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nécessaire au payement des intérêts. Le remboursement serait fait en treize ans. Ces 4 millions de liv. sterl. représentant á peu près la moitié de la dette, si la première opération réussissáit, il était probable que la conversion de l'autre moitié se ferait avec une très-grande facilité.

Un curieux incident vint, à la fin de la session, dévoiler les espérances qu'entretiennent encore, à l'encontre du gouvernement régnant, quelques homines des plus importants du pays, et même des membres de la représentation nationale.

Vers la fin de mars, les miguelistes réfugiés avaient reparu dans quelques provinces et préparaient les esprits à un but hautement avoué, le renversement de la reine dona Maria. Le chef de ce complot était le fameux Ribeiro Saraiva, secrétairė de don Miguel. Cet homme, si connu par son esprit d'intrigue, ävait réussi à ranimer les espérances des miguelistes découragés, et à associer à ses vues plusieurs personnes influentes. Grâce à un emprunt récemment fait à Londres, il comptait réunir assez de ressources pour rentrer en Portugal au printemps et y rallumer la guerre civile. Le gouvernement, qui depuis quelque temps, suivait toutes les démarches de Ribeiro Saraiva, finit par s'emparer de quelques-unes des lettres qu'il écrivait aux chefs de la conspiration. L'une de ces lettres compromettait très-gravement le marquis de Nisa', membre de la Chambre des pairs et descendant de Vasco de Gama."

Le 7 avril, M. le ministre de l'intérieur appela sur cette affaire l'attention de la Chambre, et M. de Nisa, directement désigné, dut s'expliquer. Il ne pia pas qu'étant à Rome, il n'eût entretenu des relations avec don Miguel, mais il prétendit que c'était pour ini rendre service, et se plaignit que le gouvernement eut trouvé matière à protestation dans un acte aussi simple et aussi honorable.

M. Costa-Cabral répondit que le gouvernement avait dans les mains une correspondance très-importante, et dans laquelle on assurait qu'un pair du royaume, en faisant publiquement acte

de soumission à don Miguel, avait offert à ce prince l'appui de son nom et de son influence pour le rétablir sur le trône.

M. Costa-Cabral déclara, en outre, que, pour qu'il ne reståt aucun doute dans les pays sur les sentiments de la noble Chambre, il lui proposait un message dans lequel elle déclarerait à Sa Majesté qu'elle ne reconnaissait d'autre souverain que dona Maria et d'autres lois que la Charte constitutionnelle.

Ces paroles du ministre furent couvertes d'applaudissements, et tous les pairs, à l'exception du marquis de Nisa et de quelques autres en très-petit nombre, s'empressèrent de signer le message.

La session des Chambres portugaises fut close le 19 avril. Les élections allaient commencer un mois après. Les partis s'agitèrent de nouveau et se préparèrent à la lutte. M. CostaCabral provoqua et présida une réunion des membres les plus influents du parti chartiste. Le manifeste politique de l'assemblée une fois arrêté, on procéda à l'élection des membres qui devaient composer le comité central chargé de diriger les opérations électorales dans toutes les provinces. M. Costa-Cabral fut nommé président de ce comité, et l'assemblée le pria d'user de la double influence que lui donnait sa valeur personnelle et sa position officielle, pour assurer le triomphe des principes conservateurs.

Battue dans presque tous les colléges à d'immenses majorités, l'opposition adressa à la reine une exposition de ses griefs contre le ministère. Voici quelques passages de cette pièce :

K

Madame, nous ne nous plaignons pas de vous, qui êtes bonne et juste; nous nous plaignons à vous et notre plainte s'élève contre vos ministres. Madame, vous dormez pendant que vos sujets gémissent; il est temps que leurs gémissements vous éveillent. Ce sommeil de l'innocence ne vous messied pas, assurément; vous pensez sans doute que nous sommes tous heureux; vous êtes dans un grave erreur.

«Dieu aussi dormait quand son peuple était esclave et que ses larmes étaient son pain du jour et de la nuit ! Quare obdormis, Domine : quare oblitus es mei ? disait le saint prophète. Avec le même respect et la même soumission qu'il s'adressait à Dieu, nous vous prions, madame, de vous réveiller.

Le peuple hébreu se demandait tous les jours, ubi est Deus meus ? où est mon Dieu ? Vos sujets s'écrient aussi : Où est notre reine?

Madame, comme le cerf altéré cherche les sources d'eau vive, de même votre peuple vient à vous qui êtes une source de grâce et de justice. Hâtezvous, madame, bâtez-vous! Hâtez-vous et courez, car si vous ne couréz pas, il se peut que vous ne trouviez plus personne à secourir!

Madame, vous avez comblé vos ministres de bienfaits, ils nous ont comblés d'infamies.

Ils nous ont appelés à la lutte électorale, et la lutte électorale a été une boucherie cruelle où nous n'avons trouvé que la mort.

Madame, nous avons été dépouillés de nos droits par les agents du pouvoir exécutif, de nos vies par le poignard des assassins et les armes de vos soldats!

Madame, toutes les insurrections que nous avons traversées, tous les mouvements anarchiques que nous avons vus, n'ont pas produit la dixième partie des morts violentes qui ont été la conséquence de cette légalité menteuse dont on fait tant de bruit.

Madame, vos ministres nous ont appelés en duel, et pendant qu'ils nous donnaient pour arme une liste électorale, ils cachaient un poignard qu'il nous ont plongé dans la poitrine dans ce vil guet-apens. »

Les pétitionnaires rappelaient ensuite, et en les attribuant au ministère, l'assassinat des juges du district de Villa Ponca y Muloes, des électeurs de Viana, des habitants d'Aveiro et de Posto de Moz. Ils terminaient ainsi :

Ce cadre, madame, attristera certainement le cœur de Votre Majesté, qui n'apprendra pas sans douleur que vos sujets sont en butte à une politique plus barbare que celle qui gouverne la Turquie; mais, vous devez le savoir pour y porter remède, et vous n'avez que ce moyen d'être tranquille.

Ah! si la reine le savait!... Madame, cette exclamation populaire est l'expression des sentiments d'amour et de confiance de vos sujets!... Vous ne tromperez pas leur espoir!... La Providence sur la terre, c'est Yous!

Nous sommes opprimés et nous demandons justice et réparation; nous les demandons à qui peut nous les donner.

Si vous nous livriez à vos ministres, à quoi nous servirait la majesté dont vous êtes entourée? Votre pouvoir serait nul ou inutile! En pareil cas, la monarchie aurait tous les inconvénients de la république, sans avoir aucun de ses avantages.

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Madame, le casus fœderis est arrivé. D'un côté se trouve la nation entière opprimée; de l'autre, six ministres.

Cette nation pacifique a versé son sang pour vous placer sur le trône, elle le répand aujourd'hui sous les coups de vos ministres.

Madame, le mal est grand, le remède doit être prompt. Sauver la na

tion, c'est vous sauver. Acquittez la dette que vous avez contraciée, et Dieu rendra prospère vos jours, ceux de votre époux et de vos enfants. »

Malgré ces récriminations de l'opposition, les candidats du gouvernement n'en avaient pas moins été élus dans tous les colléges. Il n'y avait eu d'exception que dans l'Alentejo, qui avait renvoyé à la Chambre les chefs les plus notables de l'opposition, MM. Manoel Passos, Almeida-Garey, José-Maria Grande, et Rodrigo de Fonsaca Magalhaes. Et encore ces nominations s'êtaient-elles faites sous l'influence et sous la direction du gouvernement. Le ministère avait craint que, en l'absence complète d'adversaires, l'opposition lui vint de ses propres amis, et il avait travaillé dans son propre intérêt au principe que la coalition remportait dans l'Alentejo. Il en avait choisi les membres les plus notables, les plus influents et les plus ambitieux, dans l'espoir que la vivacité de leurs suffrages, en obligeant la majorité constitutionnelle à se tenir constamment sur ses gardes, la forcerait à rester toujours compacte et résolue.·

Au reste, la composition de la Chambre présentait un spectacle remarquable et plein d'encouragements pour l'avenir. Les hommes spéciaux y abondaient, tandis que les hommes politiques n'y étaient qu'en très-petit nombre. Aussi pouvait-on espérer que le mouvement industriel qui se fait depuis quelque temps très-vivement sentir dans le pays serait fortement secondé dans la prochaine législature.

A l'occasion de fètes brillantes données à la reine par M. Costa-Cabral dans son château de Tomar, la reine récompensa le jeune ministre des services qu'il avait rendus à la monarchie en lui donnant le titre de comte de Tomar. L'opposition vit là un nouveau gage donné à l'instrument aveugle de l'absolutisme. D'autres en prirent occasion pour rappeler que M. CostaCabral n'avait pas même su faire ce que lui demandait sa position dans l'intérêt de la monarchie; qu'il n'avait pas tepu suffisamment compte de quelques hommes de talent et d'influence qu'il avait par là jetés dans l'opposition, affaiblissant ainsi le parti conservateur. D'autres enfin virent là une récom

pense méritée accordée à un homme qui, par son énergie et son habileté, avait su faire face aux insurrections militaires, à l'opposition de la magistrature et des universités, et aux embarras du trésor; ils le louaient d'avoir rétabli l'ordre, et rendu possible et facile le gouvernement représentatif.

Quelques changements eurent lieu à cette époque dans le corps diplomatique.

Le baron de Renduffe, ministre plénipotentiaire à la cour de Berlin, passa en la mème qualité en la cour d'Espagne; il fut remplacé à Berlin par M. Nuño Barbosa Figuereido.

M. Antonio Lobo de Moura, secrétaire de la légation portugaise à Londres, fut nommé ministre à Turin, et remplacé à Londres par M. Antonio Candido de Faria.

M. Joaquin de Roborelo fut nommé ministre résident à Copenhague, et M. Francisco de Saldanha à La Haye.

M. Marcial José Ribeira, secrétaire de légation à Paris, passa avec la même qualité à Londres, et fut remplacé par M. Francisco de Paira Pereira de Silva.

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