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les

ments de gendarmerie et d'infanterie légère, étant arrivés, dispersèrent et s'emparèrent des chefs, qui furent traduits devant les tribunaux.

Un autre chef, Magnote Pierakos, qui devait surprendre la ville fortifiée de Modon, où il s'était créé des partisans, fut éga lement arrêté dans ses entreprises criminelles.

En même temps, une conspiration était découverte dans la garnison de Nauplie et dans le corps de la marine à Hydra. Au temps de la domination ottomane, le système des armatoles, milices indépendantes qui s'imposaient, tantôt par la rébellion ouverte, tantôt par le brigandage, aux pachas de la Porte, qui ne se débarrassaient d'elles qu'en les prenant à leur solde, se soutenait à l'aide d'une association mystérieuse, des Klepsetes, quí reliait entre elles toutes les bandes. C'était l'association des Adelphopointoi ou frères adoptifs, qui, sous les auspices de l'Eglise, juraient devant l'autel, sur l'évangile et en communiant ensemble, de mourir les uns pour les autres et de s'entr'aider dans l'occasion. Cette association fut toujours redoutable aux Tures; elle parvint à conserver aux primats, aux capitaines et aux populations rouméliotes une indépendance relative. Un peu avant 1821, elle avait fait des progrès dans le Péloponnèse, et se conserva pleine de vigueur dans les guerres de l'indépendance. Capo d'Istrias la proscrivit en 1828, comme élément de sédition. A partir de cette époque, elle ne subsista guère que parmi les soldats irréguliers; mais elle était encore assez vivace en 1834 pour qu'avec son aide tes napistes organisassent les troubles de la Messénie. Le gouvernement, ayant réprimé cette révolte, renouvela ses poursuites contre les Adelphopointoi, et bientôt l'association ne subsista plus que dans les bandes de voleurs.

C'est cette association qui se réveillait aujourd'hui à Nauplie, dans la garnison, et dans le corps de marine, à Hydra; elle s'était ranimée sous les auspices de plusieurs officiers supérieurs et subalternes appartenant au parti napiste et au parti mavrocordatiste.

Le premier de ses actes avait été une tentative en Argolide, où ces officiers tentèrent de s'emparer de certaines terres nationales. Cet événement mit l'autorité sur la trace, et l'existence de l'association dans l'armée de terre et de mer fut dénoncée et reconnue au moment où elle se préparait à s'emparer des forts et de plusieurs bâtiments. Les chefs principaux furent punis, et l'instruction de l'affaire se poursuivit activement.

Au milieu de toutes ces luttes, le ministère ne négligeait rien pour s'assurer le succès. Dans la Chambre des députés, il maintenait habilement sa majorité; dans le Sénat, il rétablissait l'équilibre en sa faveur, au moyen de la nomination de quinze nouveaux pairs; dans l'administration, il encourageait le zèle des employés par des récompenses habilement distribuées; dans l'armée, il confiait les postes les plus importants aux hommes les plus éprouvés dans leur dévouement à sa personne; dans le clergé, il s'assurait une influence durable en l'engageant au service de sa politique par une circulaire du saint synode. Ainsi étaient paralysées les menées de l'Angleterre et de la Russie, et l'influence française, si mal représentée qu'elle fût peut-être, triomphait dans la personne de M. Colettis.

CHAPITRE VII.

SUISSE.Formation des corps francs. Circulaire du vorort à ce sujet. - Mouvement radical à Lausanne. — Préparatifs de la lutte. — Expédition des corps francs sur le territoire de Lucerne.- Leur défaite.— Mise en jugement des prisonniers. — Amnistie. - Indemnités. - Notes des puissances étrangères au sujet des corps francs. Ouverture de la session ordinaire de la diète. - Discours du président. Discussion sur la ques

tion des jésuites. - Couvents d'Argovie.

Assassinat de M. Leu d'Ebersol.

dans le grand conseil de Berne.

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--

- Révision du pacte fédéral. · Fanatisme. Jeune-Allemagne.

- Vote de confiance

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SUISSE.

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Communisme.

Tout, à la fin de l'année dernière, semblait présager de graves événements pour la Suisse. L'exaltation libérale était arrivée à son comble, et se manifestait par des préparatifs d'invasion, plutôt dirigés contre l'ordre que contre les jésuites, prétextes de ces violences. Déjà une première défaite des corps francs, le 8 décembre, avait servi de prélude à des luttes dans lesquelles l'attaque n'avait pas déployé plus d'énergie que la résistance. La réunion de Zoffingue annonçait des violences nouvelles, et les corps francs s'organisaient sur la frontière de Lucerne (voy. l'Annuaire précédent). Zurich, devenu vorort, publia à ce sujet, le 21 janvier, une circulaire adressée à tous les cantons de la confédération (voy. le texte aux Documents historiques).

Il y était dit que l'introduction de l'ordre des jésuites dans les écoles théologiques de l'État de Lucerne avait causé, dans plusieurs parties de la Suisse, une fermentation qui avait troublé la paix du pays. Il y avait un si grand péril dans ces manifestations hostiles, que le vorort se voyait dans la nécessité de convoquer une diète extraordinaire.

La confédération avait-elle ou non le droit et le devoir Ann. hist. pour 1845.

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d'empêcher toute violation du domaine des États confédérés par d'autres cantons, et de prendre des mesures à cet égard? N'était-il pas nécessaire qu'elle prononcât sur l'existence de l'ordre des jésuites dans plusieurs cantons, et notamment sur son introduction à Lucerne ? Telles étaient les deux questions que le vorort voulait soumettre à la décision de la confédération.

L'article 5 de la constitution oblige les cantons à s'abstenir de toute intervention armée dans les différends des cantons individuels, et peut forcer chacun d'eux à prendre des mesures pour qu'il ne s'organise pas sur son territoire des bandes armées afin d'envahir le territoire d'un canton voisin. Toute tentative de cette nature est une violation de la paix du pays, et doit être réprimée comme un crime contre la confédération.

Par ces raisons, le vorort se joignait à l'avis que l'État de Lucerne avait exprimé dans sa circulaire du 18 décembre 1844, adressée aux cantons confédérés sur ce sujet (voy. l'Annuaire précédent). Toutefois, d'après l'opinion du vorort, la qualification du crime, la disposition pénale et le choix des tribunaux, devaient être abandonnés à chaque canton individuel, et il fallait laisser au canton lésé par un autre la faculté de demander des dédommagements à celui sur le territoire duquel l'invasion aurait été préparée.

Le vorort proposait donc de demander à la diète extraordinaire qu'elle déclarât :

1o Que toute formation de corps francs, sans autorisation du gouvernement cantonal et sans sa coopération, serait défendue; que tous les cantons seraient tenus d'introduire ce principe dans leur législation cantonale, et de prendre des mesures pour empêcher la formation de bandes armées et leur invasion dans d'autres cantons;

2o Que, dans le cas où, malgré eux, des bandes ou des individus armés auraient troublé la paix publique, des châtiments leur seraient infligés à leur retour;

3o Que l'État qui aurait permis la violation et l'invasion serait tenu de payer une indemnité au canton envahi par les bandes.

Mais, si le vorort condamnait les corps francs, il ne donnait pas plus son assentiment à l'introduction de l'ordre des jésuites en Suisse, non pas qu'à ses yeux l'Église réformée eût à craindre leur influence morale; mais la position considérable de Lucerne dans la canfédération lui défendait d'y introduire cet élément de trouble; et, si la liberté cantonale a droit au respect, si la diète fédérale n'a pas le droit que réclamait Argovie, de décréter l'expulsion des jésuites de la Suisse, il n'en était pas moins vrai qu'on pouvait inviter Lucerne à renoncer à sa résolution dans l'intérêt de la paix générale.

Un événement de la plus haute gravité, arrivé à Lausanne le 14 février, vint håter le développement de la crise qui menaçait le pays. Un mouvement populaire, dans le sens radical, se manifesta dans le canton de Vaud. Le conseil d'État se rassembla; mais, comme il y avait dans son sein deux des chefs les plus prononcés du parti radical, MM. Druy et Blanchenay, toutes les résolutions se trouvèrent entravées. Les insurgés profitèrent des divisions qui paralysaient l'action des autorités: des bandes nombreuses, formant plusieurs milliers d'hommes, arrivèrent de tous les points de la campagne. D'un autre côté, le gouvernement avait convoqué les milices, et faisait battre la générale; mais les milices, au lieu d'obéir, firent cause commune avec les insurgés.

Dans ces circonstances, le conseil d'Etat crut devoir abdiquer ses fonctions, et les insurgés, réunis sur la promenade publique de Montbenon, proclamèrent le gouvernement provi soire, aux cris de: A bas le gouvernement! à bas les jésuites!

Aussitôt après sa nomination, le gouvernement provisoire publia une proclamation annonçant que le peuple allait être appelé à nommer un nouveau grand conseil, qui aurait à élire un nouveau conseil d'Etat. Il fit aussi publier les résolutions

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