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GRAND-DUCHÉ DE MECKLENBOURG-SCHWERIN. Convocation des états. Travaux divers. - Chemins de fer. - Leur influence à venir sur les ports de la Baltique.

NASSAU. Ouverture de la session.

Situation financière.

CONFÉDÉRATION GERMANIQUE.

Pauvre de faits, l'histoire de la Confédération germanique est riche d'idées. Deux mouvements importants dans l'histoire du monde, le mouvement progressif industriel et commercial d'une part; de l'autre, le mouvement religieux et philosophique, sont toute l'histoire de l'Allemagne moderne.

Le mouvement religieux, forme nécessaire des idées sociales chez un peuple qui manque de liberté, avait déjà commencé l'année dernière (voy. dans les Documents historiques de l'Annuaire précédent, Allemagne, partie non officielle, les pièces relatives à la réforme de Ronge). Une relique prétendue sainte, une tunique de la Vierge, avait été exposée, à Trèves, à l'adoration des fidèles. Ce piége grossier, tendu, selon quelques-uns, à la crédulité religieuse, servit de signal à un mouvement nouveau, semblable, dans quelques-unes de ses manifestations, au mouvement réformateur du xvIe siècle. Un manifeste parut. Un prêtre jeune encore, Jehann Ronge, déjà connu par un pamphlet qui lui avait attiré les rigueurs de la discipline, publia une circulaire, dans laquelle l'authenticité de la relique de Trèves était vigoureusement combattue. C'est à l'évêque Arnoldi, de Trèves, que la lettre fut adressée.

La démarche était hardie. Elle eut du succès dans les masses. On se rappela les nobles inspirations de la réforme, et autour de Ronge se forma une nouvelle Église catholique dont les prétentions sont désormais celles-ci :

1o Abolir la suprématie du pape, et le réduire au rang de simple évêque de Rome;

2o Supprimer la confession;

3o Rétablir la communion sous les deux espèces;

4° Célébrer le culte en langue nationale;

5° Enfin, rétablir le mariage des prètres.

On voit que ce que demande l'Église catholique nouvelle est à peu près ce que demandait la réformation à son origine. Depuis quelque temps, le clergé romain, en Allemagne, sans aller jusqu'à ces dernières conséquences du manifeste de Ronge, paraissait incliner vers le mariage des prètres. Les uns sentaient la nécessité de se mêler à cette société dont ils veulent ètre les chefs moraux, de tenir à elle par les liens de famille, qui les obligeraient à donner sans cesse l'exemple des vertus.

La révolte de Ronge trouva donc de nombreux partisans dans la société catholique de l'Allemagne. De tous côtés lui arrivèrent des adhesions, des adresses. Lui-même, se faisant l'apôtre de la foi nouvelle, il parcourut le pays, prononçant des harangues, acceptant les éloges des protestants, toléré par le gouvernement, heureux de trouver dans quelques cantons une opposition menaçante qui lui donnait, sinon la réalité dangereuse, au moins l'apparence du martyre.

Tout à coup, sur les confins de la Prusse et de la Pologne, dans le duché de Posen, une commune tout entière se sépara, avec son desservant, sur les deux questions du célibat et de la langue latine. Le prêtre qui, le premier, appliquait ainsi les doctrines nouvelles de Ronge, c'était Czerky, qui se proclama chef de l'Eglise catholique allemande, tout en publiant une profession de foi qui renversait les dogmes principaux du catholicisme. Ni l'autorité de la tradition, ni celle des papes et des conciles, n'avait trouvé grâce devant lui: il n'admettait que celle de la Bible et du Saint-Esprit. Mais ce qu'il y avait de plus important dans le manifeste de cette religion nouvelle, c'étaient les tendances radicales du manifeste de la nouvelle Église. On y lisait des passages semblables à celui-ci, dans un document plus spécialement adressé au peuple français:

«On veut faire croire à la nation française que nous sommes une secte protestante qui produit quelques nouveaux articles de foi, qui s'élève contre tels ou tels abus de l'Église catholique romaine. Ne le croyez pas, peuple français. Nous nous gardons

bien des articles de foi et de la tyrannie de la lettre morte, qui ont été le malheur des protestants. Nous avons l'esprit de la * religion, et cela nous suffit. Quelle perversité de l'homme de vouloir restreindre l'infinité de la religion dans l'espace étroit d'une confession de foi ! »

Une sentence formelle d'excommunication fut prononcée contre les deux dissidents, et, de ce moment, Ronge et Czerky durent marcher ensemble vers un but commun. Ronge devint le pasteur d'une commune de la nouvelle Église. Mais l'accord ne pouvait durer longtemps entre les deux réformateurs. Un concile eut lieu à Leipzig, dans lequel des traces de division commencèrent à se montrer entre les apôtres de la foi nouvelle, et bientôt le schisme éclata. L'Église catholique apostolique marcha sous le drapeau de Czerky et compta bientôt un assez grand nombre de communes dans la Pologne prussienne. Les partisans de Ronge, sous la dénomination première d'Église catholique allemande, se répandirent dans la Prusse rhénane, sur plusieurs points de la Saxe, dans le Würtemberg et dans le grand-duché de Bade.

Mais, à mesure que le schisme se propageait, les difficultés naissaient autour de lui. Aux manifestations catholiques des nouveaux Allemands, la vieille Église, menacée dans son existence, répondait par des manifestations passionnées, menaçantes. L'intolérance naturelle aux religions établies, et surtout à celles pour qui toute discussion est une apostasie, s'éveilla sur plusieurs points et se traduisit par des scènes de désordre. Le roi de Saxe, dans son discours d'ouverture des états (14 septembre), annonça son intention formelle de garder pour les novateurs une attitude hostile. En même temps, le roi de Würtemberg apportait des obstacles à la formation d'un concile nouveau que Ronge vint présider à Stuttgard. Enfin, le gouvernement prussien, qui avait dès l'abord accueilli la réfor mation avec une grande tolérance, renonça bientôt à sa bienveillance première, lorsqu'il vit dans la confession nouvelle des principes de désordre. Des mesures répressives et préventives

furent prises contre les novateurs. Un corps civil constitué, le corps municipal protestant de Berlin, chercha, dans une adresse illégale, à éveiller l'attention du roi sur les nouveaux catholiques. Et cependant l'adresse rappelait en principe la base naturelle de tout protestantisme, la liberté de discussion. Le collége municipal priait pourtant Sa Majesté de vouloir bien assembler une commission, représentant toutes les provinces de la Prusse, à l'effet de préparer une nouvelle constitution de l'Église chrétienne, et, comme le disait l'adresse, de concilier la foi avec la raison, l'amour du prochain avec la religion.

Ces réclamations s'adressaient aux deux sectes dissidentes de l'Église nouvelle, et cependant le schisme qui se déclarait entre Ronge et Czerky éclatait aussi entre les opinions, les tendances générales des deux réformateurs. L'un, parti de Breslau, s'adressait surtout à l'occident, à la race germanique; l'autre, parti de Schneidemuhle, s'adressait à l'orient, à la race slave. Par conséquent, Czerky se séparait avec moins de violence des idées catholiques, le catholicisme étant l'instinct naturel du slavisme. Czerky, par exemple, admettait sept sacrements, lorsque Ronge et ses adhérents n'en reconnaissaient que deux. Ronge, né dans un pays protestant, s'adressant à des peuples de race philosophique, que le protestantisme a depuis longtemps habitués à l'esprit d'examen, changeait le catholicisme en une religion rationaliste, en une doctrine purement humaine. Dans le conciliabule de Leipzig, il établit des dogmes obligatoires tout à fait généraux, la croyance à une Église chrétienne invisible; au pardon des péchés, à la vie éternelle. Les Écritures étaient reconnues pour la source la plus véridique de toute doctrine la tradition n'était acceptée que comme complément. Deux sacrements seulement étaient reçus, le baptême et l'eucharistie; les autres n'étaient regardés que comme des usages pieux consacrés par la tradition. La communion, nous l'avons dit, devait être faite sous les deux espèces, la messe dite dans la langue nationale; le dogme de la transsubstantiation était rejeté. En Ann. hist. 'pour 1845.

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somme, ce n'était là qu'une profession de foi négative sans l'établissement de dogmes positifs.

Mais la scission la plus profonde qui éclata entre les nouveaux catholiques eut lieu sur la question de la divinité de Jésus-Christ cette question, le concile séparatiste de Leipzig l'avait laissée dans l'ombre. Czerky protesta contre cet oubli qui n'était rien moins que l'absence du principe chrétien luimême. Dans une circulaire adressée à toutes les communautés apostoliques, il écrivait ceci :

Vous avez, mes frères, disait-il, juste motif d'être offensés de ce que, dans une confession de foi prétendue chrétienne, Jésus-Christ lui-même, dont elle prend son nom, soit passé sous silence, lui qui est le seul fondement de notre foi; car pourquoi donc nous appellerions-nous chrétiens? Si nous ne voyons en Jésus-Christ qu'un précepteur de morale, je ne vois réellement pas pourquoi les disciples de Confucius ne seraient pas reçus membres de notre communion; lui aussi enseignait une excellente morale et croyait en un seul Dieu. Mais en vérité Jesus-Christ est Dieu! Quant à moi, ma croyance est mot pour mot celle des apôtres: loin de vouloir affaiblir les dogmes inaltérables de la véritable Église catholique, je vous appelle à leur défense; car notre but n'est pas de renverser ce que Dieu a bâti, mais de détruire ce que les hommes ont élevé, et ont faussement appelé l'œuvre de Dieu. Une Église catholique, telle que Jésus-Christ l'a fondée, telle que les apôtres l'ont enseignée, telle que les martyrs l'ont scellée de leur sang, voilà le but de nos efforts! Seigneur, prête-nous ton bras! Sois avec nous! Ainsi soit-il ! »

Au moment où, à la suite de ces séparations, les novateurs catholiques commençaient à exciter quelque inquiétude dans les divers gouvernements de l'Allemagne, ils se trouvaient en Prusse, par le fait seul de leur séparation de la communion catholique romaine, privés de leurs droits de citoyens, la jouissance des droits politiques n'appartenant qu'aux citoyens qui professent une des quatre religions reconnues par l'État, la religion évangélique, la religion catholique, la religion luthérienne ou de la confession d'Augsbourg, et la religion réformée ou calviniste. Les actes des ecclésiastiques de la religion nouvelle n'avaient donc aucune valeur civile ou légale: la bénédiction des mariages, qui, dans les pays où il n'y a pas

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