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par la masse de la population qui avait envahi toutes les rues adjacentes. Le prince donna alors l'ordre à un bataillon d'infanterie de ligne de venir prendre position devant son hôtel. Pendant ce temps, la population continuait ses manifestations; eile chanta d'abord le célèbre choral de Luther (1), puis une strophe d'un chant de la tragédie des Brigands de Schiller (2).

Animé par ses propres manifestations, le peuple commença bientôt à lancer des pierres dans les fenètres des appartements habités par le prince et en brisa les vitres. Alors le commandant de la troupe fit, sans sommations préalables, tirer sur le peuple, et trente personnes, inoffensives pour la plupart, furent blessées, quelques-unes mortellement.

Cette maladroite violence exaspéra la population, et, pour prévenir de plus fàcheuses conséquences, l'autorité fit réunir la garde nationale, qui parvint, à deux heures après minuit, à dissiper les rassemblements.

Le lendemain matin, le prince quitta Leipzig; mais la populace le hua de nouveau et lança des pierres contre sa voiture.

Le discours royal s'exprima sur ces désordres de manière à faire penser que le gouvernement était disposé à prendre contre les novateurs des mesures répressives. Voici le paragraphe relatif à cette malheureuse affaire:

« Un événement profondément regrettable, qui blesse mon cœur dans ses sentiments les plus chers, a eu lieu récemment dans une des villes ies plus importantes du royaume ; vous partagerez ma douleur, je n'en doute pas. L'agitation qui se manifeste sur plusieurs points dans les affaires religieuses, et qui menace de faire cesser toute harmonie et de troubler l'ordre légal, en dépassant toute mesure, mérite la plus sérieuse attention.

Sans tenir compte de la différence des confessions des diverses Eglises reconnues, j'ai promis, à mon avénement au trône, de sauvegarder avant tout les sentiments religieux que le peuple de Saxe a su conserver d'une manière si honorable. J'ai exprimé la conviction que les états de Saxe seront guidés par le même respect pour ce qu'il y a de plus sacré au monde. Vous justifierez, messieurs, cette confiance, et je compte que vous m'accorderez votre appui pour que les principes de l'Eglise ne soient pas ébranlés, et pour

(1) Eine Festeburg ist unser Goth, notre Dieu est une forteresse. (2) Ein freies Leben führen wir, nous menons une vie libre.

que les piliers fondamentaux de l'Etat et du bien-être de l'humanité, la religion et la foi, ne soient pas sapés à leur base!...

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Fort de la conscience d'avoir exécuté, pour ma part, avec une scrupuleuse loyauté, les clauses du pacte constitutionnel, j'ai le droit de demander que tous les Saxons agissent de la même manière : je vous engage surtout, messieurs, à une seconder dans la ferme résolution de maintenir à l'intérieur le règne de la constitution et des lois, afin que le nom de Saxon continue à être partout respecté, et que des constitutions comme la nôtre ne cessent pas d'être regardées comme le plus sûr rempart contre l'anarchie, et comme la meilleure garantie de solidité pour le lien qui unit le prince et le peuple, lien dont l'affermissement peut seul assurer le bonheur du pays. »

WURTEMBERG.

Le 1er février, le roi ouvrit en personne les deux Chambres par le discours suivant:

«La période qui s'est écoulée depuis notre dernière diète m'a donné de nouvelles preuves de l'attachement sincère de mon peuple à ma personne : il m'est très-agréable d'exprimer aux fidèles états du pays toute ma reconnaissance pour ces sentiments; ces sentiments réciproques de confiance et d'attachement exerceront sans doute une influence salutaire sur nos délibérations. La construction prompte et continue de nos forteresses fédérales prouve aussi pour l'avenir la consolidation d'un état ferme, calme et prospère en Allemagne, de même qu'il donne un bel exemple de l'unité des Etajs composant la confédération. Cet accord est un besoin trop nécessaire pour les gouvernements et les peuples pour qu'une influence étrangère et des vues opposées puissent jamais l'interrompre. J'ai conclu un traité avec le grandduché de Bade; ce traité, qui vous sera présenté, porte principalement sur des rectifications de limites. Cette affaire importante pour les deux pays a été négociée avec une confiance et une bienveillance réciproques. J'espère que cela aura lieu également à l'égard de la coopération de nos pays voisins dans l'affaire des chemins de fer des Etats ayant les mêmes intérêts industriels et mercantiles, faisant partie d'une seule union douanière, ne sauraient poursuivre qu'un seul but. Vous aurez à vous occuper de quelques projets de loi parmi lesquels je vous recommande notamment le complément de la législation sur le régime hypothécaire. La présentation de notre état de finances vous prouvera que, malgré les dépenses extraordinaires des années passées, il ne reste rien à découvert, et qu'aucune augmentation d'impôt n'aura lieu pour les années suivantes. Ce qui reste disponible nous fait espérer de trouver les moyens pour couvrir les diverses dépenses extraordinaires pour continuer la construction des chemins de fer dont les embranchements seront administrés par l'Etat, afin d'alléger les charges des com-` munes. C'est à votre ardeur fidèle et à vos lumières que je remets toutes ces affaires, dans la pleine confiance que me donne l'expérience d'un règne de vingt-huit années. »

Le président de la première chambre, le prince de HohenloheLaugenbourg, répondit immédiatement à S. M. par une adresse qui n'était que la paraphrase du discours du trône.

Dans la discussion d'un projet d'adresse en réponse au discours de la couronne, M. Romer proposa à la seconde chambre des états de prier le roi de vouloir bien faire les démarches nécessaires pour que la liberté de la presse fût dégagée de toute

entrave.

Cette proposition fut rejetée à une majorité de 47 voix contre 38; mais une autre proposition fut adoptée en ces termes: «La Chambre espère que Votre Majesté parviendra, par ses efforts, à rétablir la liberté de la presse en Allemagne. »

Ces dispositions libérales éclatèrent avec plus de force encore par un vote de non-confiance, par lequel la seconde chambre des états repoussa l'allocation de 10,000 florins demandée par le ministère dans le projet de loi sur les fonds secrets.

Par un autre vote non moins significatif, la Chambre repoussa, dans la séance du 21 avril, un crédit de 3,000 florins réclamé par le ministère pour frais de censure, et pour cette fois seulement. Bien plus, la Chambre refusa de sanctionner par un vote les dépenses de cette nature faites depuis trois ans par le ministère, sous sa responsabilité.

GRAND-DUCHÉ DE BADE.

La séance de 1844-1845 des Chambres du grand-duché de Bade fut close le 1er février. Le président du conseil, M. le ministre d'État Bockh, en annonçant la clôture aux Chambres, leur adressa l'allocution suivante :

S. A. R. le grand-duc m'a autorisé à vous exprimer sa complète satisfaction pour le zèle qui a distingué votre activité législative, et pour le soin attentif que vous avez apporté dans l'examen de toutes les questions et projets de lois qui ont été soumis à vos délibérations. »

Une loi, en date du 21 février, ordonna l'autorisation d'un emprunt de 14 millions. Par une ordonnance, à la même date, émanée du ministère des finances, il fut ordonné la cession de

cet emprunt à la caisse d'amortissement de la dette des chemins de fer. L'emprunt se ferait par la vente de billets dont l'intérêt, à partir du 1er avril 1846, serait payable tous les six mois à 3 1/2 p. 100. Il serait amorti dans trente ou au plus dans quarante ans. La valeur nominale des billets serait de 35 florins au moins. A partir du 1er avril 1846, les tirages des billets auraient lieu par année ou par semestre. Le 17 mars, eut lieu le concours pour l'adjudication de cet emprunt, qui fut immédiatement

couvert.

HESSE GRAND-DUCALE.

Le gouvernement de la Hesse grand-ducale s'unit à la plupart des gouvernements de la confédération germanique dans la croisade politique entreprise contre les réformateurs néo-catholiques. Il fut adressé aux autorités ecclésiastiques et aux instituteurs des établissements d'instruction publique une circulaire concernant les catholiques dissidents. Il y était dit que l'obligation d'envoyer leurs enfants dans une école primaire quelconque et de les y laisser participer à l'instruction laïque qu'on y donne incombait aux catholiques dissidents tout aussi bien qu'aux autres citoyens, mais que les parents devaient être libres de choisir les écoles catholiques ou protestantes. La même circulaire recommandait aux autorités ecclésiastiques de s'abstenir de toute intervention dans l'instruction religieuse des enfants des catholiques dissidents, et de laisser agir ces parents selon leur volonté individuelle.

Le 12 mars, une proposition fut faite à la première chambre par le baron de Gagern, tendant à ce que les états engageassent le gouvernement à présenter un projet de loi qui réglât les droits civiques dans le grand-duché, y introduisit une réforme dans le sens de l'article 16 du pacte fédéral, assimilat à cet égard même les deux rives du Rhin et fit participer les pays allemands aux caractères de la civilisation des autres grands États de l'Europe. «Il y a, ajoutait le baron de Gagern, il y a cette logique dans ma proposition, que, si je m'élève contre l'existence d'une

classe de rayas en Orient, je ne puis qu'à regret voir un principe semblable en Occident. »

ÉLECTORAT DE HESSE-GASSEL.

Voici le texte d'un rescrit ministériel, en date du 10 août, au sujet des catholiques allemands dissidents:

. Comme le paragraphe 29 de la constitution garantit à tout sujet le libre exercice du culte, chaque catholique a la faculté de se séparer de l'Église catholique et d'adopter la profession de foi des catholiques allemands dissidents. Mais comme dans l'électorat de Hesse il n'existe pas d'Église catholique allemande, et qu'elle n'y est pas non plus reconnue, les catholiques allemands dissidents devront s'abstenir de tout ce qui suppose une communauté religieuse reconnue, une corporation ecclésiastique. Ils devront par conséquent se borner à l'exercice du culte privé aussi longtemps qu'il ne sera pas interdit pour des raisons particulières. Il résulte de là qu'ils sont libres de se réunir en assemblées particulières pour célébrer leur culte en commun, d'y adopter un certain ordre et certaines dispositions pour leurs exercices religieux, et de confier à des membres choisis parmi eux la direction de ces exercices. D'autre part, il résulte que les catholiques allemands dissidents devront: 1o ne pas prendre la dénomination de communauté religieuse, ni se produire comme une corporation, ni procéder à des actes qui supposent des droits de corporationi; 2o ne pas tenir leurs réunions dans une église ou dans un autre édifice public; 3o ne recevoir dans leurs réunions que des personnes qui ont déclaré qu'elles adoptaient les opinious religieuses des catholiques dissidents; 4o ne pas tenir leurs réunions en public, parce qu'il est difficile que dans ce cas des tiers n'y prennent pas part; 5o ne pas adinettre dans la célébration de leur culte un accompagnement de musique ou d'un chœur de chanteurs; 6o ne pas laisser participer à leur culte des ecclésiastiques qui ont un caractère public, ni faire accomplir par eux des actes qui ont un effet civil. Si t'ex - eure Kerbier réalise son projet de venir à Marbourg dans le but d'y célébrer un service religieux en qualité d'ecclésiastique et d'y constituer une communauté, les autorités de cette dernière ville devront lui en interdire le séjour; s'il y arrive sans avoir un pareil dessein, la direction de la police s'opposera à ce qu'on fui donne des sérénades et qu'on fasse en son honneur des démonstrations publiques, et lui refusera même l'autorisation d'y séjourner s'il est à craindre que sa présence dans cette ville ne provoque une agitation générale. Du reste, l'on devra continuer à surveiller exactement les réunions des catholiques allemands dissidents.

GRAND-DUCHÉ DE MECKLENBOURG-SCHWERİN.

Les états du grand duché de Mecklenbourg-Schwerin fu

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