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Malheureusement, pendant que le San-Martin mouillait à son poste de combat, le vent venant à manquer aux bâtiments qui le suivaient, le brick se trouva un instant exposé tout seul au feu des batteries, feu dirigé contre lui avec d'autant plus d'acharnement qu'on reconnaissait dans ce navire un de ceux de l'escadre de Buenos-Ayres, capturée devant Montevideo Cependant les généreux efforts du Dolphin pour se rapprocher réussirent, et il put secourir efficacement le San-Martin, par la diversion de son artillerie et en attirant sur lui une partie des coups de l'ennemi. Le San-Martin avait déjà ses deux seals officiers et beaucoup de matelots grièvement blessés. Le Comus et le Pandour étaient venus également prendre position aussi haut que le banc l'avait permis, de même que le Fulton et le Procida, auquel le capitaine Tréhouart avait fait signal de le rallier. Le combat était alors très-vivement engagé. Mais, quoique l'ennemi partageât ses coups entre tous les bâtiments, l'acharnement particulier dont le San-Marlin était l'objet continuant à l'exposer toujours plus, le brick eut bientôt 44 hommes hors de combat, deux pièces démontées, son gréement haché et sa mature près de tomber, le grand mat ayant à lui seul reçu onze boulets. Malgré tout, il combattait encore avec vigueur, quand un nouveau boulet, venant couper sa chaîne d'amarre, le fit quitter sa position et aller à la dérive. Un obus lancé par le Dolphin venait, au même instant, de mettre le feu au Republicano, qui sauta bientôt après.

Les brùlots avaient été lances; mais, détournés par le courant, ils n'avaient produit aucun effet.

La troisième division, sous les ordres du capitaine Hotham, et composée des vapeurs Gorgon et Firebrand, était restée en observation à environ 1500 mètres de la batterie la plus éloignée, tout en lançant des projectiles creux dans toutes les directions. Le capitaine Hope, du Firebrand, descendit alors dans son canot pour aller au milieu du feu couper les chaînes de l'estacade. Son intrépidité fut couronnée d'un plein succès.

Une fois la chaîne rompue, le courant ouvrit bientôt la ligne des navires, et le Fulton en profita pour passer et prendre position plus haut, de manière à croiser ses feux avec ceux de la première division, en tirant comme elle en écharpe sur les batteries ennemies.

Ce fut dans ce moment que le capitaine Tréhouart, quittant le San-Martin, qui était en dérive et impossible à ramener au combat à cause de l'état de son gréement, se rendit à bord du Gorgon, pour se concerter avec son collègue, le capitaine Hotham. Étant de là passé sur l'Expéditive, et ayant fait signal de ralliement au Pandour et au Procida, il ordonna à ces trois navires de s'échouer à portée de pistolet des batteries et ouvrit sur elles un feu de mitraille. La corvette le Comus se håta de venir soutenir cette audacieuse manœuvre. Au même instant, le capitaine Hotham fit descendre 325 soldats anglais, qui opérèrent leur débarquement avec beaucoup d'ensemble et de vigueur. Cette détermination des deux commandants, exécutée avec autant de bonheur que d'audace, décida la journée et vainquit la dernière résistance de l'ennemi. Le premier détachement anglais, sous le commandement du capitaine Sullivan, avait été accueilli en débarquant par un feu très-vif de mousqueterie de la part de l'ennemi embusqué dans un bois. Mais l'arrivée du reste des troupes, aux ordres du lieutenant Hindle, mit promptement l'ennemi en fuite, malgré les efforts de la cavalerie, qui chargeait et égorgeait sans pitié les fantassins qui fuyaient. Le capitaine Tréhouart avait également sauté à terre avec sa compagnie de débarquement et s'était joint aux Anglais pour s'emparer des batteries. L'ennemi ne fit plus alors aucune résistance.

Le lendemain 21, de nouvelles forces descendirent et achevèrent la destruction des batteries, commencée la veille. Les affûts furent brisés, les pièces cassées ou jetées à la rivière; dix canons de bronze furent seuls conservés et embarqués sur les bâtiments de l'escadre combinée. Toute cette journée, les forces des alliés restèrent à terre sans être nullement inquiétées.

C'est au milieu des événements de ce combat remarquable que le capitaine Hotham écrivit à son collègue, le capitaine Tréhouart, les quelques mots suivants qui honorent autant celui qui les a écrits que celui qui les a reçus : « Si le titre de brave a jamais été mérité, c'est par vous et par vos équipages. »

Le combat avec les batteries, commencé à dix heures du matin, avait duré jusqu'à cinq. Pendant sept heures, on n'avait cessé de tirer de part et d'autre. La perte des forces combinées s'était élevée pour les Français à 18 morts et 70 blessés; les Anglais, de leur côté, avaient eu 10 morts et 25 blessés (voyez les détails à la Chronique).

Le combat d'Obligado restera un brillant fait d'armes pour les deux marines. Ce n'étaient point, en effet, des vaisseaux et des frégates qui avaient écrasé leurs adversaires sous leur puissante artillerie, mais des bricks et des navires du plus petit échantillon qui étaient allés se mettre en face de batteries armées de gros calibre, défendues par des retranchements et des ouvrages préparés depuis trois mois, et servies par des hommes qui avaient vaillamment combattu pendant sept heures consécutives.

Mais, si ce combat avait donné une nouvelle preuve de la brillante valeur des deux marines anglaise et française, devait-il avoir un résultat aussi réel que la gloire acquise, et la question de Montevideo en serait-elle avancée d'un seul pas ? C'est ce que nous verrons l'année prochaine.

Un traité de commerce et de navigation fut conclu par les soins de notre ambassadeur à Naples, M. le duc de Montebello, Ce traité, signé le 14 juin et ratifié le 19 juillet par S. M. le roi des Deux-Siciles, accordait à la nation française, en échange des priviléges dont elle jouissait en vertu du traité du 28 février 1817, à savoir une réduction de droits de 10 p. 100, une réduction de moitié sur les droits de la porcelaine peinte et dorée, de moitié sur les ouvrages en verre et cristal, d'un tiers sur les ouvrages en bronze, cuivre et laiton, de moitié sur les objets de mode, chapeaux, bonnets, châles, mouchoirs,

plumes, fleurs artificielles, dentelles, papier de luxe, d'un tiers sur les cuirs colorés ou vernis, de cinq douzièmes sur l'or travaillé. Ces réductions, on le voit, portaient surtout sur les produits de l'industrie parisienne. Le traité était conclu pour dix ans.

Par un autre traité, à la même date, l'extradition des criminels était accordée mutuellement, à l'exception des cas politiques (voyez le texte de ces deux traités aux Documents historiques).

A la date du 7 novembre 1844, fat conclue, entre le roi des Français et l'iman de Mascate, Seid-Saïd, prince puissant établi à Mascate, près du golfe Persique, et à Zanzibar, sur la côte orientale d'Afrique, une convention facilitant l'introduction à Bourbon, voisine de Zanzibar, des bras qui manquent à la culture. Ces travailleurs devaient être appelés non pas à titre de nègres esclaves, mais en qualité d'engagés libres. Un premier acte avait été passé, le 20 avril 1843, entre l'iman et le lieutenant Kerdudal; mais les clauses, pouvant en être interprétées comme ouvrant une porte au commerce des noirs, ne furent pas approuvées par le Cabinet. Quelques mois après, M. Romain Desfossés arriva à conclure un véritable traité de commerce tout à l'avantage du pavillon français.

Rien ne se trouvait, dans cet acte nouveau, qui pût donner prise à l'accusation de favoriser la traite (voyez le texte aux Documents historiques).

CHAPITRE VIII.

Histoire intérieURE.-Situation.-Manifeste de la gauche constitutionnelle. Discours de M. Guizot à ses électeurs sur ce sujet.

Corruption.

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-

Lutte de l'Église et de l'État. Question des jésuites. Ambassade de
M. Rossi à Rome. · Dissolution de la société des jésuites en France.
Modifications ministérielles. Tendances de M. Salvandy. Affaire de
M. Quinet.
Com-
Reconstitution du conseil royal de l'Université.
mission préparatoire pour la révision des décrets et ordonnances qui
régissent l'Université.-Modifications ministérielles.- Situation financière.
-Visite de la reine d'Angleterre. - Mariage de S. A. R. le duc d'Aumale.

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La session qui venait de finir était la troisième de la Chambre actuelle. Les deux années d'existence légale qu'il lui restait encore à parcourir seraient-elles attendues par le ministère du 29 octobre sans dissolution, sans élections nouvelles ? L'opposition paraissait espérer le contraire, et le parti qui s'intitule la gauche constitutionnelle saisit un moment qu'il regardait comme favorable pour publier son manifeste, dans l'espérance de prochaines élections (1). Cette circulaire, émanant des membres du comité de la gauche, MM. Odilon Barrot, Chambolle, Gauthier de Rumilly, Abbatucci, Havin, A. de Tocqueville, Bethmont, Taillandier, Durand (de Romorantin), Corne, Aylies, Piéron, Isambert, Guyet-Desfontaines, Gustave de Beaumont, discutait les possibilités d'une situation nouvelle. Dans le doute d'une dissolution ou d'un statu quo, il était nécessaire de se préparer à des élections éloignées ou prochaines. Depuis cinq années, disait le manifeste, le pays subissait le ministère du 29 octobre, mais ne l'avait point accepté. La Chambre lui laissait le pouvoir, mais lui en refusait les conditions. Faiblesse au dehors, corruption au dedans, concessions sans réciprocité faites au maintien d'une paix que rien pourtant n'assure, horreur profonde des réformes les plus nécessaires: tels étaient les

(1) 12 juillet.

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