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le ministre 1° par une adresse au roi, ou spontanée, ou rédigée en réponse au discours du trône: 2° par le rejet du budget; 3o par la mise en accusation des ministres; 4° par une proposition d'enquête préalable à la mise en accusation. A la suite d'un vif débat, l'auteur de la proposition déclara la retirer pour la reproduire dans l'une des formes indiquées par M. Nothomb, celle de l'adresse spontanée.

Cette adresse fut repoussée par 65 voix contre 22.

Le ministère de M. Nothomb l'emportait; mais il allait bientôt avoir à passer par une épreuve plus redoutable. La session terminée, la législature aurait cessé d'exister et de nouvelles élections générales seraient pour le pays une occasion nouvelle de juger la politique du ministère.

Les élections commencèrent bientôt, et, le 10 juin, le résultat en fut connu : il était tout au désavantage du ministère de M. Nothomb. Cinq provinces étaient appelées à se choisir des mandataires, et avaient à élire quarante-huit représentants. Sur ce nombre, quarante députés sortants furent réélus : huit perdirent leur mandat. Ces huit derniers votaient habituellement avec le ministère; six furent remplacés par des candidats de l'opposition. La majorité ministérielle était entamée.

Ce n'était pas, dans cette majorité fruit d'une transaction, le parti catholique qui s'était trouvé affaibli. Les candidats qu'il appuyait à Bruxelles ou à Anvers, MM. de Meeus, Coghen, Van Volxem, Vander Elst, Claes de Lambeck, étaient, non pas membres du parti clérical, mais des libéraux modérés. La question restait donc tout entière entre le parti ministériel et l'opposition.

Était-il possible de continuer l'œuvre de conciliation entreprise par M. Nothomb? Aujourd'hui était détruit ce contrepoids qui empêchait les excès des deux côtés extrêmes. Avec l'aide de ce parti modéré, le ministère de l'intérieur avait réussi jusqu'à présent à contenir les exigences de ses alliés catholiques. C'est ainsi qu'en 1843, il les avait déterminés à renoncer à leur célèbre proposition de reconstituer le clergé en

personne civile (voy. l'Annuaire). Aujourd'hui, il faudrait faire des concessions, et il arriverait de deux choses l'une, si l'administration actuelle restait au pouvoir : ou le parti clérical prendrait sur le ministère une influence inacceptable, ou le parti radical les déborderait tous deux.

Les élections du 10 juin avaient donc rendu la situation impossible pour le ministère de M. Nothomb. Cette administration, née, dans des temps difficiles, d'une transaction entre le parti libéral et l'opinion catholique, avait rendu de grands services au pays. Des transactions importantes avec la Néerlande, des arrangements commerciaux avec les principales nations limitrophes, des règlements sur les banques et sur l'industrie, une loi fondamentale sur l'enseignement, l'établissement d'un système de droits différentiels: tels avaient été les principaux éléments de l'œuvre accomplie par le cabinet, qui, aujourd'hui, succombait à une crise électorale.

Les ministres remirent au roi leurs portefeuilles quelques jours après le résultat des élections. Toutefois, leurs démissions étaient de deux sortes : le chef du cabinet, M. Nothomb, entendait que sa retraite fût sérieuse, irrévocable; les autres membres de l'administration se mettaient purement et simplement à la disposition du roi, ou de l'homme d'État qui se croirait assez fort pour diriger un nouveau cabinet.

Le 19 juin, la démission de M. Nothomb fut acceptée, et le reste de l'administration constitué en cabinet provisoire. Rentré au ministère le 13 avril 1841, M. Nothomb avait été à la tête du département de l'intérieur pendant quatre ans et deux mois.

Le nouveau cabinet fut définitivement constitué le 31 juillet: il était loin d'être homogène. Il n'était ni exclusivement catholique ni exclusivement libéral; c'était évidemment un ministère de transaction. Il était même difficile de classer d'une manière positive tous les membres de l'administration nouvelle dans un des deux partis qui s'étaient disputé la victoire dans les dernières élections. Le parti catholique était toutefois plus fortement représenté dans le nouveau ministère que dans le précédent.

Le chef de ce cabinet, M. Van de Weyer, ministre de l'intérieur, depuis quinze ans ministre à Londres, étranger aux luttes des partis, possesseur d'une grande fortune, semblait l'homme de la situation. Connu par son libéralisme, d'un caractère conciliant et ferme, il devait, mieux que tout autre, inspirer de la confiance à l'opinion catholique et libérale.

M. d'Hoffschmidt, ex-conseiller des mines, était un membre éminent du parti libéral. Il s'était acquis dans la Chambre des représentants une juste considération, qui l'avait fait appeler l'année dernière aux fonctions de vice-président (voy. l'Annuaire).

Le parti catholique avait pour principal représentant M. Dechamps, ministre des affaires étrangères et du commerce, qui avait seulement le département du commerce dans le cabinet de M. Nothomb. M. Dechamps avait débuté dans la Chambre des représentants par un discours très-chaleureux en faveur de l'union politique et commerciale de la Belgique avec l'Allemagne. Mais ses idées paraissaient s'être, depuis quelque temps, modifiées sur ce point. En se séparant de ses collégues sur la loi du jury, M. Dechamps avait, on s'en souvient, principalement contribué à la chute du ministère précédent.

Un autre représentant du parti catholique, M. Malou, ministre des finances, avait été chef de division au ministère de la justice, et se trouvait, pendant les dernières élections, gouverneur d'Anvers.

Le troisième membre nouveau était M. d'Huart, gouverneur de Namur, et nommé ministre d'Etat sans portefeuille, avec participation aux délibérations du conseil. M. d'Huart appartenait, par ses antécédents, au parti libéral, sans toutefois s'éloigner beaucoup des idées catholiques.

Les premiers travaux du cabinet nouveau eurent pour objet la recherche d'un remède à apporter à la situation dangereuse faite au pays par un fléau qui attaqua cette année la nourriture la plus ordinaire des pauvres, la pomme de terre. Des mesures spéciales parurent nécessaires, et le ministère convoqua les Ann. hist. pour 1845.

18

Chambres en session extraordinaire pour leur demander des pouvoirs à ce sujet.

L'ouverture de la session extraordinaire des Chambres belges eut lieu le 16 septembre. Il n'y eut point de discours royal. Après l'appel nominal, le ministre des finances demanda la parole pour donner communication d'un rapport exposant les motifs de la réunion extraordinaire des chambres législatives. Plusieurs membres firent observer qu'il faudrait attendre que la Chambre fut constituée; mais M. Malou répondit que cette objection avait été faite à deux reprises différentes, en 1835 et 1839, et que la Chambre avait toujours entendu, avant de se constituer, les communications faites par le gouverne

ment.

La Chambre ayant donné son assentiment, le ministre lut un exposé des motifs d'un projet de loi ouvrant au département de l'intérieur un crédit extraordinaire de deux millions, pour mesures relatives aux subsistances.

Avant le 31 décembre 1846, il serait fait un rapport spécial sur les mesures adoptées et sur les dépenses faites.

Le même projet tendait à déclarer libres à l'entrée, jusqu'au 1er juillet 1846. moyennant un simple droit de balance de 10 centimes par mille kilogrammes, les diverses céréales, et à en prohiber la sortie jusqu'à la même époque.

Cette mesure exceptionnelle et essentiellement provisoire avait été provoquée par la cherté des grains, suite elle-même du déficit provenu dans la récolte des pommes de terre, affectées cruellement par une épidémie presque générale.

Le sénat se réunit le 16, et composa son bureau définitif de MM. le baron de Schiervel, président, Vilain XIIII et du Baillet, vice-présidents; Dumon-Dumortier et le marquis de Rodes, secrétaires; Baré de Comogne et de Mooreghem, secrétaires suppléants, Rouillé et Dejonghe d'Ardoye, questeurs.

A la Chambre des représentants fut réélu président, par 67 voix sur 71, M. Liedts; M. Vilain XIIII, comme vice-président, obtint 40 suffrages sur 74 votants, et M. Dolez fut élu second

vice-président, en remplacement de M. d'Hoffschmidt. Après la constitution des deux Chambres, le parlement fut ajourné indéfiniment le 20 septembre, après avoir adopté à l'unanimité le projet de loi sur les denrées alimentaires. Ce projet n'avait subi que deux amendements; l'un avait pour but d'accorder la remise du droit de tonnage aux navires qui importeraient des pommes de terre de bonne qualité; l'autre, d'autoriser le gouvernement à réduire, à supprimer même entièrement le droit auquel étaient assujettis le bétail et tous les autres objets de consommation alimentaire.

Dans le cours de cette session extraordinaire, terminée si rapidement, la discussion avait été toute spéciale et n'avait fait qu'effleurer le terrain politique. Il avait fallu seulement parer à une éventualité menaçante mais peut-être avait-on trop fait en voulant bien faire, et on pouvait considérer comme une faute d'avoir arrêté l'exportation, en même temps que, par une suppression de droits, on rendait l'importation plus facile.

La Belgique continue à soutenir avec les Pays-Bas une lutte de tarifs qui n'est pas sans importance. Ces deux pays se disputent, avec une ardeur chaque jour croissante, les transports qui s'effectuent entre les provinces rhénanes et la mer du Nord. Tant qu'Anvers n'avait pas été mis en communication directe avec Cologne par une voie de fer, presque tout ce transit avait suivi la voie traditionnelle du Rhin, et avait procuré à la þatellerie hollandaise et au commerce des ports néerlandais d'importants bénéfices. Depuis l'ouverture du chemin de fer belge-rhénan, it n'en était plus ainsi : le mouvement de remonte de la Néerlande sur la Prusse avait déjà notablement faibli, pendant que les transports d'Anvers à Cologne s'accroissaient de tout ce qui était enlevé à la voie fluviale. Pour tout résumer dans un chiffre, le transit belge, dans cette direction, s'était élevé, en 1844, de 21 millions à plus de 38 millions.

Les tarifs sont ici les armes de la lutte chaque année, les taxes de la navigation vont s'affaiblissant, en même temps que.

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