussi hautes puissances. Il avait remis aux envoyés de France et d'Angleterre une note indiquant les conditions qu'il jugeait admissibles pour le Texas, en déclarant toutefois que, quelle que fût l'issue des négociations, il aurait à soumettre à la sanction nationale l'arrangement conclu par leurs soins. En outre, il avait ordonné aux chargés d'affaires du Texas près des cours de France et d'Angleterre, de faire savoir aux deux cabinets que si, postérieurement à la conclusion de la paix avec le Mexique, le peuple texien jugeait à propos de mettre fin à son isolement en se joignant aux États-Unis, le pouvoir exécutif ne manquerait pas de se conformer à ce vœu national.

«Or, disait la proclamation, le congrès mexicain a autorisé le gouvernement à traiter avec nous, et le gouvernement mexicain a accepté les conditions présentées au nom du Texas, comme devant servir de base à un traité de paix définitif. »

Dans ces circonstances, le président croyait de son devoir de

donner avis du fait au congrès texien et à la convention spéciale convoquée pour prononcer sur l'annexion avant leurs réunions des 16 juin et 4 juillet. Il les en informait, était-il dit, pour les mettre à même «de faire leur choix entre deux alternatives d'un côté, l'indépendance et la paix avec l'univers; de l'autre, l'annexion avec ses chances (annexation and its contingencies). »

Ces paroles du président Jones indiquaient assez qu'il était opposé à la mesure. Il avait été élu, en septembre 1844, par une majorité qui ne voulait pas de l'annexion. Mais, depuis cette époque, un grand revirement avait eu lieu dans l'opinion publique, et la majorité des citoyens était résolue de s'unir aux États-Unis. L'adoption définitive par le congrès texien des propositions d'annexion faites par les États-Unis ne pouvait donc se faire attendre; et cependant, bien que cette résolution fût prévue, elle causa néanmoins une certaine surprise, à cause de rapidité inattendue avec laquelle la législature du Texas l'avait décidée. Le président Jones avait convoqué un congrès spécial à cette occasion. Le 16 juin, il adressa aux deux Chambres message d'adoption.

Restait à présenter au peuple texien l'alternative de l'annexion ou de l'indépendance, et sa voix devait décider du résultat. Quant au pouvoir exécutif, il donnerait, autant qu'il dépendrait de lui, un prompt et entier effet à l'expression du vœu de la nation.

Le 18 juin, le sénat vota la résolution d'annexion, et l'envoya à la Chambre des représentants, qui la vota le lendemain. Une sorte de lutte s'était engagée entre les deux Chambres pour décider laquelle des deux présenterait le projet de loi. Le sénat prit l'initiative de ces résolutions, ainsi conçues :

Attendu que le gouvernement des États-Unis a proposé les termes suivants, selon lesquels le peuple et le territoire de la république du Texas pourraient être érigés en un nouvel État, qui serait appelé l'État du Texas, et admis comme l'un des États de l'Union américaine (suivent les résolutions du congrès des États-Unis);

a

« Et attendu que, selon ces mêmes termes, le consentement du gouvernement actuel du Texas est requis:

« 1o Il est résolu par le sénat et la Chambre des représentants de la république du Texas, assemblés en congrès, que le gouvernement du Texas consent à ce que le peuple et le territoire de la républiquè du Texas soient érigés en un nouvel État, qui sera appelé l'État du Texas, avec une forme républicaine de gouvernement qui devra être adoptée par le peuple de ladite république, par des députés assemblés en convention, afin que ladite république soit admise comme l'un des États de l'Union américaine, et ledit consentement est donné selon les termes, conditions et garanties exprimés dans le préambule.

« 2o Il est aussi résolu que la proclamation du président de la république du Texas, portant la date du 5 mai 1845, et l'élection de députés pour tenir une convention à Austin le 4 juillet suivant, pour l'adoption d'une constitution pour l'État du Texas, faite conformément à cette proclamation, reçoivent ici le consentement du gouvernement existant du Texas.

« 3o 1l est aussi résolu que le président du Texas est immédiatement requis de donner au gouvernement des États-Unis, par l'intermédiaire de son ministre résident, une copie de cette double résolution; et de donner aussi cette copie à la convention qui s'assemblera à Austin le 4 juillet, et cette résolution aura force de loi aussitôt après avoir été adoptée. »

Aussitôt après l'adoption du projet d'annexion, le président texien fit demander au commandant des forces américaines, au port Jessur, deux régiments des troupes de l'Union. Des ordres furent immédiatement donnés pour mettre ces troupes en mouvement.

En présence de la résolution si rapidement prise par le congrès texien, les ouvertures faites pour la reconnaissance de l'indépendance du Texas, par l'instigation du Mexique, au nom des représentants de France et d'Angleterre, étaient devenues inutiles. Elles furent, du reste, rejetées par les deux Chambres texiennes, à l'unanimité.

Ainsi résolue par les pouvoirs législatifs et exécutifs des États Unis, et plus encore par le consentement du Texas lui-même, l'annexion ne pouvait avoir d'autre effet immédiat que d'exciter les vaniteuses et inutiles colères du gouvernement mexicain. Les déclarations de guerre, les appels aux armes, les protestations menaçantes du Mexique, ne devaient entraver en rien la marche du gouvernement américain. Ces ridicules rodomontades aboù'tirent, au reste, à une solution toute pacifique. La querelle finit,

pour le moment, par une dépêche que le consul américain résidant dans la capitale du Mexique adressa au gouvernement de ce pays pour l'inviter à renouer ses relations avec le cabinet de Washington, et à régler d'un commun accord la question des frontières du Texas, désormais l'un des États de l'Union.

Cette dépêche fut l'occasion d'une manifestation assez singtlière envers la Grande-Bretagne. Elle y était officiellement signalée au gouvernement mexicain comme l'ennemi commun des deux pays. Il y était dit que, lorsque le ministre plénipotentiaire du Mexique, le général Almonte, avait quitté les Etats-Unis, le président avait exprimé le regret que le gouvernement mexicain eût cru devoir rompre; car il désirait la continuation des relations amicales qui jusqu'alors avaient existé entre les deux pays. Conformément à ce désir, et nonobstant l'attitude hostile prise par le Mexique, le gouvernement des États-Unis avait autorisé son consul à Mexico, M. Black, à demander au cabinet mexicain s'il consentait à recevoir un agent diplomatique, chargé de négocier l'arrangement de difficultés nées de l'annexion du Texas. Cette annexion, était-il ajouté, était nécessaire pour empêcher que ni les États-Unis ni le Mexique ne fus sent victimes des machinations de leur commun ennemi, qui, pour faire triompher sa politique abolitionniste, était intervenu, sans droit ni mission, dans les affaires du Texas.

Ce langage était peu diplomatique, et M. Packenham dut demander des explications sur cette singulière dépêche.

Quant au gouvernement mexicain, il accepta la proposition du cabinet de Washington, ne mettant à son consentement qu'unë seule condition, à savoir que la flotte américaine s'éloignerait de Vera-Cruz, où elle avait pris position par suite des menaces inconsidérées du Mexique. 'Cette condition fut exécutée immédiatement par les États-Unis.

Les prétentions des États-Unis, dans cette négociation qui allait s'ouvrir au sujet de la délimitation du nouvel État, n'étaient pas nouvelles. Ils entendaient que les frontières du Texas s'étendissent à l'ouest, jusqu'au Rio Bravo-del-Norte, et, au

nord, jusqu'au 36 parallèle: c'était là, en quelques mots, ajouter au Texas proprement dit un territoire plus grand que le Texas même. Le cabinet de Washington attachait une grande importance à voir le Mexique ramener sa frontière nord à ce même 36o parallèle, au lieu de la porter, comme actuellement, au 42o. Il faisait observer au gouvernement mexicain qu'au delà du 36o parallèle, son autorité était purement nominale, et qu'elle, gagnerait en force par une intelligente concentration.

Si ces prétentions étaient admises, non-seulement le Texas se trouverait singulièrement agrandi, mais encore la domination fédérale se rapprocherait considérablement des districts où sont situées les mines.

De plus, par le fait même de cette extension des frontières, la question de l'Orégon serait tout à coup simplifiée. L'Orégon, en effet, ce territoire litigieux qui s'étend du 42° parallèle jusqu'aux confins de l'Amérique russe, renfermé dans ses limites actuelles, ne présente que des avantages contestables. Il est désert et improductif; son grand cours d'eau, la rivière Columbia. présente une barre dangereuse, et son littoral n'offre aucun port parfaitement sur dans la mer Pacifique. Mais, si les ÉtatsUnis tiennent à l'occuper, c'est qu'il les met à portée de la magnifique baie de San-Francisco et de San-Carlos-de-Monterey. Or, si la négociation pendante avec le Mexique devai réussir, si le Mexique ramenait sa frontière nord au-dessous du 36o parallèle, ces points si enviables seraient acquis à l'Union. et il n'y aurait plus pour elle aucune difficulté à céder à l'Angleterre la partie de l'Orégon comprise entre le 49o et le 54° parallèle.

Au reste, de quelque manière que ces faits dussent s'accomplir, on pouvait déjà comprendre que ces désirs de la confédération américaine ne tarderaient pas à devenir des réalités, et que, soit par des négociations, soit par la force ouverte, l'Union s'appuierait bientôt sur les rives des deux grands Océans.

Mais déjà, à propos de l'Orégon, il n'allait plus seulement ètre question de mesures et de négociations diplomatiques. Les faits

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